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01/02/2023 | FRANCE | N°20/01407

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 février 2023, 20/01407


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/01407 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QQSS













[C] [S]



C/



Société [13]

CPAM D'ILLE ET VILAINE































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/01407 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QQSS

[C] [S]

C/

Société [13]

CPAM D'ILLE ET VILAINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 24 Octobre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de RENNES - Pôle Social

Références : 18/554

****

APPELANT :

Monsieur [C] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Thomas NAUDIN, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

La Société [13]

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Valéry ABDOU, avocat au barreau de LYON substitué par Me Yohann KERMEUR, avocat au barreau de RENNES

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 9]

[Localité 3]

représentée par M. [Y] [W] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [S] a été embauché en contrat à durée indéterminée par la société [12] le 3 mai 1988 en qualité de technicien-commercial et responsable «produits», avec un statut cadre après un an d'ancienneté. En 1994 la société a été reprise par la société [6] devenue [10] à compter de 1999. Le 1er octobre 2006, le contrat de travail de M. [S], a été repris par une filiale du groupe, la société [13] (la société) avec mensualisation de 152 heures pour un appointement mensuel de base de 2942 euros.

En 2009, M. [S] a été nommé directeur des ventes.

Le 27 mai 2013, M. [S] se voyait prescrire un arrêt de travail par le docteur [D] jusqu'au 16 juin 2013 pour un syndrome anxio-dépressif en relation avec un épuisement professionnel et burn out, selon les déclarations concordantes des parties (les éléments d'ordre médical sont occultés sur le certificat produit).

Celui-ci adressait M. [S] au docteur [A], confrère psychiatre, qui après visite du 18 juin 2013 indiquait aux termes d'un certificat médical du 12 août 2013 qu'il présentait un état anxieux généralisé avec paroxysme d'angoisse.

Le 10 novembre 2013, la caisse adressait à M. [S] une notification de prise en charge à 100% pour affection de longue durée à compter du 27 mai 2013.

Le 17 décembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et Vilaine notifiait à M. [S] que le médecin conseil estimait que son arrêt de travail n'était plus médicalement justifié, entraînant ainsi l'arrêt du versement des indemnités journalières à compter du 1er février 2015.

Le 5 février 2015, le médecin du travail déclarait M. [S] inapte à son poste de travail.

Le 9 mars 2015, M. [S] a déclaré une maladie professionnelle en raison d'un syndrome anxio-dépressif en lien avec un épuisement professionnel marqué.

Le certificat médical initial, établi le 9 mars 2015, fait état d'un syndrome anxio-dépressif en lien avec un épuisement professionnel marqué évoluant depuis avril 2009 - trouble faisant l'objet d'un AT depuis le 27 mai 2013 sans prescription de soins et ou d'un arrêt de travail.

Après avoir refusé quatre propositions de reclassement comme gestionnaire de stocks ou conducteur de machine à [Localité 8], et comme gestionnaire de stocks ou préparateur de commandes à [Localité 5], M. [S] a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement par lettre du 15 juin 2015.

Après notification de refus de prise en charge de sa maladie le 15 juillet 2015, contestation et décision de rejet de la commission de recours amiable, puis saisine et décision du tribunal du contentieux de l'incapacité de Rennes reconnaissant à M. [S] un taux d'incapacité permanente au moins égal à 25%, la caisse, par décision du 30 juin 2017, après instruction et suivant l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles(CRRMP), a pris en charge la maladie syndrome anxio-dépressif au titre de la législation professionnelle.

La date de consolidation avec séquelles de son état de santé a été fixée au 11 octobre 2017.

Par jugement rendu le 16 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes a déclaré inopposable à la société la décision de la caisse du 21 décembre 2017 fixant le taux d'IPP de M. [S] à la date du 11 octobre 2017 à 32 % dont 7 % pour le taux professionnel.

M. [S] a formé une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur auprès de la caisse puis après procès-verbal de non-conciliation, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine le 4 juin 2018.

Par jugement du 24 octobre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes, a :

- rejeté la demande de M. [S] tendant à faire constater l'existence d'une faute inexcusable de la société ;

- rejeté la demande de majoration de sa rente d'incapacité ;

- rejeté pour le surplus ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles exposés.

Par déclaration adressée le 25 novembre 2019, M. [S] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 9 novembre 2019.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 28 septembre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [S] demande à la cour, au visa des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de :

- dire et juger M. [S] recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter intégralement la société ;

- réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

* rejeté la demande de M. [S] tendant à faire constater l'existence d'une faute inexcusable de la société ;

* rejeté la demande de majoration de sa rente d'incapacité ;

* rejeté pour le surplus ;

* condamné M. [S] aux dépens ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que la maladie professionnelle dont a été victime M. [S] à compter du 27 mai 2013, date de première constatation médicale, est due à la faute inexcusable de son employeur ;

- fixer au maximum la majoration de la rente due à M. [S] sur la base d'un taux d'IPP de 32 %, et ce à effet du 11 octobre 2017, date de la consolidation ;

- dire et juger qu'en cas d'aggravation ou de rechute, la majoration de la rente suivra l'évolution du taux d'IPP ;

- ordonner une expertise médicale confiée à tel praticien qu'il plaira à la cour de désigner sur les postes prévus à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non prévus dans le livre IV du même code dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010 et la jurisprudence en découlant :

* souffrances endurées,

* préjudice esthétique temporaire et permanent,

* préjudice d'agrément,

* déficit fonctionnel temporaire,

* besoin en tierce personne avant consolidation,

* préjudice sexuel.

- allouer à M. [S] une somme de 5 000 euros à valoir sur la liquidation définitive de ses préjudices ;

- condamner la caisse à faire l'avance de la rente majorée et de la provision en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, sans réserve de son recours à l'encontre de l'employeur ;

- condamner la société à verser à M. [S] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 26 octobre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la société demande à la cour de :

A titre principal,

- considérer que la société n'a commis aucune faute inexcusable ;

- en conséquence débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement déféré ;

A titre subsidiaire,

- exclure la possibilité pour la caisse de procéder à son action récursoire au titre de la majoration de la rente ;

En conséquence,

- limiter l'action récursoire de la caisse aux seuls préjudices qui seront déterminés par l'expert judiciaire ;

- exclure, dans le cadre de la mission dévolue à l'expert judiciaire, l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent et les répercussions dans l'exercice des activités professionnelles ;

- débouter M. [S] de sa demande d'indemnité provisionnelle formulée à hauteur de 5 000 euros.

Par lettre parvenue au greffe le 21 janvier 2021 à laquelle s'est référé son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- lui décerner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice pour statuer sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle du 9 mars 2015 dont M. [S] a souffert ;

Dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait reconnue,

- décerner acte à la caisse de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur :

* la demande de majoration de rente ;

* la demande d'expertise médicale ;

* la demande de versement d'une provision de 5 000 euros ;

- limiter le cas échéant la mission de l'expert, en sus des postes listés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, aux seuls postes de préjudices non expressément couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale ;

- condamner, au visa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la société à rembourser la caisse la majoration dans la limite du taux qui lui sera déclaré opposable par le tribunal (sic), ainsi que l'ensemble des provisions, frais d'expertise judiciaire et indemnités dont elle serait amenée à faire l'avance au bénéfice de la victime.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur la faute inexcusable

M. [S] soutient que la conscience du danger procède du contenu même de son poste, lié notamment à une surcharge de travail et un manque de soutien autour de lui, tout particulièrement à compter de sa nomination comme directeur des ventes en 2009 ; que sa collègue responsable export et administration des ventes a été licenciée fin 2009 sans être remplacée durablement ; que son poste impliquait des déplacements professionnels quotidiens l'amenant à effectuer chaque année plus de 70'000 km de trajet en voiture alors qu'il était responsable des ventes de compote à destination des industriels implantés en France mais également en Belgique, en Hollande et au Luxembourg ; qu'il effectuait régulièrement des allers-retours entre [Localité 8] et la Belgique dans la même journée ; que les notes de frais correspondaient seulement aux déplacements ayant entraîné des frais, de nombreux déplacements ne donnant lieu à aucune note de frais; que les déclarations de l'employeur dans le cadre de l'enquête de la caisse ne reflètent pas la réalité de son poste ; qu'il a régulièrement avisé oralement sa hiérarchie de la dégradation de ses conditions de travail mais il n'en a jamais été tenu compte ; qu'il est inopérant pour l'employeur d'invoquer l'absence de signalement du salarié pour venir contester le risque d'épuisement professionnel induit par un poste à forte charge de travail ; que les comptes rendus d'entretien révèlent ses difficultés dans la réalisation de ses missions avec des réponses lapidaires et contribuant à son mal- être ; que le médecin du travail a alerté son employeur sur son état de santé inquiétant dès avril 2011 ; que le document unique d'évaluation des risques ne comporte aucune inscription sur les risques psycho-sociaux.

La société conclut quant à elle à une absence de conscience du danger dès lors que M. [S] ne l'a jamais alertée sur une possible surcharge de travail impactant et dégradant ses conditions de travail et telle qu'elle ne pouvait être tolérée ; qu'en outre il avait fait le choix d'évoluer, ce qui avait justifié qu'il devienne directeur des ventes ; qu'il ne fournit aucune pièce permettant de caractériser une dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail et les comptes rendus d'entretien individuel sont vierges de toute notion de surcharge de travail ; que l'entretien de 2012-2013 ne fait état que d'une simple difficulté d'organisation en interne avec les équipements de production, difficulté réglée rapidement ; que des salariés l'ayant remplacé n'évoquent en rien une surcharge de travail ; que ses objectifs étaient fixés chaque année en concertation et il n'a jamais indiqué qu'ils étaient irréalisables ou qu'ils le plaçaient dans une situation de mal- être ; que les objectifs n'étaient pas revus à la hausse ; que suite à son départ en 2013, le chiffre d'affaires réalisé et le tableau des volumes vendus sur son périmètre a augmenté ; qu'il bénéficiait en outre depuis 2011 d'un poste d'assistant commercial ; que ses doléances s'agissant de ses déplacements sont erronées, ce que permettent d'établir ses notes de frais et ses relevés de kilomètres aboutissant à une moyenne de 113 km par jour, kilométrage cohérent avec ses fonctions et donc sa mauvaise foi ; que par ailleurs s'il est exact que le médecin du travail a préconisé des visites médicales rapprochées, cette décision n'est pas la conséquence d'un mal- être au travail et compte tenu du secret médical, il est évident que ses problèmes de santé n'ont pas été portés à la connaissance de l'employeur ; que les fiches d'aptitude ne font état d'aucun élément quant à la nécessité de prendre des mesures en vue de l'amélioration des conditions de travail.

Sur ce,

Des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il résulte que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

(2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683).

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que sa responsabilité soit engagée.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit, invoquant la faute inexcusable de l'employeur de rapporter « la preuve que celui-ci... n'a pas pris les mesures nécessaires pour la préserver du danger auquel elle était exposée ».

Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur et doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur aurait dû prendre.

A- Sur la conscience du danger

Au vu de la fiche de poste produite par l'employeur, il apparaît que M.[S] occupait un poste de directeur des ventes B to B (commerce entreprise à entreprise) avec un N+1, le directeur du site, et un N-1, une assistante commerciale ; qu'il disposait d'une autonomie importante avec des missions de vente et négociation, innovation, gestion administrative et commerciale, analyse et recommandation.

Le contrat de travail initial régularisé avec la [12] précisait que son activité concernait notamment les spécialités à base de POMME dans ses applications sucrées et salées et aux marques Unifruit crées ou à créer, pulpes, purées, compotes classiques ou 'spéciales pâtissières, pommes charcutière, pomme cuisinière purées diététiques préconcentrées '.

M. [S] précise aux termes de ses conclusions qu'il était le seul commercial de l'activité industrielle fruit, que le chiffre d'affaires concernant les spécialités à base de pommes a considérablement augmenté, particulièrement à compter de 2009 ; que la société [12] vendait 500 tonnes de compote à destination des industriels par an mais les volumes vendus ont atteint 14 000 tonnes par an ; qu'il n'était pour autant assisté de personne, aucun assistant n'étant nommé à ses cotés, que le business plan et objectifs de vente fixés étaient disproportionnés et irréalisables.

Il ne précise ni ne justifie des objectifs qui lui étaient fixés. La société produit quant à elle des formulaires d'objectifs très partiellement renseignés, illisibles ou pour partie incomplètement reproduits, malgré la demande formulée par la cour, et non explicités. Pour 2008 les objectifs ne sont pas précisés et il en est de même en 2009, 2010, 2013, 2012 n'étant pas produit. Apparaissent pour 2008 des résultats bons, très bons et exceptionnels, et pour 2011 trois mentions de résultats insuffisants, une de très bons résultats, une autre de résultats perfectibles.

Selon la description du poste de M. [S] effectuée par Mme [X] selon attestation de septembre 2018 sur la période de 2011 à mai 2013, date à laquelle elle a repris le service du premier à l'exception de la gestion coordonnée du planning de production, les missions de M. [S] étaient précisément le suivi des clients France existants (hors catégorie des 'jus': vente, négociation annuelle des contrats, cogestion des projets R et D avec l'équipe R et D, suivi des en-cours clients, collection des réclamations clients et rédaction des solutions apportées, gestion des retards de livraison, prospection de nouveaux clients en France, analyse et pilotage des résultats commerciaux et du budget PAI, recrutement et management de l'assistante commerciale, saisie des commandes et gestion du retour des emballages en l'absence de l'assistante commerciale lors de ses congés/formations, suivi du stock et gestion coordonnée du planning de fabrication de l'atelier PAI '$gt; faire le lien entre les commandes clients et l'usine, déplacement produits chez les clients et sur les salons professionnels, accompagnement de l'équipe Qualité lors des audits clients et des audits de certification, partage des infos terrain (marché, tendances, clients) et veille concurrentielle, apport de conseils techniques aux clients (applications, conditionnement...).

Elle confirme ainsi l'existence d'un poste de directeur des ventes occupé par M. [S], seul, au sein de la société, justifiant aux dires mêmes de l'employeur un investissement notamment en terme de compétence aux cotés d'un chef des ventes export.

Il convient de relever que M. [H], directeur des ventes en poste au moment de son attestation de septembre 2018 évoque une contrainte classique sur ce type de poste ne représentant pas un facteur de stress non gérable au quotidien. Il précise avoir pris en charge des missions supplémentaires (prospection chez des clients majeurs, salons à l'export, proposition de recettes). Ni M. [H], ni Mme [X] n'évoquent une charge de travail problématique. Néanmoins ils ne précisent pas les objectifs qui leur étaient fixés.

Pour contester encore la charge de travail alléguée par M. [S] la société se prévaut du chiffre d'affaires pour indiquer que les objectifs sont stables et que l'activité aurait augmenté postérieurement au départ de celui-ci sur le périmètre qui était le sien. Au vu du tableau qu'elle produit de 2009 à 2017 intitulé France Hors LCHF hors jus concentré et Export Hors LCHF hors jus concentré, apparaît une progression du chiffre d'affaires de 6,9% en 2010, 11,1% en 2011, 4,7% en 2012, 8,6% en 2013, pour chacune de ces années par rapport au chiffre d'affaires de 2009.

L'augmentation a certes été plus significative à compter de 2014 à 2017 soit après le départ de M. [S] (34%, 19,1%, 33,5%, 30%, toujours par rapport au chiffre d'affaires de 2009). La société produit aussi les volumes des ventes et une synthèse démontrant leur augmentation à compter de 2014 qu'elle présente comme un récapitulatif des volumes réalisés sur le secteur de M. [S], que conteste ce dernier en indiquant qu'il s'agit en réalité de l'ensemble des volumes de l'entreprise et pas seulement de ceux correspondant à ses seuls clients. M. [S] ne produit aucune pièce contradictoire.

Lors de l'enquête administrative, l'employeur a indiqué que M. [S] travaille dans un bureau et se déplace 5 à 6 fois par mois, plutôt à l'échelle régionale. Il dispose d'un bureau individuel. Il rentre à son domicile quotidiennement, le midi et le soir. M. [S] a l'habitude de commencer ses journées entre 8 heures et 8 heures 30, de prendre une pause le midi pour rentrer chez lui pendant 1 heure ou 1 heure 30, puis de quitter son poste entre 18 heures et 18 heures 30. Il est cadre au forfait jours. Il a un volume horaire de 40 h/ semaine environ et dispose de 39 jours annuels de CP et de RTT. Il est autonome et gère lui-même son travail.

(... ) Sur ce type de poste, il n'y a pas de suivi médical renforcé. Néanmoins à la demande du médecin de travail, M. [C] [S] a été vu en visite médicale plus régulièrement à partir de 2011.

(...)

Pour notre part, et sans remettre en cause le 'syndrome anxio-dépressif'de M. [C] [S], nous pensons que celui-ci est lié au contexte personnel de notre collaborateur et qu'il ne peut pas être expliqué par une origine professionnelle.

Il résulte des documents intitulés Utilisation mensuelle des véhicules adressés chaque mois à la société [7], filiale de [10], gérant le parc automobile des véhicules de fonction des salariés, lequel fait état chaque mois du nombre de kilomètres parcourus que M. [S] effectuait environ 70.000 km par an avec son véhicule de fonction, soit en moyenne 6 300 km par mois ou 315 km par jour, alors qu'il se déplaçait dans le cadre de son travail essentiellement dans la région, plus exceptionnellement à de plus longues distance et une fois par an en Belgique environ, ce qui résulte à la fois des notes de frais de déplacement de M.[S] qui compilent le lieu du voyage, les frais de repas, éventuelles nuitées, péages et parking mais non les frais kilométriques et qui étaient réglées par l'employeur le mois suivant.

Le véhicule de M. [S] constituait au vu de ses bulletins de salaire un avantage en nature et son contrat de travail précisait qu'une voiture de fonction était mise à sa disposition pour ses déplacements professionnels.

M. [S] ne peut reprocher à la société d'avoir complété les notes de frais de déplacement par la mention manuscrite de l'évaluation du nombre de kilomètres compte tenu du lieu de déplacement professionnel, ce qu'une simple addition permet de faire, afin de le comparer au nombre de kilomètres mensuels parcourus chaque mois par M. [S].

Il apparaît ainsi que si le kilométrage allégué par M. [S] apparaît exact, il ne donnait lieu pour une partie significative de celui-ci à l'établissement d'aucune note de frais. L'employeur en conclut qu'il s'agissait uniquement de déplacements effectués à titre personnel, ce que M. [S] conteste en précisant qu'il n'exposait aucun frais pour de très nombreux déplacements.

Il ne peut être tiré aucune conclusion de ces divergences et M. [S] ne produit aucun agenda ou emploi du temps. Néanmoins le véhicule de fonction laisse présumer que le kilométrage est avant tout professionnel.

La société se prévaut également des évaluations annuelles de M. [S] de 2011-2012 et 2012-2013 pour indiquer qu'il ne s'est jamais plaint.

Il y a lieu de relever que la société ne conteste pas que la collègue de M.[S], responsable export et administration des ventes, a été licenciée fin 2009 sans être remplacée.

En outre M. [S] indique en réponse à l'employeur qui argue qu'il disposait d'une assistante commerciale à partir de 2011 que celle-ci travaillait aussi en grande partie au profit de l'usine.

Au vu des organigrammes produits par la société, il apparaît qu'en décembre 2010, figure la mention d'un recrutement en cours d'un employé commercial (temps partagé) aux fins de seconder M. [S], les organigrammes antérieurs, et notamment celui de 2009 n'étant pas produits.

Ce recrutement permet de conclure qu'il était nécessaire de seconder M.[S], au moins en partie. Apparaît ensuite sur les organigrammes de mai 2011, octobre 2011, novembre 2012, octobre 2013, la mention d'une assistante commerciale pour seconder M. [S], [J] [B] en mai 2011, puis M. ([T] )[K] à compter d'octobre 2011.

Dans un courriel du 11 janvier 2012, M. [S] interrogeait la direction sur la bascule et les BL compte tenu du congé posé par cette assistante semaine 10, ce à quoi il lui était répondu le 19 janvier suivant que :

Je ne suis pas le sauveur et les réponses que je peux apporter sont les mêmes que celles que vous avez déjà en tête ([P]/[R]).

Le problème de la bascule ne sera réglé qu'en faisant la liste des tâches effectuées aujourd'hui en campagne et hors campagne par [T].

1- 1- qu'est ce qui relève de l'accueil (fournisseurs, visiteurs) '

2- qu'est ce qui est lié à l'activité commerciale (stock, réponse au client sur des livraisons, commandes, ordon, etc)'

3- qu'est ce qui est lié aux flux et à de l'administratif (entrée de matières premières, sortie des camions, BL, tickets de pesée, saisie informatique, etc.)'

Pour rappel, cet état devait être réalisé l'an dernier avant la campagne et ne l'a pas été.

Une fois que nous aurons une vision claire des trois types de tâches avec la charge de travail associée, nous pourrons dire quelle fonction doit gérer ces (ces ') tâches dans l'usine (production, commercial, magasin, etc.) ensuite nous nous poserons la question des personnes «titulaire» et «remplaçante».

À mon niveau, ce que je peux apporter c'est :

-une solution pour automatiser l'impression des tickets de pesée (prévu dans nos investissements)

-des propositions d'aménagement des bureaux bascule dans le cadre de notre projet de fermeture du site.

Tant qu'il n'y aura qu'une personne sur place, nous aurons toujours des problèmes. Avec la mise en place de portails et de contrôle d'accès, nous avons l'opportunité de revoir notre gestion des flux personnels et matières. J'ai évoqué ce point avec [V] et [O] et nous avons constitué un groupe de travail pour y réfléchir. La solution devra être mise en place avant le mois de juillet.

Pour mettre une organisation qui marche et tienne la route dans le temps, nous ne ferons pas l'économie de travailler sur les trois premiers points de mon message.

Si tout le monde est d'accord sur le fond, nous pouvons travailler ensemble la semaine prochaine.

Pour la semaine 10, on peut prévoir une ressource intérimaire prise la semaine avant mais ce ne sera jamais la bonne solution.

Lors de l'évaluation 2011-2012, M. [S] signalait le problème de [T] [K] (visée supra) qui ne remplit pas son rôle d'assistante (le commentaire apporté par le manager étant illisible).

S'agissant de la maîtrise de sa fonction l'évaluateur notait des aptitudes de M. [S] mais insuffisamment développées, qu'il devait s'agissant de la gestion administrative et commerciale s'investir plus dans les résultats. Il mentionnait en synthèse que M. [S] a sa propre perception de son apport à l'entreprise mais ne se place pas dans la position globale, et s'agissant des compétences clés indiquait un manque d'ambition pour lui et pour l'entreprise et au titre de l'engagement relevait une très bonne implication dans son métier, une envie de réussite pour la société, un très bon état d'esprit de M. [S], apprécié par ses proches.

En synthèse, l'évaluateur concluait que [C] travaille dans l'intérêt de l'entreprise mais doit être plus ambitieux pour lui et pour l'entreprise.

A titre de commentaire, M. [S] indiquait simplement : Effectivement mon métier est commercial et mon but premier est de développer mon activité et ma clientèle par le biais de la nouveauté, l'écoute et la R et D. Un bémol, c'est que le manque d'info de la production nous met en porte à faux avec nos clients.

Lors de l'évaluation postérieure, l'évaluateur concluait s'agissant de la maîtrise de la fonction à une bonne maîtrise et à un manque d'investissement et de travail, en relevant s'agissant de l'analyse et recommandation : pas assez de travail de fond et s'agissant de la gestion des NC : pas assez percutant. S'agissant des compétences clés il relevait un manque d'ambition comme créateur de performance.

En synthèse l'évaluateur concluait que [C] est commercial et pas responsable de production. Son métier est de vendre et de trouver des volumes et non de s'adapter aux aléas de la production. Il faut donc se remette en cause, devenir conquérant et pro actif et ne pas s'effondrer quand il y a un problème.

Ces deux évaluations peuvent certes interroger sur la capacité de M.[S] à remplir l'ensemble des objectifs et obligations qui lui étaient fixés mais établissent également d'une part les exigences de la société à son égard et d'autre part que celle-ci avait pu constater l'effondrement de M. [S] en cas de problème, ce qui aurait dû attirer son attention.

La société ne peut indiquer que les éléments signalés par M. [S] ne constituaient qu'une simple difficulté d'organisation en interne, laquelle aurait été réglée rapidement, ce dont elle ne justifie pas.

Surtout, M. [S] soutient avoir alerté oralement sa hiérarchie sur une surcharge de travail, que la médecine du travail en a fait de même.

Il est constant qu'il est justifié de fiches d'aptitudes de M. [S] à son poste en novembre 2006 pour deux ans, en décembre 2008 et le 31 mars 2011 avec la mention à revoir dans deux mois.

Figurent cependant dans le dossier médical rempli par le médecin du travail, partiellement lisible, à l'issue de la visite du 31 mars 2011, les mentions suivantes : grande fatigue morale au titre de l'hygiène de vie ; au titre du poste de travail: directeur des ventes, 70.000 km principalement moitié France + Belgique+ Luxembourg, surtout dernier trimestre année ; au titre des antécédents médicaux la mention suivante : Contact téléphonique au DRH le 1/04/11 informé des répercussions sur santé suites des difficultés rencontrées '$gt; sigle psy : difficultés à gérer les conflits / illisible / Clients + modifications charge de W., W sur écran, téléphonie.

Si certains éléments mentionnés par le médecin du travail sont rapportés par M. [S], et que le secret médical empêche le premier de faire état des difficultés de santé du salarié comme le soutient l'employeur, il apparaît néanmoins que le médecin du travail a été suffisamment inquiet pour informer ce dernier de l'incidence des conditions de travail de M. [S] sur son état de santé.

Figure aussi s'agissant de la visite médicale du 10 février 2012 la mention suivante :

Types de visite : A la demande de l'employeur.

Il apparaît ainsi que la société est mal fondée à soutenir qu'elle pouvait conclure à des difficultés de santé de M. [S] sans rapport avec son activité professionnelle.

Il résulte de ces éléments nonobstant les incertitudes qui persistent s'agissant des conditions de travail auxquelles étaient soumises le salarié, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé M. [S].

B- Sur l'absence de mesures prises

Conformément à l'article R 4121-1 du code du travail l'employeur est tenu d'établir un document unique d'évaluation des risques professionnels.

Au vu du seul document d'évaluation des risques produit aux débats et mis à jour en février 2014, il n'est pas fait mention des risques psycho-sociaux. Par ailleurs l'employeur n'indique ni ne justifie avoir prévu, pris et mis en oeuvre quelque mesure que ce soit au bénéfice des salariés, et en particulier au bénéfice de M. [S] à ce titre.

Par ailleurs l'article L 3121-4- du code du travail dans sa version en vigueur du 22 août 2008 au 10 août 2016 applicable à l'espèce rappelle que :

Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

La société n'indique pas y avoir procédé et rien ne figure à ce titre sur les évaluations annuelles de M. [S]. Il convient en outre de relever que l'employeur affirme que M. [S] bénéficiait de ses congés et RTT et qu'il bénéficiait ainsi de temps de repos suffisants et conformes aux dispositions légales. Cependant force est de constater qu'au moment de son burn-out, M. [S] qui indique qu'il était dans l'incapacité de prendre ses RTT, comptabilisait sur son compte épargne temps 104,16 jours de RTT et il n'est pas contesté qu'il n'a pas pris ses 9 jours annuels de RTT en 2011 et 2012, portant ainsi le total à 122,16 jours, ce qui démontre que de fait, il ne prenait aucune RTT.

Il apparaît ainsi que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver M. [S] du risque auquel il était soumis et qui s'est réalisé.

Compte tenu de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement et de dire que la société a commis une faute inexcusable.

II- Sur les conséquences de la faute inexcusable.

Dès lors que la faute inexcusable de son employeur est reconnue, M.[S] est bien fondé à demander que par application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, soit ordonnée la majoration au maximum de la rente qui lui est versée, au taux de 32 %.

En application des articles L.452-1 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime a droit, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet à la victime d'un accident du travail de demander à l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés, à la condition que ses préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

S'agissant de déterminer pour le surplus le préjudice indemnisable, il sera fait droit à la demande d'expertise dans les termes et sous les modalités définies au dispositif.

La cour trouve dans la cause les éléments suffisants pour allouer à M.[S] une provision d'un montant de 5 000 euros.

III. Sur le recours de la caisse

Si la caisse est fondée en application de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribué à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur, son action ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a réduit, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'IPP de la victime, que dans les limites de l'application de ce dernier.

En l'espèce il est justifié que par jugement du 16 septembre 2021 le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes a déclaré inopposable à la société la décision du 21 décembre 2017 de la caisse fixant le taux d'IPP de M.[S] à 32%. Il apparaît au vu de la première page de ce jugement qu'une copie certifiée conforme de celui-ci a été délivrée à la caisse le 15 octobre 2021. Il n'est produit aucun certificat de non-appel mais la caisse a confirmé oralement à l'audience ne pouvoir exercer son recours, signifiant ainsi que ce jugement est passé en force de chose jugée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la réparation des préjudices allouée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dus à la faute inexcusable de l'employeur, indépendamment de la majoration de rente, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Le bénéfice de ce versement direct s'applique également aux indemnités réparant les préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale (2e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-10.824).

Il est justifié dans ces conditions de faire droit partiellement au recours de la caisse en condamnant l'employeur à la garantir et à rembourser les sommes dont elle est et sera amenée à faire l'avance, frais d'expertise inclus sauf au titre de la majoration de la rente.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [S] ses frais irrépétibles.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 2 500 euros et il sera sursis à statuer sur les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du 24 octobre 2019 dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la maladie professionnelle déclarée le 9 mars 2015 par M. [S] est due à la faute inexcusable de la société [13] ;

Ordonne la majoration maximale de la rente dans les conditions prévues par l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 32 % ;

Dit que la majoration de la rente sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine ;

Dit que cette majoration devra suivre l'évolution éventuelle du taux d'incapacité de M. [S] ;

Avant dire droit sur la liquidation du préjudice de M. [S] :

Ordonne une expertise et commet pour y procéder le docteur [U] [I] ([Courriel 11]) lequel aura pour mission, la date de consolidation étant acquise au 11 octobre 2017 et le taux d'incapacité de 32%, de :

- convoquer l'ensemble des parties et leurs avocats, recueillir les dires et doléances de la victime, se procurer tous documents, médicaux ou autres, relatifs à la présente affaire et procéder en présence des médecins mandatés par les parties, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

- à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation, la nature des soins ;

- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nature (garde des enfants, soins ménagers, assistance temporaire d'une tierce personne, adaptation temporaire du véhicule ou du logement.....) ;

- donner son avis sur les points suivants :

- le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; préciser la durée des périodes d'incapacité totale ou partielle et le taux de celles-ci;

- les besoins en aide humaine : dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne et dans l'affirmative s'il s'est agi d'une assistance constante ou occasionnelle (étrangère ou non à la famille), si elle a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; en indiquer la nature et la durée quotidienne;

- les souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice esthétique : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif ; évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice d'agrément : si M. [S] allègue une gêne ou une impossibilité, du fait des séquelles de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisirs, temporaire ou définitive, donner un avis médical sur la gêne ou l'impossibilité invoquée, sans se prononcer sur sa réalité ;

- le préjudice sexuel : donner un avis sur l'existence, la nature et l'étendue d'un éventuel préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

- le préjudice de perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle : donner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

- faire toutes observations utiles ;

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de solliciter le versement d'une provision complémentaire ;

Dit que l'expert devra :

- communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour la production de leurs dires auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

- adresser son rapport définitif à chacune des parties ainsi qu'à la cour dans les six mois de sa saisine ;

Rappelle les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile :

L'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise et le coût prévisible de l'expertise ;

Dit que les frais d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine qui devra consigner la somme de 1 200 euros auprès du régisseur de la cour dans les 30 jours de la notification du présent arrêt ;

Désigne le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l'instruction des affaires pour surveiller les opérations d'expertise ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;

Alloue à M. [S] une provision de 5 000 euros ;

Renvoie M. [S] devant la caisse pour le paiement de la majoration de rente et de la provision ;

Condamne la société [13] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine les sommes mises à sa charge au titre des préjudices personnels, et des frais d'expertise et dont elle est tenue de faire l'avance conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, à l'exception de la majoration de la rente ;

Condamne la société [13] à verser à M.[S] la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sursoit à statuer sur la liquidation du préjudice jusqu'au dépôt du rapport d'expertise et sur les dépens ;

Ordonne la radiation de la procédure ;

Dit qu'elle sera enrôlée à nouveau à la demande de la partie la plus diligente, la demande devant être accompagnée des écritures et du bordereau des pièces communiquées.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/01407
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;20.01407 ?
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