COUR D'APPEL DE RENNES
N° 31 /2023 - N° RG 23/00091 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TQLX
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3211-12-4 du code de la santé publique
Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,
Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 13 Février 2023 à 15 heures 17 par Me Nawal SEMLALI, avocat au barreau de RENNES pour :
M. [G] [P]
né le 11 Août 1989 à [Localité 1] (MAYOTTE)
Sans domicile fixe,
hospitalisé au centre hospitalier [D] [Z] de [Localité 2]
ayant pour avocat Me Nawal SEMLALI, avocat choisi, au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 03 Février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a autorisé le maintien de son hospitalisation complète ;
En présence de M. [G] [P], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Nawal SEMLALI, avocat
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général ayant déposé un avis écrit le 13 février 2023 régulièrement communiqué,
En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,
Après avoir entendu en audience publique le 20 Février 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Sur la base d'un certificat médical du Dr. [L] du 25 janvier 2023 décrivant un délire à composante mystique, avec adhésion totale au délire, sans critique, ainsi que des hallucinations auditives, et sur le fondement d'une décision du directeur du centre hospitalier [D] [Z] à [Localité 2] du même jour, M. [G] [P] a été admis en hospitalisation complète sans son consentement, suivant la procédure de péril imminent.
Le certificat médical des 24 heures établi le 26 janvier 2023 par le Dr. [E] mentionne la persistance d'un délire mystique enkysté de mécanisme hallucinatoire avec adhésion forte, une impulsivité sous-jacente et une observance avec les traitements, des adaptations thérapeutiques étant en cours chez un patient respectant de mieux en mieux le cadre, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.
Le certificat médical des 72 heures établi le 27 janvier 2023 par le Dr. [J] mentionne la persistance d'un état clinique instable, avec une dimension impulsive sous-jacente à un délire paranoïde enkysté et des phénomènes hallucinatoires, l'insight, bien que meilleur, restant perfectible, M. [G] [P] acceptant toutefois son traitement même s'il est en demande de réduction posologique, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue pour poursuite de l'adaptation thérapeutique et prévention des passages à l'acte hétéro-agressifs.
Le 27 janvier 2023, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de M. [G] [P] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée d'un mois.
Sur la base d'un certificat médical établi le 30 janvier 2023 par le Dr. [E] mentionnant la persistance d'un état clinique instable, avec une dimension impulsive sous-jacente à un délire paranoïde enkysté et des phénomènes hallucinatoires, l'insight, bien que meilleur, restant perfectible et des ajustements thérapeutiques étant toujours en cours, le directeur du centre hospitalier a, par requête du 31 janvier 2023, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète.
Par ordonnance du 3 février 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [G] [P].
Le 13 février 2023, M. [G] [P] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
À l'audience du 20 février 2023 à 14 heures, M. [G] [P] indique avoir fait appel car il n'a pas eu l'occasion de voir le juge. Il affirme se sentir mieux et accepter son traitement, sauf à le diminuer.
Son avocat sollicite l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [G] [P] sur le fondement des mêmes moyens proposés au premier juge qui en a ignoré un, à savoir l'absence de caractérisation du péril imminent et de justification de la précédente hospitalisation à la demande d'un représentant de l'Etat qui ne permet pas de savoir si le juge a pu exercer son contrôle.
Le centre hospitalier ne comparaît pas mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 20 février 2023 par le Dr. [E] mentionnant que l'état clinique psychiatrique de M. [G] [P] demeure encore bien instable, avec une dimension impulsive sous-jacente à un délire paranoïde enkysté et des phénomènes hallucinatoires, avec un meilleur insight mais encore perfectible, le patient respectant de plus en plus les règles du service et les horaires de sortie et l'environnement hospitalier participant à développer ses habilités sociales et sa gestion des émotions afin de le rendre moins imprévisible dans ses interactions avec autrui. Par ailleurs, bien qu'observant pour le moment, le patient demande régulièrement une baisse de son traitement de fond et il semble judicieux de penser qu'il pourrait facilement se retrouver en rupture thérapeutique sans un cadre de soins solide contractualisé entre lui et le corps médical. Ainsi, il est indispensable de maintenir les soins sous contrainte pour le moment, une sortie d'hospitalisation à moyen terme n'étant envisageable qu'avec un programme de soins.
Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.
Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.
En l'espèce, M. [G] [P] a formé le 13 février 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 3 février 2023.
Son appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.
Sur la régularité de la procédure
Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique :
'I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission (notamment) lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade'.
En l'espèce, M. [G] [P] a été hospitalisé sur la base d'un certificat médical du Dr. [L] du 25 janvier 2023 décrivant un délire à composante mystique, avec adhésion totale au délire, sans critique, ainsi que des hallucinations auditives.
Ces considérations ne caractérisent pas suffisamment le péril imminent qu'aurait encouru M. [G] [P] s'il n'avait pas été hospitalisé. Or, la décision d'admission du même jour, qui ne reprend pas les circonstances de la prise en charge de l'intéressé, se contente de s'approprier les termes du certificat médical initial.
Si l'on comprend, à la lecture des certificats médicaux des 24 et 72 heures, que M. [G] [P] a en réalité été hospitalisé une première fois le 31 octobre 2022 dans le cadre de soins à la demande d'un représentant de l'Etat 'suite à une dégradation de bien public alors qu'il était alcoolisé' et qu' 'il vient de bénéficier d'un passage de SDRE en SPI' (soins sur péril imminent), son régime d'hospitalisation ne pouvait pas, à ce moment-là, mettre en danger sa santé, de sorte que le choix de cette procédure d'hospitalisation n'était manifestement pas adapté.
Il s'ensuit que la procédure est irrégulière.
Le juge ayant été saisi de ce moyen, auquel il n'a pas répondu, son ordonnance encourt la nullité.
Évoquant, il conviendra d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de M. [G] [P].
Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. La mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.
Sur les dépens
Les dépens d'appel seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
Recevons M. [G] [P] en son appel,
Annulons l'ordonnance entreprise,
Évoquant,
Déclarons la procédure irrégulière,
Ordonnons la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de M. [G] [P],
Disons toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité,
Laissons les dépens d'appel à la charge du trésor public.
Fait à Rennes, le 21 février 2023 à 14 heures.
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,
Philippe BRICOGNE, Président
Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M. [G] [P], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,
Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,
Le greffier,