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17/02/2023 | FRANCE | N°20/00849

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 17 février 2023, 20/00849


2ème Chambre





ARRÊT N°98



N° RG 20/00849

N° Portalis DBVL-V-B7E-QOQW





(1)







M. [E] [H]



C/



BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me BOISSONNET

-

Me LE BERRE BOIVIN







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
...

2ème Chambre

ARRÊT N°98

N° RG 20/00849

N° Portalis DBVL-V-B7E-QOQW

(1)

M. [E] [H]

C/

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me BOISSONNET

- Me LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [E] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérôme BOISSONNET de la SARL BAPC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

La Banque populaire Atlantique, désormais dénommée Banque populaire Grand-Ouest (la BPGO), a consenti à la société Baltazar :

par contrat du 27 octobre 2010, un prêt professionnel de 64 000 euros au taux de 3,05 % l'an, remboursable en 84 mensualités,

selon convention du 6 novembre 2012, l'ouverture d'un compte courant,

par contrat du 15 novembre 2012, un double concours consistant en un prêt de 130 000 euros au taux de 2,80 % l'an et un prêt de 100 000 euros au taux de 3,65 % l'an, tous deux remboursables en 84 mensualités.

Par acte sous signature privée du 2 mars 2011, M. [K] [I], gérant de la société Baltazar, s'est porté caution solidaire de tous engagements de sa société dans la limite de 10 000 euros.

Puis, par actes sous signature privée du 30 janvier 2012, MM. [I] et [E] [H], associé de la société Baltazar et lié à M. [I] par un pacte civil de solidarité (PACS) depuis le 13 juillet 2004, se sont portés cautions solidaires de tous engagements de cette société dans la limite de 58 000 euros chacun.

Par actes sous signature privée du 16 novembre 2012, MM. [I] et [H] se sont à nouveau portés cautions solidaires de tous engagements de la société Baltazar dans la limite de 81 000 euros chacun.

Enfin, par actes sous signature privée du 16 novembre 2012, MM. [I] et [H] se sont portés cautions solidaires de la société Baltazar en garantie de la bonne exécution des deux prêts du 15 novembre 2012 dans la limite de la somme de 38 000 euros chacun.

Par jugement du 18 janvier 2017, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Baltazar.

Après avoir déclaré ses créances au titre des prêts et du découvert en compte le 27 janvier 2017 et avoir vainement mis les deux cautions en demeure d'honorer leurs engagements par lettres recommandées des 31 janvier 2017 et 22 mai 2017, la BPGO a, par actes du 22 juin 2017, a fait assigner en paiement M. [I] devant le tribunal de commerce de Nantes et M. [H] devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Par jugement du 24 septembre 2018 confirmé par arrêt du 18 mai 2021, le tribunal de commerce a notamment condamné M. [I] au paiement des sommes de 38 000 euros au titre du cautionnement des prêts du 15 novembre 2012, outre les intérêts au taux légal, 8 442,67 euros au titre du cautionnement du 2 mars 2011 et du prêt du 27 octobre 2010, outre les intérêts au taux contractuel de 3,05 %, et de 48 781,06 euros au titre des cautionnements des 30 janvier et 16 novembre 2012 garantissant le solde débiteur du compte-courant, outre les intérêts au taux légal.

Par jugement du 7 janvier 2020, le tribunal judiciaire a quant à lui :

condamné M. [H] au paiement de la somme de 86 781,06 euros au titre de l'ensemble de ses engagements de caution, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2017,

ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 22 juin 2017 dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

condamné M. [H] aux dépens,

condamné M. [H] d'une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble de ces dispositions,

débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

M. [H] a relevé appel de ce dernier jugement par acte du 3 février 2020, pour demander à la cour de l'infirmer et de : 

dire que les engagements de caution souscrits par M. [H] les 30 janvier 2012 à hauteur de 58 000 euros, 16 novembre 2012 à hauteur de 81 000 euros et 16 novembre 2012 à hauteur de 38 000 euros étaient manifestement disproportionnés et que la BPGO ne peut se prévaloir de ces engagements de caution 'nuls et de nul effet',

débouter la BPGO de l'intégralité de ses demandes,

condamner la BPGO au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La BPGO conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué et sollicite en outre la condamnation de M. [H] au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. [H] le 23 avril 2020 et pour la BPGO le 20 juillet 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 27 octobre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En l'occurrence, bien qu'il appartienne à la caution de prouver la disproportion de chacun de ses engagements de caution au moment où elle s'est engagée, la BPGO produit des fiches de renseignements patrimoniaux établies par M. [H] les 12 février 2010 et 11 octobre 2012.

En février 2010, M. [H] a déclaré bénéficier d'un revenu annuel de 36 000 euros tiré de ses prélèvements de gérant d'une société Theodor, devoir supporter, avec son compagnon dont les revenus annuels étaient de 26 400 euros, des charges de remboursement d'emprunts d'un montant total de 24 828 euros par an, et détenir dans son actif patrimonial une épargne de 40 000 euros, les parts de la société Theodor évaluées à 150 000 euros ainsi que des droits sur un immeuble d'habitation acquis en indivision avec M. [I] et évalué à 325 000 euros, ce qui fait ressortir sa valeur nette, après déduction du capital de 240 000 euros restant dû sur les emprunt en vue de le financer, à 85 000 euros.

Le 11 octobre 2012, M. [H] a déclaré bénéficier d'un revenu mensuel de 3 000 euros toujours tiré de ses prélèvements de gérant de la société Theodor, tandis que les revenus de son compagnon était eux-aussi évalués à 3 000 euros par mois, continué à rembourser des emprunts contractés auprès de la BPGO, et détenir dans son actif patrimonial un contrat d'assurance-vie de 22 000 euros et un plan d'épargne en action de 25 000 euros, ainsi que des droits sur l'immeuble indivis évalué à présent à 550 000 euros, ce qui fait ressortir sa valeur nette, après déduction du capital de 235 000 euros restant dû sur les emprunts en vue de le financer, à 315 000 euros.

L'appelant fait grief à la BPGO de ne pas avoir actualisé ces renseignements patrimoniaux au moment où elle a sollicité l'engagement de caution du 30 janvier 2012.

Il soutient qu'à cette date, si ses revenus étaient bien de l'ordre de 3 000 euros par mois, ils dépendaient du succès de l'opération financée et ne pourraient être pris en considération dans l'analyse de la proportionnalité des engagements de caution, et il prétend par ailleurs que la valorisation à 150 000 euros de ses parts dans le capital de la société Theodor ne reposerait que sur une évaluation purement comptable du fonds de commerce qui ne tenait pas compte de l'emprunt contracté en vue de son acquisition et était surestimée, ce que la banque ne pouvait ignorer, et que, de même, cette dernière, qui avait financé l'achat et la rénovation de l'immeuble indivis en 2008 pour un coût global de 265 000 euros, ne pouvait ignorer que la valeur déclarée de 325 000 euros était excessive, un agent immobilier l'ayant évaluée en 2016 à environ 300 000 euros.

Cependant, la BPGO pouvait légitimement tenir compte des revenus réguliers perçus par la caution au moment de son engagement de caution, sans qu'il puisse lui être reproché de spéculer sur les chance de succès de l'opération financée.

D'autre part, la banque n'avait pas, sauf anomalie apparente, à vérifier l'exactitude des déclarations faites en février 2010 relativement à la valeur des parts détenues par M. [H] dans le capital de la société Theodor, et celui-ci ne démontre pas que cette valeur ait notablement baissé entre 2010 et 2012, la circonstance que la société Theodor se soit endettée pour acquérir son fonds de commerce ne suffisant pas à caractériser l'existence d'une anomalie apparente, décelable par la banque, dans l'évaluation de ces parts sociales.

De même, rien ne démontre que la valeur de l'immeuble déclarée en février 2010 pour 325 000 euros ait fait l'objet d'une surestimation décelable par la banque, alors qu'il ressort de l'offre de crédit immobilier émise le 18 août 2008 en vue de financer l'opération d'achat et de rénovation immobilière que celle-ci consistait en un investissement global de 340 000 euros.

Il s'en évince qu'au regard des revenus de la caution, de 3 000 euros par mois, de la valeur de ses parts sociales dans le capital de la société Theodor de 150 000 euros et de ses droits sur la valeur nette de l'immeuble de 42 500 euros (85 000/2), les revenus et le patrimoine de M. [H] n'étaient, à supposer même que son épargne ait été intégralement consommée entre février 2010 et janvier 2012, nullement disproportionnée à son engagement de caution de 58 000 euros.

Par ailleurs, par deux actes sous signature privée du16 novembre 2012, M. [H] s'est à nouveau engagé en qualité de caution de la société Baltazar dans la limite de 81 000 euros et 38 000 euros, faisant ainsi passer l'encours total des cautionnements à 177 000 euros (58 000 + 81 000 + 38 000).

L'évaluation de l'immeuble indivis figurant dans la fiche de renseignement d'octobre 2012 à 550 000 euros doit être regardée comme une anomalie apparente pour la BPGO, au regard de ce qu'elle avait financé l'acquisition et la rénovation de l'immeuble en 2008 pour 340 000 euros et que sa valeur n'avait été estimée qu'à 325 000 euros deux ans plus tôt.

Il en résulte que, le capital restant dû sur les emprunts bancaires contractés en vue de le financer étant alors de 235 000 euros, sa valeur nette ressort à 90 000 euros et la valeur de ses droits indivis à 45 000 euros.

Cependant, M. [H] bénéficiait toujours d'une rémunération de 3 000 euros par mois et disposait d'une épargne déclarée à hauteur de 47 000 euros (22 000 + 25 000).

En outre, comme la cour l'a précédemment observé, rien n'indique que la valeur des parts qu'il détenait dans le capital de la société Theodor et qui avaient été évaluée en février 2010 à 150 000 euros ait notablement baissée en 2012, la circonstance que la société Theodor se soit endettée pour acquérir son fonds de commerce ne suffisant pas à caractériser l'existence d'une anomalie décelable par la banque dans l'évaluation de ces parts sociales.

Enfin, l'apport d'une somme de 30 000 euros sur son compte courant d'associé de la société Theodor, réclamé par courriel de la banque du 26 octobre 2012, diminue certes d'autant le montant de son épargne mais demeure néanmoins dans son actif patrimonial puisque l'associé est ainsi devenu créancier de sa société.

Il s'en évince qu'au regard des revenus de la caution, de 3 000 euros par mois, de son épargne bancaire ou en compte courant d'associé de 47 000 euros, de la valeur de ses parts sociales dans le capital de la société Theodor de 150 000 euros et de ses droits sur la valeur nette de l'immeuble de 45 000 euros, les revenus et le patrimoine de M. [H] n'étaient nullement disproportionnés à ses engagements de caution du 16 novembre 2012, portant l'encours total des cautionnements à 177 000 euros.

Il résulte de ce qui précède que M. [H] ne démontre pas la disproportion manifeste de ses engagements de caution à ses biens et revenus au moment où il a conclu les contrats de cautionnement, de sorte que la BPGO peut se prévaloir de ces derniers.

Le jugement attaqué, dont les autres dispositions, notamment celles liquidant le montant total des créances garanties par le cautionnement de M. [H] à 86 781,06 euros et fixant le taux et le point de départ des intérêts de retard, sont exemptes de critique, sera par conséquent confirmé en tous points.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 7 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [E] [H] à payer à la Banque populaire Grand-Ouest une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [E] [H] aux dépens d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00849
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;20.00849 ?
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