5ème Chambre
ARRÊT N°-88
N° RG 19/07931 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QJ6D
M. [X] [N]
C/
Société MAAF ASSURANCES
S.A. SURAVENIR ASSURANCES
CPAM MORBIHAN
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Janvier 2023
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 01 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [X] [N]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Armelle PRIMA-DUGAST, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Guillaume FOURRIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
Société MAAF ASSURANCES
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Mathilde MOREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
S.A. SURAVENIR ASSURANCES
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Claire LE DIRAC'H, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
CPAM MORBIHAN ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 2]
[Localité 5]
***************
Le 3 juin 2016, entre les communes de [Localité 10] et de [Localité 11], M. [X] [N] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il pilotait sa moto Kawasaki immatriculé [Immatriculation 8], assurée pour les dommages corporels du conducteur auprès de la société MAAF assurances, suite à la collision avec le véhicule Dacia Logan conduit par M. [J] [B], assuré par la société Suravenir assurances.
Gravement blessé, notamment aux membres inférieurs, M. [X] [N] a sollicité et obtenu la désignation d'un expert par une ordonnance de référé du tribunal de Nantes du 23 novembre 2017. Le juge des référés a écarté sa demande de provision à l'encontre de la société Suravenir Assurances.
Par ordonnance du 26 janvier 2018, le juge chargé du contrôle des expertises a désigné le docteur [F] [O] en remplacement de l'expert initialement commis. Ce dernier a déposé son rapport le 19 avril 2018.
Par acte d'huissier délivré respectivement les 20, 23 et 24 juillet 2019, M. [X] [N] a fait assigner la société Suravenir assurances, la CPAM du Morbihan ainsi que la société MAAF assurances aux fins d'obtenir paiement d'une provision et la désignation à nouveau du docteur [F] [O] suite à la consolidation de son état.
Par jugement en date du 10 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a :
- dit que M. [X] [N] a commis une faute lors de l'accident du 3 juin 2016 excluant l'indemnisation des dommages qu'il a subis,
- débouté en conséquence M. [X] [N] de ses demandes,
- condamné M. [X] [N] à payer à la société Suravenir Assurances la somme de 450 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné M. [X] [N] aux dépens.
Le 10 décembre 2019, M. [X] [N] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 mars 2020, il demande à la cour de :
- réformer totalement le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 10 septembre 2019 et statuant à nouveau,
- dire et juger que M. [X] [N] n'a pas commis de faute de nature à exclure ou réduire son droit à indemnisation,
- condamner la société Suravenir assurances à l'indemniser de ses entiers préjudices,
- à titre subsidiaire, dire et juger que les circonstances sont indéterminées faute de témoins et en présence de la contestation des circonstances par les deux parties,
- à titre infiniment subsidiaire dire et juger que si le droit à indemnisation
devait être réduit, il serait fixé à 80 %,
- condamner la société Suravenir assurances à lui verser une provision de 80 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
- condamner Suravenir assurances à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et celle de 2 500 euros au titre de la procédure d'appel,
- condamner la société Suravenir assurances aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Par dernières conclusions notifiées le 8 avril 2020, la société MAAF assurances demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- dire que M. [X] [N] n'a pas commis de faute de nature à exclure ou réduire son droit à indemnité,
- en conséquence, condamner la société Suravenir assurances à l'indemniser de ses entiers préjudices,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal de céans devait considérer que M. [X] [N] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation :
- dire que son droit à indemnisation ne pourra être inférieur à 80 %,
En tout état de cause :
- condamner la société Suravenir assurances à verser à M. [X] [N] une provision dans le quantum sollicité à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
- décerner acte à la société MAAF Assurances des limites de sa garantie contractuelle à l'égard de M. [X] [N],
- débouter la société Suravenir assurances de toute demande plus ample ou contraire,
- condamner la société Suravenir assurances à verser à la société MAAF Assurances une somme d'un montant de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 30 mars 2020, la société Suravenir assurances demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 septembre 2019 dont appel,
En conséquence,
- dire et juger que M. [X] [N] a commis une ou des fautes de nature à exclure son droit à indemnisation,
- débouter M. [X] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre la société Suravenir assurances,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que M. [X] [N] a commis des fautes de nature à réduire son droit à indemnisation,
- dire que son droit à indemnisation ne saurait être supérieur à 20 %,
- mobiliser en ce sens la garantie contractuelle de la MAAF Assurances à l'égard de M. [X] [N],
En tout état de cause,
- condamner M. [X] [N] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La CPAM du Morbihan n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 10 mars 2020.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [X] [N] fait valoir qu'il n'a commis aucune faute de nature à exclure son droit à indemnisation. Il soutient que M. [J] [B] n'avait pas la visibilité suffisante pour s'engager dans la priorité à droite dont il était pourtant le bénéficiaire. Il argue également que, compte tenu du point d'impact entre les véhicules, il ne peut lui être reproché d'avoir refusé la priorité à droite et que M. [J] [B] a dû mordre sur la voie de gauche lors de son virage. Il ajoute qu'il n'a pas dépassé la vitesse maximale autorisée.
La société MAAF Assurances soutient que M. [X] [N] ne conduisait pas à une vitesse excessive. Elle reproche à M. [J] [B] de ne pas avoir eu une vitesse adaptée aux circonstances et ajoute qu'il aurait dû s'engager plus vite dans l'intersection.
Concernant le refus de priorité à droite de M. [X] [N], elle soutient que, compte tenu du point d'impact entre les véhicules, M. [X] [N] avait, soit dépassé la priorité à droite lorsque la voiture s'est engagée dans l'intersection et ce malgré la mauvaise visibilité en raison des herbes hautes, soit M. [J] [B] a mordu la voie de gauche, donc celle de M. [X] [N], en tournant à gauche à l'intersection.
En réponse, la société Suravenir assurances fait valoir que, d'après les éléments de la procédure pénale établie par les services de gendarmerie, deux fautes ont été commises par M. [X] [N] qui sont la cause exclusive de l'accident, à savoir un refus de priorité à droite et une vitesse excessive eu égard aux circonstances.
Il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
Sur le droit à indemnisation :
L'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur peut se voir opposer sa propre faute pour limiter ou exclure son droit à indemnisation des préjudices subis.
Il est de règle en la matière que la faute de la victime ayant contribué à son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur de sorte que le droit à indemnisation de M. [X] [N] ne doit pas être apprécié en considération du comportement de M. [J] [B]. Seules les éventuelles erreurs et violations du code de la route qui peuvent être reprochées à l'appelant doivent être examinées.
- Sur le refus de priorité à droite
L'article R. 415-1 du code de la route dispose que : tout conducteur s'approchant d'une intersection de routes doit vérifier que la chaussée qu'il va croiser est libre, circuler à allure d'autant plus modérée que les conditions de visibilité sont moins bonnes et, en cas de nécessité, annoncer son approche.
Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
Les procès verbaux établis par les services de gendarmerie font état que si M. [X] [N] n'a pas dépassé la vitesse maximale autorisée sur sa voie de circulation, il a tout de même repris de la vitesse à la sortie du virage qui précédait l'intersection, sans toutefois dépasser les 55km/h. Cette vitesse n'était pas adaptée à la configuration des lieux, aux abords de l'intersection au vu des éléments suivants :
- la présence d'une priorité à droite, annoncée 150 mètres en amont et signalée comme dangereuse,
- l'absence de stabilité des bas-côtés de la chaussée, l'étroitesse de la route et le fait qu'elle soit à double sens,
- la très mauvaise visibilité des véhicules arrivant dans la priorité à droite.
Au vu de ces éléments qui permettent d'établir les circonstances de l'accident, il apparaît que M. [X] [N] aurait du ralentir et non pas reprendre de la vitesse après le virage pour aborder le carrefour dangereux.
Par conséquent, M. [X] [N] a commis deux fautes de conduite distinctes :
- un refus de priorité à droite,
- une vitesse excessive non adaptée aux circonstances de lieux,
Ces deux fautes ont contribué de manière exclusive à la réalisation du dommage de sorte que les fautes commises par M. [X] [N] sont de nature à exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. Le jugement, qui a exclu le droit à indemnisation de M. [X] [N] et l'a débouté de toutes ses demandes notamment de sa demande de provision, sera confirmé.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant en son appel, M. [X] [N] sera condamné à verser la somme de 1 500 euros à la société Suravenir assurances au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel. La société MAAF Assurances sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [X] [N] à verser à la société Suravenir assurances la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
Condamne M. [X] [N] aux entiers dépens d'appel ;
Le greffier, La présidente,