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01/02/2023 | FRANCE | N°21/03588

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 février 2023, 21/03588


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/03588 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RXLN













S.ociété [6]



C/



[O] [I]

CPAM ILLE ET VILAINE































Copie exécutoire délivrée

le :



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Copie certifiée conforme délivrée

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/03588 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RXLN

S.ociété [6]

C/

[O] [I]

CPAM ILLE ET VILAINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Dates de la décision attaquée : 07 Janvier 2021 et 23 février 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de RENNES - Pôle Social

Références : 18/00968

****

APPELANTE :

La Société [6]

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Fabienne MICHELET de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [O] [I]

La [Adresse 5]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Alexandre LE QUÉRÉ de la SELARL ALEXANDRE LE QUÉRÉ AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par M. [L] [X] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 août 2016, la société [6] (la société) a complété une déclaration d'accident du travail concernant M.[O] [I], salarié en tant qu'ouvrier qualifié, en mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 29 août 2016 ; Heure : 8 heures 10 ;

Lieu de l'accident : [Adresse 8] France;

Lieu de travail habituel ;

Activité de la victime lors de l'accident : fabrication de poutres précontraintes IC (ferraillage, coffrage, coulage) ;

Nature de l'accident : écrasement lié à une joue de coffrage ;

Objet dont le contact a blessé la victime : joue de moule de coffrage ;

Siège des lésions : tête et jambe droite ;

Nature des lésions : plaie au cuir chevelu et compression de la jambe ;

La victime a été transportée au centre hospitalier de [Localité 9] [Adresse 1] France ;

Horaire de la victime le jour de l'accident : de 5 heures à 13 heures ;

Accident constaté le 29 août 2016 à 8 heures 10 par l'employeur.

Le certificat médical initial, établi le 29 août 2016 fait état d'un 'traum. crânien bénin et plaie du cuir chevelu, contusion et volumineux hématome de l'insertion distale du vaste médial du quadriceps droit' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 30 septembre 2016.

Le 1er septembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

M. [I] s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 23

février 2018.

La date de consolidation avec séquelles de son état de santé a été fixée au 21 avril 2018 et son taux d'incapacité permanente partielle évalué à 27% dont 7% au titre du taux professionnel. Les conclusions médicales font état de 'séquelles neurologiques persistantes du membre inférieur droit à type d'hypoesthésie et paresthésies avec séquelles algiques et retentissement fonctionnel moteur'.

M. [I] a été licencié pour inaptitude le 1er juin 2018.

Par lettre du 31 juillet 2018, il a formé une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur auprès de la caisse qui a dressé un procès-verbal de non-conciliation le 26 septembre 2018.

Le 16 octobre 2018, il a porté sa demande devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine.

Par jugement du 7 janvier 2021, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, a :

- jugé que l'accident du travail dont M. [I] a été victime le 29 août 2016 est dû à la faute inexcusable de la société ;

- ordonné la majoration maximale de la rente versée à M. [I] sur la

base d'un taux d'incapacité permanente de 27 %, dont 7 % de taux professionnel ;

- dit également que ladite majoration suivra automatiquement l'évolution éventuelle de son taux d'incapacité ;

- dit que l'avance en sera faite par la caisse ;

- condamné la société à rembourser la caisse ladite majoration de la rente ;

Avant-dire-droit sur la liquidation des préjudices personnels de la victime,

- ordonné une expertise médiale ;

- commis pour y procéder le docteur [E] avec la mission mentionnée dans le dispositif du jugement ;

- dit que la caisse fera l'avance des frais d'expertise en application des dispositions de 1'article L. 144-5 du code la sécurité sociale ;

- condamné la société à rembourser à la caisse les frais d'expertise médicale dont elle aura fait l'avance ;

- alloué à M. [I] une provision de 8 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice et dit que cette somme sera avancée par la caisse à charge de recours pour elle à l'encontre de la société ;

- condamné en conséquence la société à rembourser à la caisse le montant de ladite provision ;

- dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la notification de la décision ;

- condamné la société à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés ;

- dit que l'affaire sera rappelée dès le dépôt du rapport d'expertise ;

- condamné la société aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration adressée le 11 février 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 10 février 2021. Ce dossier a été enrôlé au répertoire général sous le n° 21/03588.

L'expert a déposé son rapport le 18 juin 2021.

Par jugement du 23 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes a :

- rejeté la demande de sursis à statuer ;

- fixé l'indemnisation du préjudice de M. [I] comme suit :

- souffrances endurées : 4 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 3 101,25 euros

- assistance tierce personne : 2 808 euros

soit un total de 12 909,25 euros

- dit que le montant de la provision de 8 000 euros déjà versée viendra en déduction de ces sommes ;

- dit que ces sommes seront avancées par la caisse ;

- condamné la société à rembourser à la caisse les sommes dont elle aura fait l'avance à M. [I] au titre de ses préjudices ;

- condamné la même à supporter la charge définitive des frais d'expertise ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civileainsi qu'aux dépens exposés après le 31 décembre 2018 ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration adressée le 11 mars 2022, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui n'est pas précisée, étant cependant relevé qu'il s'est écoulé moins d'un mois depuis la date du jugement. Ce dossier a été enrôlé au répertoire général sous le n° 22/01775.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 8 juillet 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [I] demande à la cour, au visa des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1, L. 4121-2, L. 1152-1, L. 4141-1, L. 1235-2, R. 4323-104, R. 4323-105, R. 4541-8, R. 4141-3 du code du travail, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

- joindre les instances enregistrées sous les n ° RG 21/03588 et 22/01775 ;

- confirmer le jugement en ce sens qu'il a reconnu que l'accident de travail survenu le 29 août 2016 est imputable à la faute inexcusable de la société ;

Par conséquent :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* majoré la rente d'incapacité permanente allouée par la caisse au montant maximal ;

* ordonné une expertise médicale judiciaire au frais de la société pour déterminer et quantifier l'ensemble de ses préjudices patrimoniaux, extra-patrimoniaux, provisoires et permanents ;

* condamné la société à lui verser à titre de provision la somme de 8 000 euros ;

* condamné la société à lui verser au titre du déficit fonctionnel temporaire la somme de 3 101,25 euros ;

- le réformer en condamnant la société à lui verser les sommes suivantes en lieu et place des condamnations prononcées en 1ère instance et en disant que ces sommes seront avancées par la caisse :

* au titre des souffrances endurées : 7 000 euros

* au titre du préjudice esthétique temporaire : 2 700 euros

* au titre du préjudice esthétique permanent : 2 500 euros

* au titre du préjudice d'agrément : 15 000 euros

* au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation :

3 120 euros

le tout, sous déduction de la provision de 8 000 euros déjà allouée et versée ;

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné la société :

* au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens en première instance à la somme de 2 500 euros ;

* au titre de la perte de chance de réaliser un projet de vie personnelle ou familial en condamnant la société à lui verser la somme 35 000 euros ;

* au titre de l'indemnisation du manquement à l'obligation de sécurité en condamnant la société à lui verser la somme 15 000 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société :

* aux dépens ;

* au paiement des intérêts légaux ;

* à lui régler par avance l'ensemble des montants des provisions et indemnisations ;

* à rembourser la caisse l'ensemble des montants qu'elle a avancés ;

- déclarer l'arrêt opposable à la caisse ;

- condamner la société à lui verser la somme globale de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens en première instance et en appel.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 25 août 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, au visa de l'article 367 du code de procédure civile, de :

Avant dire droit,

- ordonner la jonction de l'instance enregistrée sous le n° RG 21/03588 avec celle enregistrée sous le n° 22/01775 (déclaration d'appel n °22/01547) ;

A titre principal,

- infirmer le jugement, en ce qu'il a jugé que l'accident du 29 août 2016, au

préjudice de M. [I], était dû à la faute inexcusable de la société ;

En conséquence :

- dire et juger n'y avoir lieu à retenir sa faute inexcusable ;

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [I] à lui verser la somme de 3 500 euros pour les frais irrépétibles engagés dans le cadre des deux procédures devant le pôle social (faute inexcusable et liquidation de préjudices), outre celle de 2 500 euros pour les frais engagés en cause d'appel ;

A titre subsidiaire, en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable :

- lui décerner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la majoration de la rente ;

- confirmer le jugement du 23 février 2022 en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes formulées au titre :

* du préjudice d'agrément ;

* du préjudice d'établissement ;

* du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité ;

- le confirmer en ce qu'il a alloué à M. [I] la somme de 4 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- l'infirmer en ce qu'il a fixé comme suit les préjudices de M. [I] :

* déficit fonctionnel temporaire : 3 101.25 euros,

* préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros,

* le préjudice esthétique permanent : 2 000 euros,

* assistance tierce personne : 2 808 euros,

- dire et juger que les sommes allouées à M. [I] ne sauraient excéder les sommes suivantes :

Déficit fonctionnel temporaire ....................................         2 918,75 euros

Souffrances endurées : ..................................................          4 000,00 euros

Préjudice esthétique temporaire : .................................            900,00 euros

Préjudice esthétique permanent :...................................          1 500,00 euros

Tierce personne temporaire : ..........................................          2 331,60 euros

sous-total           11 650,35 euros

Provision à déduire : .......................................................         8 000,00 euros

Total : ...............................................................................        3 650,35 euros

Par ses écritures parvenues au greffe le 4 janvier 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

Sur la forme :

- la recevoir en ses écritures, fins et conclusions ;

Au fond :

- lui décerner acte de ce qu'elle s'en remet à justice sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ;

Dans l'hypothèse où celle-ci serait reconnue :

- lui décerner acte de ce qu'elle s'en remet à justice sur l'indemnisation sollicitée par M. [I] ;

- confirmer son action récursoire à l'encontre de la société, relativement au taux d'incapacité de 27% attribué à M. [I] ;

- condamner la société à lui rembourser l'ensemble des indemnités dont elle sera amenée à faire l'avance à la victime ;

- condamner la société aux dépens.

A l'audience, la cour ayant avec l'accord des parties évoqué concomitamment l'affaire n° 22/ 01775, la caisse a confirmé oralement qu'elle s'en remettait à justice quant à l'indemnisation de M. [I], et qu'elle maintenait ses autres demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu d'ordonner la jonction des procédures sous le n°21/03588.

I - Sur la faute inexcusable de l'employeur

Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci.

Des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il résulte que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n°18-25.021 ; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683).

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que sa responsabilité soit engagée.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit, invoquant la faute inexcusable de l'employeur de rapporter 'la preuve que celui-ci... n'a pas pris les mesures nécessaires pour [la] préserver du danger auquel elle était exposée'.

Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur et doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur aurait dû prendre.

Au cas d'espèce, M. [I] reproche à l'employeur une faute inexcusable en ce qu'il l'a laissé intervenir à l'intérieur du moule alors que les câbles de pressurisation étaient en tension, sans précaution et sans dispositif destiné à éviter le basculement de la paroi.

Selon lui, la distinction que tente de faire l'employeur entre les câbles du haut et ceux du bas est inopérante dès lors que la fiche de sécurité établie par la société, qui n'a pas été portée à sa connaissance, interdisant au personnel de rester dans le moule et à proximité durant la tension des câbles, n'opère aucune distinction entre les deux types de câbles ; à supposer même que seuls les câbles du haut aient été sous tension au moment de l'accident, ce qui n'est pas établi, le basculement accidentel du moule, que le piétement de stabilité invoqué par la société n'a pas su éviter, démontre le caractère dangereux de la pratique malgré l'absence de précédent. Il relève sur ce point que la société a modifié les consignes de sécurité après l'accident en interdisant à quiconque d'entrer dans les moules dès lors que des câbles sont sous tension.

Pour sa part, la société, qui rappelle que la preuve de la faute inexcusable pèse sur le salarié, fait valoir que les opérations de fabrication s'opèrent en deux phases ; qu'au cours de la phase préparatoire, les salariés préparent des armatures de poutres à l'intérieur des moules et donc installent les câbles de montage (hauts) présentant une très faible tension, sans danger ; que ce n'est qu'après cette première phase, une fois le positionnement des armatures finalisé, que les câbles de structure (bas) sont mis sous tension à 345 bars, les salariés n'étant jamais présents durant cette seconde étape ; que l'accident dont M. [I] a été victime est survenu au cours de la phase préparatoire, pendant laquelle les salariés entrent nécessairement dans le moule ; que la présence M. [I] à l'intérieur du moule au moment de l'accident était par conséquent normale tout comme celle du chef d'équipe l'accompagnant ; qu'à aucun moment les salariés ne manipulent le moule, dont les joues sont par ailleurs statiques et stables grâce à un piètement en L ; que la fiche de sécurité, portée à la connaissance de tout le personnel et affichée dans les locaux, interdisant de rester dans le moule et derrière la culée lors de la tension des torons, ne vise que la seconde phase faisant intervenir les câbles de structure (bas) ; que le seul danger identifié était bien celui-là, en lien avec ces câbles de structure en tension à 345 bars ; or, non seulement l'accident est sans rapport avec les câbles du bas qui n'étaient pas en tension, mais ce n'est pas non plus la mise en tension des câbles du haut qui l'a provoqué ; qu'en réalité, lors de la mise en précontrainte d'un câble de montage en position anormale (formant une boucle extérieure en partie haute), la joue du moule a été entrainée par ce câble et a basculé ; que ce type d'incident ne s'était jamais produit en 22 ans d'activité et revêtait un caractère totalement imprévisible ; que les mesure prises après l'accident sont quoiqu'il en soit inopérantes pour caractériser la conscience du risque ; qu'enfin, aucune infraction n'a été relevée à son encontre par l'Inspection du travail.

Sur ce :

La société est spécialisée dans la fabrication d'éléments en béton pour la construction, notamment de poutres en béton précontraint.

Il n'est pas discuté qu'au moment de l'accident, M. [I], agent de fabrication salarié de la société depuis 2013, était à l'intérieur d'un moule avec un collègue chef d'équipe ; l'une des parois (joues) du moule a basculé sur lui, le blessant grièvement.

Selon les propres déclarations de la société, l'accident a eu lieu lors d'une première phase de travaux au cours de laquelle des armatures sont préparées à l'intérieur des moules, les salariés installant à cette fin des câbles de montage (hauts) présentant une tension, selon elle faible et sans danger.

Ainsi et quand bien même les câbles de structure (bas) auraient été hors tension lors de l'intervention du salarié, il demeure, comme l'ont justement relevé les premiers juges, que les câbles de montage (hauts) étaient, eux, en tension, fût-elle faible.

Or, la fiche de sécurité versée aux débats (pièce n°2 de la société) datée du 6 février 2014, porte l'indication suivante, sous la rubrique 'consignes particulières de sécurité' :

' Ne pas rester dans les moules et derrière les culées lors de la tension des torons'.

Aucune distinction n'est faite entre les câbles (ou torons) de montage et les câbles (ou torons) de structure.

Rien ne permettant de penser que cette interdiction ne visait que les câbles de structure (bas), les salariés avaient donc interdiction d'entrer dans les moules lorsque des câbles étaient mis en tension, quels qu'ils soient.

La société, qui a fait intervenir M. [I] dans un moule où des câbles étaient mis en tension, a par conséquent en connaissance de cause enfreint ses propres consignes de sécurité.

Il importe peu que le câble (haut) incriminé ait été en position inhabituelle puisque c'est bien sa mise en tension, fût-elle faible, qui a destabilisé la joue du moule par effet d'entrainement et l'a fait tomber.

Il importe peu également qu'aucun accident ne s'était produit jusqu'alors ou que l'Inspection du travail n'ait pas donné de suite au dossier.

Les premiers juges doivent en conséquence être approuvés en ce qu'ils ont considéré que la société avait conscience du risque auquel était exposé le salarié et n'a pas pris toutes les mesures pour l'en préserver, de sorte que l'accident du travail dont M. [I] a été victime est dû à la faute inexcusable de l'employeur.

II- Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable

Le jugement du 21 janvier 2021 ayant notamment ordonné une expertise médicale, alloué une provision à la victime et ordonné la majoration de la rente versée à celle-ci sera confirmé en toutes ses dispositions.

Pour le surplus, il y a lieu de rappeler qu'en application des articles L.452-1 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime a droit, indépendamment de la majoration du capital ou de la rente qu'elle reçoit, de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de demander à l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés, à la condition que ses préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

L'article L. 452-2 du même code précise en son alinéa 3 que « Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale ».

Il y a lieu en conséquence d'évaluer comme suit les préjudices subis par M.[I] :

1- Sur le déficit fonctionnel temporaire

La réparation du déficit fonctionnel temporaire inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que les temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L'expert a en l'espèce estimé comme suit ce déficit :

- partiel classe 3 (50%) du 29 août au 28 novembre 2016,

- partiel classe 2 (25%) du 29 novembre 2016 au 28 mai 2017,

- partiel classe 1 (10%) du 29 mai 2017 jusqu'à la consolidation (21 avril 2018).

Compte tenu des temps et des taux de déficit, sur la base, comme demandé, d'une indemnité journalière de 25 euros pour un déficit fonctionnel total, les premiers juges ont fait, aux termes du jugement du 23 février 2022, une exacte appréciation du préjudice subi par M. [I] en retenant une indemnité de 3 101,25 euros.

2- Sur les souffrances endurées

Il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent subi après consolidation.

Sont donc réparables en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, soit les souffrances physiques et morales antérieures à la consolidation (2e Civ., 8 octobre 2020, n°19-13.126).

L'expert a en l'espèce évalué ces souffrances à 2,5/7.

La consolidation de l'état de santé de M. [I] est intervenue plus de 18 mois après l'accident. Outre les souffrances endurées lors du choc, M.[I] a subi au cours de cette période pré-consolidation, l'immobilisation du membre inférieur droit et des soins de kinésithérapie.

La cour trouve dans la cause des éléments suffisants pour fixer l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 6 000 euros (pour une offre de 4 000 euros).

3- Sur le préjudice esthétique (temporaire et permanent)

L'expert retient l'existence :

- d'un préjudice esthétique temporaire du fait d'une déambulation avec deux cannes béquilles puis d'une seule jusqu'au 28 mai 2017,

- d'un préjudice permanent sur la base d'une évaluation de 1,5 sur 7 au regard de la cicatrice post traumatique du cuir chevelu (3 cm), de celle du genou droit, pigmentée, non adhérente (4 cm), et d'une légère boiterie droite.

La cour trouve dans la cause des éléments suffisants pour fixer l'indemnisation de ce poste de préjudice à :

- la somme de 2 000 euros au titre du préjudice temporaire ;

- la somme demandée soit 2 500 euros (pour une offre de 1 500 euros) au titre du préjudice permanent.

4- Sur les besoins en aide humaine (tierce personne temporaire)

La victime d'un accident du travail est recevable à demander une indemnité destinée à réparer le préjudice résultant du besoin d'assistance avant consolidation (2e Civ., 20 juin 2013, n° 12-21.548).

Le montant de l'indemnité allouée au titre de cette assistance ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives (même arrêt), ni réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille (2e Civ., 7 mai 2014, n° 13-16.204).

La victime a droit à une indemnité correspondant à ce qu'elle aurait payé si elle avait fait appel à un salarié extérieur et cette indemnité doit être calculée sur une base horaire, charges comprises.

Il s'agit d'indemniser un besoin et non une dépense.

L'expert a retenu la nécessité d'une assistance de 4 heures quotidiennes durant la période de déficit fonctionnel de classe 3 et 2, soit du 29 août 2016 au 28 mai 2017, pour la réalisation du ménage, des courses et l'aide au déplacement ; un couple de voisins atteste avoir à cette époque aidé la victime dans son quotidien (ménage, courses, préparation de repas - pièce n°28).

Compte tenu des besoins retenus par l'expert, sur la base d'un taux horaire de 20 euros comme demandé, la cour trouve dans la cause les éléments suffisants pour fixer ce préjudice à 3 120 euros (pour une demande de même montant et une offre de 2 331,60 euros sur la base d'un taux horaire de 15 euros).

5- Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure. Il appartient à la victime ou à ses ayants droit de rapporter la preuve de la pratique régulière, antérieure à l'accident du travail ou à la maladie, d'une telle activité.

M. [I] fait valoir qu'en raison de ses difficultés à marcher et de l'impossibilité de courir, la pratique de la moindre activité de sport ou de loisir comme la marche ou la randonnée est désormais impossible, étant rappelé que son périmètre de marche est de 10 minutes maximum ; qu'avant son accident, il pratiquait occasionnellement la boxe et le football avec des amis à titre de loisir.

M. [I] ne produisant aucun justificatif établissant la pratique d'une activité sportive ou de loisir spécifique régulière antérieurement à l'accident, il y a lieu de le débouter de sa demande, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

6- Sur la perte de chance de réaliser un projet de vie personnelle ou familiale (préjudice d'établissement)

Le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. Ce préjudice doit être distingué du déficit fonctionnel permanent, qui peut empêcher une victime d'exercer comme elle le souhaite ses fonctions conjugales ou parentales et qui, en matière de faute inexcusable, est indemnisé par la rente versée par la sécurité sociale à la victime.

M. [I] fait valoir qu'avant son accident survenu à l'âge de 32 ans, il envisageait d'acquérir en couple un logement (une longère) et y faire des travaux de rénovation ; que son handicap et sa perte de travail ont conduit à l'abandon de ce projet et, par suite, à la rupture de son couple après deux années de relation sentimentale ; qu'il est toujours célibataire et vit chez ses parents ; que son état de santé réduit fortement ses chances de s'installer en couple et fonder une famille.

M. [I] ne produit aucun élément de nature à corroborer ses allégations et le lien entre l'échec du projet allégué et l'accident.

Par ailleurs, force est de constater qu'aucun préjudice sexuel n'est établi ni même allégué, l'expert en écartant au demeurant l'existence.

Les séquelles présentées par M. [I], affectant essentiellement le membre inférieur droit, ne font pas obstacle à la possibilité de fonder une famille.

Le jugement entrepris sera dans ces conditions confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressé de sa demande.

7- Sur l'indemnisation du manquement à l'obligation de sécurité

M. [I] fait valoir que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, autrement dit de lui avoir fait courir un risque, justifie une indemnisation complémentaire indépendamment de la réparation des autres préjudices.

La société réplique que seule la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur une demande de dommages-intérêts relative à un manquement de l'employeur aux obligations dérivant du contrat de travail ; que, même s'il s'est par la suite désisté de son instance, M. [I] avait saisi le conseil de prud'hommes en contestant son licenciement pour inaptitude en considérant que celui-ci était sans cause réelle et sérieuse en raison précisément des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur ce :

Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. ( Soc. 29 mai 2013, pourvoi n° 11-20.074)

En l'espèce, la demande d'indemnisation de M. [I] ne porte pas sur un préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail, de sorte que le moyen opposé par la société est inopérant.

Pour autant, M. [I], qui indique lui-même dans ses conclusions page 20 que 'les manquements patents de l'employeur en matière de sécurité sur le lieu de travail ont causé les préjudices évoqués ci-dessus', lesquels sont ceux repris supra, ne démontre pas quel préjudice complémentaire ne serait pas réparé par les sommes allouées. C'est à bon droit que les premiers juges l'ont débouté sur ce point.

L'ensemble des sommes ci-dessus, dont il devra être déduit la provision de 8 000 euros comme indiqué par le jugement du 23 février 2022, seront versées à M. [I] par la caisse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement puis intérêts au taux légal à compter de l'arrêt pour le surplus alloué par la cour.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société à rembourser à la caisse les sommes avancées par celle-ci.

8- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [I] ses frais irrépétibles.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en cause d'appel, en sus des sommes allouées en première instance dont le montant est confirmé.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des dossiers inscrits au répertoire général sous les n°21/03588 et 22/ 01775, le tout sous le n° 21/03588 ;

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes du 7 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes du 23 février 2022 sauf en ce qu'il a :

- fixé comme suit l'indemnisation du préjudice de M. [I] :

* 4 000 euros pour les souffrances endurées,

* 1 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire,

* 2 000 euros pour le préjudice esthétique permanent,

* 2 808 euros pour l'assistance tierce personne ;

- condamné la société [6] à rembourser ces sommes à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et Vilaine ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Fixe comme suit l'indemnisation de ces postes de préjudices :

* 6 000 euros pour les souffrances endurées,

* 2 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire,

* 2 500 euros pour le préjudice esthétique permanent,

* 3 120 euros pour les besoins en aide humaine ;

Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine est tenue de faire l'avance de ces sommes à M. [I] comme de celle confirmée par le présent arrêt ;

Renvoie M. [I] devant ladite caisse pour la liquidation de ses droits et la mise en paiement des sommes correspondantes ;

Rappelle que la provision de 8 000 euros sera à déduire de l'ensemble des sommes allouées à M. [I] ;

Dit que les sommes dues à M. [I] porteront intérêt au taux légal à compter du jugement puis intérêt au taux légal à compter du présent arrêt pour le surplus alloué par la cour ;

Condamne la société [6] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et Vilaine toutes les sommes dont elle est tenue de faire l'avance, tant celle confirmée par le présent arrêt que celles allouées par la cour ;

Condamne la société [6] à verser à M.[I] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des sommes allouées à ce titre par les jugements entrepris ;

Condamne la société [6] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/03588
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.03588 ?
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