3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 42
N° RG 20/05565 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RCO5
S.A.R.L. ECOFOOD
C/
Me [Y]-[D] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me CRENN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Novembre 2022 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 31 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
S.A.R.L. ECOFOOD, immatriculée au RCS de SAINT-DENIS sous le n°504 177 742, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2] (REUNION)
Représentée par Me Basile CRENN de la SELARL SIAM CONSEIL, Postulant, avocat au barreau de BREST
Représentée par Me Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIETE D'AVOCATS MICKAEL NATIVEL, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉ :
Maître [Y]-[D] [K], mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JESTIN SAS, société par actions simplifiées, immatriculée au RCS de BREST sous le n°452 112 048,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de Justice en date du 25 février 2022
La société ECOFOOD, située dans l'Ile de la Réunion, a passé commande à la société JESTIN, désormais en liquidation judiciaire et représentée par Me [Y] [K], de cuisses de viandes de poulet congelées.
La viande a été débarquée le 13 octobre 2015 à [Localité 3], puis acheminée depuis le quai jusqu'aux locaux de la société ECOFOOD.
Elle a ensuite été dépotée et stockée par la société ECOFOOD.
Elle a fait l'objet le 27 août 2016 d'une facture de 56.675,40 euros par la société JESTIN.
La viande a été distribuée dans divers supermarchés et courant février 2016, un magasin a constaté que la viande était avariée.
Toute la marchandise a été retirée des points de vente.
Une expertise amiable et contradictoire a été ordonnée à la demande de la société JESTIN, qui a constaté le verdissement d'une partie des colis de viande; elle n'a pu élucider avec certitude la cause du sinistre mais a relevé que la société ECOFOOD avait accepté la marchandise sans réserve.
Un autre cabinet d'expertise a émis l'hypothèse que la non-conformité était antérieure au transport, trouvant son origine dans la processus de conditionnement et de congélation, puisque le conteneur était scellé de son plomb intact à l'arrivée et que le générateur de froid ne présentait aucun désordre.
La société ECOFOOD a refusé de payer une facture ultérieure de la société JESTIN pour un montant de 45.343,50 euros et l'a assignée devant le tribunal de commerce de Saint Denis de la Réunion pour obtenir l'annulation de la vente.
Par jugement du 20 novembre 2017, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion s'est déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de commerce de Brest.
La société JESTIN a été placée en liquidation judiciaire le 15 janvier 2019.
Par jugement du 29 mai 2020, le tribunal de commerce de Brest a:
- dit irrecevable la demande principale de la société ECOFOOD,
- condamné la société ECOFOOD à payer à Me [K] ès-qualités la somme de 45.343,50 euros avec intérêts légaux à compter du jugement plus 40 euros d'indemnité forfaitaire,
- condamné la société ECOFOOD à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société ECOFOOD aux dépens.
Appelante de ce jugement, la société ECOFOOD, par conclusions du 09 février 2021, a demandé que la Cour:
- juge recevables ses prétentions,
- infirme le jugement déféré,
- juge que la société JESTIN est reponsable de lui avoir livré un stock de viandes non conforme,
- annule la vente de cuisses de poulets d'une valeur de 56.675,40 euros suivant facture n° FAC1508JES266 du 27 août 2015,
- ordonne la compensation entre les créances réciproques qui résulteraient de cette annulation,
- déboute Me [K] de toutes ses demandes,
- le condamne es-qualités à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Me [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société JESTIN, n'a pas constitué avocat devant la Cour.
MOTIFS DE LA DECISION:
En cas d'annulation d'un contrat, la créance de restitution consécutive naît à la date de la décision ordonnant la restitution.
En l'espèce, il s'agirait donc d'une créance née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société JESTIN.
La société ECOFOOD n'avait donc pas à déclarer au passif de la société l'éventuelle créance de restitution pouvant résulter de l'éventuelle annulation de la vente et ses prétentions sont recevables.
La société ECOFOOD fonde son action sur les articles 1134 et 1147 du code civil, concluant que la société JESTIN, en lui faisant livrer de la viande avariée, aurait manqué à l'exécution de ses obligations.
La vente est un contrat spécial, ce dont il résulte que les obligations du vendeur, dont il est prétendu qu'elles n'auraient pas été exécutées, sont prévues par des dispositions spéciales, relatives au contrat de vente.
Le vendeur est ainsi tenu:
- d'une obligation de délivrance,
- d'une obligation de garantie contre les vices cachés.
La société JESTIN a délivré les cuisses de poulets congelées qui lui avaient été commandées et ainsi a exécuté son obligation de délivrance.
La viande s'est révélée avariée et elle était donc atteinte d'un vice.
Ce vice était, selon le rapport d'expertise du CESAM, probablement visuellement indétectable avant l'ouverture des colis de viande; selon le rédacteur du rapport, il s'agissait de viande sous vide et congelée, ce qui conduit à l'absence d'exudat et/ou d'odeurs avant l'ouverture des colis, même en cas d'avarie.
Le vendeur ne doit garantie que si le vice préexistait à la vente.
La marchandise a été empotée en Pologne et transportée par bateau à Rotterdam, puis à Salalah puis à la Réunion, où elle est arrivée le 13/10/2015. Le conteneur a été dépoté le 15 octobre.
A quelque étape du transport, de l'embarquement et du débarquement, aucune réserve n'a été émise.
Les premières constatations du vice sont survenues le 12 février 2016, à ouverture d'un colis par une grande surface.
Il résulte des deux expertises amiables survenues dans le courant de l'année 2016 que tous les colis de viande ne contenaient pas de la viande avariée.
Cette circonstance de fait a conduit la société SCS à conclure à une non-conformité préexistante au processus de congélation et de conditionnement, au motif qu'une rupture de la chaîne du froid durant le transport aurait conduit à la détérioration de toute la marchandise.
Pour autant, si cette hypothèse paraît probable au rédacteur du rapport du CESAM, elle ne lui paraît pas pour autant certaine, dans la mesure où la vente portait sur des lots différents (date limite de consommations différentes) et que tous les lots étaient aléatoirement touchés, rendant, selon l'expert 'peu évident de mettre en cause le fournisseur'.
Il résulte de ce qui précède que l'origine du sinistre est inconnue et qu'ainsi il n'est pas démontré que le vice de la marchandise, constaté pour la première fois plusieurs mois après la livraison, sans que cette dernière ait fait l'objet de réserves, ait été préexistant à la vente.
En conséquence, la société ECOFOOD est déboutée de ses demandes.
Enfin la disposition ayant condamné la société ECOFOOD à payer à Me [K] ès-qualités la somme de 45.343,50 euros avec intérêts au taux légal et 40 euros d'indemnité forfaitaire ne fait pas l'objet de critiques.
La société ECOFOOD, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions de la société ECOFOOD.
Statuant à nouveau:
Déclare recevables les prétentions de la société ECOFOOD.
Déboute la société ECOFOOD de ses prétentions.
Confirme pour le solde le jugement déféré.
Condamne la société ECOFOOD aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT