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24/02/2023 | FRANCE | N°20/01647

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 24 février 2023, 20/01647


2ème Chambre





ARRÊT N°108



N° RG 20/01647

N° Portalis DBVL-V-B7E-QRQB













Mme [Y] [T]



C/



LE CREDIT LOGEMENT



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me LAURENT

- Me RINCAZAUX



RÉPUBLIQ

UE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,


...

2ème Chambre

ARRÊT N°108

N° RG 20/01647

N° Portalis DBVL-V-B7E-QRQB

Mme [Y] [T]

C/

LE CREDIT LOGEMENT

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me LAURENT

- Me RINCAZAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Janvier 2023

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [Y] [T]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6] (56)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Louis LAURENT de la SCP WANSCHOOR ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMÉE :

LE CREDIT LOGEMENT

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Elizabeth RINCAZAUX de la SELARL LE MAGUER RINCAZAUX EISENECKER BOHELAY EHRET GUENNEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable de crédit immobilier acceptée le 2 juin 2008, la société BNP Paribas (la BNP) a, en vue de financer l'acquisition d'une résidence principale et des travaux de rénovation, consenti à Mme [Y] [T] :

un prêt de 187 200 euros au taux de 4,71 % l'an, remboursable en 216 mensualités de 1 139,84 euros puis 36 mensualités de 966,69 euros et 48 mensualités de 1 152,98 euros,

un prêt à taux zéro de 8 800 euros, remboursable en 216 mensualités de 13,19 euros puis 36 mensualités de 186,34 euros.

Par actes sous signature privée du 9 mai 2008, la société Crédit logement (le Crédit logement) s'est portée caution du bon remboursement de ces prêts.

Par jugement du 3 octobre 2013, le tribunal d'instance de Lorient a suspendu l'obligation de remboursement de l'emprunteuse pendant 24 mois.

Prétendant que Mme [T] n'avait pas repris le paiement des mensualités de remboursement à l'issue de ce moratoire en dépit d'une lettre recommandée de mise en demeure de régulariser l'arriéré sous huitaine en date du 27 avril 2016, la BNP s'est, par un second courrier recommandé du 3 janvier 2018, prévalue de la déchéance du terme des deux prêts.

Puis, selon quittances subrogatives du 15 mars 2018, le Crédit logement a versé au prêteur les sommes de 8 068,73 euros au titre du prêt à taux zéro et de 173 524,25 euros au titre du prêt à intérêt.

Soutenant avoir vainement mis l'emprunteuse en demeure de lui rembourser ces sommes en principal et accessoires par lettre recommandée du 13 mars 2018, le Crédit logement a, selon ordonnance du juge de l'exécution en date du 13 juillet 2018, été autorisé à inscrire une hypothèque provisoire sur l'immeuble financé, puis, par acte du 24 juillet 2018, a fait assigner Mme [T] en paiement devant le tribunal de grande instance de Lorient sur le fondement de ses recours personnel et subrogatoire.

Par jugement du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire a :

condamné Mme [T] à payer au Crédit logement la somme de 5 324, 16 euros au titre du prêt à taux zéro arrêtée à la date du 16 avril 2019, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2019,

condamné Mme [T] à payer au Crédit logement la somme de 175 167, 79 euros au titre du prêt à intérêt arrêtée à la date du 16 avril 2019, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2019,

ordonné la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière,

condamné Mme [T] à payer au Crédit logement la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné Mme [T] aux dépens, comprenant les frais de procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et les frais de l'inscription d'hypothèque définitive,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Mme [T] a relevé appel de cette décision le 9 mars 2020, pour demander à la cour de la réformer et de :

à titre principal, juger que le Crédit logement ne justifie ni de la réalité des paiements opérés au profit de la BNP, ni de la concomitance de ces paiements avec les quittances sur lesquelles il fonde son action subrogatoire,

en conséquence, que son action soit fondée sur son recours personnel ou subrogatoire, débouter le Crédit logement de ses demandes,

à titre subsidiaire, confirmer la décision attaquée,

en tout état de cause, condamner le Crédit logement au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le Crédit logement demande quant à lui à la cour de :

débouter Mme [T] de ses demandes,

condamner Mme [T] au paiement :

au titre du prêt à intérêt, la somme de 176 599,46 euros en principal et intérêts arrêtés au 8 juillet 2020, outre intérêts postérieurs au taux légal,

au titre du prêt à taux zéro, la somme de 6 867,69 euros en principal, intérêts et accessoires selon décompte arrêté au 8 juillet 2020, outre intérêts postérieurs au taux légal,

dire que les intérêts seront capitalisables annuellement en vertu des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

condamner Mme [T] au paiement d'une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de la procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et ceux de la procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive,

ordonner l'exécution provisoire du 'jugement à intervenir nonobstant appel ou opposition et sans caution' (sic).

Les parties ont été invitées à s'expliquer par note en délibéré sur l'interdiction de la capitalisation des intérêts édictée, en matière de crédit immobilier, par l'article L. 312-23 devenu L. 313-49 du code de la consommation.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme [T] le 9 novembre 2022 et pour le Crédit logement le 16 juillet 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 décembre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour contester la demande en paiement formée à son encontre par le Crédit logement, Mme [T] soutient que la caution, qui ne pourrait exercer à la fois le recours personnel de l'article 2305 du code civil et le recours subrogatoire de l'article 2306, exerce nécessairement le recours subrogatoire puisque la requête en inscription d'hypothèque provisoire invoquait ce seul fondement, que ce recours subrogatoire serait infondé faute pour la BNP d'avoir expressément mentionné dans ses quittances qu'elle subrogeait la caution et de prouver que cette subrogation a été concomitante au paiement, et qu'en toute hypothèse, le recours personnel serait lui aussi dénué de fondement dès lors que la réalité des paiements invoqués par la caution ne serait pas prouvée.

Cependant, le Crédit logement produit deux quittances du 15 mars 2018 par lesquelles la BNP certifie avoir reçu de celui-ci des paiement à hauteur de 8 068,73 euros au titre du prêt à taux zéro et de 173 524,25 euros au titre du prêt à intérêt, démontrant ainsi à plus suffire avoir honoré, en due concurrence de ces montants, ses engagements de caution.

D'autre part, les premiers juges ont exactement rappelé que la caution ayant honoré son engagement à l'égard du créancier principal peut agir à la fois sur le fondement du recours personnel de l'article 2305 du code civil et du recours subrogatoire de l'article 2306, ce que fait expressément le Crédit logement dans sa procédure au fond, peu important que seul le recours subrogatoire ait été évoqué dans la requête en inscription d'hypothèque judiciaire provisoire présentée au juge de l'exécution.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles 1251, 3°, dans sa rédaction applicable à la cause, et 2306 du code civil que le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut prétendre bénéficier de la subrogation légale si, par son paiement, il a libéré, envers leur créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette, de sorte que la société de caution qui, en payant la banque, s'acquitte d'une dette personnelle née de son engagement de caution et libère l'emprunteur sur qui pèse la charge définitive de la dette, est de plein droit subrogée dans les droits et actions de celle-ci.

Dès lors, il importe peu que les règlements n'aient pas été effectués concomitamment à l'établissement des quittances et que la BNP n'y ait pas expressément subrogé le Crédit logement dans ses droits et actions, puisque la subrogation légale de la caution n'est pas soumise aux dispositions de l'article 1250 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, qui ne sont applicables qu'aux subrogations conventionnelles.

Il s'en évince que le Crédit logement est bien fondé à agir contre Mme [T], tant au titre de son recours personnel que de son recours subrogatoire.

Par ailleurs, il est de principe que la caution peut, au titre de son recours personnel, obtenir le paiement des intérêts de retard à compter du jour de son paiement.

Ayant à juste titre relevé que la date d'un premier règlement partiel, que le Crédit mutuel prétendait avoir effectué au titre du prêt à intérêt, n'était pas certaine, les premiers juges ont donc pertinemment condamné Mme [T] au paiement, au titre de ce prêt, de la somme de 173 524,25 euros majorée des intérêts au taux légal échus entre la quittance du 15 mars 2018 et l'arrêté de compte du 16 avril 2019, soit, au total, 175 167,79 euros.

Il sera toutefois précisé que ces intérêts de retard ne pourront courir que sur le principal de 173 524,25 euros, compte tenu de ce qui sera décidé ci-après relativement à la capitalisation des intérêts.

En outre, ayant exactement relevé que Mme [T] avait réalisé, au titre du prêt à taux zéro, des versements d'un montant total de 2 800 euros postérieurement à la quittance du 15 mars 2018, et qu'il y avait donc lieu de les déduire de la somme quittancée de 8 068,73 en les imputant d'abord sur les intérêts légaux ayant couru à compter du jour de la quittance puis sur le principal, les premiers juges ont à juste titre considéré que le solde en principal restant dû au titre de ce prêt était de 5 324,16 euros au jour de l'arrêté de compte du 16 avril 2019.

Mme [T] a donc été pertinemment condamnée au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2019.

En revanche, c'est à tort que le jugement attaqué a autorisé le Crédit logement à capitaliser les intérêts.

En effet, il est de principe que, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts la règle d'ordre public édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, selon lequel aucune indemnité, ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, cette prohibition de l'anatocisme concernant tant l'action du prêteur contre l'emprunteur que les recours personnel et subrogatoire exercés contre celui-ci par la caution.

Le jugement attaqué sera donc réformé de ce chef, la cour relevant cette règle d'office en application de l'article R. 632-1 du code de la consommation.

Partie principalement succombante, Mme [T] supportera les dépens d'appel.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge du Crédit logement l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Lorient, en ce qu'il a autorisé la capitalisation des intérêts ;

Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à préciser que les intérêts au taux légal sur la somme due au titre du prêt à intérêt ne pourront courir que sur le principal de 173 524,25 euros ;

Condamne Mme [Y] [T] à payer à la société Crédit logement une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Y] [T] aux dépens d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01647
Date de la décision : 24/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-24;20.01647 ?
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