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03/02/2023 | FRANCE | N°20/00094

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 03 février 2023, 20/00094


2ème Chambre





ARRÊT N°69



N° RG 20/00094

N° Portalis DBVL-V-B7E-QL7Z





(2)







Mme [B] [X]



C/



SA CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE DE LOIRE



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :
>- Me VOISINE

- Me NADREAU







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Présiden...

2ème Chambre

ARRÊT N°69

N° RG 20/00094

N° Portalis DBVL-V-B7E-QL7Z

(2)

Mme [B] [X]

C/

SA CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE DE LOIRE

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me VOISINE

- Me NADREAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Décembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [B] [X]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5] (49)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SA CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE DE LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous-seing-privé en date du 25 février 2014, Mme [B] [X] a souscrit auprès de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire un prêt d'un montant de 386 000 euros au taux de 3,25 % l'an remboursable en 11 mensualités de 1 141,92 euros et une mensualité de 387 141,92 euros.

 

Suivant acte d'huissier en date du 21 juin 2017, Mme [B] [X] a assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo.

 

Suivant jugement en date du 9 décembre 2019, le tribunal a :

 

Débouté Mme [B] [X] de ses demandes.

Débouté la banque de sa demande au titre de la résistance abusive.

Condamné Mme [B] [X] à payer à la banque la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné Mme [B] [X] aux dépens donc distraction au profit de la société Kerjean, le Goff & Nadreau.

 

Suivant déclaration en date du 7 janvier 2020, Mme [B] [X] a interjeté appel.

 

Suivant conclusions en date du 3 juin 2020, la banque a interjeté appel incident.

 

En ses dernières conclusions en date du 10 octobre 2022, Mme [B] [X] demande à la cour de :

 

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,

 

Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dire que la banque a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.

La condamner à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la perte de chance de n'avoir pu contracter dès 2013 un prêt amortissable.

Dire recevables les demandes de dommages et intérêts formées au titre des frais de création de la SARL, des frais de notaire et frais et dommages et intérêts pour préjudice moral.

Condamner la banque à lui payer la somme de 29 689,92 euros au titre des intérêts, la somme de 2 032,72 euros au titre des frais bancaires, la somme de 2 600 euros au titre de la création de la SARL et la somme de 32 888,77 euros au titre des frais de notaire et autres frais à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.

Condamner la banque à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Débouter la banque de sa demande reconventionnelle au titre de la résistance abusive.

Condamner la banque à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure.

 

En ses dernières conclusions en date du 12 octobre 2022, la banque demande à la cour de :

 

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

 

À titre principal,

Rejeter comme non fondé l'appel de Mme [B] [X] et la recevoir en son appel incident.

Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de la résistance abusive.

Dire irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de Mme [B] [X] au titre des frais de création de la SARL, des frais de notaire et frais et dommages et intérêts pour préjudice moral.

Débouter Mme [B] [X] de ses demandes, fins et conclusions.

Statuant à nouveau sur le chef de jugement réformé,

Condamner Mme [B] [X] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation pour résistance abusive.

À titre subsidiaire,

Débouter Mme [B] [X] de ses demandes indemnitaires au titre de la réparation de sa prétendue perte de chance.

À titre infiniment subsidiaire,

Réduire les demandes indemnitaires de Mme [B] [X] à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

Condamner Mme [B] [X] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la société Kerjean, Le Goff & Nadreau.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

 

Mme [B] [X] fait valoir que dans le cadre de la liquidation d'une indivision, elle s'est vu attribuer des biens à charge pour elle de régler notamment une soulte de 386 000 euros. Elle explique qu'elle a sollicité différents établissements bancaires et qu'elle a reçu le 7 février 2014 de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire une proposition de prêt in fine alors qu'une simulation avait été réalisée pour un prêt amortissable. Elle prétend s'en être étonnée auprès de la banque car elle ne disposait d'aucune épargne, n'avait pas la possibilité d'en constituer une et qu'elle n'avait pas de projet de vente. Elle indique qu'il lui a été répondu que le dossier devait être présenté de la sorte et qu'un avenant avec un prêt amortissable lui serait proposé. Elle explique qu'elle s'est rapidement trouvée en difficulté et qu'elle s'est vue contrainte de recourir à une solution familiale pour faire racheter le bien immobilier. Elle considère que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde. Elle explique que les informations mentionnées par le conseiller bancaire dans la fiche de renseignements ne correspondaient pas à sa situation réelle. Elle ajoute qu'en l'absence de projet sérieux de vente immobilière, le risque d'endettement excessif était caractérisé. Elle maintient qu'elle a été contrainte de souscrire un prêt in fine.

 

La banque rappelle que Mme [B] [X] a sollicité plusieurs établissements bancaires en vue d'obtenir un financement lui permettant d'acquitter la soulte liée à l'attribution d'un ensemble immobilier dénommé [Adresse 6]. Elle indique qu'elle a établi une simulation de prêt amortissable le 13 septembre 2013, que Mme [B] [X] n'a pas donné suite mais qu'elle lui a communiqué une offre d'achat du promoteur immobilier Seri Ouest en date du 13 janvier 2014 portant sur une parcelle constructible moyennant un prix de 1 million d'euros. Elle soutient que Mme [B] [X] a sollicité des modalités de financement différentes et signé le 30 janvier 2014 une demande de prêt in fine. Elle explique que Mme [B] [X] n'a pas vendu la parcelle objet de l'offre d'achat et s'est trouvée dans l'impossibilité de régler la dernière échéance du prêt in fine. Elle considère qu'elle ne peut s'affranchir des informations qu'elle a communiquées dans la fiche de renseignement et soutenir que sa solvabilité était douteuse au moment de la souscription du prêt. Elle rappelle qu'elle disposait d'un patrimoine immobilier permettant d'écarter le risque d'endettement excessif. Elle conteste avoir été informée de l'inconstructibilité éventuelle du terrain objet de l'offre d'achat tout en soulignant qu'elle avait un devoir de non-immixtion dans les affaires de sa cliente. Elle conteste également avoir imposé un prêt in fine et fait observer que la souscription d'un prêt amortissable aurait généré des mensualités de remboursement plus importantes. Elle considère que Mme [B] [X] qui a exercé l'activité d'agent immobilier et qui est gérante de la SCI Mercor depuis 1992 ne peut revendiquer la qualité d'emprunteur non averti.

 

Le banquier qui accorde un prêt est tenu à un devoir d'information et de mise en garde au regard, non seulement des charges du prêt, mais aussi des capacités financières de l'emprunteur et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt dès lors que ce risque existe.

 

Il est constant que la banque a consenti le 25 avril 2014 à Mme [B] [X] un prêt d'un montant de 386 000 euros au taux de 3,25 % l'an remboursable en 11 mensualités de 1141,92 euros et une mensualité de 387 141,92 euros afin de lui permettre d'acquitter une soulte mise à sa charge dans le cadre de la liquidation d'une indivision après attribution du [Adresse 6]. Mme [B] [X] prétend qu'elle souhaitait souscrire un prêt amortissable mais que la banque lui a imposé la souscription d'un prêt in fine. Il n'est pas discuté que la banque a établi une simulation de prêt amortissable le 13 septembre 2013. Mais Mme [B] [X] a donné suite à une proposition de prêt in fine après avoir communiqué à la banque une offre d'achat du promoteur immobilier Seri Ouest en date du 13 janvier 2014 portant sur une parcelle de terrain moyennant un prix de 1 million d'euros sous condition d'obtention d'un permis de construire. L'offre d'achat était suffisante pour établir du point de vue de la banque la valeur du patrimoine détenu par Mme [B] [X] ainsi que sa volonté de vendre en sorte que l'offre de souscription d'un prêt in fine apparaissait adaptée à sa situation. Mme [B] [X] ne démontre pas que la banque lui a imposé de souscrire un prêt in fine. Il faut noter à cet égard qu'elle produit aux débats l'offre de prêt amortissable reçue de la société BNP Paribas le 16 décembre 2013 sans justifier de la raison pour laquelle cette offre de financement n'a pas prospéré.

 

Mme [B] [X] reproche à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire d'avoir manqué à son devoir de conseil et de mise en garde en établissant le projet de financement sur la base d'informations erronées.

 

La banque objecte à juste titre que Mme [B] [X] ne peut s'affranchir des informations qu'elle lui a fournies au stade de la demande de prêt. La fiche de renseignement signée par elle le 30 janvier 2014 faisait notamment mention d'une épargne de 52 530 euros détenues par la société Crédit mutuel et la société Crédit du Nord. Cette somme lui permettait de faire face au remboursement des onze mensualités de 1 141,92 euros du prêt in fine tout en tenant compte de ses autres emprunts représentant une charge mensuelle de 580,84 euros et alors qu'elle faisait mention de revenus de 32 483 euros par an. De même, le risque d'endettement, s'agissant du paiement de la dernière mensualité d'un montant de 387 141,92 euros, n'apparaissait pas avéré en raison de l'offre d'achat formulée par le promoteur immobilier Seri Ouest et au regard de la valeur du [Adresse 6] constitué d'un manoir, d'une maisonnette, de studios, de chambres d'hôte et d'un parc boisé estimée à la somme de 1 479 319 euros.

 

L'obligation de mise en garde à laquelle pouvait être tenue la banque à l'égard de Mme [B] [X], qui n'étant pas une professionnelle des opérations financières devait être considérée comme un emprunteur non averti, ne portait pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée, à savoir le paiement de la soulte de 386 000 euros par la vente d'une parcelle réputée constructible. Il portait sur le risque d'un endettement caractérisé ou excessif né de l'octroi du prêt proposé, risque qui n'est pas établi en l'espèce compte tenu de l'étendue de son patrimoine immobilier. En l'absence de manquement de la banque à ses obligations contractuelles, les demandes de Mme [B] [X] ne sauraient prospérer.

 

Par ailleurs, la banque ne démontre pas que le droit de Mme [B] [X] d'agir en justice a dégénéré en abus. Elle ne démontre pas plus l'existence d'un préjudice. Sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.

 

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

 

Les demandes de Mme [B] [X] seront rejetées.

 

Il n'est pas inéquitable de la condamner à payer à la banque la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de la procédure d'appel.

 

Elle sera également condamnée aux dépens de la procédure d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Kerjean, Le Goff & Nadreau.

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

La cour,

 

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Saint Malo en date du 9 décembre 2019.

 

Rejette les demandes de Mme [B] [X].

 

Y ajoutant,

 

Condamne Mme [B] [X] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne Pays de Loire la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La condamne aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Kerjean, Le Goff & Nadreau.

 

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00094
Date de la décision : 03/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-03;20.00094 ?
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