2ème Chambre
ARRÊT N°71
N° RG 20/00144
N° Portalis DBVL-V-B7E-QMF2
(2)
M. [I] [O]
C/
CRCAM DU FINISTÈRE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me COROLLER-BEQUET
- Me TESSIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 FEVRIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Décembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [I] [O]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELARL ALEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte d'huissier en date du 21 septembre 2018, M. [I] [O] a assigné la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère devant le tribunal de grande instance de Quimper.
Suivant jugement en date du 17 décembre 2019, le tribunal a :
Débouté M. [I] [O] de sa demande de dommages et intérêts.
Condamné M. [I] [O] à payer à la banque la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Débouté les parties de leur demandes plus amples ou contraires.
Condamné M. [I] [O] aux dépens dont distraction au profit de Maître Emmanuelle Balk-Nicolas conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ordonné l'exécution provisoire.
Suivant déclaration en date du 9 janvier 2020, M. [I] [O] a interjeté appel.
En ses dernières conclusions en date du 10 mars 2022, M. [I] [O] demande à la cour de :
Vu les articles 1217 et 1103 du code civil,
Vu les articles L. 131-2, L. 131-4, L. 131-6 et L. 131-73 du code monétaire et financier,
Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Condamner la banque à lui payer en qualité d'ayant-droit de Mme [X] [C] [O] née [S] la somme de 30 000 euros majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 15 000 euros du 5 octobre 2017 jusqu'à parfait paiement et des intérêts au taux légal sur la somme de 15 000 euros du 26 octobre 2017 jusqu'à parfait paiement.
Condamner la banque aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En ses dernières conclusions en date du 2 avril 2021, la banque demande à la cour de :
Vu les articles L. 131-1 et suivants du code monétaire et financier,
Déclarer M. [I] [O] mal fondé en son appel.
Le débouter de ses demandes, fins et conclusions.
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner M. [I] [O] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamner aux dépens qui seront recouvrés par la société Bazille, Tessier & Preneux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Mme [X] [C] [O] née [S] est décédée le [Date décès 2] 2017 laissant pour lui succéder son fils M. [I] [O]. La défunte était titulaire de plusieurs comptes ouverts dans les livres de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère.
M. [I] [O] reproche à la banque d'avoir payé les 5 et 26 octobre 2017 deux chèques d'un montant de 15 000 euros émis le 1er mai 2017 au bénéfice de MM. [L] et [E] [S] ses petits-enfants. Il soutient que les chèques présentaient des irrégularités formelles en ce que le montant en chiffres et en lettres, la date de création et le nom des bénéficiaires n'avaient pas été rédigés de la main du tireur. Il ajoute que les irrégularités résultaient également du montant inhabituel des chèques qui dépassaient le solde disponible du compte de dépôt. Il rappelle qu'à la date de création des chèques, Mme [X] [C] [O] née [S] était âgée de 93 ans, considère que la banque était tenue d'un devoir accru de vigilance et qu'elle n'aurait pas dû se contenter d'un contrôle purement formel des titres de paiement. Il relève que la banque a pris la précaution de l'informer de l'existence des chèques lors de leur première présentation. Il soutient qu'au moment de la seconde présentation, elle n'ignorait pas que les chèques n'avaient pas été tirés avec le consentement de Mme [X] [C] [O] née [S] et qu'elle les a payés en dépit de l'opposition qu'il avait formulée par lettre recommandée en date du 16 septembre 2017. Il indique que c'est à la seule initiative de la banque que le compte de dépôt a été crédité d'une somme excédant la valeur des chèques alors que le notaire chargé de la succession avait demandé le transfert des avoirs successoraux. Il soutient que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.
La banque explique que lors de la première présentation, les chèques litigieux ont fait l'objet d'un rejet automatique en raison du blocage temporaire des comptes intervenu à la suite du décès de Mme [X] [C] [O] née [S]. Elle indique que les chèques ont été présentés une seconde fois et ont été payés respectivement le 5 et le 26 octobre 2017. Elle précise qu'elle n'a constaté aucune anomalie lors de la vérification de la régularité des chèques et qu'elle ne pouvait refuser leur paiement. Elle fait valoir que l'existence d'écritures différentes sur une formule de chèque ne constitue pas une anomalie apparente et que les mentions autres que la signature peuvent être apposées par un tiers. Elle rappelle qu'il n'est pas discuté que Mme [X] [C] [O] née [S] a signé les chèques et soutient qu'il n'est pas permis d'affirmer qu'elle n'a pas ratifié les autres mentions. Elle ajoute que le fonctionnement anormal d'un compte ne saurait être déduit d'un mouvement d'un débit élevé pouvant être payé par le crédit du compte. Elle soutient que M. [I] [O] n'a pas formé opposition au paiement des chèques malgré ce qu'il laisse entendre et qu'il a seulement fait état dans un courrier d'une potentielle utilisation frauduleuse. Elle explique que les comptes et livrets ouverts au nom de la défunte ont alimenté le compte de dépôt sur instruction du notaire chargée de la succession et crédité ce compte d'une provision suffisante. Elle note qu'à ce jour, la preuve de l'utilisation frauduleuse n'est pas rapportée.
Il n'est pas discuté que les chèques litigieux ont été signés par Mme [X] [C] [O] née [S]. Les autres mentions manuscrites non écrites de la main du tireur, en l'absence de surcharge, rature ou incohérence, n'étaient pas de nature, en dehors de tout autre élément, à remettre en cause la validité des titres de paiement. Il n'est pas démontré que Mme [X] [C] [O] née [S] n'a pas ratifié les mentions relatives aux montants et aux bénéficiaires des chèques. Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a jugé qu'il n'était pas démontré que la banque avait manqué à son devoir de contrôle de la régularité des chèques litigieux.
Selon l'article L. 131-36 du code monétaire et financier, le décès du tireur ne touche pas aux effets du chèque. La banque avait l'obligation de déférer à l'ordre de paiement sauf opposition ou absence de provision suffisante. Il ne peut être reproché à la banque un manquement à ses obligations alors qu'elle a informé M. [I] [O] de l'existence des chèques litigieux lors de leur première présentation au mois de septembre 2017, le paiement étant différé pour un motif technique, et qu'elle n'a procédé au paiement, la provision sur le compte étant devenue suffisante à la suite de la clôture de l'ensemble des comptes et livrets détenus par la défunte à la demande du notaire chargé de la succession, qu'après avoir constaté l'absence d'anomalie apparente et faute d'être saisie d'une opposition formelle. Une demande de renseignement quant à l'identité des bénéficiaires des chèques et de copie des titres de paiement ne pouvait être reçue comme une opposition même en alléguant une utilisation frauduleuse dont la preuve n'est pas rapportée à ce jour.
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les demandes de M. [I] [O] seront rejetées.
Il n'est pas inéquitable de le condamner à payer à la banque la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
Il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Bazille, Tessier & Preneux.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Quimper en date du 17 décembre 2019.
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [O] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
Condamne M. [I] [O] aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Bazille, Tessier & Preneux.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT