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01/02/2023 | FRANCE | N°20/05658

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 février 2023, 20/05658


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/05658 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RCZF













[K] [S]



C/



Société STENA

Société [5]

CPAM ILLE ET VILAINE































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPU

BLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsie...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/05658 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RCZF

[K] [S]

C/

Société STENA

Société [5]

CPAM ILLE ET VILAINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 15 Octobre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de RENNES - Pôle social

Références : 18/00805

****

APPELANT :

Monsieur [K] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Fabienne MICHELET de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

La Société STENA

[Adresse 12]

[Adresse 12]

représentée par Me Benoit CHARIOU, avocat au barreau de NANTES

La Société [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Romain BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Charlotte BLANC LAUSSEL, avocat au barreau de PARIS

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par M. [H] [N] en vertu d'un pouvoir spécial

********

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 10 octobre 2014, la société [5] a déclaré un accident du travail concernant M. [K] [S], salarié en tant qu'électricien mis à disposition de la société Stena, en mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 10 octobre 2014 ; Heure : 8 heures 10 ;

Horaire de travail de la victime le jour de l'accident : de 8h à 12h et de 13h à 17h ;

Lieu de l'accident : Stena chantier SMUR CHU [8] [Localité 9] ;

Circonstances détaillées de l'accident : selon les dires de la victime, M. [S] se serait trouvé à côté d'un câble électrique, ce dernier était accroché à l'attelage du camion et au touret. Le câble aurait cédé et serait venu entourer la jambe droite de M. [S] en le projetant en l'air. M. [S] serait tombé sur le genou droit ;

Siège des lésions : genou droit ;

Nature des lésions : douleur ;

Accident décrit par la victime le 10 octobre 2014 à 14 heures 45.

Le certificat médical initial établi le 10 octobre 2014 fait état d'une 'entorse et foulure des ligaments latéraux du genou' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 26 octobre 2014.

La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la caisse) a pris en charge l'accident dont a été victime M. [S] le 10 octobre 2014 au titre de la législation professionnelle.

La date de consolidation de son état de santé a été fixée au 31 décembre 2016 et son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) évalué à 10%.

Par lettre du 21 juillet 2015, il a formé une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [5], son employeur, et de la société utilisatrice Stena, auprès de la caisse qui a dressé un procès-verbal de non-conciliation le 28 juin 2018.

Le 13 août 2018, M. [S] a porté sa demande devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine.

Par jugement du 15 octobre 2020, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, a :

- débouté M. [S] de toutes ses demandes ;

- l'a condamné aux dépens.

Par déclaration adressée le 16 novembre 2020, M. [S] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre datée du 2 novembre 2020.

Par ses écritures n°3 parvenues par le RPVA le 18 novembre 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 15 octobre 2020 en toutes ses dispositions en ce qu'il :

* l'a débouté de toutes ses demandes, et condamné aux dépens ;

En conséquence :

A titre principal, au visa des dispositions de l'article L. 4154-3 du code du travail :

- dire et juger que la faute inexcusable de la société [5] en raison de

celle commise par la société Stena est présumée, M. [S] ayant été affecté à un poste à risque sans avoir bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ;

- lui allouer la majoration à son taux plein de la rente AT qui lui a été servie par la caisse, sur la base d'un taux de 10% et à effet rétroactif du 31 décembre 2016 ;

- dire et juger que la majoration de la rente devra suivre l'évolution de son taux d'invalidité ;

- dire et juger qu'il incombera à la caisse de faire l'avance de cette majoration en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et sous réserve de son recours à l'encontre de la société [5] ;

- commettre tel expert médical qu'il plaira à la cour aux fins d'examen sous le bénéfice d'une mission étendue, lui impartissant notamment au-delà des postes listés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, d'avoir à se prononcer sur les périodes de déficits fonctionnels temporaires totales et partielles, ainsi que sur les besoins en aide humaine temporaire, sur un éventuel besoin d'aménagement de son véhicule et de son logement et sur une éventuelle perte de chance de promotion professionnelle ;

- lui allouer la somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur ses préjudices personnels ;

- surseoir à statuer sur l'indemnisation de ses préjudices dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;

- condamner solidairement la société [5] et la société Stena, à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance et condamner solidairement les mêmes à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles en cause d'appel ;

- condamner les mêmes aux dépens ;

A titre subsidiaire, au visa des dispositions des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale et L. 4121-2 et 3, R. 4224-3, R. 224-20 (sic) et R. 4323-52 du code du travail :

- dire et juger que l'accident du travail du 10 octobre 2014 est dû à la faute

inexcusable de la société [5] commise par l'entremise de la

société Stena ;

- lui allouer la majoration à son taux plein de la rente AT qui lui a été servie par la caisse, sur la base d'un taux de 10% et à effet rétroactif du 31 décembre 2016 ;

- dire et juger que la majoration de la rente devra suivre l'évolution de son taux d'invalidité ;

- dire et juger qu'il incombera à la caisse de faire l'avance de cette majoration en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et sous réserve de son recours à l'encontre de la société [5] ;

- commettre tel expert médical qu'il plaira au tribunal (sic) aux fins d'examen sous le bénéfice d'une mission étendue, lui impartissant notamment au-delà des postes listés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, d'avoir à se prononcer sur les périodes de déficits fonctionnels temporaires totales et partielles, ainsi que sur les besoins en aide humaine temporaire, sur un éventuel besoin d'aménagement de son véhicule et de son logement et sur une éventuelle perte de chance de promotion professionnelle ;

- lui allouer la somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur ses préjudices personnels ;

- surseoir à statuer sur l'indemnisation de ses préjudices dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;

- condamner solidairement la société [5] et la société Stena, à verser à M. [S] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance et condamner solidairement les mêmes à verser à M. [S] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles en cause d'appel.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 9 mars 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société [5] demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de l'accident dont il a été victime le 10 octobre 2014 ;

A titre subsidiaire :

1. Sur la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire :

- limiter la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à ceux qui ne sont pas couverts en tout ou partie ou de manière restrictive par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, à l'exclusion en tout état de cause du poste de perte de possibilité de promotion professionnelle ;

2. Sur la demande de provision :

- réduire la somme sollicitée à de plus justes proportions dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

3. Sur le recours en garantie de la société [5] à l'encontre de la société Stena :

- juger que la faute inexcusable a été commise par l'entremise de l'entreprise utilisatrice, la société Stena, substituée dans la direction de la société [5] au sens de l'article 26 de la loi du 3 janvier 1972 ;

- condamner, par application de l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité

sociale, la société Stena à garantir la société [5] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre tant en principal, intérêts et frais

qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

5. Sur les dépens :

- limiter la condamnation aux seuls dépens engagés à compter du 1er janvier

2019.

Par ses écritures n°2 parvenues par le RPVA le 28 octobre 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société Stena demande à la cour de :

A titre principal :

Vu les articles 9 du code de procédure civile, 1353 du Code civil et L. 452-4 du code de la sécurité sociale ;

- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté M. [S] de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner l'appelant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire :

- ordonner avant dire droit une expertise judiciaire à l'effet de déterminer la nature et l'étendue des préjudices directement imputables au seul accident du travail dont M. [S] a été victime le 10 octobre 2014 ;

- limiter la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

- constater en tout état de cause que la société Stena n'a commis aucune faute à l'origine de l'accident du travail ;

- exclure en conséquence sa garantie des conséquences financières de l'éventuelle faute inexcusable de l'employeur ou en tout état de cause la réduire à son plus strict minimum.

Par lettre parvenue au greffe le 20 décembre 2021 auxquelles s'est référé son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- lui décerner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice pour statuer sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail du 10 octobre 2014 dont M. [S] a été victime;

Dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait reconnue,

- lui décerner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur :

* la demande de majoration de rente ;

* la demande d'expertise médicale ;

* la demande de versement d'une provision de 3 000 euros ;

- limiter le cas échéance la mission de l'expert, en sus des postes listés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, aux seuls postes de préjudices non expressément couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale ;

- condamner, au visa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la société [5] à lui rembourser la majoration de la rente dans la limite du taux qui sera déclaré opposable à l'employeur par le tribunal judiciaire de Rennes, ainsi que l'ensemble des provisions, frais d'expertise judiciaire et indemnités dont elle serait amenée à faire l'avance au bénéfice de la victime.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur les circonstances non contestées de l'accident :

La société Stena est une entreprise sous-traitante de grands installateurs électriques, spécialisée dans la pose de chemins de câbles, le tirage de câbles et le raccordement d'installations électriques.

M. [S] est un salarié intérimaire employé par la société [5] en qualité d'électricien tertiaire et mis à disposition de la société Stena dans le cadre d'un contrat de prestation de services d'une durée de deux jours conclu le 6 octobre 2014 devant être exécuté entre le 6 et le 10 octobre 2014 sur le chantier du SMUR CHU de [8] situé à [Localité 9].

La mission de la société Stena consistait à tirer des câbles le long d'une voie de circulation interne au CHU [8], dans un fourreau souterrain mis en place par la société [7].

Trois zones de travail ont été définies :

- la zone d'envoi au niveau de laquelle deux salariés (M. [P] et M. [D]) déroulaient/délovaient le câble puis l'envoyaient dans le fourreau ;

- la zone de la chambre intermédiaire au niveau de laquelle était postée M. [S] ;

- la zone de tirage au niveau de laquelle M. [J], salarié de la société Stena et responsable du chantier, tirait manuellement les câbles, assisté le cas échéant pour le passage de ceux les plus lourds par M. [S].

Le 10 octobre 2014, M. [J] a demandé à M. [S] de le rejoindre dans la zone de tirage pour l'aider à tirer un ensemble de quatre câbles. Le début du tirage s'est déroulé normalement jusqu'à ce que des points de durcissement apparaissent.

Eu égard à l'impossibilité d'avancer à la seule force des bras, M. [J] a décidé de changer de technique en utilisant sa camionnette pour tirer le câble et lui faire passer la zone difficile.

La camionnette a été placée dans la zone de tirage.

La configuration des lieux ne permettant de tirer le câble que par cycles successifs de huit mètres environ, M. [J] a répété à plusieurs reprises les actions suivantes :

- fixation de la corde au véhicule ;

- montée dans le véhicule, conduite/tirage du véhicule sur 8 mètres ;

- recul du véhicule à proximité de la chambre ;

- descente du véhicule, décrochage de la corde ;

- reprise de tension de la corde et fixation au véhicule.

Après deux ou trois cycles de tirage, la corde a cédé et est venue fouetter les jambes de M. [S] qui se tenait alors à l'arrière du véhicule.

2 - Sur la présomption de faute inexcusable :

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 4154-2 et L. 4154-3 du code du travail que l'existence de la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail alors, qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

La liste de ces postes de travail est établie par l'employeur, après avis du médecin du travail et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe.

A défaut, il appartient au salarié de caractériser son affectation à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité pour pouvoir bénéficier de la présomption.

M. [S] fait valoir que si le contrat de mission n'a pas qualifié son poste comme étant à risques, l'opération envisagée présentait nécessairement des risques aux différentes phases de travaux, soit à la mise en place de la dérouleuse et ses accessoires, avec un risque de chute de plain-pied, d'écorchure, de lésions au dos, à la mise en place du touret de câbles sur la dérouleuse, avec des risques liés à la manutention manuelle et mécanique, ainsi que des risques d'écrasement, ces mêmes risques étant réitérés à la phase du tirage et de la mise en forme des câbles, avec un risque de rupture du câble important dans la mesure où celui-ci était tiré par un véhicule.

Il ajoute que, s'agissant d'un chantier de travaux publics, nécessairement existent des risques d'interférences liés à la co-activité, obligeant à un plan de prévention et à ce que la zone de travail soit balisée de manière à interdire tout accès à proximité de la zone d'effort.

Il indique enfin que la société Stena ne peut soutenir que le travail qui lui a été confié ne présentait aucun risque alors même que de ses propres dires, M. [J] lui avait demandé de le rejoindre dans la zone de tirage pour l'aider à tirer manuellement les câbles, l'exposant ainsi au risque de blessures corporelles susvisées.

Sur ce :

Il ressort du contrat de mission que le poste confié à M. [S] consistait en une 'aide aux travaux électriques : tirage de câbles et approvisionnement du chantier en matériel et matériaux'(pièce n°10 de la société Stena).

Al'item "poste à risque", il est mentionné "NON".

Selon la circulaire du 30 octobre 1990 du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, deux catégories de postes de travail paraissent devoir figurer sur la liste établie par le chef d'établissement :

a) les travaux habituellement reconnus dangereux et qui nécessitent une certaine qualification ou les travaux exposant à certains risques ;

b) les travaux pour lesquels une formation particulière est prévue par la réglementation.

La société Stena a identifié comme étant à risques les postes suivants :

- travaux sous tension,

- utilisation d'engin de conduite (nacelle, chariot élévateur...),

- travaux en hauteur (risque de chute),

- travaux en milieu amianté,

- travaux en zone Atex,

- trajet/déplacement véhicule utilitaire/poids lourd. (Sa pièce n°9)

Il ressort des éléments du dossier que M. [S] a bien été affecté à un poste conforme à celui décrit dans le contrat de mission. Ainsi, le poste confié à l'intéressé ne comportait aucune tâche présentant un risque spécifique tel que listé par la société Stena.

Si M. [S] met en avant des risques auxquels il était susceptible d'être exposé eu égard aux circonstances réelles de travail, il ne démontre cependant pas en quoi ces risques étaient particuliers, c'est-à-dire des risques identifiés comme étant d'une gravité certaine avec une probabilité de survenance élevée, même dans des conditions normales de travail.

Dès lors, les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont débouté M. [S] de sa demande sur ce fondement.

3 - Sur la faute inexcusable prouvée :

Des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il résulte que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n°18-25.021 ; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683)

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que sa responsabilité soit engagée.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit, invoquant la faute inexcusable de l'employeur de rapporter « la preuve que celui-ci... n'a pas pris les mesures nécessaires pour [la] préserver du danger auquel elle était exposée ».

Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur et doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur aurait dû prendre.

Selon l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4 du même code, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction, sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.

Il résulte encore de l'article L. 1251-21 du code du travail que pendant la durée de la mission, l'utilisateur est responsable des conditions d'exécution du travail telles qu'elles sont déterminées par les mesures législatives, réglementaires et conventionnelles applicables. Pour l'application de ces dispositions, les conditions d'exécution du travail comprennent notamment ce qui a trait à la sécurité au travail.

Sur la conscience du danger :

M. [S] expose que la conscience du danger qu'avait ou qu'aurait dû avoir l'employeur est avérée, la notion de poste à risques étant indiscutablement induite de la mission qui lui avait été confiée ; que la méthode utilisée, à savoir le tirage des câbles à l'aide d'un véhicule, dont nécessairement il n'est pas possible de maîtriser la force de tirage, paraît être une méthode peu orthodoxe pour ce type de tâche, à tout le moins dangereuse, ce que l'employeur ne pouvait ignorer ; que le risque d'accident était accru compte tenu de sa présence à proximité ; qu'en s'abstenant de procéder à une évaluation des risques et en ne le formant pas correctement, la société Stena avait nécessairement conscience du risque auquel il était exposé ; que dans le document unique d'évaluation des risques, applicable en 2014, sur les risques spécifiques liés au tirage de câbles, l'utilisation d'un véhicule et les risques de lésions en découlant ne sont pas mentionnés ; qu'en effet, seules les situations dangereuses suivantes sont envisagées : les postures incommodes, l'utilisation d'une sertisseuse hydraulique, l'utilisation d'un treuil de tirage et de cabestan, la manutention des câbles pour les positionner dans les chemins de câbles, l'utilisation des portes tourets ; que dans la version postérieure et consécutive à l'accident, le document unique d'évaluation des risques prévoit effectivement comme situation dangereuse la possible rupture de la corde type drisse avec la nécessité pour y pallier de créer un périmètre de sécurité à la sortie de la chambre d'une surface supérieure à 10 m avec aucun compagnon à l'intérieur de ce périmètre ; que la modification du document unique postérieurement à l'accident démontre bien que la société n'avait pas envisagé le risque de rupture de la corde type drisse ; que les risques particuliers de ce chantier n'avaient pas été correctement évalués ; que si la société Stena indique que la rupture de la corde s'explique non pas en raison de la traction exercée par le véhicule mais en raison de l'usure prématurée de celle-ci en frottant sur les aspérités des fourreaux endommagés par la société [7], cette affirmation n'est étayée par aucun élément objectif, la société se contentant de se fonder sur l'arbre des causes établi par ses soins et sur l'attestation de son chef de chantier (M. [J]) qui est à l'origine de l'accident ; que la situation d'un fourreau bouché, détérioré, écrasé n'est pas une situation exceptionnelle et imprévisible pour une entreprise dont la spécialité est de tirer des câbles.

La société Stena réplique que M. [S] se contente de procéder par voie d'affirmation et ne rapporte aucune preuve de ce que la méthode de tirage de câbles par un véhicule serait "peu orthodoxe ou à tout le moins dangereuse" en ce que l'on ne peut maîtriser la force de traction ; que la cause de l'accident n'est pas le mode opératoire du tirage de câbles retenu mais bien le fait que M. [S] s'est trouvé dans un endroit où il lui avait été ordonné de ne pas se tenir ; que l'utilisation d'autres moyens mécaniques (porte touret, cabestan thermique ou treuil) aurait produit les mêmes effets que l'utilisation du véhicule, la puissance de ces équipements dédiés pouvant être très élevée ; que les fourreaux posés par la société [7] à l'intérieur desquels devaient circuler les câbles étaient d'un diamètre trop faible pour permettre le passage d'un émérillon ; qu'il a fallu remplacer l'émerillon par une corde avec n'ud coulissant étrangleur ; que la corde utilisée à cette fin était une corde tressée en polyamide haute ténacité ayant une résistance à la rupture de 2,855 tonnes ; qu'en procédant à l'ensevelissement des fourreaux, la société [7] les a écrasés, ceux-ci ont été déformés du fait des coups de pelle ou autres outils destinés à tasser la terre recouvrant les fourreaux ; que l'endommagement des fourreaux a créé des aspérités rendant plus difficile la progression de la corde entraînant dans son sillage les câbles ; que la rupture de la corde s'explique in fine par l'usure prématurée de celle-ci en frottant sur les aspérités des fourreaux endommagés ; qu'il était impossible pour elle de prévoir que les fourreaux posés par l'entreprise [7] étaient endommagés ; que la rupture de la corde ne comptait pas jusque-là au nombre des risques identifiés par le Bureau [11] aux termes du document unique d'évaluation des risques professionnels, de sorte qu'elle n'avait aucune conscience du danger auquel elle exposait ses travailleurs ; que bien que l'utilisation d'un véhicule soit inhabituelle, il n'a jamais été demandé à M. [S] d'y participer, raison pour laquelle il ne parvient pas à justifier sa présence dans la zone de tirage tandis qu'il ne devait pas s'y trouver ; qu'en effet, instruction lui avait été donnée de se tenir en dehors de la zone pour s'assurer d'une part que les piétons ne déplacent pas les barrières et ne se hasardent pas sur la zone de tirage mais aussi pour permettre de communiquer visuellement avec ses collègues de travail situés en zone d'envoi ; que c'est uniquement parce que M. [S] n'a pas respecté ces instructions qu'il s'est trouvé exposé au risque de rupture de la corde.

Sur ce :

La conscience du danger doit être interprétée in abstracto, par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations (2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n°02-30.984).

Il est constant que le document unique d'évaluation des risques professionnels de la société Stena en vigueur en 2014 (pièce n°3 de la société), à la section "risques spécifiques liés à la pose de chemins de câbles" mentionne s'agissant de l'utilisation d'un treuil de tirage et de cabestan, le seul risque d'écrasement des doigts et des mains.

Le plan particulier de sécurité et de protection de la santé ( PPSPS) réalisé par la société Stena pour le chantier du CHU de [8] (sa pièce n°6) note le risque de blessures corporelles lors du tirage de câbles au moyen d'une dérouleuse, avec comme mesure de prévention le port des équipements de protection individuelle adaptés.

Est également prévu dans ce PPSPS, avant le début du chantier, le balisage des zones de travaux, l'identification des zones de circulation sécurisées, et pendant les travaux, l'indication de ne pas circuler en dehors des zones de circulation sécurisées et de ne pas déplacer sa zone de travail sans autorisation du chef de chantier.

M. [J], responsable de chantier, indique dans son attestation (pièce n°14 de la société Stena) avoir 'demandé à M. [S] de sortir de la zone pour s'assurer que les piétons utilisent bien le trottoir opposé et de se positionner de manière à voir les collègues envoyant les câbles et transmettre leur signaux gestuels'.

La zone de chantier, particulièrement au moment du tirage des câbles au moyen d'un engin mécanique, est donc bien considérée comme une zone de danger, à telle enseigne que M. [J] dit avoir donné consigne à M. [S] de sortir de celle-ci.

Ainsi, le danger lié au positionnement d'un salarié à proximité du lieu de tirage au moyen d'une force mécanique ne pouvait être méconnu du représentant de la société qui gérait le chantier.

Le risque spécifique de rupture de la corde ou des câbles lors du tirage n'avait pas été identifié par la société Stena avant l'accident. Cependant, compte tenu de son activité, elle ne pouvait ignorer les risques induits par la mise en tension d'un câble au moyen d'une force mécanique quelle qu'elle soit.

La conscience du danger par la société Stena est suffisamment établie.

Sur les mesures prises pour préserver le salarié :

Le compte rendu d'inspection commune réalisée par [6] le 6 octobre 2014 avant l'ouverture du chantier mentionne un balisage de la zone de travaux au titre des protections collectives de prévention des risques (pièce n°13 de la société Stena).

M. [S] indique qu'il n'est pas démontré par la société Stena qu'une zone de sécurité était délimitée le jour de l'accident. Il n'affirme cependant pas que cette zone était inexistante et n'apporte aucun élément contredisant les propos de M. [J] relevant que cette protection était bien en place.

Dès lors, les points essentiels concernent l'utilisation d'un véhicule à moteur pour procéder au tirage des câbles, le positionnement de M. [S] lors de la rupture de la corde et les consignes de sécurité qui ont pu être données.

Il ressort de l'attestation de M. [J] (pièce n°14 déjà citée) qu'il a décidé de changer de technique de tirage lorsque des points de durcissement sont apparus. Il indique alors :

'J'ai décidé d'essayer de tirer sur la corde avec ma camionnette. J'ai demandé à [K] [S] de sortir de la zone pour s'assurer que les piétons utilisent bien le trottoir opposé et de se positionner de manière à voir les collègues envoyant les câbles et transmettre leurs signaux gestuels. L'espace pour rouler dans la zone étant tout petit (8 m de roulage maxi), j'ai fait entrer le camion, refermer les barrières, attacher la corde à la boule de mon véhicule. Après une plusieurs tractions réussies (attache de la corde, traction, marche arrière, descendent pour reprendre la corde et la rattacher) (sic). Lors d'une traction supplémentaire, en n'ayant rien vu dans mes rétroviseurs, la corde a cédé et j'ai entendu un coup de fouet et un cri. Je suis immédiatement descendu du véhicule et ai constaté qu'[K] [S] était debout, à l'arrière du véhicule. Il se déplaçait à cloche-pied jusqu'à un candélabre très proche, au pied duquel il s'est assis face au grillage, dos à la rue'.

Si les attestations produites par la société Sténa émanant d'autres entreprises spécialisées en électricité laissent entendre qu'il peut leur arriver d'utiliser leur véhicule utilitaire pour tirer les câbles, elles conviennent que cette technique est peu conventionnelle.

La société Stena admet d'ailleurs dans ses écritures que l'utilisation d'un véhicule à l'effet de tirer un câble n'est pas la méthode à laquelle elle a recours habituellement.

Il apparaît néanmoins d'une part que l'usage du véhicule par ses salariés n'est pas une technique qu'elle a découverte à la suite de l'accident et que d'autre part, celle-ci est usitée dans son secteur d'activité.

Pour autant, ce procédé n'a fait l'objet d'aucune évaluation des risques.

Si la société Stena indique que l'utilisation des moyens mécaniques habituels (porte touret deux tonnes, cabestan thermique ou treuil) aurait généré les mêmes effets que l'utilisation du véhicule, en ce que la puissance de ces équipements dédiés peut être très élevée, cela nécessite d'être d'autant plus vigilant sur la zone d'emprise en cas de rupture et sur le fait qu'en utilisant une force plus importante pour exercer une traction, une contrainte supérieure est exercée ce qui augmente le risque de rupture.

Il sera noté également que l'utilisation du véhicule par le chef de chantier le privait de tout visuel sur la zone de tirage.

Enfin, s'agissant du positionnement de l'intérimaire et des consignes de sécurité données, les versions de MM. [S] et [J] divergent, le premier affirmant ne pas avoir reçu ordre de s'extraire de la zone de chantier.

La rupture de la corde n'aurait eu aucune conséquence dommageable si l'intérimaire s'était écarté suffisamment de la zone de traction.

Il appartenait à M. [J], en sa qualité de responsable du chantier, de s'assurer, avant de débuter le tirage des câbles au moyen de sa camionnette, qu'un périmètre de sécurité suffisant était respecté, notamment quant au positionnement de M. [S]. Il n'est justifié d'aucune mesure qu'il aurait prise pour vérifier que les consignes de sécurité qu'il a données étaient effectives et respectées.

Ces manquements suffisent à caractériser la faute inexcusable de la société Stena, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions.

4 - Sur l'action récursoire de la société [5] :

Il résulte de la combinaison des articles L. 412-6 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale que si, en cas d'accident du travail survenu à un travailleur intérimaire et imputable à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire employeur est seule tenue envers l'organisme social du remboursement des indemnités complémentaires prévues par la loi, elle dispose d'une action récursoire contre l'entreprise utilisatrice, auteur de la faute inexcusable. (2e Civ., 21 juin 2006, pourvoi n° 04-30.665, Bull. 2006, II, n° 164)

Il ressort des développements précédents qu'aucune faute n'est reprochée et imputable à la société de travail temporaire [5].

L'accident du travail dont M. [S] a été victime le 10 octobre 2014 est dû à la faute inexcusable exclusive de la société Stena, substituée à la société [5].

En conséquence, il y a lieu d'accueillir l'action récursoire de la société [5] à l'encontre de la société Stena qui devra la garantir intégralement des conséquences financières de la faute inexcusable ainsi que des frais d'expertise, des dépens et de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

5 - Sur les conséquences de la faute inexcusable :

En application des articles L.452-1 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime a droit, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de demander à l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés, à la condition que ses préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

S'agissant de la majoration de rente, l'article L. 452-2 du même code précise en son alinéa 3 que 'lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale (...)'.

Il y a lieu d'ordonner la majoration maximum de la rente allouée à M. [S].

La majoration maximale de cette rente suivra l'évolution du taux d'incapacité en cas d'aggravation de son état de santé.

Une expertise médicale sera en outre diligentée pour déterminer les préjudices de M. [S] selon les modalités indiquées dans le dispositif ci-après.

La cour trouve dans la cause les éléments suffisants pour allouer à M. [S] une provision de 3 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices.

Il sera sursis à statuer sur la réparation des préjudices jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

En application des dispositions des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse avancera les sommes allouées à M. [S] dont elle récupérera le montant sur la société [5], en ce compris les frais d'expertise.

6 - Sur les mesures accessoires :

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [S] ses frais irrépétibles.

La société [5] sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais de première instance et d'appel pour ceux d'ores et déjà engagés.

Il convient de surseoir à statuer sur les dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe :

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau :

DIT que l'accident du travail survenu le 10 octobre 2014 à M. [K] [S] est dû à la faute inexcusable de la société Stena, substituée à la société [5] ;

ORDONNE la majoration maximale de la rente servie à M. [K] [S] sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 10 % ;

ALLOUE à M. [K] [S] une provision de 3 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale ;

DIT que les sommes allouées à M. [K] [S] seront avancées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et renvoie l'intéressé devant celle-ci pour le paiement ;

Avant dire droit sur la liquidation du préjudice :

ORDONNE une expertise et commet pour y procéder le docteur [W] [Z] ([Courriel 10]) [Adresse 3], laquelle aura pour mission, la date de consolidation étant acquise au 31 décembre 2016 et le taux d'incapacité étant de 10 %, de :

- convoquer l'ensemble des parties et leurs avocats, recueillir les dires et doléances de la victime, se procurer tous documents, médicaux ou autres, relatifs à la présente affaire et procéder en présence des médecins mandatés par les parties, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

- à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation, la nature des soins ;

- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nature (garde des enfants, soins ménagers, assistance temporaire d'une tierce personne, adaptation temporaire du véhicule ou du logement.....) ;

- donner son avis sur les points suivants :

- le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; préciser la durée des périodes d'incapacité totale ou partielle et le taux de celles-ci;

- les besoins en aide humaine : dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne et dans l'affirmative s'il s'est agi d'une assistance constante ou occasionnelle (étrangère ou non à la famille), si elle a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; en indiquer la nature et la durée quotidienne;

- les souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice esthétique : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif ; évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice d'agrément : si M. [S] allègue une gêne ou une impossibilité, du fait des séquelles de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisirs, temporaire ou définitive, donner un avis médical sur la gêne ou l'impossibilité invoquée, sans se prononcer sur sa réalité ;

- le préjudice sexuel : donner un avis sur l'existence, la nature et l'étendue d'un éventuel préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

- le préjudice de perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle : donner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

- les frais de véhicule adapté : dire si l'état séquellaire de la victime lui permet la conduite d'un véhicule automobile et dans cette hypothèse, si son véhicule doit comporter des aménagements, les décrire ;

- les frais d'adaptation du logement : indiquer si, compte tenu de l'état séquellaire, il y a nécessité d'envisager un aménagement du logement et, si c'est le cas, sans anticiper sur la mission qui pourrait être confiée à un homme de l'art, préciser quels types d'aménagements seront indispensables au regard de cet état ;

- faire toutes observations utiles ;

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de solliciter le versement d'une provision complémentaire ;

Dit que l'expert devra :

- communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour la production de leurs dires auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

- adresser son rapport définitif à chacune des parties ainsi qu'à la cour dans les six mois de sa saisine ;

Dit que le rapport devra être accompagné de son mémoire de frais avec justification de ce que ledit mémoire a été communiqué aux parties ;

Rappelle les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile :

« L'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées ».

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise et le coût prévisible de l'expertise ;

Dit que les frais d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine qui devra consigner la somme de 1 500 euros auprès du régisseur de la cour dans les 30 jours de la notification du présent arrêt;

Désigne le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l'instruction des affaires pour surveiller les opérations d'expertise ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;

CONDAMNE la société [5] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine l'ensemble des sommes dont cette dernière sera tenue de faire l'avance ;

CONDAMNE la société Stena à garantir la société [5] de l'ensemble des sommes mises à sa charge, en ce compris les frais d'expertise, les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [5] à verser à M. [K] [S] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel pour ceux d'ores et déjà engagés ;

SURSOIT A STATUER sur la liquidation des préjudices et les dépens jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

ORDONNE la radiation du dossier des affaires en cours et dit que les débats seront repris à la demande de la partie la plus diligente, sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable aux parties adverses.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/05658
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;20.05658 ?
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