COUR D'APPEL DE RENNES
N° 15/23
N° RG 23/00056 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TO4F
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3211-12-4 du code de la santé publique
Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,
Statuant sur l'appel formé le 24 Janvier 2023 à 15h47par :
M. [D] [F]
né le 15 Décembre 1975 à [Localité 3]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
actuellement hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 4]
ayant pour avocat Me Olivier CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 24 Janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;
En présence de [D] [F], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Olivier CHAUVEL, avocat
En l'absence du tiers demandeur, Mme. [Y] [F], régulièrement avisée,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 27/01/23)
En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,
Après avoir entendu en audience publique le 02 Février 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :
Sur la base d'un certificat médical du Dr. [N] du 12 janvier 2023 décrivant un patient présentant une schizophrénie décompensée avec rupture de traitement entraînant un risque grave à son intégrité, M. [D] [F] a été admis le 13 janvier 2023 au centre hospitalier de [Localité 4]-[Localité 2] en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence sa soeur Mme [Y] [F].
Le certificat médical des 24 heures établi le 13 janvier 2023 par le Dr. [X] mentionne une tension interne psychique, des idées délirantes de persécution non critiquées, avec une anosognosie complète, un trouble du comportement, une opposition passive aux soins mais sans velléités hétéro ou auto-agressives, situation nécessitant le maintien de M. [D] [F] en soins à la demande d'un tiers pour un temps d'observation et d'adaptation des soins.
Le certificat médical des 72 heures établi le 15 janvier 2023 par le Dr. [G] décrit une tension interne apaisée mais avec une anxiété de fond qui reste palpable. Si le délire de persécution s'est amoindri, il demeure récurrent dans le discours, qualifié toutefois de cohérent et de moins dispersé. Mais M. [D] [F] ne reconnaît pas ses troubles malgré les explications fournies sur les circonstances de son hospitalisation, l'adhésion au traitement restant faible, cette situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète.
Sur la base d'un certificat médical du Dr. [X] du 17 janvier 2023 mentionnant une adhésion complète à un délire de persécution chez M. [D] [F] qui ne comprend pas la nécessité des soins, ce qui rendrait impossible son consentement, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète.
Par ordonnance du 24 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète de M. [D] [F].
Le 24 janvier 2023, M. [D] [F] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.
À l'audience du 2 février 2023 à 14 heures, M. [D] [F] conteste l'identité de Mme [Y] [F] qui usurperait la qualité de soeur, laquelle aurait été échangée, comme sa mère, il y a une quarantaine d'années. Il conteste le diagnostic de schizophrénie posé par les psychiatres. Ingénieur en informatique, il espère retrouver du travail à la sortie de l'hôpital après avoir signé sa rupture conventionnelle avec son ancien employeur ([V]).
Son avocat indique qu'il existe un problème procédural par rapport à la qualité du tiers digne de confiance puisqu'il est sans lien avec Mme [Y] [F], alors que la personne avec qui il vit et qui prétend être sa mère aurait pu davantage recevoir cette qualité.
Le centre hospitalier ne comparaît pas mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation du Dr. [X] du 30 janvier 2023 mentionnant un patient certes calme et coopérant, mais avec des bizarreries de contact et la persistance d'éléments délirants de mécanisme interprétatif à type de persécution, organisés en réseau et intéressant tous les secteurs de sa vie, avec une adhésion totale, sans aucune ébauche de critique et sans conscience de ses troubles, l'observance des traitements étant passive et l'adaptation thérapeutique toujours en cours. Malgré l'absence de trouble du comportement au sein de l'unité, le médecin préconise la poursuite des soins sans consentement en hospitalisation complète.
Mme [Y] [F], tiers demandeur, ne comparaît pas mais écrit pour indiquer que son frère va bien et parvient à travailler lorsqu'il prend son traitement, mais il refuse depuis plusieurs mois de s'inscrire à Pôle Emploi, situation l'empêchant de percevoir ses indemnités, ce qui la conduit à évoquer une curatelle simple pour s'occuper de ses affaires. Elle renouvelle sa confiance dans les médecins pour le traitement dont son frère a besoin.
Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes de l'article R. 3211-18 du Code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.
Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.
En l'espèce, M. [D] [F] a formé le 24 janvier 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du même jour.
Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.
Sur la régularité de la procédure
Aux termes de l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique, 'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission (notamment) lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci'.
En l'espèce, M. [D] [F] a été hospitalisé à la demande de Mme [Y] [F] en qualité de 'soeur'.
Si M. [D] [F] lui conteste cette qualité, il n'apporte toutefois aucun élément militant pour cette thèse, étant ici rappelé que, devant le premier juge, sa contestation portait uniquement sur le fait qu'elle aurait agi sous hypnose.
La procédure doit donc être déclarée régulière.
Sur le fond
Aux termes de l'article L. 3211-12-4 du Code de la santé publique, 'l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 , L. 3211-12-1 ou L. 3222-5-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I'.
(...) Lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience'.
L'article L. 3211-12-1 prévoit que 'la saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète'.
L'article R. 3211-24 dispose que 'la saisine est accompagnée des pièces prévues à l'article R. 3211-12 ainsi que de l'avis motivé prévu au II de l'article L. 3211-12-1. Cet avis décrit avec précision les manifestations des troubles mentaux dont est atteinte la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques et les circonstances particulières qui, toutes deux, rendent nécessaire la poursuite de l'hospitalisation complète au regard des conditions posées par les articles L. 3212-1 et L. 3213-1.
Cet avis indique, le cas échéant, si des motifs médicaux font obstacle à l'audition de la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques'.
En l'espèce, le centre hospitalier a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation du Dr. [X] du 30 janvier 2023 mentionnant un patient certes calme et coopérant, mais avec des bizarreries de contact et la persistance d'éléments délirants de mécanisme interprétatif à type de persécution, organisés en réseau et intéressant tous les secteurs de sa vie, avec une adhésion totale, sans aucune ébauche de critique et sans conscience de ses troubles, l'observance des traitements étant passive et l'adaptation thérapeutique toujours en cours. Malgré l'absence de trouble du comportement au sein de l'unité, le médecin préconise la poursuite des soins sans consentement en hospitalisation complète. Ces constatations sont confortées par les impressions d'audience.
Il conviendra donc de confirmer l'ordonnance entreprise.
Sur les dépens
Les dépens d'appel seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
Recevons M. [D] [F] en son appel,
Confirmons l'ordonnance entreprise,
Laissons les dépens d'appel à la charge du trésor public.
Fait à Rennes, le 03 Février 2023 à 14h
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Philippe BRICOGNE, Président
Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [D] [F] , à son avocat, au CH et tiers demandeur
Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD
Le greffier