5ème Chambre
ARRÊT N°-87
N° RG 19/07715 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QJEP
SARL BP IMMO 35
C/
Mme [M] [P]
Entreprise [L] [O]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SARL BP IMMO 35 prise en son établissement exerçant sous l'enseigne ARTHUR LOYD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, Plaidant, avocat au barreau D'ANGERS
INTIMÉES :
Madame [M] [P]
née le 30 Avril 1988 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Entreprise [L] [O] exerçant sous l'enseigne STUDIO DE PHOTOGRAPHIE [L] [O]
[Adresse 3]
[Localité 4]/FRANCE
Représentée par Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
***********
Par offre du 27 septembre 2017, Mme [M] [P], par l'intermédiaire de la société SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, a proposé d'acquérir le droit au bail portant sur les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 8] pour le prix de 50 000 euros appartenant à M. [L] [O].
Le compromis de cession a été signé entre les parties le 23 novembre 2017 assorti de conditions suspensives.
La cession du droit au bail par acte authentique devait être réalisée au plus tard le 31 juillet 2018 ou le 30 juin 2018 devant maître [D], notaire à [Localité 7].
En l'absence de contact avec maître [I], notaire de l'acheteuse, le notaire a adressé un courrier à Mme [P] le 11 juin 2018.
Par courrier du 22 juin 2018, Mme [P] a indiqué que le prêt avait été refusé par la banque.
Par acte d'huissier de justice du 11 juillet 2018, Mme [M] [P] a été sommée de se présenter en l'étude de maître [D] le 31 juillet 2018 à 17h30 en vue de la réitération de l'acte de cession de droit au bail.
Mme [M] [P] ne s'est pas présentée.
Maître [D] a rédigé un procès-verbal de carence.
Par acte d'huissier de justice du 15 février 2019, M. [L] [O] a fait assigner Mme [M] [P] devant le tribunal de Rennes.
Par jugement du 14 octobre 2019, le tribunal de Rennes a :
- dit que Mme [M] [P] est responsable du préjudice subi par M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de Photographie [L] [O],
- dit que la SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd est responsable du préjudice subi par M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O],
- condamné in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, à verser à M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] la somme de 15 000 euros au titre de la clause pénale,
- condamné in solidum Mme [M] [P] et SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, à verser à M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] la somme de 266,01 euros au titre des frais d'huissier et de notaire,
- condamné in solidum Mme [M] [P] et SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, à verser à M. [L] [O] exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] la somme de 5 000 euros au titre des dommages-intérêts,
- condamné in solidum Mme [M] [P] et SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd aux entiers dépens,
- condamné in solidum Mme [M] [P] et SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, à verser à M. [L] [O] exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le 28 novembre 2019, la société BP Immo 35 a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 novembre 2022, elle demande à la cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel, ses demandes, fins et conclusions,
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- débouter M. [L] [O] et Mme [M] [P] de toutes leurs demandes et prétentions à son égard,
A titre subsidiaire,
- condamner Mme [M] [P] à la garantir des condamnations qui seraient mise à sa charge,
En toute hypothèse,
- condamner Mme [M] [P] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [M] [P] à supporter les entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 11 mai 2020, Mme [M] [P] demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu, le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- débouter la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire
exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- et M. [L] [O] -exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O]- de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement rendu le 14 octobre 2019, par le tribunal de grande
instance de Rennes en ce qu'il a « dit que la SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, est responsable du préjudice subi par M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] »,
- infirmer le jugement rendu, le 14 octobre 2019, par le tribunal de grande instance de Rennes pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- limiter l'indemnité allouée à M. [L] [O] -exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O]- à la somme de 15 266,01 euros,
- en conséquence, débouter M. [L] [O] -exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] - de sa demande visant à ce que la somme de 7 000 euros lui soit versée à titre de dommages-intérêts,
- dire que la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd - est responsable du préjudice subi par M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O],
En conséquence,
- condamner la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
- débouter société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- de sa demande de garantie formée à son encontre,
A titre infiniment subsidiaire,
- échelonner le paiement des sommes mises à sa charge sur deux ans,
En tout état de cause,
- condamner la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- ou toute autre partie succombante en 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens et frais de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP VIA Avocats, représentée par maître Collet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2022, M. [L] [O] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a :
* dit que Mme [M] [P] est responsable de son préjudice,
* dit que la SARL BP Immo 35 est responsable de son préjudice,
* condamné in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 15 000 euros,
* condamné in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 266,01 euros,
* condamné in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser des dommages et intérêts,
* condamné in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 aux entiers dépens,
* condamné in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 14 octobre 2019 en ce qu'il a :
* limité à la somme de 5 000 euros la somme allouée à titre de dommages et intérêts,
* indiqué que la condamnation de la société BP Immo 35 au paiement de la somme de 15 000 euros l'est au titre de la clause pénale,
En conséquence, statuant à nouveau ;
- dire et juger que la condamnation de la Société BP Immo 35 à verser, in solidum, avec Mme [P] la somme de 15 000 euros, l'est à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de la clause pénale,
- condamner in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 7 000 euros au titre des dommages et intérêts,
A titre subsidiaire, si la responsabilité de la société BP Immo 35 est retenue en application de l'article 1231-1 du code civil :
- dire et juger que la société BP Immo 35 est responsable de son préjudice,
- dire et juger que Mme [M] [P] est responsable de son préjudice,
- condamner in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la clause pénale pour Mme [M] [P] et à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de la clause pénale pour la société BP Immo 35,
- condamner in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 266,01 euros,
- condamner in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 aux entiers dépens,
- condamner in solidum Mme [M] [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause :
- débouter Mme [M] [P] et la société BP Immo 35 de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires et plus amples,
Y additant :
- condamner in solidum Mme [P] et la SARL BP Immo 35 à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 11 mai 2020, Mme [M] [P] demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu, le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- débouter la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire
exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- et M. [L] [O] -exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O]- de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement rendu le 14 octobre 2019, par le tribunal de grande
instance de Rennes en ce qu'il a « dit que la SARL BP Immo 35, prise en son établissement de [Localité 8], le cabinet Arthur Loyd, est responsable du préjudice subi par M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] »,
- infirmer le jugement rendu, le 14 octobre 2019, par le tribunal de grande instance de Rennes pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- limiter l'indemnité allouée à M. [L] [O] -exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O]- à la somme de 15 266,01 euros,
- en conséquence, débouter M. [L] [O] -exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O] - de sa demande visant à ce que la somme de 7 000 euros lui soit versée à titre de dommages-intérêts,
- dire que la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd - est responsable du préjudice subi par M. [L] [O], exerçant sous l'enseigne Studio de photographie [L] [O],
En conséquence,
- condamner la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
- débouter société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- de sa demande de garantie formée à son encontre,
A titre infiniment subsidiaire,
- échelonner le paiement des sommes mises à sa charge sur deux ans,
En tout état de cause,
- condamner la société BP Immo 35 -prise en son établissement secondaire exerçant sous l'enseigne Arthur Loyd- ou toute autre partie succombante en 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens et frais de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP VIA Avocats,représentée par maître Collet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La SARL BP Immo explique qu'elle a conclu avec M. [O] un mandat non exclusif de cession de droit au bail portant sur un local à [Localité 8].
Elle signale qu'elle était contractuellement chargée d'accomplir deux missions : rechercher un acquéreur et rédiger un compromis de cession.
Elle indique qu'elle a procédé aux vérifications d'usage de la solvabilité de Mme [P] qui, selon elle, ne posait pas difficulté au regard de la modicité de la somme et de l'absence de recours à un emprunt.
Elle expose que son obligation, vis à vis du compromis, se limitait à vérifier l'efficacité juridique de l'acte et que cet acte est valable.
Elle signale que le compromis contient une décharge du rédacteur.
La SARL BP Immo 35 indique que le compromis ne contient pas une condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt ou ne prévoit pas un dépôt de garantie parce que les parties n'en ont pas eu la volonté.
Elle conteste avoir incité Mme [P] à conclure le compromis sans condition suspensive et elle s'oppose à la demande de garantie de Mme [P].
Elle soutient qu'un agent immobilier ne peut être condamné au titre de la clause pénale dès lors qu'il n'est pas partie à l'acte.
Si la cour venait à entrer en voie de condamnation, il demande que les dommages et intérêts alloués soient limités conformément à l'article 1231-1 du code civil.
Il déclare que le tribunal n'a pas motivé sa décision pour sa condamnation aux frais d'huissier et de notaire et les dommages et intérêts pour préjudice moral.
Mme [P] indique que la réitération de l'acte authentique est une condition de la cession et que tant que la cession n'a pas été réitérée par acte authentique, les parties sont en droit de se désister de leur engagement sans indemnité.
Elle conteste toute responsabilité de sa part.
À titre subsidiaire, elle discute les sommes réclamées par M. [O] et estime que l'agent immobilier doit la garantir en indiquant que la société BP Immo 35 ne s'est pas renseignée sur sa capacité financière, ne l'a pas informée des risques sur un achat sans prêt.
M. [O] explique que le compromis n'a pas été soumis à la condition d'obtention de prêt.
Il estime que la réitération de l'acte authentique est une formalité et non pas une condition de la cession.
Il souligne que l'agent immobilier n'a réalisé aucune diligence pour s'assurer des capacités de financement de Mme [P] et n'a pas pris la précaution de prévoir le versement d'un acompte. Il fait état des fautes de l'agent immobilier qui sont en relation avec son préjudice. Pour lui, l'absence de condition suspensive ou de dépôt de garantie résultent d'un défaut de conseil de la SARL BP Immo 35.
Il conteste la demande en délais de paiement de Mme [P].
* Sur la responsabilité de Mme [P].
Au visa de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le compromis de cession prévoit que :
- en son article 4 : la cession prendra effet à la date de signature de l'acte de vente définitif devant intervenir au plus tard le 31 juillet 2018. Cet acte constatera la réalisation définitive des conditions suspensives ci-après stipulées et le paiement intégral du prix ci-dessous convenu sous l'article 5 qui suit.
- en son article 6 : la présente convention est consentie et acceptée sous les conditions suspensives ci-après stipulées que les parties, chacune en ce qui les concerne, s'obligent à exécuter et accomplir, à savoir :
- purge du droit de préemption communal,
- certificat d'urbanisme informatif ne révélant aucune servitude publique,
- un état ne révélant aucune inscription de nantissement ou de privilèges sur le fonds,
- activité exercée : esthétique et beauté,
- la réitération de la cession s'effectuera par acte authentique à l'étude de maître [D],
- conclusion d'un nouveau contrat de bail commercial et accord du bailleur sur les travaux envisagés,
- absence d'un événement ou d'un fait majeur de nature à 'effectuer' de manière défavorable et significative les locaux loués,
- en son article 7 : les conditions suspensives devront être réalisées au plus tard le 15 mars 2018.
(...)
Si le compromis mentionne la réitération de l'acte par acte authentique dans le paragraphe sur les conditions suspensives, cette réitération ne peut être considérée comme telle puisqu'elle ne peut pas, par définition, être réalisée à une date antérieure à la date de signature de l'acte. Cette réitération par acte authentique constitue une formalité devant être réalisée avant une date.
Cette clause de réitération par acte authentique par laquelle les parties prévoient que la promesse fera l'objet d'une réitération par acte authentique dans un délai convenu s'analyse en principe comme un terme suspensif, simple modalité temporelle d'exécution d'une vente déjà formée.
Aucune clause suspensive n'a prévu l'obtention d'un financement.
Mme [P] devait donc réitérer l'acte authentique le 31 juillet 2018. Son refus de réitérer cet acte n'est pas justifié comme l'a indiqué le premier juge.
À défaut d'avoir respecté les clauses du compromis, la responsabilité de Mme [P] doit donc être retenue.
* Sur la responsabilité de la société BP Immo 35.
Selon une jurisprudence constante, dans l'exercice de sa profession l'agent immobilier peut être responsable du dommage subi par les personnes parties à l'opération et dont l'échec est imputable à sa faute professionnelle, le fondement de cette responsabilité étant contractuelle à l'égard de ses clients et délictuelle à l'égard des autres parties.
L'agent immobilier est tenu d'une obligation d'information et de conseil, Il s'agit d'une obligation de moyen. L'agent immobilier qui prête son concours, comme en l'espèce, à la rédaction d'un acte, doit s'assurer que se trouvent réunies toutes les obligations nécessaires à l'efficacité juridique de la convention même à l'égard de l'autre partie. Il n'est pas simplement qu'un porte-plume suivant les seules instructions des parties comme l'indique la société BP Immo 35.
Il doit ainsi s'assurer de la solvabilité de l'acquéreur de manière sérieuse.
La SARL BP Immo 35 ne produit aux débats aucun document sur la situation financière de Mme [P] au jour de la signature du compromis de vente. La SARL BP Immo 35 écrit qu'elle a procédé aux vérifications d'usage de la solvabilité de Mme [P], mais n'en apporte pas la preuve. Ainsi elle ne justifie d'aucune recherche sur la capacité de Mme [P] pour payer la somme de 50 000 euros, qui ne peut être considérée comme modeste comme l'affirme l'agent immobilier.
L'agent immobilier doit, le cas échéant, conseiller son mandant de prendre des garanties ou de le mettre en garde contre les risques d'insolvabilité. Force est de constater que la SARL BP Immo 35 n'a apporté à son mandat aucun conseil à ce titre.
Quant aux pressions exercées par l'agent immobilier pour signer un compromis sans condition suspensive d'obtention de prêt, elles sont démontrées par l'attestation de Mme [S] (associée de Mme [P]) et de M. [J] (ancien salarié de la SARL BP Immo 35) puisque l'un et l'autre précisent que M. [J] a signalé : je les ai informé que M. [O] avait reçu une offre d'un autre candidat. Je leur ai donc présenté les deux possibilités qui s'offraient à eux : soit proposer un prix supérieur, soit s'engager fermement en enlevant la condition suspensive de prêt. Le tout avec les conséquences de chacune des possibilités (...).
La pression est donc existante et ce d'autant plus que l'agent immobilier n'avait pas vérifié les capacités financières de Mme [P].
Devant ces manquements à ses obligations professionnelles, la responsabilité de la SARL BP Immo 35 doit être retenue (la clause contractuelle de décharge de responsabilité étant inopérante devant les fautes de l'agent immobilier).
* Sur les préjudices et pénalités.
L'article 18 du compromis mentionne : Il est convenu entre les parties qu'au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser la présente cession dans le délai imparti, sauf à justifier de la non-réalisation d'une condition suspensive, elle pourrait y être contrainte par tous les moyens et voies de droit en supportant les frais et poursuites et de recours en justice sans préjudices de tous dommages et intérêts, comme stipulé à l'article 11 (...). En tout état de cause, il est expressément convenu que la partie ayant refusé de procéder à la réitération de l'acte de cession sans justifier de la non réalisation d'une condition suspensive sera débitrice vis-à-vis de l'autre partie d'une somme de 15 000 euros à titre de pénalités.
En exécution de cet article, Mme [P], qui n'a pas régularisé l'acte authentique, est condamnée à payer à M. [O] la somme de 15 000 euros.
Elle est également condamnée à payer à M. [O] la somme de 266,01 euros au titre du coût de la sommation à comparaître du 11 juillet 2018 et du coût du procès-verbal de carence du 31 juillet 2018.
La SARL BP Immo 35 ne peut être tenue au paiement de la clause contractuelle précitée puisque cette clause a pour objet de sanctionner le non respect de ses engagements par une partie, qui n'est pas l'agent immobilier. Il appartient à M [O] de justifier de son préjudice qui doit être en relation directe avec les manquements de l'agent immobilier.
M. [O] réclame le paiement de la somme de 15 000 euros sans explication. Il est débouté de cette demande.
M. [O] sollicite le paiement d'une somme de 7 000 euros en faisant état d'un préjudice d'image et de notoriété ainsi que d'un préjudice lié à la perte de temps pour retrouver un repreneur.
Sur tous ces préjudices allégués, M. [O] n'a versé au dossier aucun élément probant. La cour ne peut vérifier si l'intéressé à dû reprendre son activité comme il l'affirme (ou s'il l'a poursuivie jusqu'à la vente), s'il a dû annuler la soirée de clôture, s'il a pu ou non vendre ultérieurement le droit au bail et dans quelles conditions.
Cette carence probatoire oblige la cour à débouter M. [O] de sa demande en paiement d'une somme de 7 000 euros.
* Sur le recours en garantie.
Même si Mme [P] a été fortement incitée à signer le compromis de cession sans mention d'une condition suspensive d'obtention de prêt, cette incitation n'était pas insurmontable et ce d'autant plus qu'elle indique elle-même qu'elle était accompagnée par d'autres personnes et que son offre d'achat est antérieure au compromis de près de deux mois, laissant à Mme [P] le temps de trouver un financement ou non.
Elle est déboutée de sa demande en garantie.
* Sur les délais de paiement.
Au visa de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Les sommes sont dues depuis plus de 3 années.
Mme [P] verse au dossier un avis d'impôt 2019 sur les revenus 2018, une attestation de Pôle Emploi pour l'année 2019.
La cour ne dispose d'aucun document sur une situation personnelle et financière plus actuelle de Mme [P] qui a d'ores et déjà bénéficié de larges délais.
Mme [P] est déboutée de sa demande de délais.
* Sur les autres demandes.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [P] est condamnée à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros.
La SARL BP Immo 35 est déboutée de sa demande en frais irrépétibles.
Succombant principalement en appel, Mme [P] est condamnée à en supporter les dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement entrepris :
- en ce qu'il a :
- déclaré Mme [P] responsable du préjudice subi par M. [O],
- condamné Mme [P] à payer à M. [O] la somme de 15 000 euros au titre de la clause pénale et 266,01 euros au titre des frais d'huissier et de notaire,
- en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens ;
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [L] [O] de ses demandes dirigées contre la SARL BP Immo 35 ;
Déboute M. [O] de sa demande en dommages et intérêts ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [P] de sa demande en garantie dirigée contre la SARL BP Immo 35 ;
Déboute Mme [P] de sa demande en délai ;
Déboute la SARL BP Immo 35 de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne Mme [P] aux dépens d'appel.
La greffière La présidente