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01/02/2023 | FRANCE | N°19/00301

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 février 2023, 19/00301


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/00301 - N° Portalis DBVL-V-B7D-POT2













CPAM D'ILLE ET VILAINE



C/



Société [4]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC,...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/00301 - N° Portalis DBVL-V-B7D-POT2

CPAM D'ILLE ET VILAINE

C/

Société [4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 20 Décembre 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Ille et Vilaine

Références : 21500479

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par M. [L] [M] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

La Société [4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BERTHAULT, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 18 avril 2014, à la suite d'un contrôle de son activité, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la caisse) a notifié à la société [4] (la société), dirigée par Mme [K] [N] épouse [O] et exerçant une activité de transport médical, un indu correspondant à des anomalies de facturations sur la période du 1er janvier 2012 au 18 décembre 2013, d'un montant total de 354 807,34 euros, dont:

- 329 937,02 euros pour des ubiquités constatées, les données recueillies mettant en exergue des facturations de prestations manifestement impossibles établies pour le même horaire/véhicule/personnel ;

- 24 870,32 euros pour des anomalies de facturations concernant les transports en ambulance, véhicule sanitaire léger et taxi.

Faisant valoir que la notification d'indu portait sur une entreprise dépourvue de la personnalité morale et contestant la régularité de la procédure de recouvrement de l'indu notifié, la société a saisi, le 12 juin 2014, la commission de recours amiable de l'organisme laquelle, par décision du 30 avril 2015, a rejeté ses demandes et confirmé le bien-fondé de la récupération de l'indu.

La société a ensuite porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine le 22 mai 2015.

Par ailleurs, la caisse a déposé une plainte auprès du procureur de la République de Rennes à l'encontre de la société prise en la personne de sa gérante, Mme [O], pour des délits de faux et d'usage de faux, déclaration mensongère et escroquerie.

Sur citation directe de la société par la caisse, par jugement du 2 février 2017, le tribunal correctionnel de Rennes a :

Sur l'action publique :

- rejeté les trois moyens de nullité soulevés par le conseil de Mme [K] [N] ([O]) et de la société [4] ;

- relaxé Mme [N] et la société [4] ;

Sur l'action civile :

- reçu la caisse en sa constitution de partie civile ;

- l'a débouté de ses demandes.

Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes, après avoir considéré que la demande de condamnation présentée devant lui par la caisse constituait une demande formée entre les mêmes parties, tendant à l'indemnisation des mêmes préjudices dont le tribunal correctionnel était saisi, a :

- déclaré irrecevable la demande de la caisse ;

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée le 14 janvier 2019, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 décembre 2018.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er décembre 2020 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

A titre principal :

- constater que les demandes de la caisse sont recevables et relèvent de sa compétence, devant par conséquent être tranchées par elle ;

- infirmer ainsi le jugement entrepris qui a déclaré son recours irrecevable;

A titre subsidiaire :

- constater que la négligence de la société dans la transmission des informations nécessaires à la prise en charge des transports en cause sur la période allant du 1er janvier 2012 au 18 décembre 2013, conduit à constater des ubiquités en empêchant la prise en charge des transports en cause ;

- constater qu'elle a ainsi fait une juste application des textes en notifiant un indu de 329 937,02 euros sur ce fondement ;

- condamner reconventionnellement la société à lui rembourser cette somme de 329 937,02 euros ;

- constater qu'elle a ainsi fait une juste application des textes en considérant que la société n'avait pas respecté la réglementation applicable sur la période allant du 1er janvier 2012 au 18 décembre 2013, conduisant à un indu de 24 870,32 euros ;

- condamner reconventionnellement la société à lui rembourser cette somme de 24 870,32 euros.

Par ses écritures n°2 parvenues au greffe le 17 mai 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

Au visa de l'autorité de la chose jugée au pénal et faisant droit à la fin de non-recevoir,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la caisse ;

A défaut,

- dire et juger que la demande de la caisse est infondée ;

En conséquence et en tout état de cause,

- annuler la décision de la commission de recours amiable notifiée le 12 mai 2015 ;

- dire n'y avoir lieu à remboursement d'un indu de 354 807,34 euros ;

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la caisse à payer la société une indemnité de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur les conséquences de la décision du tribunal correctionnel de Rennes du 2 février 2017 :

La décision pénale a au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé. Cette autorité de la chose jugée s'étend au motif qui constitue le soutien nécessaire de la décision pénale.

L'application de ce principe interdit à une juridiction civile de remettre en question ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par la juridiction répressive statuant sur l'action publique, sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, ainsi que sur sa qualification et les éléments constitutifs de l'infraction. (1e Civ. 24 octobre 2012, pourvoi n°11-20.442).

Elle s'attache non seulement au dispositif, mais également à tous les motifs qui en sont le soutien nécessaire, qu'il s'agisse d'une décision de condamnation ou de relaxe.

En l'espèce, par acte d'huissier de justice du 15 janvier 2016, la société et Mme [O] sa gérante ont été citées directement par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal correctionnel de Rennes, à l'audience du 13 juin 2016, pour des faits de :

- faux : altération frauduleuse de la vérité dans un écrit,

- usage de faux en écriture,

- fraude ou fausse déclaration pour l'obtention de prestation ou allocation indue versée par un organisme de protection sociale,

- escroquerie,

commis depuis temps non prescrit.

Devant ce tribunal, la caisse a sollicité dans le cadre de sa constitution de partie civile (pièce n°10 de la société) la condamnation solidaire ou in solidum de la société et de Mme [K] [N] épouse [O] à lui payer notamment la somme de :

- 354 807,34 euros au titre du préjudice matériel dont 329 937,02 euros correspondant à des facturations de prestations manifestement impossibles en raison de chevauchements horaire/véhicule/chauffeur au cours de la période contrôlée et 24 870,32 euros concernant les surfacturations par application incorrecte des distances, les facturations de transports non remboursables, les surfacturations par absence d'abattements, par application de temps d'attente ou de taux injustifiés et de tarifs irréguliers;

- 31 045,70 euros à titre de réparation du préjudice de désorganisation ;

- 2 000 euros au titre du préjudice moral.

Le tribunal correctionnel a retenu dans sa motivation que :

' Les prévenus sont mis en cause pour escroquerie, faux et usage de faux et fausses déclarations pour obtenir des prestations indues d'un organisme de protection sociale.

D'abord, il convient de constater l'absence de preuve de transports fictifs réalisés par la SARL [4], soit des transports dont le paiement aurait été sollicité mais qui n'auraient été ni réalisés matériellement et/ou ni reliés à une prescription médicale.

Également, au vu du dossier et des débats à l'audience, il n'est pas rapporté la preuve que les éléments suivants soient faux :

- les chauffeurs constituant les employés de la société ont les diplômes et qualifications pour réaliser les différents types de transports possibles,

- les transports effectués sont reliés à une prescription médicale.

Le débat porte sur l'adéquation entre le type de véhicule utilisé et l'état du patient, sous couvert de la prescription médicale. Or, en l'état, il ne ressort pas la preuve d'une surcotation imputable à l'entreprise d'ambulance et/ou à sa gérante.

Par conséquent, la preuve n'est pas rapportée d'un indu, touché par l'entreprise d'ambulances, de la CPAM, reliés à des déclarations mensongères.

Il ne résulte du dossier aucun élément intentionnel de fraude, les carences administratives et/ou de gestion de l'entreprise d'ambulances, dans sa transmission des informations nécessaires au paiement des transports par l'organisme public relevant de négligences mais ne constituant pas la preuve d'une volonté de tromper l'Assurance Maladie. La preuve de man'uvres frauduleuses n'est pas plus rapportée.

Par conséquent, aucun des délits reprochés aux prévenus n'est constitué'.

Sur l'action civile, la caisse a été déboutée de ses demandes en conséquence de la relaxe prononcée.

La notification d'indu du 18 avril 2014 adressée à la société mentionne qu'à l'issue du contrôle des facturations réalisées entre le 1er janvier 2012 et le 18 décembre 2013, les tableaux tirés des données recueillies établissent des facturations de prestations manifestement impossibles pour le même horaire/véhicule/chauffeur au cours de la période contrôlée et permettent de chiffrer un préjudice à 329 937,02 euros pour les ubiquités ; qu'en présence de ces anomalies, les déplacements correspondant ont été considérés comme indus puisque basés sur des factures non sincères.

Est également mentionné que le contrôle a posteriori réalisé sur les facturations de transport en ambulance, véhicule sanitaire léger et taxi a fait apparaître de nombreuses anomalies générant un indu de 24'870,32 euros; qu'il s'agit principalement de facturations incorrectes des distances, de facturations de transport non-remboursables, d'abattements non pratiqués, de prescriptions établies a posteriori.

Il ressort de ces éléments que les demandes présentées par la caisse devant la juridiction pénale au titre de son action civile tendent strictement aux mêmes fins que celles présentées devant les juridictions de sécurité sociale et sont du reste de quantum identique.

Il y a bien une identité de cause, d'objet et de parties, nonobstant le fondement juridique différent (dommages et intérêts/indu) qui tient à la nature de la juridiction.

Il s'ensuit que le litige a été définitivement tranché par le tribunal correctionnel en ce qu'il a considéré que la preuve d'un indu, dans le contexte détaillé par la caisse, n'était pas rapportée.

Les dispositions du jugement pénal ayant autorité de la chose jugée, les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont déclaré irrecevables les demandes de la caisse, le jugement étant confirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles.

La caisse sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 500 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine à verser à la société [4] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/00301
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;19.00301 ?
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