2ème Chambre
ARRÊT N°107
N° RG 20/01362
N° Portalis DBVL-V-B7E-QQNK
SA COREAL
C/
M. [Z] [T]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me DEMIDOFF
- Me LE MENN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 24 FEVRIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Janvier 2023
devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SA COREAL
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [Z] [T]
né le 07 Mars 1961 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Julien LE MENN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Z] [T] a, pour les besoins de son activité d'éleveur de porcs, procédé le 22 décembre 2011 à l'ouverture d'un compte client auprès de la société Coréal, vendeur d'aliments pour bétail.
Prétendant que M. [T] restait débiteur de 7 factures de livraison d'aliments pour bétail émises entre décembre 2017 et mai 2018 et laissées impayées en dépit de mises en demeure des 8 juin et 20 septembre 2018, la société Coréal l'a, par acte du 12 mars 2019, fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Quimper.
Estimant que l'existence d'un lien contractuel n'était pas démontrée en l'absence de commande de fournitures et en présence de bons de livraison sur lesquels ne figurait ni la signature du chauffeur, ni celle de M. [T], le premier juge a, par jugement du 11 février 2020 :
débouté la société Coréal de toutes ses demandes,
condamné la société Coréal aux dépens et à payer à M. [T] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société Coréal a relevé appel de ce jugement le 25 février 2020, pour demander à la cour de l'infirmer et de :
condamner M. [T] à lui payer la somme de 55 424,10 euros,
condamner M. [T] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
M. [T] conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué.
À titre subsidiaire, il demande à la cour de débouter la société Coréal de sa réclamation concernant les intérêts, frais, indemnités et clause pénale.
Il sollicite enfin la condamnation de la société Coréal au paiement d'une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Coréal 25 mai 2020 et pour M. [T] le 17 septembre 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 10 novembre 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Au soutien de son appel, la société Coréal fait valoir que, depuis l'ouverture de son compte le 22 décembre 2011, M. [T] s'est fourni auprès d'elle en aliments pour bétails, que, dans le contexte d'une relation d'affaire continue, les livraisons seraient intervenues à raison de plusieurs par semaine, et que si, pour certaines factures, les bons n'étaient pas émargés, elles auraient néanmoins fait l'objet de règlements.
Elle en déduit que l'absence de bon de commande et de signature sur les bons de livraison ne saurait, au regard des pratiques entre les parties, permettre à M. [T] de s'exonérer de son obligation de paiement.
Cependant, M. [T] expose avoir toujours contesté la commande et la livraison d'aliments correspondant aux 7 factures litigieuses, et que, s'il apparaît une signature sur certains bons de livraison, il dénie en être l'auteur.
Il produit à cet égard des bons de commande antérieurs à la période visée par la procédure qui portent effectivement la signature du chauffeur et la sienne attestant de la réception de la marchandise, à la différence de ceux objets de la présente procédure.
Aux termes des articles 287 et suivants du code de procédure civile, si l'une des parties dénie, à titre incident, l'écriture qui lui est attribuée sur un acte sous signature privée lui étant opposé au cours d'une procédure, le juge doit vérifier l'écrit contesté, si celui-ci est indispensable à la solution du litige, au vu des éléments dont il dispose ou après avoir enjoint aux parties de fournir des pièces de comparaison ou des échantillons d'écritures, le cas échéant en ordonnant leur comparution personnelle ou, même, une expertise.
En l'occurrence, M. [T] produit une copie de son permis de conduire, une attestation de sincérité de sa signature, 3 bons de livraison émis par la société Coréal aux mois de juillet, août et septembre 2017 sur une période antérieure aux commandes litigieuses, ainsi que des bons de livraison auprès des coopératives Cecab et Cooperl sur une période comprise entre juillet 2018 et septembre 2019 à une époque concomitante à la signature figurant sur les bons de livraison litigieux.
La cour dispose par conséquent d'ores et déjà des éléments suffisants pour procéder à la vérification d'écriture.
À cet égard, il ressort du rapprochement de l'ensemble de ces pièces de comparaison que la signature portée sur plusieurs bons de commande émis au cours de la période litigieuse est indubitablement sans rapport avec la véritable signature de M. [T] figurant sur l'ensemble de ses documents officiels ou professionnels, laquelle comporte son nom en lettres minuscules.
La signature portée sur ces bons de livraison, à un emplacement de surcroît autre que celui réservé à la signature du chauffeur et du client, est donc inopérante pour attester de la réception des aliments par le client.
D'autre part, à supposer même que l'usage dispenserait la société Coréal d'obtenir la signature du client sur les bons de livraison des commandes qu'elle facture, il demeure qu'elle est tenue, conformément à l'article 1315 devenu 1353 du code civil, de démontrer l'existence de l'obligation de paiement dont elle réclame l'exécution.
Or, elle se borne à produire les factures litigieuses dont elle réclame le paiement, sans le moindre bon de commande correspondant à ces factures, ainsi que des bordereaux de livraison sur lesquels ne figure ni la signature de M. [T], ni même celle du chauffeur.
Les attestations des chauffeurs mentionnant avoir livré des aliments pour l'alimentation de porcs dans l'exploitation de M. [T] sont quant à elles inopérantes pour établir la réalité des livraisons correspondantes aux factures litigieuses, aucune indication n'étant donnée par ces derniers sur les dates de livraison et les quantités livrées alors que les parties conviennent qu'elles ont effectivement été en relation d'affaires au titre d'autres fournitures que celles laissées impayées.
Il en résulte que la société Coréal n'apporte pas la preuve suffisante de la fourniture d'aliments pour bétails correspondant aux 7 factures litigieuses, et n'est donc pas fondée à en réclamer le paiement.
Il convient par conséquent de confirmer en tous points le jugement attaqué.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de M. [T] l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 11 février 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper ;
Condamne la société Coréal à payer à M. [Z] [T] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Coréal aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT