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09/02/2023 | FRANCE | N°22/03169

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre conflits d'entre., 09 février 2023, 22/03169


Chambre Conflits d'Entreprise





ARRÊT N°04



N° RG 22/03169 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-SYOF













S.A.S. VISOTEC



C/



COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC



















Confirmation













Copie exécutoire délivrée



le : 09 février 2023



à :

Me Charles PHILIP

Me Jean-David CHAUDET





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philip...

Chambre Conflits d'Entreprise

ARRÊT N°04

N° RG 22/03169 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-SYOF

S.A.S. VISOTEC

C/

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le : 09 février 2023

à :

Me Charles PHILIP

Me Jean-David CHAUDET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Novembre 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La S.A.S. VISOTEC prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Claire DESHAYES substituant à l'audience Me Charles PHILIP de la SELARL RACINE, Avocats au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

Le COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Marie COGOLUEGNES, Avocat plaidant du barreau de NANTES

La SAS VISOTEC est une société ayant une activité de conception, de fabrication et de commercialisation d'élément de signalétique, d'habillage de façade et de solutions d'éclairage, relevant de la Convention collective de la Plasturgie.

Le 26 janvier 2018, les délégués du personnel de la SAS VISOTEC ont fait usage de leur droit d'alerte.

Lors d'un CHSCT extraordinaire du 15 juin 2018, les élus ont demandé la réalisation d'une expertise dans le cadre de l'article L.4614-12 du Code du travail.

Lors de cette réunion, M. [I] dirigeant de la société et président du CHSCT, a indiqué vouloir mettre en place à partir du 18 juin 2018, une analyse d'identification des opportunités d'amélioration à différents niveaux de l'organisation de l'entreprise, en précisant qu'elle porterait sur la structure de gestion et de supervision, le système de gestion des différentes opérations, le processus de communication, les méthodes de travail.

Deux des trois élus ont voté contre la demande d'expertise. Dès le 19 juin 2018, l'employeur a annoncé à l'ensemble du personnel la mise en oeuvre d'une analyse de 'nos opérations', en référence aux résultats du baromètre social.

A la demande de la SAS VISOTEC, la société ACTYC a établi un rapport relatif aux risques psycho-sociaux au sein de l'entreprise.

La SAS VISOTEC a refusé la communication de ce rapport au COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE qui a saisi en référé le Président du tribunal judiciaire de NANTES aux fins d'obtenir la communication du rapport.

Par décision du 10 mars 2022, le Président du tribunal judiciaire de NANTES n'a pas fait droit à la demande du COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE, en précisant que le juge des procédures accélérées au fond était le seul compétente pour connaître de cette demande.

Le 31 mars 2022, le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE de la SAS VISOTEC a assigné la SAS VISOTEC devant le Juge des procédures accélérées au fond aux fins d'obtenir la communication du rapport sous astreinte.

La cour est saisie de l'appel formé le19 mai 2022 par la SAS VISOTEC contre le jugement du 12 mai 2022, par lequel le tribunal judiciaire de Nantes a :

- Ordonné à la SAS VISIOTEC de remettre à son Comité social et économique, sous astreinte de 300 € par jour de retard, le rapport établi par le cabinet ACTYC relatif aux risques psycho-sociaux au sein de l'entreprise ;

- Rejeté les autres prétentions ;

- Condamné la SAS VISIOTEC aux dépens ;

- Rejeté la demande du COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 novembre 2022, suivant lesquelles SAS VISOTEC demande à la cour de :

' Infirmer le jugement de procédure accélérée au fond du 12 mai 2022 en ce qu'il a :

- ordonné à la SAS VISOTEC de remettre à son Comité Social et Economique, sous astreinte de 300 € par jour de retard, le rapport établi par le Cabinet ACTYC ;

- rejeté la demande de la SAS VISOTEC visant à condamner le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE au versement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la SAS VISOTEC aux entiers dépens

Par conséquent,

' Juger infondée la demande du COMITÉ ECONOMIQUE ET SOCIAL DE LA SAS VISOTEC tendant à voir ordonner la remise du rapport établi par la société ACTYC ;

' Débouter le COMITÉ ECONOMIQUE ET SOCIAL DE LA SAS VISOTEC de sa demande visant à voir ordonner la remise dudit rapport sous astreinte ;

' Condamner le COMITÉ ECONOMIQUE ET SOCIAL DE LA SAS VISOTEC à verser à la SAS VISOTEC la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, suivant lesquelles le Comité Social et Economique de la SAS VISOTEC demande à la cour de :

' Recevoir le CSE en son appel incident,

' Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Nantes du 12 mai 2022 en ce qu'il a :

- Ordonné à la SAS VISOTEC de remettre au COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC, sous astreinte de 300 € par jour de retard, le rapport établi par le Cabinet ACTYC,

- Rejeté la demande de la SAS VISOTEC visant a condamner le COMITE SOCIAL ET ECONOMlQUE DE LA SAS VISOTEC au versement de la somme de 3.000 € au titre de I'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS VISOTEC aux dépens,

' Le réformer pour le surplus,

Faisant droit à l'appel| incident du COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC,

' Condamner la SAS VISOTEC à verser au COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais exposés en 1ère instance,

' Condamner en toute hypothèse la SAS VISOTEC à verser au COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SAS VISOTEC la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouter la SAS VISOTEC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

' Condamner la SAS VISOTEC aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour infirmation et rejet des prétentions du COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE la SAS VISOTEC fait essentiellement valoir que la transmission du rapport aurait été exigible dans le cadre d'une procédure d'information-consultation du comité, comme le prévoit explicitement la loi, que les délégués du personnel n'ont pas exercé les voies qui leur étaient ouvertes quand ils le pouvaient, que ses membres ont été associés à la réflexion dans le cadre de l'enquête menée en 2018, qu'aucun texte ne prévoit la communication du rapport de la mission confiée au cabinet ACTYC à la seule initiative de l'employeur en dehors de toute enquête et dont les conclusions ont été exposées de manière complète en présence des consultants à tous les salariés en ce compris leurs représentants, que dans le respect des préconisations de ce cabinet, elle a composé 9 groupes de travail, comportant des élus, qui ont élaboré 26 fiches actions, transmises au COPIL comportant également des élus.

L'employeur ajoute que le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE ne peut se fonder ses prétentions sur le fait que la loi instaure un ' droit du COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE de disposer de tout document qu'il juge utile à ses missions'.

Au visa de l'article L2312-9 du code du travail qui mentionne qu'un Comité Social et Economique peut procéder à 'l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs', le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE intimé soutient que la non-communication du rapport l'empêche d'accomplir cette mission, de vérifier que toutes les problématiques ont été évaluées, d'apprécier la légitimité d'un plan d'action encore en cours actuellement, qu'il ne peut lui être opposé la seule présentation d'informations limitées, réalisée en show-room.

Le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE qui admet l'absence de texte spécifique, autre que la disposition générale précitée, soutient que les arguments opposés par l'employeur pour y faire obstacle sont dépourvus de pertinence ou fondés sur des affirmations non autrement corroborées, que l'employeur ne peut se prévaloir de l'absence de recours à la suite de l'alerte déclenchée dès lors qu'il s'était engagé à saisir lui même un cabinet d'expertise, de sorte qu'il était légitime à solliciter la communication de ce rapport sur les RPS, qu'il y a également lieu de s'interroger sur l'intérêt de l'appel dès lors que le rapport est maintenant entre les mains des élus, en l'absence de demande de suspension de l'exécution provisoire.

L'article L2312-9 du Code du travail dispose que 'Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique :

1° Procède à l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L. 4161-1;

2° Contribue notamment à faciliter l'accès des femmes à tous les emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité, l'adaptation et à l'aménagement des postes de travail afin de faciliter l'accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois au cours de leur vie professionnelle ;

3° Peut susciter toute initiative qu'il estime utile et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1. Le refus de l'employeur est motivé.'

L'article L2312-13 du même code énonce que 'le comité social et économique procède, à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail. Il réalise des enquêtes en matière d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel. Le comité peut demander à entendre le chef d'une entreprise voisine dont l'activité expose les travailleurs de son ressort à des nuisances particulières. Il est informé des suites réservées à ses observations.

Le comité peut faire appel à titre consultatif et occasionnel au concours de toute personne de l'entreprise qui lui paraîtrait qualifiée.'

En l'espèce, il résulte de la délibération du CHSCT du site D'[Localité 2] de la SAS VISOTEC du 15 juin 2018, que les élus ont manifesté leur inquiétude sur la dégradation massive des conditions de travail, faisant état d'une augmentation des signes de mal-être et une recrudescence des troubles psychosociaux dans l'entreprise et le constat d'une dégradation d'une série d'indicateurs, les alertant sur l'existence de risques graves pour la santé, pour demander la réalisation d'une expertise dans le cadre de l'article L.4614-12 du Code du travail.

Il ressort également du procès verbal produit qu'en réponse à cette demande, M. [I] dirigeant de la société et président du CHSCT, a indiqué vouloir mettre en place par le biais de la société PROACTION à partir du 18 juin 2018, une analyse d'identification des opportunités d'amélioration à différents niveaux de l'organisation de l'entreprise, en précisant qu'elle porterait sur la structure de gestion et de supervision, le système de gestion des différentes opérations, le processus de communication, les méthodes de travail.

Il est établi qu'à la suite de cette proposition, deux des trois élus ont voté contre la demande d'expertise et que dès le 19 juin 2018, l'employeur sans faire référence aux risques psychosociaux évoqués par les élus mais aux seuls éléments mis en évidence par les résultats du baromètre social susceptibles d'affecter la vie au travail, à savoir le manque de coopération entre les services, les interruptions fréquentes dans la réalisation du travail, le manque d'anticipation de certaines situations..., a annoncé la mise en place d'une démarche de 'coaching'des encadrants de terrain, commençant par une analyse des opérations, confiée à la société PROACTION.

Il ressort des débats et des éléments produits que finalement une démarche de prévention des risques psychosociaux a été confiée par l'employeur à la société ACTYC, dont les travaux ont fait l'objet le 28 février 2019 de restitutions au comité de pilotage comportant des élus et au comité de Direction, ainsi qu'à l'ensemble du personnel de manière synthétique en présence de la direction et du comité de pilotage mis en place dans le cadre de cette évaluation, sans que le rapport ait été remis aux représentants du personnel.

Or, si la démarche de 'coaching' initialement mise en oeuvre par l'employeur en référence aux résultats du baromètre social de 2017 pouvait par la définition du périmètre que lui assignait l'employeur, échapper au cadre défini par les articles L.2312-9 et L.2312-13, il en va autrement dès lors que le format de la mission assignée à la société ACTYC, définie par la 'communication #2 DIAGNOSTIC RPS' (pièce 13 CSE) comme 'enquête destinée à effectuer le diagnostic des RPS au sein de VISOTEC', couvre effectivement un champs relevant des attributions du CSE et ce, dès lors que les conditions de l'expertise étaient réunies, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, au regard de la production par le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE du courrier d'un psychologue du 17 septembre 2021 relatif à la situation d'un salarié en arrêt de travail pour une pathologie en partie liée au travail.

Par ailleurs, dans les circonstances ci-dessus rappelées, l'employeur ne peut pour faire échec à la demande du COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE, exciper de l'absence de recours des délégués du personnel à l'égard de l'absence de suite donnée par l'employeur à l'exercice du droit d'alerte en janvier 2018, ni plus opposer au COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE des recommandations de la société ACTYC concernant la communication de données brutes, dont au demeurant il ne justifie pas, la circonstance que des élus aient participé au COPIL ou à la restitution en open-space étant en outre indifférente.

Il y a lieu dans ces conditions de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être débouté de la demande formulée à ce titre et condamné à indemniser le COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE intimé des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS VISOTEC à verser au COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE de la SAS VISOTEC la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS VISOTEC de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS VISOTEC aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre conflits d'entre.
Numéro d'arrêt : 22/03169
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;22.03169 ?
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