3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 43
N° RG 21/06354 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SDD6
S.A.S. EKYOG
C/
Société BNP PARIBAS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LABOURDETTE
Me CHAUDET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Novembre 2022 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. EKYOG, immatriculée au RCS de RENNES sous le n°809 071 855, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Gilles LABOURDETTE de la SELARL CABINET D'AVOCATS CAILLERE - LABOURDETTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Antoni MAZENQ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Société BNP PARIBAS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Emilie LE MAOUT de la SELARL JURISTES-OFFI CE, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
Par acte sous seings privés du 04 novembre 2009, la SAS AFFILYOG a souscrit auprès de la SA BNP PARIBAS un prêt de 505.000 euros remboursable en huit années, avec un taux d'intérêt variable EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 1,76%.
Par acte sous seings privés du 06 juillet 2010, la SAS AFFILYOG a souscrit auprès de la SA BNP PARIBAS un prêt d'un montant de 265.000 euros remboursable en huit années, avec un taux d'intérêt variable EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 1,30%.
Ces prêts étaient garantis notamment par des nantissements.
Par ordonnance du 16 février 2012 a été ouverte une procédure de conciliation au bénéfice du Groupe EKYOG et de sa filliale AFFILYOG.
Un protocole d'accord a été régularisé le 30 mai 2012 sous l'égide de Me HESS en qualité de conciliateur, aux termes duquel la SA BNP PARIBAS consentait à la SAS AFFILYOG un différé d'amortissement du 15 mars 2012 au 15 juin 2013 et un réaméagement du capital restant dû moyennant en contrepartie une augmentation de 0,50% du taux d'intérêt contractuel.
Ce protocole de conciliation a été homologué par le tribunal de commerce.
Par jugement du 13 septembre 2013, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de la société AFFILYOG, la SELAS GERARD BODELET étant désignée mandataire judiciaire.
Par courrier recommandé du 21 octobre 2013, la SA BNP PARIBAS a déclaré sa créance:
- pour le prêt du 04 novembre 2009, à hauteur de 433.854,69 euros à titre privilégié, outre intérêts à échoir au taux d'intérêt EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 2,26%,
- pour le prêt du 06 juillet 2010, à hauteur de 220.732,46 euros à titre privilégié outre intérêts à échoir au taux d'intérêt EURIBOR trois mois-moyen mensuel avec une marge de 1,80%.
Par LRAR du 02 décembre 2014, le liquidateur a contesté que la société BNP PARIBAS puisse demander l'application du taux d'intérêt majoré résultant de la procédure de conciliation, celle-ci étant devenue caduque.
Par ordonnance le juge commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation formée par le liquidateur et la SA BNP PARIBAS a saisi le tribunal de commerce. Devant celui-ci, la SELAS GERARD BODELET, outre sa contestation initiale, a contesté la validité des stipulations d'intérêts.
Par arrêt du 15 octobre 2019, la présente Cour, infirmant un jugement rendu le 21 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Lorient a dit que les avenants signés en application de l'accord de conciliation devaient recevoir application et ainsi a:
- débouté la SELAS Gérard BODELET en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AFFYLIOG de ses contestations.
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société AFFYLIOG les créances de la société BNP PARIBAS dans les termes suivants:
- au titre du prêt d'un montant initial de 505.000 euros, à hauteur de la somme 433.854,69 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 2,26% avec un taux plafond de 4,309%,
- au titre du prêt d'un montant initial de 265.000 euros, à hauteur de la somme de 220.732,46 euros à titre à échoir et privilégié nanti outre intérêts au taux conventionnel EURIBOR trois mois moyen avec une marge fixe de 1,80% avec un taux plafond de 3,849%.
- condamné la SELAS Gérard BODELET en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AFFYLIOG à payer à la banque BNP PARIBAS la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit que les dépens seront frais de liquidation.
Par jugement du 05 septembre 2014 la société AFFYLIOG a fait l'objet d'un redressement judiciaire converti le 17 décembre 2014 en liquidation, la SELAS GERARD BODELET étant désigné liquidateur.
Par jugement 23 décembre 2014, le tribunal de commerce de Lorient a arrêté le plan de cession de la société AFFYLIOG en faveur de la société de droit canadien FRANCIS ALEXANDER INVESTMENT INC, auquel s'est substitué la société EKYOG, avec cession des fonds moyennant la reprise par le cessionnaires des crédits accordés par BNP PARIBAS.
La société EKYOG a payé les échéances des deux prêts selon les échéanciers initiaux.
Par acte du 25 avril 2017, la société BNP PARIBAS a assigné la société EKYOG aux fins de la voir condamner au paiement des sommes restant dues en vertu des échéanciers fondés sur les avenants de la procédure de conciliation, soit 61.990,11 euros arrêtés au 24 juillet 2016 pour le prêt de 505.000 euros et 31.449,37 euros pour le prêt de 265.000 euros.
Par jugement du 19 décembre 2017, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé un sursis à statuer en l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes (arrêt du 15 octobre 2019).
Par jugement du 28 septembre 2021, le tribunal de commerce de Rennes a:
- dit que les tableaux d'amortissement applicables sont ceux des avenants du 06 octobre 2012,
- condamné la société EKYOG, au titre du prêt de 505.000 euros à payer la somme de 69.839,55 euros arrêtée au 30 juin 2009 en principal et intérêts outre les intérêts au taux contractuellement prévus avec capitalisation,
- condamné la société EKYOG à payer au titre du prêt de 265.000 euros à l'origine la somme de 34.964,81 euros arrêtée au 30 juin 2020 en principal et intérêts outre les intérêts au taux contractuellement prévus avec capitalisation,
- condamné la société EKYOG au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société EKYOG aux dépens.
Appelante de ce jugement, la société EKYOG, par conclusions du 10.10.2022, a demandé que la Cour:
- juge qu'en application de l'article L. 611-12 du Code de commerce, l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société AFFILYOG le 13 septembre 2013, a rendu caduc le protocole d'accord de conciliation du 30 mai 2012, dans son intégralité, en ce compris les modifications apportées aux deux prêts consentis par la société BNP PARIBAS,
- juge qu'à compter du 13 septembre 2013, et pour déterminer l'engagement de la société AFFILYOG à l'égard de la société BNP PARIBAS à cette date, il convient de se reporter aux échéanciers initiaux des deux prêts dont s'agit,
- juge que les échéances restant dues à compter du 26 juin 2015, date du transfert de la propriété des actifs de la société AFFILYOG à la société EKYOG, au sens de l'article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce, correspondent aux échéances restant dues au titre des échéanciers initiaux des deux prêts consentis par la société BNP PARIBAS, et non de leurs avenants du 6 octobre 2012, caducs depuis le 13 septembre 2013.
- juge que la créance totale de la société BNP PARIBAS à l'encontre de la société EKYOG ne saurait excéder la somme de 7.288,18 euros,
- infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- déboute la société BNP PARIBAS, de l'ensemble de ses demandes, à toutes fins qu'elles comportent,
- condamne la société BNP PARIBAS à payer, à la société EKYOG, la somme de 8.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 19 octobre 2022, la société BNP PARIBAS a demandé que la Cour:
- confirme le jugement déféré,
- condamne la société EKYOG au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la déboute de ses prétentions,
- la condamne aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION:
La société EKYOG a, depuis le transfert de propriété survenu à son bénéfice des actifs de la société AFFILYOG, l'obligation de rembourser à la SA BNP PARIBAS les échéances postérieures au transfert des prêts souscrits par la société AFFILYOG car ceux-ci étaient garantis par des nantissements.
L'article L642-12 du code de commerce prévoit en effet que 'toutefois, la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de propriété (...) Il peut être dérogé aux dispositions du présent alinéa par accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés'.
Ces dispositions ont été reprises dans le jugement rendu le 23 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Lorient ayant arrêté le plan de cession des sociétés ATTITUDE DEVELOPPEMENT et AFFILYOG.
Les discussions avaient déjà commencé à cette date pour savoir quels échéanciers serviraient de base au remboursement puisque le jugement prenait 'acte de ce que le cessionnaire faisant son affaire des discussions à venir avec établissements bancaires des sociétés ATTITUDE DEVELOPPEMENT et AFFILYOG concernant d'une part la vérification que l'ensemble des conditions prévues à l'article L642-12 sont réunies, et d'autre part, la détermination des échéances futures'.
En tout état de cause, l'obligation de remboursement de la société EKYOG ne trouve pas son origine dans la cession à son bénéfice du passif de la société AFFYLIOG: le plan n'a organisé que la cession des actifs.
Elle trouve ainsi son origine dans un transfert de dette organisé par la loi, et le paiement des échéances postérieures à la cession vient en sus du prix de cession des actifs.
Pour autant, le transfert de dette a bien pour origine, ainsi que le rappellent les dispositions de l'article L 642-12 du code de commerce, les engagements convenus entre le débiteur dont les actifs sont cédés et le créancier.
Ainsi, le cessionnaire n'a d'obligation de paiement des échéances postérieures que pour autant que le créancier ait déclaré sa créance au passif du débiteur dont les actifs sont cédés.
Les échéances à rembourser sont dès lors nécessairement celles qui ont été admise au passif du débiteur, ce dont il résulte que les dispositions de l'arrêt de cette Cour , en ce qu'elles ont fixé ce passif, s'imposent au cessionniaire.
Le jugement déféré est confirmé.
La société EKYOG, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.
Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Confirme le jugement déféré.
Condamne la société EKYOG aux dépens.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT