2ème Chambre
ARRÊT N°102
N° RG 20/00862 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QOSS
(2)
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SA MMA IARD
C/
M. [S] [F]
Société PATRIMOINE CONSEIL
Société ASSOCIES PATRIMOINE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me PELOIS
- Me RIVALAN
- Me [B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 FEVRIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
venant aux droits de la société COVEA RISKS, en qualité d'assureur des sociétés ASSOCIES PATRIMOINE et PATRIMOINE CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 5]
SA MMA IARD
venant aux droits de la société COVEA RISKS, en qualité d'assureur des sociétés ASSOCIES PATRIMOINE et PATRIMOINE CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 5]
Toutes représentées par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, postulant, avocat au barreau de RENNES
Toutes représentées par Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS, AMSALLEM, JONATH, FLAICHER ET ASSOCIES, CABINET TAYLOR WESSING, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [S] [F]
né le 28 Septembre 1953 à [Localité 7] (42)
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Gwendal RIVALAN de la SELARL AVOXA NANTES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Société PATRIMOINE CONSEIL exerçant sous l'enseigne ANTHEA
[Adresse 1]
[Localité 3]
Société ASSOCIES PATRIMOINE membre du Groupement ANTHEA
[Adresse 1]
[Localité 3]
Toutes représentées par Me Céline DEMAY de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, postulant, avocat au barreau de RENNES
Toutes représentées par Me Dounia HARBOUCHE, plaidant, avocat au barreau de PARIS
* * *
EXPOSE DU LITIGE :
A compter du 30 novembre 2007 puis courant 2008 et 2009, M. [S] [F] a investi dans des sociétés en participation ayant pour finalité l'acquisition et l'exploitation de centrales photovoltaïques créées et gérées par la société Dom-Tom défiscalisation, ci-après dénommée la société DTD, afin de bénéficier de réductions d'impôts s'inscrivant dans le cadre de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 dispositif communément désigné par le terme Girardin industriel.
Le 20 décembre 2010, M. [S] [F] a reçu de l'administration fiscale une première proposition de rectification de la réduction d'impôt concernant l'année 2007 au motif notamment que les investissements n'avaient pas été productifs et qu'ils n'avaient pas été réalisés au 31 décembre 2007 année de souscription.
Le 3 novembre 2011, M. [S] [F] a reçu de l'administration fiscale une seconde proposition de rectification de la réduction d'impôt concernant les années 2008 et 2009 pour des motifs analogues.
Suivant arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 17 décembre 2015, le recours introduit par M. [S] [F] à l'encontre des décisions de l'administration fiscale a été rejeté.
Suivant acte d'huissier en date du 27 décembre 2013, M. [S] [F] avait assigné la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil ainsi la société Covea risks, leur assureur, aux droits de laquelle se trouvent la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Suivant jugement en date du 21 janvier 2020, le tribunal de grande instance de Rennes devenu tribunal judiciaire de Rennes a :
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 132 619,80 euros.
Condamné in solidum la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil de cette condamnation.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil à payer à M. [S] [F] la somme de 15 000 euros.
Dit que ces condamnations produiraient intérêt au taux légal à compter de l'assignation et que les intérêts de plus d'un an produiraient eux-mêmes intérêt au taux légal conformément à l'article 1154 ancien du code civil.
Rejeté le surplus des demandes.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à supporter les dépens de l'instance.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que la garantie pour ces condamnations suivrait celle applicable au principal.
Ordonné l'exécution provisoire.
Suivant déclaration en date du 4 février 2020, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles ont interjeté appel.
Suivant conclusions en date du 26 juin 2020, la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil ont interjeté appel incident.
Suivant conclusions en date du 21 juillet 2020, M. [S] [F] a interjeté appel incident.
En leurs dernières conclusions en date du 25 octobre 2022, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :
Vu les articles 4 et 378 du code de procédure civile,
Vu l'article 1147 du code civil,
Vu les articles L. 112-6 et L. 113-1 du code des assurances,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 132 619,80 euros.
Condamné in solidum la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil de cette condamnation.
Dit que ces condamnations produiraient intérêt au taux légal à compter de l'assignation et que les intérêts de plus d'un an produiraient eux-mêmes intérêt au taux légal conformément à l'article 1154 ancien du code civil.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à supporter les dépens de l'instance.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que la garantie pour ces condamnations suivrait celle applicable au principal.
Ordonné l'exécution provisoire.
Statuant à nouveau,
À titre principal,
Débouter M. [S] [F] de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Covea risks aux droits de laquelle elles se trouvent.
À titre subsidiaire,
Désigner dans le cas où la cour retiendrait la responsabilité de la société Associés patrimoine et/ou de la société Patrimoine conseil tel séquestre qu'il plaira avec pour mission de conserver les fonds à verser par elles dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Associés patrimoine concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés.
Dire, dans le cas où la cour retiendrait la responsabilité de la société Associés patrimoine et/ou de la société Patrimoine conseil et rejetterait la globalisation du litige, qu'en application du contrat d'assurance conclu avec la société Associés patrimoine et/ou la société Patrimoine conseil la somme de 15 000 euros correspondant à la franchise devrait être déduite des condamnations à l'encontre de la société Associés patrimoine et/ou de la société Patrimoine conseil.
En tout état de cause,
Condamner M. [S] [F] à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamner aux dépens de l'instance et autoriser la société AB litis Sylvie Pelois & Amélie Amoyel Vicquelin à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En ses dernières conclusions en date du 4 octobre 2022, M. [S] [F] demande à la cour de :
Vu les articles 1147 et suivants dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Vu l'article 1382 ancien du code civil,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à lui payer la somme de 132 619,80 euros et rejeté le surplus de ses demandes à savoir la demande d'indemnisation du préjudice moral.
Statuant à nouveau sur ces deux points,
Condamner in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea risks à lui payer la somme de 145 650,73 euros.
Condamner in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea risks à lui payer la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral.
Y ajoutant,
Débouter la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea risks de leurs demandes, fins et conclusions.
Les condamner in solidum à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel outre les entiers dépens d'appel.
En leurs dernières conclusions en date du 3 novembre 2022, la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil demandent à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a jugées responsables du préjudice allégué par M. [S] [F] et les a condamnées ainsi que les sociétés MMA à lui payer in solidum la somme de 132 619,80 euros.
Statuant à nouveau,
Prononcer la mise hors de cause de la société Patrimoine conseil.
A titre principal,
Débouter M. [S] [F] de sa demande de les voir condamner solidairement à réparer son préjudice financier qui ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance égale à zéro.
Le débouter de sa demande de les voir condamner solidairement à réparer son préjudice moral.
A titre subsidiaire,
Condamner les sociétés MMA à les garantir de toute condamnation mise à leur charge en application de leurs contrats responsabilité civile professionnelle respectifs suivant un plafond de garantie de 4 000 000 euros avec application d'une seule franchise d'un montant de 15 000 euros.
Dire qu'elles ne seront pas tenues de s'acquitter de la franchise dans l'hypothèse où celle-ci aura d'ores et déjà été mise à leur charge dans le cadre du sinistre sériel DOM-TOM défiscalisation.
En tout état de cause,
Condamner M. [S] [F] à leur payer à chacune d'elle la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamner aux dépens d'instance au profit de Me [W] [B] représentant la société Depasse, Daugan, Quesnel & [B].
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la mise hors de cause de la société Patrimoine conseil.
La société Patrimoine conseil soutient que les produits de défiscalisation ont été présentés à M. [S] [F] par la société Associés patrimoine qui est comme elle membre du groupement Anthéa. Elle ajoute que M. [S] [F] en était parfaitement informé puisqu'il a produit aux débats un courrier que lui a adressé la société DTD en date du 15 mars 2010 confirmant la souscription de parts de sociétés en participation et sur lequel était rappelé l'intermédiation de la société Associés patrimoine. Elle ajoute que seule cette société avait pour mission de proposer à des investisseurs les produits de défiscalisation de la société DTD.
La société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles concluent également à la mise hors de cause de la société Patrimoine conseil.
M. [S] [F] soutient au contraire que M. [V] [R], cogérant de la société Associés patrimoine et de la société Patrimoine conseil qui exercent une activité analogue de conseil en investissement financier et de conseil en gestion de patrimoine sous la dénomination commerciale Anthéa, en l'absence de document formalisant l'intermédiation de l'une ou l'autre de ses sociétés, a entretenu la confusion en lui adressant des correspondances à l'entête indifféremment de l'une ou l'autre de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'il aurait été parfaitement informé de la non-intervention de la société Patrimoine conseil.
C'est à tort que le premier juge a considéré qu'en l'absence de document écrit formalisant l'intermédiation de la société Associés patrimoine ou de la société Patrimoine conseil et au vu des échanges épistolaires intervenus avec M. [S] [F] après la souscription des investissements, la mise hors de cause de la société Patrimoine conseil ne se justifiait pas.
Il résulte d'un protocole de collaboration conclu le 4 décembre 2007 entre la société Lynxis finances et la société Lynxis d'une part, et la société Associés patrimoine d'autre part, que cette dernière avait reçu mandat de proposer à des investisseurs les produits de défiscalisation s'inscrivant dans le cadre du dispositif Girardin industriel au travers de sociétés en participation créées par la société DTD, précision étant donné que depuis lors cette dernière société a été dissoute et que son patrimoine a été transmis à la société Lynxis finances.
Par une correspondance en date du 15 mars 2020, la société DTD a confirmé à M. [S] [F] sa qualité d'associé dans les sociétés en participation DTD392 et DTD398. Le nom de la société Associés patrimoine y était mentionné en qualité d'intermédiaire.
Il apparaît donc que M. [S] [F] a contracté avec la société Associés patrimoine et non avec la société Patrimoine conseil. Cette dernière sera mise hors de cause. Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur les fautes reprochées à la société Associés patrimoine.
M. [S] [F] soutient que la société Associés patrimoine est intervenue en qualité de conseiller en investissement financier au sens des articles L. 541-1 et L. 550-1 du code monétaire et financier dans leur rédaction applicable à la cause dès lors que, par la souscription au capital de sociétés en participation, il a acquis dans le but d'obtenir une réduction d'impôt des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers dont il n'assurait pas lui-même la gestion.
L'investissement litigieux consistait à acquérir, au travers de sociétés en participation, une quote-part indivise du matériel de production photovoltaïque d'électricité dont la gestion était assurée par la société DTD. Le matériel était fourni puis loué à une société appartenant au groupe auquel appartenait la société DTD. La société Associés patrimoine a donc conseillé à M. [S] [F] l'acquisition de droits sur des biens mobiliers ou immobiliers dont il n'assurait pas lui-même la gestion et s'est ainsi livrée à une activité de conseiller en investissement financier, peu important que ce conseil n'ait pas été précédé d'un démarchage dès lors qu'il s'inscrivait dans le cadre d'une activité habituelle d'intermédiation.
M. [S] [F] reproche à la société Associés patrimoine d'avoir manqué à son obligation d'information sur les risques et les caractéristiques des produits recommandés et de conseil sur des produits adaptés à sa situation et à ses objectifs. Il lui reproche encore de n'avoir établi aucun document formalisant leur entrée en relation et le conseil d'investissement dispensé et de ne pas lui avoir exposé le risque fiscal auquel il s'exposait alors qu'il recherchait un produit sûr.
En sa qualité de conseiller en investissement financier, la société Associés patrimoine était, aux termes de l'article L. 541-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la cause, tenue de se comporter avec loyauté et d'agir avec équité au mieux des intérêts de son client, et notamment de s'enquérir auprès de lui, avant de formuler un conseil, de ses connaissances et de son expérience en matière d'investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs d'investissement, et de lui proposer en agissant avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposaient et en mettant en 'uvre les ressources et les procédures nécessaires avec un souci d'efficacité, une offre de services adaptée à sa situation et proportionnée à ses besoins et à ses objectifs.
En outre, aux termes des articles 325-5 et 325-7 du règlement général de l'AMF dans leur rédaction applicable à la cause, toutes les informations devaient présenter un caractère exact, clair et non trompeur, le conseil au client devant être formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques encourus en se fondant sur l'appréciation de la situation financière de celui-ci et son expérience en matière financière ainsi que sur ses objectifs en matière d'investissements.
Ainsi que le fait observer M. [S] [F], la société Associés patrimoine ne lui a fourni aucune proposition effective et précise adaptée à sa situation personnelle se contentant de lui transmettre les plaquettes commerciales du concepteur du montage minimisant le risque fiscal ou suggérant qu'il n'était que théorique.
S'il n'appartenait pas au conseiller en investissement financier, qui n'est pas le concepteur du montage, de vérifier sur place l'évolution des investissements, ni de garantir le bon achèvement des installations financées, il se devait, avant de proposer un investissement à son client, de se renseigner sur la situation financière des sociétés financées et les communications diverses qui pouvaient les concerner ainsi que sur le bien-fondé des opérations fiscales envisagées.
Comme relevé par le premier juge, la lecture du dossier de présentation et des textes fiscaux applicables aurait dû conduire le conseiller en investissement financier à relever que l'avantage fiscal était conditionné à la réalisation de conditions précises et qu'il ne pouvait en aucun cas être considéré comme acquis du seul fait du transfert des fonds vers la société DOM-TOM défiscalisation. La société Associés patrimoine aurait dû s'interroger sur les modalités d'acquisition et de livraison des matériels aux utilisateurs finaux et la date à laquelle l'investissement productif était réalisé au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la cause.
Ce d'autant que la société Associés patrimoine est membre de la chambre des indépendants du patrimoine et, à supposer qu'elle n'ait pas été directement destinataire des notes émises par cette chambre, elle y avait pour le moins accès et aurait notamment dû avoir son attention attirée par celles des 7 septembre 2007 et 23 juin 2008 relatives aux précautions à prendre concernant les opérations éligibles au dispositif d'incitation fiscale « Girardin » et au fait que l'administration fiscale remettait en cause un grand nombre d'opérations, ce qui devait conduire à délivrer par écrit un niveau d'information irréprochable sur le risque fiscal toujours présent dans ce type d'opération, notamment en raison de la survenance de problèmes d'exploitation susceptibles d'entraîner un redressement fiscal pour les investisseurs qui devaient le comprendre et l'accepter avant d'investir.
L'opération de défiscalisation proposée présentait un risque sérieux de remise en cause par l'administration fiscale que la société Associés patrimoine connaissait ou aurait dû connaître du fait notamment de la nature même du montage, basé sur un mécanisme complexe conçu dans le seul but d'exploiter, à la seule fin d'éviter le paiement de l'impôt, les limites d'un dispositif légal très généreux élaboré en vue d'encourager les investissements industriels dans l'économie réelle des collectivités françaises d'outre-mer, et en raison des nombreux aléas qui pouvaient surgir pour parvenir à une mise en service des biens ainsi financés avant la fin de l'année où l'investissement avait été réalisé.
La société Associés patrimoine ne pouvait raisonnablement considérer cet investissement comme dépourvu de risques particuliers excédant les risques normaux d'une opération de défiscalisation connus de tous au seul motif que le montage avait été vérifié par des avocats fiscalistes et bénéficiait d'une garantie du risque fiscal, alors que les études avaient été réalisées à la demande de la société DTD sans garantie d'indépendance vis-à-vis du donneur d'ordre et contredites par l'avis d'autres analystes dont elle ne pouvait ignorer l'existence. La garantie fournie par une société liée à la société DTD, dont l'implication dans l'opération pouvait la conduire à la déconfiture en cas d'échec industriel ou commercial, et non par un établissement indépendant et qualifié, était pour le moins illusoire.
La société Associés patrimoine a poursuivi la collecte de fonds pour le montage conçu par la société DTD sans avertir son client des risques que certains analystes avaient mis en avant. L'opération de défiscalisation a été intégralement remise en cause par l'administration fiscale qui a procédé à un redressement fiscal que les divers recours administratifs et juridictionnels exercés par M. [S] [F] sur les conseils de la société Associés patrimoine n'ont pu éviter.
La société Associés patrimoine a par conséquent manqué à son obligation de conseil en ne proposant pas à M. [S] [F], dont il n'est pas démontré qu'il disposait de connaissances particulières en matière fiscale, un investissement dont l'objectif de défiscalisation avait une meilleure chance d'aboutir.
Sur le préjudice.
La société Associés patrimoine fait valoir que la perte en capital était clairement identifiée comme un risque inhérent au montage fiscal dans le dossier de souscription. Celui-ci dans le paragraphe « sur le plan de la trésorerie » précisait en effet que les associés réalisaient un apport en numéraire par principe non récupérable. La garantie promise ne portait que sur la remise en cause éventuelle de l'avantage fiscal. Il ne peut être reproché à la société Associés patrimoine un défaut d'information ou de conseil sur ce point. Il n'y a pas de réparation possible à cet égard.
Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil consiste en une perte de chance de ne pas contracter. Si le conseiller en investissement financier avait correctement exécuté ses obligations d'information et de conseil, M. [S] [F] aurait pu éviter d'investir dans le montage défectueux conçu par la société DTD.
S'il est de principe qu'un préjudice ne peut découler du paiement de l'impôt auquel un contribuable est légalement tenu, il en va autrement s'il est établi que, dûment et correctement informé et conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre. Le mécanisme de défiscalisation existait légalement et aurait pu être efficacement mise en 'uvre si M. [S] [F] avait été orienté vers des investissements sérieux entrant de façon incontestable dans le cadre du dispositif prévu par la loi.
Le préjudice indemnisable dans l'éventualité favorable de la renonciation de M. [S] [F] dûment et correctement informé et conseillé à investir auprès de la société DTD ressort donc selon les justificatifs produits à 161 880 euros au titre de l'impôt et 16 188 euros au titre des majorations de retard qu'il aurait pu ne pas acquitter, soit la somme totale de 178 068 euros. Il est réclamé les sommes complémentaires de 7 144 euros et de 7 334,81 euros dont il n'est pas possible de dire si elles ressortent des intérêts de retard ou des majorations de retard. M. [S] [F] n'a formulé aucune demande d'indemnisation au titre de l'impôt qu'il aurait pu ne pas acquitter et restent donc les majorations de retard.
Au regard des aléas inhérents au type d'opérations de défiscalisation susceptibles de procurer à des contribuables des avantages fiscaux aussi importants, il y a lieu d'indemniser la perte de chance à hauteur de 16 000 euros.
Le montant des intérêts de retard que l'administration fiscale a réclamés à la suite du redressement fiscal se trouve compensé par l'avantage tiré par M. [S] [F] de la conservation du montant de l'impôt pendant tout le temps où il n'a pas été versé au Trésor public. Ce poste de préjudice n'est pas indemnisable.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
M. [S] [F] ne justifiant pas de l'existence du préjudice moral, distinct du préjudice économique précédemment réparé, dont il demande réparation, les prétentions y relatives ont été à juste titre rejetées par le premier juge.
Sur la garantie de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles.
Le contrat d'assurance liant la société Associés patrimoine et la compagnie Covea Risks aux droits de laquelle se trouvent la société MMA IARD et de la société MMA IARD stipule que la garantie souscrite pour les activités de conseil en investissement financier est de 4 000 000 euros par sinistre avec une franchise en matière d'opérations industrielles et immobilières de défiscalisation dans les Dom-Tom de 15 000 euros.
La société MMA IARD et la société MMA IARD soutiennent que l'ensemble des réclamations formées à l'encontre de la société Associés patrimoine au titre de l'opération de défiscalisation conçue par la société DTD constituerait une cause technique unique de sorte qu'il y aurait lieu de ne les condamner à garantir leur assurée que dans la limite globale de 4 000 000 euros pour l'ensemble des litiges sériels résultant de la souscription par son entremise des produits de la société DTD, après déduction des règlements déjà effectués au titre d'autres réclamations, ou, à défaut, de dire qu'il y aura lieu à application d'une franchise de 15 000 euros au titre de cette seule réclamation.
La société Associés patrimoine demande quant à elle à la cour de considérer l'ensemble des réclamations dont elle a fait l'objet au titre des investissements dans les produits de la société DTD comme un sinistre unique, et, partant, de ne pas appliquer la franchise de 15 000 euros à la présente réclamation si elle a déjà été mise à sa charge au titre d'une réclamation précédente.
Il résulte de l'article L. 124-1-1 du code des assurances que, constitue un sinistre, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers résultant d'un fait dommageable, engageant la responsabilité de l'assuré et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations, avec cette précision qu'un ensemble de fait dommageable ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.
En l'occurrence, le fait dommageable causé à M. [S] [F] consiste en un manquement aux devoirs d'information et de conseil que la société Associés patrimoine était personnellement tenue de délivrer dans le cadre de la relation contractuelle spéciale nouée entre le conseiller en investissement financier et son client au regard de sa situation particulière. Le sinistre ne procède donc pas du vice des produits de défiscalisation conçus par la société DTD subi par l'ensemble des investisseurs, mais de l'exécution défectueuse de la mission contractuelle particulière de la société Associés patrimoine.
La réclamation de la société Associés patrimoine envers la société MMA IARD et la société MMA IARD ne procède donc pas d'une cause technique unique et constitue un sinistre distinct de celui résultant des réclamations d'autres clients de sorte qu'il doit donner lieu à un montant de garantie et de franchise unique.
La société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles seront condamnées in solidum avec la société Associés patrimoine à indemniser M. [S] [F] de son préjudice sous déduction de la franchise de 15 000 euros.
Sur les autres demandes.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [S] [F] l'intégralité des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en sorte qu'il lui sera alloué la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile par ailleurs.
La société Associés patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles seront condamnées in solidum aux dépens. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société AB litis Sylvie Pelois & Amélie Amoyel Vicquelin et de Me [W] [B] représentant la société Depasse, Daugan, Quesnel & [B].
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes sauf en ce qu'il a :
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 132 619,80 euros.
Condamné in solidum la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à garantir la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil de cette condamnation.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine et la société Patrimoine conseil à payer à M. [S] [F] la somme de 15 000 euros.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à supporter les dépens de l'instance.
Condamné in solidum la société Associés patrimoine, la société Patrimoine conseil, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Met hors de cause la société Patrimoine conseil.
Condamne in solidum la société Associés patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 16 000 euros sous déduction de la franchise de 15 000 euros concernant les sociétés d'assurance.
Condamne in solidum la société Associés patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [S] [F] la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la société Associés patrimoine, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société AB litis Sylvie Pelois & Amélie Amoyel Vicquelin et de Me [W] [B] représentant la société Depasse, Daugan, Quesnel & [B].
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT