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02/02/2023 | FRANCE | N°20/00278

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 02 février 2023, 20/00278


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N° 43/2023



N° RG 20/00278 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMUT













SARL MEDIABAT



C/



M. [V] [M]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU

DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé


...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N° 43/2023

N° RG 20/00278 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMUT

SARL MEDIABAT

C/

M. [V] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Novembre 2022 devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [Z] [L], médiateur judiciarie

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL MEDIABAT

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicolas NARDIS de la SELARL LCE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST substitué par Me THOMAS, avocat au barreau de BREST

INTIMÉ :

Monsieur [V] [M]

né le 14 Septembre 1962 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant en personne, assisté de Me Melaine RANGHEARD de la SELARL JUSTICIAVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [M] a été embauché par la SARL Médiabat qui commercialise des logiciels à destination des professionnels du bâtiment, en qualité de vendeur suivant contrat du 30 août 2005 ; il a été licencié le 18 décembre 2017 pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Morlaix le 31 août 2018 afin de voir, selon le dernier état de sa demande :

Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Médiabat à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec les intérêts de droit, les sommes suivantes :

- 19.658,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.691,07 euros au titre de rappel de primes,

- 6 305,20 euros au titre de la classification correspondant aux fonctions qu'il exerçait,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation de son préjudice moral ;

Condamner la société Médiabat à lui remettre les documents sociaux et les bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir ;

Condamner la société Médiabat à lui verser une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée.

La société Médiabat s'opposait aux prétentions du demandeur et sollicitait, à titre principal qu'il soit débouté de l'ensemble de ses demandes et à titre subsidiaire la réduction de ses prétentions à de plus justes proportions, outre sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement rendu le 20 décembre 2019, le Conseil des prud'hommes de Morlaix statuait ainsi qu'il suit :

« REQUALIFIE le licenciement de M. [V] [M] sans cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la SARL MÉDIABAT à payer à M. [V] [M] la somme de 19 000 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DIT que M. [V] [M] est bien fondé à réclamer un rappel de salaires au titre des primes auxquelles il pouvait prétendre ;

CONDAMNE la SARL MÉDIABAT à payer à M. [V] [M] la somme de l 691,07 € brut au titre de rappel de salaire ;

DEBOUTE M. [V] [M] de sa demande de rappel de salaire au titre de la classification;

DEBOUTE M. [V] [M] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral et financier consécutif au licenciement ;

ORDONNE à la SARL MÉDIABAT de remettre à M. [V] [M] les documents sociaux et les bulletins de salaire rectifiés, ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement ;

DIT que le Conseil de prud'hommes de MORLAIX se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte;

CONDAMNE la SARL MÉDIABAT à verser M. [V] [M] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile ;

DISPOSE que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial (date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse, soit le 10 septembre 2018) et à compter de la mise à disposition au greffe (soit le 20 décembre 2019) pour les dommages et intérêts ;

DEBOUTE la SARL MÉDIABAT de toutes autres prétentions et demandes :

RAPPELLE l'exécution provisoire de droit (Art R I424-28 du code du travail) à laquelle sera assorti le présent jugement ;

ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités ;

LAISSE les dépens à la charge de la SARL MEDIABAT et y compris en cas d'exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d'huissier (Art 696 du code de procédure civile). »

Suivant déclaration de son avocat en date du 14 janvier 2020 au greffe de la Cour d'appel, la SARL Médiabat faisait appel de la décision.

Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d'appel, l'appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement rendu sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral et financier consécutif au licenciement et de sa demande de rappel de salaire au titre de la classification professionnelle ;

Et statuant à nouveau, de:

Dire que Monsieur [M] n'est pas fondé à solliciter un rappel de salaires au titre des taux de commissionnement ;

Débouter Monsieur [M] de l'ensemble de ses prétentions,

' A titre principal,

Dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

' A titre subsidiaire,

Réduire ses prétentions financières ;

Condamner Monsieur [M] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante expose qu'à diverses reprises, elle a dû rappeler l'intimé à ses obligations au regard de son manque d'implication dans ses fonctions et que devant la persistance délibérée de ses manquements et notamment un nouveau refus d'assurer une formation, elle a été contrainte de le licencier ; elle conteste avoir entravé son activité commerciale tel qu'il le soutient et estime suffisamment justifier des griefs invoqués au soutien de son licenciement ; s'agissant du taux de commissionnement, elle fait valoir que s'il a été indiqué par erreur un taux de commissionnement dans le contrat de travail, il a toujours été appliqué, en accord avec le salarié, le taux de commissionnement convenu lors de l'entretien d'embauche tel qu'il figure sur ses bulletins de paie, soit le taux de commissionnement de tous les vendeurs et elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur ce point ; par contre elle sollicite sa confirmation en ce qu'il a débouté l'intimé de sa demande de rappel de salaire au titre de la classification dès lors qu'il ne réalise pas de missions d'étude ou de préparation au sens des dispositions de la convention collective et sa confirmation encore en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts complémentaires en réparation de son préjudice moral et financier suite au licenciement.

* * *

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel, Monsieur [M] demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Morlaix le 20 décembre 2019 en ce qu'il a :

Dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné la SARL Médiabat à lui verser une somme de 1.691,07 euros bruts à titre de rappel de salaires sur le taux de commissionnement, somme assortie de l'intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil de Prud'hommes ;

Condamné la SARL Médiabat à lui remettre les documents de fin de contrat et des bulletins de salaires rectifiés conformes à la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision ;

Condamné la SARL Médiabat à lui verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Infirmer le jugement pour le surplus et sur appel incident,

Condamner la société Médiabat à lui verser une somme de 19.658,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dire qu'il est bien fondé à réclamer un rappel de salaires au titre de la classification correspondant aux fonctions qu'il exerçait et condamner la société Médiabat à lui verser la somme de 6.305.20 euros bruts à ce titre, assortie de l'intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil de prud'hommes ;

DIRE que son licenciement lui a causé un préjudice moral et financier et condamner la société Médiabat à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner la société Médiabat à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel ;

Condamner la société Médiabat aux entiers dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'article 10 du Décret du 12 Décembre 1996 liés à l'exécution forcée en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses prétentions, l'intimé fait valoir qu'il avait contractuellement à charge de vendre des logiciels et dispenser la formation afférente aux logiciels qu'il avait vendus à partir de rendez-vous pris par des télévendeurs basés en Tunisie ou au siège à [Localité 5], obligation dont s'est affranchi l'employeur à compter de 2015 ; il expose qu'il en est résulté une surcharge de travail dans un contexte de difficultés de l'entreprise et il estime qu'il était fondé à refuser de réaliser une formation en novembre 2017, tel que justement retenu par le Conseil des prud'hommes, dès lors qu'il s'agissait d'une formation sur un logiciel qu'il n'avait pas vendu, observant que la vente a été réalisée sur son secteur par un prestataire extérieur, le privant du commissionnement tant sur la vente, que sur la formation ; il conteste encore tout manque d'implication dans ses fonctions, l'employeur ayant d'ailleurs manifesté sa satisfaction à diverses reprises au cours de l'exécution du contrat de travail ;

s'agissant du montant des indemnités allouées, il estime que celles-ci doivent être fixées au plafond du barème à raison de son âge et de son ancienneté, outre qu'il a subi un préjudice moral et financier complémentaire dont il estime suffisamment justifier ; s'agissant de sa classification, il estime sa demande bien fondée au regard de la grille de classification de la convention collective, observant qu'il lui a été alloué un coefficient de vendeur débutant, maintenu tout au long l'exécution du contrat de travail, qui ne correspond pas à ses fonctions effectives.

La clôture de l'instruction été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état le 25 octobre 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 29 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions notifiées par voie électronique au greffe de la Cour le 24 octobre 2022 pour la SARL MED1ABAT et le 14 octobre 2022 pour Monsieur [V] [M].

SUR CE, LA COUR

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. 

Si conformément aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, en application des dispositions de l'article R.1232-13, le salarié peut, dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et l'employeur dispose d'un délai de 15 jours pour apporter des précisions s'il le souhaite.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2017, Monsieur [M] était convoqué à un entretien préalable à licenciement et par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2017, il était licencié en ces termes :

« Le 12 décembre 2017, vous vous êtes présenté à votre entretien pour un éventuel licenciement, entretien auquel vous n'avez pas souhaité être assisté.

Lors de cet entretien, je vous ai indiqué le motif de cet entretien, à savoir votre refus d'assurer les formations sur votre secteur au motif qu'elles étaient vendues par Mediabat et non par vous. Tout d'abord, je vous rappelle que votre contrat de travail prévoit une rémunération concernant cette prestation, que de manière habituelle, vous avez toujours réalisée ces prestations comme vous l'avez déjà réalisée chez les clients suivants : Karopose, Le Roch peinture, colleaux, l'acacia scop, pladys elec ...que vous les ayez vendue vous-même ou que ce soit la société. Ce faisant, vous ne respectez pas le contrat de travail ni la fiche de poste que vous avez eu dont voici le contenu :

« Activités, tâches qui en découlent : Le commercial est chargé de se rendre sur les Rv fournis par la société.il devra confirmer ses Rv la veille vers 12 h. il devra prévenir immédiatement la société en cas de changement de planning. Il devra effectuer une démonstration détaillée du logiciel. Il est chargé de négocier les ventes. Il est chargé aussi de vendre des produits annexes (sauvegarde, formation, module compta ...). Le commercial doit aussi animer son secteur avec les différents intervenants dans le bâtiment (Chambre des métiers. Capeb, fédération du bâtiment ...). Il a aussi la responsabilité de trouver des revendeurs et de les former pour que ceux-ci puissent vendre en toute autonomie selon les règles commerciales dictée par le siège. Il devra veiller a ce que ses clients utilisent le logiciel de manière optimale, en leur faisant des prises en main gratuite à distance. Le commercial est chargé de former ses clients lorsque cela est nécessaire. D'une manière générale, le vendeur doit appeler régulièrement ses clients (une à deux fois par an) pour vérifier que ceux-ci utilisent correctement le logiciel, et en profitent pour trouver des parrainages. Le vendeur doit réaliser au minimum 250 € Ht par jour de CA (250*20 J=5000 €). Lorsque le vendeur n'a pas de Rv fournis par la société, il doit par lui-même soit essayer de trouver un RV. soit générer 250 euros sur ses clients. Le vendeur devra fournir une fiche de suivi de client (ex fournis en page 2). »

Votre réponse à ma question de savoir comment j'allais faire quand un de vos clients voulait une formation a été simple : « Vous n'avez qu'en m'informer et je ferais un devis au client ». Cette réponse m'a laissé pantois. Actuellement alors que nous n'avons plus de cellule télépro, votre activité auprès de vos clients en appels sortant n'a été que de 7h45 concernant le mois d'octobre 2017 soit 20 Mn par jour quand vos collègues [T] [N] ou [V] [B] on réalisé 27h45 et 30 heures pour ce dernier. Ce qui veut dire que eux réalisent un travail de relance client quand vous vous ne faites rien, a attendre que nous vous trouvions des Rv ou des bons de commande à remplir selon vous (je ne parle pas de vente mais bien de remplir un bon de commande puisque vous ne faites aucun travail de suivi client). Comment expliquer ce volume d'appel alors qu'il y a eu 5 lundi en Octobre ou vous êtes censés restés au bureau selon mes consignes a téléphoner a vos clients, ce qui aurait nécessairement fait tomber des formations ou des ventes additionnelles. Qu'avez donc fait le 23 et 30 Octobre ou vous êtes restés au bureau '

De plus ce refus va nous générer un problème car cela veut dire que nos clients ne peuvent plus recevoir de formation et donc vouloir changer de logiciel.

De plus, je vous rappelle que vous avez été convoqué l'année dernière pour un motif similaire, que vous aviez pris l'engagement de relancer vos clients pour faire des ventes additionnelles, parole que vous avez respectée plus ou moins jusqu'en octobre de cette année avec même un pic en septembre 2017 de volume d'appel de 15 heures, ce qui est toutefois très insuffisant puisque cela représente 45 mn par jour environ. Connaissez-vous beaucoup de commerciaux qui relancent moins d'une heure par jour ses prospects et ses clients '

Votre refus m'oblige à vous signifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Vous aurez donc un préavis de deux mois qui démarrera à compter de la présentation de cette lettre'»

Par une lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2017, Monsieur [M], contestait les motifs de son licenciement et par une lettre du 29 décembre 2017, l'employeur les précisait, observant qu'en 2016, Monsieur [M] n'avait réalisé que 14 rendez-vous dans les Charentes et qu'il n'était pas plus disponible pour des démonstrations à distance ; il conteste ses allégations aux termes desquelles il aurait privilégié sur son secteur Monsieur [W], ancien salarié et prestataire commercial extérieur, observant que son taux de commissionnement était de 40 % et qu'il n'avait aucune raison de le privilégier au détriment d'une solution interne moins coûteuse ;

il lui fait grief en outre d'une insuffisance de relance des clients à partir du fichier clients de l'entreprise, manquement lié à une insuffisance de travail.

Il ressort de la lettre de licenciement et de la lettre du 29 décembre 2017 que l'énonciation des griefs repose sur une insuffisance d'activité du salarié et sur son refus d'assurer les formations sur son secteur.

Le grief tiré de l'insuffisance professionnelle

Aux fins de justifier de l'insuffisance professionnelle alléguée, l'employeur produit:

' le contrat de travail signé entre les parties le 30 août 2005 prévoyant que Monsieur [M] est embauché pour exercer les fonctions de vendeur non-cadre pour un temps de travail hebdomadaire de 35 heures sur son secteur régional (Dept 29 56 22'), en contrepartie de quoi il perçoit une rémunération pour partie fixe égale au SMIC et pour partie variable, soit une prime sur la marge brute qu'il a dégagée de 4,5 % pour la tranche de 5.000 à 6.000 euros de marge brute, la prime augmentant pour chaque tranche de 1.000 € de marge brute supplémentaire, jusqu'à 16 % au-delà de 11.000 €, aucune commission n'étant due pour les 5.000 premiers euros de marge ; s'y rajoute une prime de 91 euros bruts (portée depuis lors à 100 euros) pour les formations dispensées aux clients et il est mis à disposition du salarié notamment un véhicule de société dont l'usage est strictement limité aux déplacements professionnels ; il est prévu que Monsieur [M] devra au moins réaliser une marge brute de 5.000 € tous les mois et qu'à défaut d'atteinte de cet objectif pendant deux mois consécutifs, il pourra être licencié pour insuffisance de résultats, la société Médiabat s'engageant à lui fournir un nombre suffisant de rendez-vous qualifiés afin d'atteindre les objectifs ;

' la fiche de poste « Commercial non sédentaire » qui lui a été transmise en 2014 dont les termes sont rappelés dans la lettre de licenciement et de laquelle il ressort que le commercial reçoit les consignes de la part du chef des ventes et de la direction; il a à charge de développer le chiffre d'affaires sur son secteur à partir des rendez-vous fournis par la société, d'effectuer une démonstration détaillée du logiciel, de négocier les ventes y compris les produits annexes visés et de former ses clients lorsque nécessaire ; il a encore à charge d'animer son secteur avec les différents intervenants institutionnels du bâtiment et la responsabilité de trouver des revendeurs et de les former ; enfin, il doit réaliser une marge brute d'au moins 5.000 euros par mois ;

' un avertissement adressé par l'employeur à Monsieur [M] le 29 août 2013 au motif que la veille, il n'avait qu'un seul rendez-vous au planning et qu'il est resté chez lui pour passer quelques coups de téléphone et faire une démonstration via internet ; il lui fait grief de de ne pas avoir fourni le justificatif de son activité sur la journée ;

' un relevé du nombre d'appels de Monsieur [M] sur la période du 23 janvier au 18 février 2014 ;

' une lettre recommandée du 27 janvier 2014 de son employeur lui rappelant qu'au regard de ses explications, il a retiré l'avertissement en octobre 2013, mais que les formations font partie de ses tâches annexes avec une rémunération spécifique et qu'un refus l'expose à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement ;

' le courriel en réponse du 1er février 2014, par lequel Monsieur [M] indique que dans un souci d'apaisement et de satisfaction client, il réalisera la formation demandée avec un grand sentiment d'amertume ; il précise rester dans l'attente de sa définition de poste qui mettra un terme au litige ;

' un échange de courriels des 24 et 25 juillet 2015 par lesquels, sur demande du directeur des ventes, Monsieur [M] précise qu'il a bien pris rendez-vous à 2 reprises avec le client en cause dont le siège est à 190 km et qu'à 2 reprises, ce client a été défaillant alors qu'il l'a attendu pendant 5 heures et qu'il est rentré chez lui à 22 h ; il demande à être déchargé de ce client, la vente pour 800 euros hors-taxes ayant en définitive été réalisée par un autre salarié ;

' des extraits de l'agenda et des comptes-rendus d'activité de l'intimé de 2013 et 2014 à partir desquels l'employeur a relevé, sur des jours identifiés, une insuffisance d'activité, tenu compte des temps de déplacement ;

' un relevé des commissionnements de l'intimé de janvier 2008 au cours duquel il a réalisé une marge brute de 9.048 euros alors qu'au mois de janvier 2013, il n'a réalisé que 6.427 euros de marge ;

' le bulletin de salaire de Monsieur [M] du mois de décembre 2016 mentionnant une rémunération annuelle brute de 21.409 euros pour 2016 et celui du mois de décembre 2017 mentionnant une rémunération annuelle brute de 22 .900 euros pour 2017 aux fins d'établir que la suppression du service de téléprospection n'a pas eu d'influence sur le montant de sa rémunération ;

' le relevé des commissions versées à Monsieur [W] qui laisse apparaître entre mars et août 2016 le versement de 8.000 euros de commissions.

Pour sa part l'intimé produit, outre son contrat de travail et sa fiche de poste :

' sa lettre en réponse du 13 septembre 2013 à l'avertissement qui lui a été notifié le 29 août 2013 par son employeur par laquelle il conteste la sanction aux motifs d'une part que contractuellement la société Mediapart s'est engagée à lui fournir, pour lui permettre d'atteindre ses objectifs, des rendez-vous qualifiés par un service de téléprospection qui a été supprimé, d'autre part au motif que l'employeur retient les quelques journées où son activité a été moindre sans retenir les journées où il effectue 10 heures de travail et rentre à 23h à son domicile, et enfin au motif qu'il a toujours assuré avec sérieux et professionnalisme, avec les moyens qui lui étaient fournis, l'animation de son secteur (chambre des métiers, coopérative d'achat etc.) ainsi que le suivi régulier de ses clients et il sollicite une nouvelle fois que lui soit adressé une fiche de poste précise, étant observé qu'à la suite de cette lettre, l'avertissement litigieux a été annulé ;

' la reprise de ses prospects et de son activité pour la période du 23 janvier 2014 au 11 février 2014 mise en cause par l'employeur et un relevé kilométrique laissant apparaître ses seuls temps de trajet variant entre 6 heures et 11 heures par jour, les rendez-vous s'étalant entre 9 h et 18 h, seul le 24 janvier 2014 laissant apparaître un temps de trajet de 4 heures pour assurer 2 rendez-vous ; il apparaît sur l'agenda des temps de travail quotidiens variant entre 5 et 11 heures, outre des relances de clients le samedi ;

' 2 courriels adressés par l'employeur à l'ensemble des commerciaux les 22 juin et 15 juillet 2015, le premier par lequel ils sont informés qu'il met un terme au contrat de téléprospection tunisien, qu'il ne pourra plus leur fournir de rendez-vous de qualité en nombre suffisant pour pouvoir travailler et qu'il va mettre en place un nouveau logiciel qui sera proposé à des auto-entrepreneurs, les vendeurs devant être eux-mêmes être formés individuellement sur ce logiciel au siège social à [Localité 5], avec l'indication que les salariés opposants seront licenciés, le second courriel invitant les salariés à rendre visite une à deux fois par semaine à leurs clients pour leur vendre des options et trouver des parrainages ; il leur est précisé qu'en cas de défaillance, ils seront suppléés par un vendeur interne et leur commission sera alors divisée par deux ;

' un courriel du 1er juin 2016 par lequel les vendeurs sont informés de ce que la société arrête le phoning pour des motifs de coûts ;

' un échange de courriels avec son employeur au mois de décembre 2016 par lequel l'intimé expose que ses collègues se sont vus adresser entre 9 et 13 rendez-vous le 12 décembre jusqu'à la fin de l'année, que Monsieur [W], prestataire extérieur, s'est vu adresser 3 rendez-vous et que lui ne s'est vu adresser aucun rendez-vous sur cette période ;

' un courriel adressé par Monsieur [M] à un délégué/direction le 8 octobre 2012 par lequel il lui confirme, sur sa demande, qu'en octobre 2012, un de ses clients ayant perdu ses coordonnées, a téléphoné à Mediapart pour les obtenir, mais que le commercial du siège en a profité pour détourner le client et lui vendre une formation et un complément réseau le privant de 950 euros de commission et la réponse du délégué estimant qu'il doit y avoir une erreur, ce fait étant effectivement anormal et se proposant d'en discuter avec le chef des ventes.

Il ressort de ces éléments que l'employeur, pour établir une insuffisance professionnelle en 2017 verse au débat des pièces concernant essentiellement les années 2013 et 2014, étant observé que l'avertissement du 29 août 2013, outre qu'il est prescrit, a été annulé suite aux contestations émises par l'intimé qui justifie de son activité sur les périodes mises en cause par l'employeur ; par contre il est établi par l'intimé qu'à compter de 2015, l'employeur a été défaillant dans la prise de rendez-vous pour ses vendeurs à laquelle il s'était contractuellement engagé, les objectifs et la rémunération de ces derniers étant fixés notamment au regard de cet élément ; au surplus, il est encore établi que des ventes étaient réalisées sur le secteur de l'intimé par Monsieur [W], prestataire extérieur et ancien salarié de la société, ainsi que par des commerciaux du siège ; pour autant, Monsieur [M] a réalisé les objectifs minimum qui lui étaient impartis et maintenu constante la partie variable de sa rémunération, ce qui atteste suffisamment de la réalité de son activité ; il y a lieu de relever enfin que l'appelante ne produit aucun élément comparatif permettant d'apprécier l'activité des autres vendeurs, comme notamment le montant de leur rémunération variable ou le nombre de rendez-vous transmis par le siège.

Il s'ensuit que le grief tiré de l'insuffisance professionnelle n'est pas établi.

Le refus de réaliser une formation

Aux fins d'établir ce second grief, l'employeur se réfère à un échange de courriels du 27 novembre 2017 produit par Monsieur [M] desquels il ressort que la société Médiabat a confirmé à la société Ledent Menuiserie une formation sur le logiciel Médiabat les 12 et 13 décembre 2017 de 9 h à 12 h et de 13 h à 17 h et que Monsieur [M] a été programmé pour assurer cette formation, suivi d'un courriel du dirigeant de l'entreprise par lequel il invite Monsieur [M] à lui confirmer par écrit qu'il refuse de faire cette formation alors que cette tâche est visée par sa fiche de poste et que son contrat prévoit expressément une rémunération spécifique pour cette tâche et il lui précise qu'en cas de refus il en tirera les conclusions nécessaires ;

par un courriel du 27 novembre 2017, Monsieur [M] confirmait son refus de réaliser cette formation au motif qu'il a charge d'assurer les formations sur ses ventes et non sur les ventes réalisées par les commerciaux en interne ou en externe sur son secteur, d'autant que cette formation lui imposait plus de 1000 km, 14 heures de trajet et 14 heures de formation pour une prime de 100 euros; il observe encore qu'il a été privé de façon déloyale de la commission sur la vente du logiciel vendu par Monsieur [W] et de la commission sur la vente de la formation vendue par le siège sur son secteur.

Pour justifier du caractère illégitime de la position adoptée par l'intimé, la société Médiabat produit une lettre recommandée avec AR du 27 janvier 2014 par laquelle elle lui rappelle que les formations font partie de ses tâches annexes et qu'en cas de refus il s'expose à une sanction disciplinaire ; elle produit en outre, pour établir qu'il effectuait bien des formations même s'il n'avait pas réalisé lui-même la vente correspondante, le justificatif de la vente de deux logiciels et de deux formations réalisées en 2017 par une chargée de clientèle du siège, Monsieur [M] ayant réalisé les formations correspondantes.

Il ressort les explications des parties et des pièces produites et plus particulièrement du contrat de travail du 30 août 2005 que Monsieur [M] a été embauché en qualité de vendeur, la formation étant une activité annexe donnant lieu à l'attribution d'une prime de 100 € ; la fiche de poste adressée au salarié sur sa demande en janvier 2014 prévoit à ce titre que le commercial est chargé de former ses clients lorsque cela est nécessaire, étant relevé qu'une formation prend un à deux jours et que la prime allouée est significativement inférieure au montant des commissions sur ventes ; il est encore établi par les pièces déjà évoquées que le salarié contestait depuis 2013 les formations qui lui étaient imposées alors qu'il s'agissait de clients de prestataires extérieurs ou du siège et qu'à ce titre, sur sa demande, l'employeur lui a transmis une fiche de poste en janvier 2014 précisant bien qu'il a à charge de former ses clients lorsque cela est nécessaire.

Il en résulte que dans la mesure où il est établi que le logiciel a été vendu à la société Ledent Menuiserie sur le secteur de Monsieur [M] par un prestataire extérieur et que sa fiche de poste prévoit qu'il a charge de former ses clients, outre que dans le même temps, l'employeur a été défaillant dans la transmission de rendez-vous qualifiés auquel il s'était engagé pour permettre au salarié d'atteindre ses objectifs, le refus de Monsieur [M] ne constitue pas un motif sérieux de nature à justifier un licenciement pour faute.

Le jugement querellé sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse

Il résulte des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse le juge peut proposer la réintégration du salarié et en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, lui allouer une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ces dispositions en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise ; en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, les montants minimaux fixés sont applicables.

Monsieur [M], comptait lors de la rupture du contrat de travail une ancienneté de plus de 12 ans années dans l'entreprise dont il n'est pas allégué ni a fortiori démontré qu'elle employait de manière habituelle moins de onze salariés, de sorte qu'il peut prétendre conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois de salaire brut.

Au moment du licenciement, Monsieur [M] était âgé de 56 ans et bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen de 1.787 euros ; il établit qu'il a été indemnisé par Pôle emploi à compter du 26 mars 2018 et percevait une indemnité moyenne mensuelle de 1.040 euros ; il justifie avoir effectué une formation en gestion de stocks mais expose qu'il n'a pas réussi à réintégrer le marché du travail à raison de son âge.

C'est en conséquence par une juste évaluation de son préjudice que le Conseil des prud'hommes lui a alloué la somme de 19.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et il y a lieu de confirmer le jugement entrepris à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice moral

Monsieur [M] soutient qu'en réalité l'employeur voulait supprimer son poste et l'amener à la démission par un comportement déloyal, observant que la salariée embauchée prétendument pour le remplacer est une télévendeuse ; pour autant, il ne justifie pas d'un préjudice spécifique au-delà de celui déjà réparé par les sommes allouées et il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui l'a débouté de ce chef de demande.

Sur le rappel de commissions

Au soutien de sa demande, Monsieur [M] expose que son contrat de travail prévoyait un taux de commissionnement variant, tel que déjà exposé, entre 4,5% de la marge brute pour 5.000 euros de marge brute et 16 % pour 11.000 euros de marge brute, alors que tout au long de l'exécution du contrat, il a perçu un commissionnement variant entre 3,5% pour 5.000 euros de marge brute et 15 % pour 11.000 euros de marge brute, soit un commissionnement inférieur de 1 % sur chaque tranche par rapport à celui prévu au contrat de travail.

A ce titre, l'employeur soutient qu'il a bien été appliqué le commissionnement prévu lors de l'entretien d'embauche variant entre 3,5 % et 15 % en fonction de la marge brute réalisée, soit la rémunération variable pratiquée pour tous les vendeurs, le contrat comportant une erreur matérielle ; il observe que le taux de commissionnement n'a jamais été contesté par Monsieur [M] qui a signé chaque mois les relevés de commissions, l'employeur exposant qu'il n'avait pas connaissance de cette erreur.

Il produit pour en justifier un courriel du 13 juillet 2016 adressé à Monsieur [M] par lequel il indique que lors de leur dernière conversation, ils ont évoqué son contrat de travail dont il ne retrouvait pas la trace et qu'après la transmission d'un exemplaire par le salarié, l'employeur a observé une erreur sur le taux de commissionnement qui y était mentionné, erreur reconnue par Monsieur [M] et il lui demande, afin de lever toute ambiguïté, de lui confirmer son accord ;

il produit encore la réponse de Monsieur [M] indiquant « pas de problème, concernant les taux de commissionnement, ils sont bien ceux annoncés lors de l'entretien d'embauche» suivi d'un nouveau courriel de l'employeur lui demandant de préciser quels sont les bons taux de commissionnement et la réponse du salarié en ces termes : « ce sont ceux énoncés lors de l'embauche, allant de 3,5 à 15 % .

Il en ressort qu'il est suffisamment établi que le salarié s'est bien vu appliquer, depuis l'origine du contrat, le taux de commissionnement contractuellement convenu lors de l'entretien d'embauche, indépendamment du taux erroné mentionné sur le contrat de travail.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré qui a retenu le taux mentionné sur le contrat de travail pour faire droit à la demande dans la limite de la prescription.

Sur le rappel de salaire et la classification

La société Mediapart relève de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieur-conseil et des sociétés de conseil ; l'annexe 1 portant classification des ETAM dans sa rédaction alors applicable, précise la structure de classification des ETAM, répartis en trois types de fonctions, elles-mêmes subdivisées en positions.

Il en ressort que :

' le personnel d'exécution en position 1 (coeffcient 200 en position 1.1, 210 en position 1.2, 220 à 230 en position 1.3 et 240 à 250 en position1.4) réalise des opérations programmées en se référant à des modes opératoires définis, codifiés et ordonnés ; il n'a pas de responsabilité à l'égard d'autrui et réalise ses missions sur la base d'instructions précises ; son travail est monotype et unitaire avec une possibilité de choix entre modes opératoires limités et définis ; l'exercice de la fonction se satisfait de la connaissance du contexte immédiat du travail ; l'agent a une autonomie limitée, il rend compte de ses actions oralement et son travail est facilement contrôlable ; l'exercice de la fonction se satisfait des connaissances correspondant à une formation spécialisée de 1 an au-delà du premier cycle de l'enseignement du 1er degré ou d'un niveau de formation équivalent au BEP ou au CAP ; en position 1.1, l'exercice de la fonction consiste en l'exécution d'opérations simples et répétitives ; en position 1.2, l'agent réalise une succession d'opérations en utilisant une partie de la technologie professionnelle d'un métier ; en position 1.3, à partir d'instructions définissant les séquences successives, il choisit les moyens d'exécution en enchaînant les séquences ; en position 1.4, il fait face à des situations pouvant différer des modalités classiques connues ; son travail de base peut être complété par des tâches annexes partielles, l'ensemble étant organisé et ordonné avec autonomie et il peut avoir un rôle de coordination du travail.

' le personnel d'études ou de préparation en position 2 (coefficient 275 en position 2.1, 310 en position 2.2 et 355 en position 2.3) met en 'uvre, concrétise et développe un programme de travail et, éventuellement, fait apparaître les difficultés d'ordre pratique de nature à le remettre en cause ; il se réfère au modèle et aux règles d'une technique ; il prend en charge des activités pouvant éventuellement comporter un rôle d'assistance et de coordination de travaux de personnel de qualification moindre ; il réalise des tâches ou études fractionnées ou cycliques, son travail ayant un aspect pluriforme ; il choisit parmi les méthodes connues celle devant être mise en 'uvre et il doit avoir la connaissance d'un certain environnement (entreprise, département, matériel fabriqué, organisation, clientèle etc...) ; il dispose d'instructions générales portant sur des méthodes avec une initiative sur le choix du moyen ; il réalise des comptes-rendus descriptifs en se référant à une technique connue ; il dispose des connaissances correspondant au niveau baccalauréat ou brevet de technicien ; en position 2.1, l'exercice de la fonction est limité à un domaine particulier d'application d'une technique ; il implique la connaissance de méthodes et moyens habituels avec une mise en 'uvre à partir de consignes générales ; en position 2.2, l'agent a la capacité et l'initiative de choisir les méthodes, procédés et moyens appropriés et en position 2.3, il maîtrise les contraintes technologiques et par ses suggestions ou conclusions, il est en capacité de faire progresser les méthodes, procédés ou moyens.

' la position 3 est réservée au personnel de conception ou de gestion élargie. 

Monsieur [M] conteste le coefficient 220 correspondant à la position 1.3.1 qui lui a été attribuée et prétend à une classification au coefficient 310 en position 2.2.

Au soutien de sa demande, Monsieur [M] justifie par les pièces produites, qu'en dehors des rendez-vous qualifiés fixés par l'employeur, il avait une autonomie dans la gestion de son agenda professionnel et qu'au-delà de la vente des logiciels et produits annexes, il effectuait des formations, mettait en place des parrainages, rencontrait les prescripteurs tels que la fédération du bâtiment ou la chambre des métiers ; il avait encore à charge de faire référencer les logiciels de la SARL Mediapart auprès des groupements d'achats spécialisés, la CPS (plombiers) ou la COP (menuisiers), outre sa prospection des revendeurs ; pour ces opérations, il devait réaliser des démonstrations des logiciels au moyen des techniques acquises au cours de son expérience, étant observé qu'il avait déjà occupé un poste de même nature dans une autre société distribuant des logiciels; il justifie encore qu'il participait aux salons professionnels (Batimat à [Localité 8] ou salon de [Localité 7]) et avait à charge une surveillance de l'activité de la concurrence et des nouveaux produits mis sur le marché pour rester compétitif ; il assurait la formation de ses clients et une assistance par téléphone ou internet, lorsque cela était nécessaire et rendait compte par écrit de son activité.

Il produit encore des devis ou factures adressées à des clients, laissant apparaître la palette des logiciels qu'il avait à charge de proposer aux clients (Médiabat standard, Médiabat réseau, module scanner pour les métrés, module de comptabilité, module Bati-entretien permettant l'établissement de contrats types ou ponctuels, la planification des entretiens et des dépannages), ainsi que la palette de services (sauvegarde, licences Tablette, bibliothèques, migrations systèmes et récupération de données etc') outre l'assistance téléphonique et les formations ; il produit encore un courriel de son employeur datant de 2010 adressé à l'ensemble des vendeurs leur demandant une meilleure remontée d'informations sur leur secteur, avec l'indication que Monsieur [M] est le seul à l'informer régulièrement de la concurrence ou un compte rendu de rendez-vous adressé à son employeur le 5 octobre 2017 indiquant qu'il doit faire un devis pour un réseau et une formation en indiquant la situation de la concurrence.

De son CV, il ressort qu'il a passé un baccalauréat technique en 1980, suivi d'un diplôme de niveau III à [Localité 4] en techniques de marketing (niveau brevet de technicien supérieur et institut universitaire de technologie (bac+2), et qu'il a occupé des fonctions d'adjoint de direction, de responsable de service et d'agent commercial, notamment dans le secteur des logiciels informatiques et gestion commerciale et bâtiment.

Il résulte de ce qui précède que l'activité de vendeur de Monsieur [M] n'était ni unitaire ni monotype mais pluriforme au sens de la convention collective ; les devis et factures démontrent la multiplicité des logiciels qu'il devait maîtriser pour assurer les présentations, l'assistance et les formations ; il est encore établi qu'il avait à charge l'animation de son secteur par la mise en 'uvre d'opérations de parrainage, les contacts avec les organismes institutionnels du bâtiment, la recherche et la formation de revendeurs, les référencements auprès des distributeurs spécialisés ou la participation aux foires et salons impliquant une large connaissance de l'environnement.

Il justifie ainsi mettre en 'uvre, concrétiser et développer un programme de travail qui lui est assigné en ce compris des tâches fractionnées, impliquant une connaissance de l'environnement de sa fonction ne se limitant pas à son seul service et impliquant la connaissance et la maîtrise de l'ensemble des logiciels et produits distribués par l'entreprise, la connaissance de son secteur, de l'environnement, de la concurrence et des acteurs institutionnels, soit des fonctions qui ne peuvent être qualifiées de fonction d'exécution, s'agissant de fonctions d'études ou de préparation au sens des dispositions de la convention collective et il est bien fondé à prétendre être classé en position 2.

Dans la mesure où son activité n'est pas limitée à une technique, ni à une connaissance de l'environnement limité à son service et qu'il dispose de l'initiative de retenir les choix appropriés à l'exécution de sa mission, il y a lieu de faire droit à la demande et dire qu'il relève de la position 2.2 au coefficient 310 et d'infirmer le jugement entrepris qui a rejeté ce chef de demande.

Pour autant, il chiffre sa demande en comparant le salaire minimum prévu par la convention collective avec son salaire de base, en omettant d'y intégrer la partie variable de sa rémunération ; à cet égard, il ne produit que son dernier bulletin de salaire de février 2018 laissant apparaître qu'il n'a perçu que sa rémunération de base de 1.550 euros ; l'employeur produit pour sa part les bulletins de salaire de décembre 2016 et décembre 2017 desquels il ressort qu'il a perçu un salaire annuel de 21.409 euros bruts en 2016, alors que le salaire minimum était de 20.607 euros et 22.900 euros bruts en 2017, alors que le salaire minimum était de 21.031 euros.

Il s'ensuit que Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve qu'il aurait été payé en deçà de la rémunération minimale prévue par la convention collective au coefficient 310 au cours de la période considérée à l'exception du mois de février 2018 où il aurait dû percevoir un salaire minimal brut de 1.752,60 euros et il y a lieu de faire droit à la demande à ce titre pour la somme de 202,60 euros.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

L'article L.1235-4 du code du travail, en sa rédaction alors applicable, dispose que dans le cas prévu notamment à l'article L.1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Ces dispositions ont vocation à recevoir application de la présente espèce et il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a condamné la SARL Médiabat à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

8. Sur la délivrance des documents rectifiés

Il y a lieu de confirmer encore le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Médiabat à délivrer à Monsieur [M] un bulletin de salaire, un certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés conformément aux termes du présent arrêt, sans qu'il soit justifié toutefois d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire.

9. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [V] [M] les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la SARL Médiabat sera condamnée à lui payer la somme de 2.800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel, le jugement devant être confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 2.000 euros à ce titre en première instance.

La SARL Médiabat qui succombe sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du Conseil des prud'hommes de Morlaix, sauf en ce qui concerne les demandes de rappel de salaire au titre de la classification et du taux de commissionnement et celle au titre de la délivrance des documents sociaux assortie d'une astreinte ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déboute Monsieur [V] [M] de sa demande de rappel de salaire au titre de la part variable de sa rémunération ;

Dit que Monsieur [V] [M] est bien fondé à se prévaloir d'un reclassement à la position 2.2 et au coefficient 310 ;

Condamne la SARL Médiabat à payer à Monsieur [V] [M] la somme de 202,60 euros à titre de rappel de salaire après reclassement ;

Condamne la SARL Médiabat à délivrer à Monsieur [M] un bulletin de salaire, un certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés conformément aux termes du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte provisoire ;

Condamne la SARL Médiabat à payer à Monsieur [V] [M], la somme de 2.800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL Médiabat de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en instance d'appel ;

Condamne la SARL Médiabat aux dépens d'appel ;

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00278
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;20.00278 ?
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