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24/02/2023 | FRANCE | N°20/00298

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 24 février 2023, 20/00298


2ème Chambre





ARRÊT N° 117



N° RG 20/00298 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMXO





(1)







MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

SA MMA IARD



C/



Mme [Y] [M]

AELIS PATRIMOINE



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :

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à :

-Me [D] [K]

-Me [W] [T]

-Me Céline DEMAY











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 FEVRIER 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Mons...

2ème Chambre

ARRÊT N° 117

N° RG 20/00298 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMXO

(1)

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

SA MMA IARD

C/

Mme [Y] [M]

AELIS PATRIMOINE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me [D] [K]

-Me [W] [T]

-Me Céline DEMAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Février 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTES :

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe GLASER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SA MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Philippe GLASER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Madame [Y] [M]

née le 18 Avril 1952 à[Localité 7]E

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Axel DE VILLARTAY de la SCP VIA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Maï LE PRAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

AELIS PATRIMOINE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Céline DEMAY de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Dounia HARBOUCHE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

3

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 11 décembre 2007, Mme [Y] [M], sur les conseils de la société AJS partenaires devenue Aelis patrimoine, a investi la somme de 150 000 euros dans des sociétés en participation ayant pour finalité l'acquisition et l'exploitation de centrales photovoltaïques créées et gérées par la société Dom-Tom défiscalisation, ci-après dénommée la société DTD, afin de bénéficier de réductions d'impôts s'inscrivant dans le cadre de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 dispositif communément désigné par le terme Girardin industriel.

 

Le 22 décembre 2010, Mme [Y] [M] a reçu de l'administration fiscale une proposition de rectification de la réduction d'impôt concernant l'année 2007 au motif notamment que les investissements n'avaient pas été réalisés à la date du 31 décembre 2007.

 

Suivant acte d'huissier en date du 25 juin 2013, Mme [Y] [M] a assigné la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ses assureurs venus aux droits de la société Covea risks, devant le tribunal de grande instance de Rennes.

 

Suivant jugement en date du 9 janvier 2020, le tribunal de grande instance de Rennes devenu tribunal judiciaire de Rennes a :

 

Dit que la société AJS partenaires devenue Aelis patrimoine avait commis des fautes engageant sa responsabilité.

Condamné la société Aelis patrimoine à payer à Mme [Y] [M] :

La somme de 265 413 euros au titre du préjudice supporté par elle du fait de ses manquements.

La somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral.

La somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Aelis patrimoine des condamnations mises à sa charge en application de son contrat RCP et suivant une garantie contractuelle annuelle plafonnée à 4 000 000 d'euros et d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation DTD.

Condamné la société Aelis patrimoine sous les mêmes garanties aux dépens.

 

Suivant déclaration en date du 15 janvier 2020, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles ont interjeté appel.

 

Suivant conclusions en date du 25 juin 2020, la société Aelis patrimoine a interjeté appel incident.

 

Suivant conclusions en date du 22 juillet 2020, Mme [Y] [M] a interjeté appel incident.

 

En ses dernières conclusions en date du 3 octobre 2022, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :

 

Vu l'article 1147 du code civil,

Vu l'article L. 112-6 du code des assurances,

 

Infirmer le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

Débouter Mme [Y] [M] de ses prétentions.

À titre subsidiaire,

Réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation accordée à Mme [Y] [M].

Déclarer que le sinistre résultant de la mise en cause de la responsabilité de la société Aelis patrimoine dans le cadre de la souscription par son entremise des produits DTD constitue un sinistre sériel en application du plafond prévu aux termes de la garantie des sociétés MMA.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnées à garantir la société Aelis patrimoine de toute condamnation mise à sa charge en application de son contrat RCP et suivant une garantie contractuelle plafonnée à 4 000 000 d'euros et d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation DTD.

En tout état de cause,

Condamner Mme [Y] [M] à leur payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens de l'instance dans distraction au profit de Me [D] [K] en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

En ses dernières conclusions en date du 22 septembre 2022, Mme [Y] [M] demande à la cour de :

 

Vu les articles L. 541-1 et suivants du code monétaire et financier,

 

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : 

 

Dit que la société AJS partenaires devenue Aelis patrimoine avait commis des fautes engageant sa responsabilité.

Condamné la société Aelis patrimoine à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société Aelis patrimoine aux dépens.

 

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : 

 

Condamné la société Aelis patrimoine à lui payer :

La somme de 265 413 euros au titre du préjudice supporté par elle du fait de ses manquements.

La somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral.

Condamné la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Aelis patrimoine des condamnations mises à sa charge en application de son contrat RCP et suivant une garantie contractuelle annuelle plafonnée à 4 000 000 d'euros et d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation DTD.

 

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

Condamner in solidum la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelle à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas investir dans le montage conseillé au titre de l'année 2007.

Les condamner in solidum à lui payer la somme de 47 823 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas être assujettie aux majorations et pénalités de retard résultant du redressement fiscal.

Les condamner in solidum à lui payer la somme de 13 047 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel tenant à l'imposition supplémentaire mise à sa charge au titre de l'année 2012 en raison du déblocage des fonds de son contrat d'assurance-vie Suravenir.

Les condamner in solidum à lui payer la somme de 67 590 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de réaliser une opération de défiscalisation efficace et pertinente.

Les condamner in solidum à lui payer la somme de 10 238,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel tenant aux frais engagés dans le cadre du contentieux fiscal auquel elle a été soumise.

Les condamner in solidum à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant du redressement fiscal notifié.

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne prononçait pas la condamnation in solidum de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles concernant le versement des dommages-intérêts destinés à réparer les préjudices subis par elle,

Condamner la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Aelis patrimoine de toutes les condamnations mises à sa charge en application de son contrat RCP.

En conséquence,

Condamner in solidum la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à lui payer au titre de la garantie de la responsabilité de la société Aelis patrimoine les sommes suivantes :

150 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas investir dans le montage conseillé au titre de l'année 2007.

47 823 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas être assujettie aux majorations et pénalités de retard résultant du redressement fiscal.

13 047 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi par elle tenant à l'imposition supplémentaire mise à sa charge au titre de l'année 2012 en raison du déblocage des fonds de son contrat d'assurance-vie Suravenir.

67 590  euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de réaliser une opération de défiscalisation efficace et pertinente.

10 238 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi par elle tenant aux frais engagés dans le cadre du contentieux fiscal auquel elle a été soumise.

20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par elle résultant du redressement fiscal notifié.

À titre infiniment subsidiaire,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Aelis patrimoine à lui payer la somme de 265 413,00 euros au titre du préjudice supporté par elle du fait de ses manquements.

Condamner la sociétés MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Aelis patrimoine de toutes condamnations prononcées à son encontre au titre de l'investissement réalisé par elle.

En tout état de cause,

Condamner in solidum la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à lui payer  la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les condamner in solidum aux dépens.

Assortir le montant des condamnations des intérêts au taux légal.

Écarter la globalisation des sinistres ainsi que la reconnaissance d'un sinistre sériel sollicité par la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles.

Débouter la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Débouter la société Aelis patrimoine de son appel incident ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

 

En ses dernières conclusions en date du 23 septembre 2022, la société Aelis patrimoine demande à la cour de :

 

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamné la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à la garantir des condamnations mises à sa charge en application de son contrat RCP et suivant une garantie contractuelle annuelle plafonnée à 4 000 000 d'euros et d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation DTD et l'infirmer pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Débouter Mme [Y] [M] de ses demandes.

À titre subsidiaire,

Condamner la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à la garantir des condamnations mises à sa charge en application de son contrat RCP et suivant une garantie contractuelle annuelle plafonnée à 4 000 000 d'euros et d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation DTD et l'infirmer pour le surplus.

Dire qu'elle ne sera pas tenue de s'acquitter de la franchise de 15 000 euros dans l'hypothèse où cette franchise aurait d'ores et déjà été mis à sa charge dans le cadre d'un sinistre sériel DTD.

En tout état de cause,

Condamner Mme [Y] [M] à lui payer la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. 

La condamner aux dépens dont distraction au profit de la société Depasse, [L], Quesnel & [G] représentée par Me Céline Demay conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

 

Sur les fautes reprochées à la société Aelis patrimoine.

 

Mme [Y] [M] fait valoir que la société AJS partenaires devenue Aelis patrimoine lui a recommandé de souscrire des parts dans le cadre d'une prise de participation au sein de sociétés en participation par l'intermédiaire de la société DTD. Elle soutient que les opérations en cause doivent être qualifiées d'opérations sur biens divers au sens de l'article L. 550-1 du code monétaire et financier et que la société Aelis patrimoine avait la qualité de conseiller en investissements financiers à cet égard.

 

L'investissement litigieux consistait à acquérir, au travers de sociétés en participation, une quote-part indivise du matériel de production photovoltaïque d'électricité dont la gestion était assurée par la société DTD. Le matériel était fourni puis loué à une société appartenant au groupe auquel appartenait la société DTD. La société Aelis patrimoine a donc conseillé à Mme [Y] [M] l'acquisition de droits sur des biens mobiliers ou immobiliers dont elle n'assurait pas elle-même la gestion et s'est ainsi livrée à une activité de conseiller en investissements financiers au sens des articles L. 541-1 et L. 550-1 du code monétaire et financier dans leur rédaction applicable à la cause, peu important que ce conseil n'ait pas été précédé d'un démarchage dès lors qu'il s'inscrivait dans le cadre d'une activité habituelle d'intermédiation.

 

Mme [Y] [M] reproche à la société Aelis patrimoine de n'avoir pas adopté un comportement loyal, équitable et de ne pas s'être comportée avec la compétence, le soin et la diligence nécessaires à la satisfaction de ses intérêts. Elle lui reproche encore de ne pas lui avoir remis l'ensemble des documents d'information qu'elle était tenue de lui remettre notamment au regard des exigences des articles 335-3 et suivants du règlement de l'AMF.

 

Mme [Y] [M] considère que la société Aelis patrimoine a manqué à son obligation d'information et de conseil en lui vantant la sécurité et la fiabilité des investissements litigieux alors que la chambre des indépendants du patrimoine à laquelle elle appartenait avait attiré l'attention de ses membres sur les précautions à prendre concernant les opérations éligibles au dispositif d'incitation fiscale dit « Girardin » et sur la survenance de problèmes d'exploitation pouvant entraîner un redressement fiscal pour les investisseurs. Elle lui reproche de ne pas avoir vérifié les conditions de réalisation du montage qu'elle conseillait.

 

En sa qualité de conseiller en investissements financiers, la société Aelis patrimoine était, aux termes de l'article L. 541-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la cause, tenue de se comporter avec loyauté et d'agir avec équité au mieux des intérêts de sa cliente, et notamment de s'enquérir auprès d'elle, avant de formuler un conseil, de ses connaissances et de son expérience en matière d'investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs d'investissement, et de lui proposer en agissant avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposaient et en mettant en 'uvre les ressources et les procédures nécessaires avec un souci d'efficacité, une offre de services adaptée à sa situation et proportionnée à ses besoins et à ses objectifs.

 

En outre, aux termes des articles 325-5 et 325-7 du règlement général de l'AMF dans leur rédaction applicable à la cause, toutes les informations devaient présenter un caractère exact, clair et non trompeur, le conseil à la cliente devant être formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques encourus en se fondant sur l'appréciation de la situation financière de celle-ci et son expérience en matière financière ainsi que sur ses objectifs en matière d'investissements.

 

S'il n'appartenait pas au conseiller en investissements financiers, qui n'est pas le concepteur du montage, de vérifier sur place l'évolution des investissements, ni de garantir le bon achèvement des installations financées, il se devait, avant de proposer un investissement à sa cliente, de se renseigner sur la situation financière des sociétés financées et les communications diverses qui pouvaient les concerner ainsi que sur le bien-fondé des opérations fiscales envisagées.

 

Comme relevé par le premier juge, la société Aelis patrimoine ne pouvait ignorer que le fait de transmettre le règlement dans un délai extrêmement court, le 11 décembre 2007, était susceptible d'exposer sa cliente à un risque de redressement fiscal du fait de l'absence d'investissement réel dans une activité productive avant le 31 décembre 2007.

 

La lecture du dossier de présentation et des textes fiscaux applicables aurait dû conduire le conseiller en investissements financiers à relever que l'avantage fiscal était conditionné à la réalisation de conditions précises et qu'il ne pouvait en aucun cas être considéré comme acquis du seul fait du transfert des fonds vers la société DTD. La société Aelis patrimoine aurait dû s'interroger sur les modalités d'acquisition et de livraison des matériels aux utilisateurs finaux et la date à laquelle l'investissement productif serait réalisé au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la cause.

 

Ce d'autant que la société Aelis patrimoine était membre de la chambre des indépendants du patrimoine et, à supposer qu'elle n'ait pas été directement destinataire des notes émises par cette chambre, elle y avait pour le moins accès et aurait notamment dû avoir son attention attirée par celle du 7 septembre 2007 relative aux précautions à prendre concernant les opérations éligibles au dispositif d'incitation fiscale « Girardin », au fait que l'administration fiscale remettait en cause un grand nombre d'opérations notamment en raison de la survenance de problèmes d'exploitation, ce qui devait conduire à délivrer par écrit un niveau d'information irréprochable sur le risque fiscal toujours présent dans ce type d'opérations.

 

L'opération de défiscalisation proposée présentait un risque sérieux de remise en cause par l'administration fiscale que la société Aelis patrimoine connaissait ou aurait dû connaître du fait notamment de la nature même du montage, basé sur un mécanisme complexe conçu dans le seul but d'exploiter, à la seule fin d'éviter le paiement de l'impôt, les limites d'un dispositif légal très généreux élaboré en vue d'encourager les investissements industriels dans l'économie réelle des collectivités françaises d'outre-mer, et en raison des nombreux aléas qui pouvaient surgir pour parvenir à une mise en service des biens ainsi financés avant la fin de l'année où l'investissement avait été réalisé.

 

La société Aelis patrimoine ne pouvait raisonnablement considérer cet investissement comme dépourvu de risques particuliers excédant les risques normaux d'une opération de défiscalisation connus de tous au seul motif que le montage avait été vérifié par des avocats fiscalistes et bénéficiait d'une garantie du risque fiscal, alors que les études avaient été réalisées à la demande de la société DTD sans garantie d'indépendance vis-à-vis du donneur d'ordre et contredites par l'avis d'autres analystes dont elle ne pouvait ignorer l'existence. La garantie fournie par une société liée à la société DTD, dont l'implication dans l'opération pouvait la conduire à la déconfiture en cas d'échec industriel ou commercial, et non par un établissement indépendant et qualifié, était pour le moins illusoire.

 

La société Aelis patrimoine a collecté des fonds pour le montage conçu par la société DTD sans avertir sa cliente des risques que certains analystes avaient mis en avant. L'opération de défiscalisation a été intégralement remise en cause par l'administration fiscale qui a procédé à un redressement fiscal que les divers recours administratifs exercés par Mme [Y] [M] sur les conseils de la société Aelis patrimoine n'ont pu éviter.

 

La société Aelis patrimoine a par conséquent manqué à son obligation de conseil en ne proposant pas à Mme [Y] [M], dont il n'est pas démontré qu'elle disposait de connaissances particulières en matière fiscale, un investissement dont l'objectif de défiscalisation avait une meilleure chance d'aboutir.

 

Sur le préjudice.

 

Le premier juge a retenu que la perte de la somme de 150 000 euros était une conséquence attendue de l'investissement, la finalité étant de bénéficier d'un avantage fiscal de 219 413 euros. Il a chiffré le préjudice subi à la perte de l'avantage fiscal augmenté des pénalités pour 21 759 euros et des intérêts de retard pour 26 064 euros.

 

La perte en capital était clairement identifiée comme un risque inhérent au montage fiscal dans le dossier de souscription. Celui-ci dans le paragraphe « sur le plan de la trésorerie » précisait en effet que les associés réalisaient un apport en numéraire par principe non récupérable. La garantie promise ne portait que sur la remise en cause éventuelle de l'avantage fiscal. Mme [Y] [M] n'est pas fondée à solliciter la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas investir dans le montage conseillé au titre de l'année 2007.

 

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil consiste en une perte de chance de ne pas contracter. Si le conseiller en investissements financiers avait correctement exécuté ses obligations d'information et de conseil, Mme [Y] [M] aurait pu éviter d'investir dans le montage défectueux conçu par la société DTD.

 

S'il est de principe qu'un préjudice ne peut découler du paiement de l'impôt auquel un contribuable est légalement tenu, il en va autrement s'il est établi que, dûment et correctement informé et conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre. Le mécanisme de défiscalisation existait légalement et aurait pu être efficacement mise en 'uvre si Mme [Y] [M] avait été orientée vers des investissements sérieux entrant de façon incontestable dans le cadre du dispositif prévu par la loi.

 

Le recours administratif mis en 'uvre pour contester le redressement fiscal a été suggéré par la société Aelis patrimoine par lettre en date du 14 novembre 2011 et les frais d'avocat en découlant auraient pu être évités si l'investissement litigieux n'avait pas été réalisé.

 

Le préjudice indemnisable dans l'éventualité favorable de la renonciation de Mme [Y] [M] dûment et correctement informée et conseillée à investir auprès de la société DTD ressort donc selon les justificatifs produits à 219 601 euros au titre de l'impôt, à 21 759 euros au titre des majorations de retard et à 10 237,98 euros au titre des frais d'avocat qu'elle aurait pu ne pas acquitter. Mme [Y] [M] a limité à 65 790 euros la perte de chance de bénéficier de l'opération de défiscalisation attendue. Le préjudice indemnisable ressort donc à 97 786,98 euros.

 

Au regard des aléas inhérents au type d'opérations de défiscalisation susceptibles de procurer à des contribuables des avantages fiscaux aussi importants, il y a lieu d'indemniser la perte de chance à hauteur de 48 893,49 euros.

 

Le montant des intérêts de retard que l'administration fiscale a réclamé à la suite du redressement fiscal se trouve compensé par l'avantage tiré par Mme [Y] [M] de la conservation du montant de l'impôt pendant tout le temps où il n'a pas été versé au Trésor public. Ce poste de préjudice n'est pas indemnisable.

 

Mme [Y] [M] ne justifiant pas de l'existence du préjudice moral, distinct du préjudice économique précédemment réparé, les prétentions y relatives doivent être rejetées.

 

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

 

Le montant de l'impôt supplémentaire que Mme [Y] [M] a acquitté en 2012 en raison du déblocage de fonds placés sur un contrat d'assurance-vie n'est pas indemnisable dès lors qu'il n'est pas démontré une causalité certaine avec la faute commise par la société Aelis patrimoine et alors qu'il n'est pas établi qu'il ne résulte pas d'un choix de gestion propre à l'assujettie. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

 

Sur la garantie de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles.

 

Le contrat d'assurance produit aux débats liant la société Aelis patrimoine et la compagnie Covea Risks aux droits de laquelle se trouvent la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles stipule que la garantie souscrite pour les activités de conseil en investissements financiers est de 1 525 000 euros par sinistre avec une franchise en matière d'opérations industrielles et immobilières de défiscalisation dans les Dom-Tom de 15 000 euros. Il n'est pas discuté que le plafond de garantie a été porté à 4 000 000 euros.

 

La société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles soutiennent que l'ensemble des sinistres liés à l'opération DTD dont fait l'objet la société Aelis patrimoine constitue un seul et même sinistre et sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a retenu l'application de leur garantie plafonnée à la somme de 4 000 000 euros en retenant l'application d'une franchise de 15 000 euros.

 

La société Aelis patrimoine demande également à la cour de considérer l'ensemble des réclamations dont elle a fait l'objet au titre des investissements dans les produits de la société DTD comme un sinistre unique, et, partant, de ne pas appliquer la franchise de 15 000 euros à la présente réclamation si elle a déjà été mise à sa charge au titre d'une réclamation précédente.

 

Mme [Y] [M] fait valoir que la responsabilité de la société Aelis patrimoine est recherchée au titre de manquements dans l'exécution d'obligations d'information et de conseil dont elle était spécifiquement débitrice et que la cour devra donc écarter la globalisation des sinistres telle que sollicitée.

 

Il résulte de l'article L. 124-1-1 du code des assurances que, constitue un sinistre, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers résultant d'un fait dommageable, engageant la responsabilité de l'assuré et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations, avec cette précision qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.

 

En l'occurrence, le fait dommageable causé à Mme [Y] [M] consiste en un manquement aux devoirs d'information et de conseil que la société Aelis patrimoine était personnellement tenue de délivrer dans le cadre de la relation contractuelle spéciale nouée entre le conseiller en investissements financiers et sa cliente au regard de sa situation particulière. Le sinistre ne procède donc pas du vice des produits de défiscalisation conçus par la société DTD subi par l'ensemble des investisseurs mais de l'exécution défectueuse de la mission contractuelle particulière de la société Aelis patrimoine.

 

La réclamation de la société Aelis patrimoine envers la société MMA IARD et la société MMA IARD ne procède donc pas d'une cause technique unique et constitue un sinistre distinct de celui résultant des réclamations d'autres clients de sorte qu'il doit donner lieu à un montant de garantie et de franchise unique.

 

La société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles seront condamnées in solidum avec la société Aelis patrimoine à indemniser Mme [Y] [M] de son préjudice sous déduction de la franchise de 15 000 euros et à garantir à garantir leur assurée des condamnations mises à sa charge sous déduction de la franchise contractuelle.

 

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

 

Sur les autres demandes.

 

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [Y] [M] l'intégralité des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens en sorte qu'il lui sera alloué la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile par ailleurs.

 

La société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles seront condamnées in solidum aux dépens de la procédure d'appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [D] [K] et de la société Depasse, [L], [X] & [G] représentée par Me [U] [G].

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

La cour,

 

Confirme le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes sauf en ce qu'il a :

 

Condamné la société Aelis patrimoine à payer à Mme [Y] [M] :

La somme de 265 413 euros au titre du préjudice supporté par elle du fait de ses manquements.

La somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral.

Condamné la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Aelis patrimoine des condamnations mises à sa charge en application de son contrat RCP et suivant une garantie contractuelle annuelle plafonnée à 4 000 000 d'euros et d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros au titre de la présentation d'opérations de défiscalisation DTD.

 

Statuant à nouveau,

 

Condamne in solidum la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Mme [Y] [M] la somme de 48 893,49 euros sous déduction de la franchise de 15 000 euros concernant les sociétés d'assurance outre les intérêts au taux légal.

 

Condamne la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Aelis patrimoine des condamnations mises à sa charge sous déduction de la franchise de 15 000 euros.

 

Condamne in solidum la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à Mme [Y] [M] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

 

Condamne in solidum la société Aelis patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [D] [K] et de la société Depasse, [L], Quesnel & [G] représentée par Me [U] [G].

 

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00298
Date de la décision : 24/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-24;20.00298 ?
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