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31/01/2023 | FRANCE | N°17/03228

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 31 janvier 2023, 17/03228


1ère Chambre





ARRÊT N°26/2023



N° RG 17/03228 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N4XJ













M. [O] [U]

Mme [BK] [F] épouse [U]



C/



Mme [TE] [N]

Mme [D] [N]

M. [YD] [N]

Mme [S] [N]

Mme [I] [J]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GRE...

1ère Chambre

ARRÊT N°26/2023

N° RG 17/03228 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N4XJ

M. [O] [U]

Mme [BK] [F] épouse [U]

C/

Mme [TE] [N]

Mme [D] [N]

M. [YD] [N]

Mme [S] [N]

Mme [I] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Patricia IBARA, lors des débats, et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 janvier 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 6 décembre 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [O] [U]

né le 11 Septembre 1967 à [Localité 16] (29)

[Adresse 4]

[Localité 17]

Représenté par Me Maud AVRIL-LOGETTE, avocat au barreau de RENNES

Madame [BK] [F] épouse [U]

née le 22 Janvier 1971 à [Localité 20] (87)

[Adresse 4]

[Localité 17]

Représentée par Me Maud AVRIL-LOGETTE, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [TE] [N]

née le 15 Juillet 1969 à [Localité 15] (44)

chez M. et Mme [RD]

[Adresse 19]

[Localité 5]

venant aux droits de [KK] et [BG] [N]

assistée de sa curatrice, Me [I] [J], domiciliée [Adresse 3] [Localité 8]

Représentée par Me Isabelle FROMONT de la SELARL LEX GO, avocat au barreau de RENNES

Madame [D] [N]

née le 01 Juillet 1970 à [Localité 15] (44)

[Adresse 18]

[Localité 9]

venant aux droits de [KK] et [BG] [N]

Représentée par Me Isabelle FROMONT de la SELARL LEX GO, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [YD] [N] né le 06 Octobre 1973 à [Localité 15] (44) ([Localité 15])

[Adresse 1]

[Localité 6]

venant aux droits de [KK] et [BG] [N]

Représenté par Me Isabelle FROMONT de la SELARL LEX GO, avocat au barreau de RENNES

Madame [S] [N]

née le 17 Janvier 1985 à [Localité 15] (44)

[Adresse 10]

[Localité 7]

venant aux droits de [KK] et [BG] [N]

Représentée par Me Isabelle FROMONT de la SELARL LEX GO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/008945 du 25/08/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 6 décembre 2011, M. [O] [U] et Mme [BK] [F] épouse [U] (les époux [U]) ont acheté à M. et Mme [CR] un bien immobilier situé [Adresse 4], à [Localité 17] (35), cadastré section C n°s [Cadastre 13] et [Cadastre 14].

Se plaignant auprès de leurs voisins, [KK] [N] et [BG] [Z] épouse [N], propriétaires de la parcelle contigüe C n° [Cadastre 11], de la pose d'une clôture empiétant sur leur terrain et de la fixation des tôles d'un hangar sur leur maison, ils ont demandé à ceux-ci de remettre les lieux en état en revendiquant la propriété d'une bande de terrain longeant leur propriété.

Le 9 juillet 2012, ils ont mandaté la société D2L Betali, géomètres-experts, afin de procéder au bornage amiable des deux propriétés. Le 21 janvier 2013, cette société a proposé un plan de bornage et a dressé un procès-verbal de carence.

Le 29 mai 2013, les époux [U] ont assigné [KK] [N] devant le tribunal d'instance de Fougères aux fins de bornage.

Par jugement du 3 juillet 2014, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Rennes au motif que l'action est une action en revendication de propriété.

Le 5 décembre 2014, [KK] [N] est décédé. Le 29 avril 2015, les époux [U] ont appelés à la cause leurs ayants droit, [BG] [N], son épouse, Mme [D] [N], Mme [S] [N] et M. [YD] [N], ses trois enfants. Mme [TE] [N], assistée de son curateur, M. [P] [T], est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 7 mars 2017, le tribunal de grande instance de Rennes a :

-décerné acte à Mme [TE] [N] de son intervention volontaire à l'instance,

-dit que les limites entre les propriétés des consorts [N] et des époux [U] devront être définies par référence aux indications figurant dans les actes de vente des 13 octobre 1934, 13 septembre 1940, 28 octobre 1974 et 15 juin 1979,

-débouté les époux [U] de toutes leurs autres demandes,

-condamné solidairement les époux [U] à verser aux consorts [N] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné solidairement les époux [U] au paiement des entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Mariau, avocate,

-rejeté la demande en exécution provisoire.

Les époux [U] ont fait appel le 27 avril 2017.

Par ordonnance du 16 octobre 2017, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Rennes a débouté les consorts [U] de leur demande de désignation d'un expert-géomètre aux fins de déterminer les limites entre les parcelles en cause.

Par arrêt avant dire droit du 30 avril 2019, la cour d'appel a :

-ordonné une expertise aux fins de bornage judiciaire des propriétés des époux [U] et des consorts [N],

-désigné M. [H] [G] avec pour mission de, notamment :

*prendre connaissance des titres de propriété, des attestations, du cadastre, des photographies IGN, se rendre sur les lieux et procéder à une description de la configuration des lieux, confronter les divers documents et, les constatations faites, réunir les parties,

*proposer un plan de bornage ou plusieurs plans de bornage, en les expliquant,

*donner toute précision utile à la cour pour déterminer, en toute connaissance de cause, si les revendications sont ou non justifiées, si des empiétements ont pu avoir lieu et pour se prononcer sur le bornage,

*dit que les époux [U] verseront au service de la régie de la cour une provision de 6000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 3 juin 2019,

*dit que l'expert adressera un pré-rapport aux parties, puis déposera son rapport en double exemplaire au greffe de cette cour pour le 15 décembre 2019,

*dit que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties où elles seront dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à leurs dires,

-sursis à statuer sur les demandes,

-réservé les dépens.

L'expert a déposé son rapport le 19 décembre 2019. Il propose une limite d'un point A à un point I, qui ne recoupe pas la limite cadastrale.

Par arrêt avant dire droit du 16 mars 2021 la cour d'appel a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats afin que les parties présentent leurs observations sur la portée des titres de propriété produits par les consorts [N] et sur l'éventuelle acquisition par prescription portant sur la partie nord de la parcelle C [Cadastre 11].

[BG] [Z] épouse [N] est décédée le 13 septembre 2021. Ses héritiers, Mme [TE] [N], assistée par sa curatrice Mme [I] [J], Mme [D] [N], M. [YD] [N] et Mme [S] [N] ont repris la procédure.

Les époux [U] exposent leur moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 28 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Ils demandent à la cour, statuant avant dire droit, de :

-constater que le rapport d'expertise du 14 décembre 2019 fait état d'un dossier de permis de construire délivré le 17 février 1979, qui n'a pas été annexé ni mentionné dans le pré-rapport du 7 novembre 2019 et qui n'a pas été communiqué aux époux [U] pendant les opérations d'expertise,

-dire qu'il a été porté atteinte au principe du contradictoire,

-ordonner un complément d'expertise afin de pallier la carence du rapport d'expertise et désigner comme expert M. [H] [G] ou tout autre expert choisi par la cour avec la mission suivante :

1. Prendre connaissance du dossier de permis de construire délivré le 17 février 1979 par M. [N], accordé sous réserve que le hangar soit implanté strictement en limite séparative des fonds ou bien à 3 mètres,

2. Analyser le document en l'expliquant aux parties,

3. Déterminer si les limites fixées dans le procès-verbal de bornage établi par la société D2L Betali du 21 janvier 2013 sont conformes à la réalité,

4. Confronter les divers documents et les constatations faites, réunir les parties et proposer un nouveau ou plusieurs plans de bornage en les expliquant,

5. Déterminer en conséquence si les revendications sont justifiées, si des empiétements ont eu lieu,

6. Déterminer la limite entre les propriétés des époux [U] n°s [Cadastre 13]-[Cadastre 14] et des consorts [N] n°s [Cadastre 11]-[Cadastre 12],

7. Recevoir les dires des parties et y répliquer dans le cadre de son rapport final.

-réserver les dépens.

Sur le fond, ils demandent à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,

-dire que les consorts [N], venant aux droits des époux [KK] et [BG] [N], sont auteurs d'un empiétement sur leur fonds,

-fixer les limites des fonds contigus [U]-[N] telles que proposées par le rapport d'expertise amiable du 21 janvier 2013 de la société D2L Betali,

-ordonner aux consorts [N] la remise en état du fonds et la dépose de tous les ouvrages et encombrants présents sur le fonds des consorts [U], sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification de l'arrêt, jusqu'à complète remise en état de la bande de terrain empiétée, astreinte qui sera liquidée par le juge de céans,

-débouter les consorts [N] de leurs demandes contraires,

-les condamner à leur payer la somme de 3000 euros de dommages et intérêts pour l'empiétement,

-les condamner aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise amiable et d'expertise judiciaire, et ceux de la procédure devant le tribunal d'instance de Fougères, et à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [N] exposent leur moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 10 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Ils demandent à la cour de :

-débouter les époux [U] de leur demande de complément d'expertise avant dire droit,

-les débouter de toutes leurs demandes,

-confirmer le jugement du 7 mars 2017 sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer ces dispositions,

-fixer les limites des fonds contigus [U]-[N] telles que proposées par le rapport d'expertise judiciaire du 14 décembre 2019,

-condamner solidairement les époux [U] à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,

-les condamner à leur payer la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

-les condamner aux entiers dépens en cause d'appel.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 20 septembre 2022.

Par conclusions de procédure du 10 octobre 2022, les consorts [N] ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture pour qu'il soit tenu compte de leurs dernières conclusions notifiées le même jour, faisant valoir que leurs conclusions antérieures sont formellement erronées.

Il sera fait droit à leur demande, à laquelle ne s'opposent pas les appelants, qui ont bien eu connaissance des motifs et des demandes des conclusions des intimés notifiées le 10 octobre 2022.

2) Sur la demande de complément d'expertise

Contrairement à ce que soutiennent les époux [U], l'expert ne s'est pas fondé dans son rapport sur le dossier de demande de permis de construire déposé par [KK] [N] en 1979.

Seul l'arrêté du permis de construire du hangar du 17 février 1979 a été remis à l'expert le 26 novembre 2019 après la communication de son projet de rapport.

L'expert avait bien été informé de la construction du hangar sur la parcelle C [Cadastre 12] courant 1979 et il n'a pas estimé utile, pour les besoins de l'expertise, de prendre connaissance de l'entier dossier du permis de construire.

Ce dossier a été produit devant la cour et il en ressort, effectivement, qu'il n'est pas utile pour la résolution du litige. Du reste la société D2L Betali n'a pas elle-même pris connaissance de ce dossier pour proposer la limite revendiquée par les époux [U].

Sur les plans joints à la demande de permis de construire, il est prévu que le hangar (partie hachurée) sera construit en retrait de la limite séparative. Dans ces conditions, même si l'implantation du hangar était imposée par le permis de construire strictement en limite séparative des fonds ou bien à 3 mètres de distance, le fait qu'il n'a pas été implanté sur la limite séparative proposée par l'expert judiciaire, n'a aucune conséquence car cette implantation ne vaut pas reconnaissance par [KK] [N] que la paroi Est du hangar marque la limite entre les parcelles C [Cadastre 11] et C [Cadastre 13].

Les époux [U] invoquent également une contradiction dans les déclarations de l'expert sur la valeur du cadastre. Mais l'examen du plan cadastral, même si le plan ne représente pas de façon certaine les limites entre les fonds, montre, comme le relève l'expert, que les cotes de l'appentis litigieux, soit 3 mètres sur 7 mètres, permettent de situer son emprise au niveau du pignon de la maison des époux [U]. Par cette affirmation l'expert n'a pas reconnu que les limites cadastrales étaient certaines et ne s'est pas contredit.

Ace propos il rappelle dans son rapport, ce qui est exact, qu'il ne peut être tenu compte avec certitude des limites dessinées sur les plans du cadastre, le cadastre étant essentiellement un instrument fiscal. Il ajoute qu'en l'espèce, le plan en vigueur est issu du cadastre ancien de 1827, révisé en 1935 par simple mise à jour et qu'à défaut de mesurages et de vérifications sur place, il peut reproduire les erreurs des anciens plans.

L'expert a répondu à sa mission et la cour estime que son rapport est complet et suffisamment explicite pour statuer sur le litige sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise.

La demande des époux [U] à ce titre sera rejetée.

3) Sur la fixation de la limite entre les fonds

Les époux [U] demandent à la cour d'écarter les conclusions de l'expert judiciaire et de retenir celles de la société D2L Betali.

Les titres de propriété des parties versés à la procédure, portant sur la bande de terrain litigieuse, sont les suivants.

Titres des époux [U]':

-le 18 décembre 1953 (acte dressé par Maître [A]), les époux [V] ont cédé, par échange, leur propriété (actuelles parcelles C [Cadastre 13] et C [Cadastre 14]) aux époux [C], soit une maison d'habitation, jardin et pré derrière, haies à l'est, « le tout d'un seul tenant paraissant figurer au cadastre section C numéros [Cadastre 13] et [Cadastre 14] pour une contenance de 19 a 75 ca ' joignant au nord et à l'est la route de Sennones. Au sud Monsieur [B]. A l'ouest Mme Veuve [Y] »,

-le 17 décembre 1991 (mention dans l'acte du 6 décembre 2011), les héritiers [C] ont vendu leur propriété, aux époux [E],

-le 16 septembre 2002 (mention dans l'acte du 6 décembre 2011), les époux [E] ont vendu leur propriété aux époux [CR],

-le 6 décembre 2011 les époux [CR] ont vendu leur propriété aux époux [U], pour une contenance de 19 a 75 ca, décrite ainsi « une maison à usage d'habitation ' Atelier accolé. Jardin à l'est et au sud sur lequel existe un puits. Dépendances avec barbecue et abri de jardin en bois ».

Titres des consorts [N] :

-extrait d'acte d'adjudication du 24 septembre 1934': Mme [X] [W] veuve [Y] a vendu à M. [PJ] [N] le premier lot (ce qui n'est pas contesté), et qui correspond à la parcelle C [Cadastre 12]. Ce lot se compose d'une « propriété à usage d'habitation et de charronnerie comprenant ' maison d'habitation ' Vieux appentis au levant, le toit couvert en ardoises. Aire, chantier à bois et jardin légumier à l'est et au midi des bâtiments ci-dessus, sur lesquels se trouve un puits, et est édifié un atelier à usage de charronnage ... le tout d'une superficie d'environ 620 mètres carrés porté au cadastre sous le numéro [Cadastre 2] de la section B ' délimitée de la manière suivante : ' Au levant, par l'atelier réservé par Mme [Y] et la bande de terrain de 2 mètres également réservées par ladite dame, cette dernière délimitation formant une ligne droite brisée à l'angle sud-est dudit atelier ».

L'acte précise au paragraphe « RÉSERVES ET DROITS » : « Mme [Y], venderesse, se réserve à son profit : 1) l'appentis se trouvant dans l'angle nord-est et le terrain sur lequel il est construit, d'une largeur d'environ 3 mètres et d'une longueur de 7 mètres environ, et une bande de terrain au sud de cet appentis, en bordure de la propriété, pour accéder au jardin se trouvant au midi de l'immeuble à vendre et restant sa propriété, 2) un droit de sortie directe de l'appentis réservé sur le côté couchant ... »

La ligne droite brisée se retrouve sur le plan cadastral au nord de la parcelle C [Cadastre 11] et forme un décrochement. Une carte postale datée du 26 septembre 1903 montre l'appentis à l'est de la maison actuelle des consorts [N], qualifié de «'vieux appentis au levant'» dans l'acte du 24 septembre 1934. Une autre photographie, prise lors d'une procession, avant 1979, montre l'appentis vers l'angle nord-est de la parcelle C [Cadastre 11], adossé à la maison des époux [U], qualifié «'d'atelier réservé par Mme [Y]'» dans l'acte du 24 septembre 1934.

Il n'y a pas de confusion possible entre les deux appentis, contrairement à ce que soutiennent les époux [U], l'appentis réservé par Mme [Y] était bien adossé à leur maison. Il s'agit de l'appentis qui apparaît sur la photographie d'une procession, prise en 1943. Sur cette photographie, l'appentis qui était adossé à la maison située sur la parcelle C [Cadastre 12], visible sur une carte postale datée du 26 septembre 1903 et désigné comme «'vieux appentis au levant'» dans l'acte du 24 septembre 1934, n'existe plus.

-le 13 septembre 1940, (acte dressé par Maître [VI]) Mme [X] [W] veuve [Y] a vendu à Mme [R] [L] : « Une maison d'habitation et de commerce 'sur le côté midi de la route de [Localité 21] ' Un petit bâtiment en appentis, construit en bois, couvert en tôle, situé sur le bord de la route du bourg allant à [Localité 21], occupant une superficie de 21 m² environ avec droit de sortie sur la propriété se trouvant au couchant (M. [N]) par le côté couchant de cet appentis et une bande de terrain de 2 mètres de largeur à la suite et vers sud du bâtiment sus désigné allant jusqu'au jardin dont il sera ci-après question et également présentement vendu ... Un jardin légumier se trouvant au sud de la bande de terrain ci-dessus de forme trapézoïdale. Le tout d'une superficie de 492 m² 70 dm² d'après mesurage et porté au cadastre sous le n° [Cadastre 11] de la section C pour une contenance de 6 a 40 ca. Ayant pour abonnement, au nord de la route du Bourg et M. [N], à l'est le mineur [V] ... »

Le petit bâtiment en appentis, construit en bois, couvert en tôle, correspond à l'appentis qui était adossé à la maison des époux [U].

-le 15 octobre 1974 (acte dressé par Maître [A]), Mme [R] [L] a vendu «'une parcelle en terre à nature de jardin dite «'le pré devant'» figurant au plan cadastral révisé de la commune d'[Localité 17] sous le n° [Cadastre 11] de la section C pour une contenance de 6 a 40 ca'» aux époux [KK] et [BG] [N]. Il est mentionné « Joignant : au nord Mme [C], à l'ouest M. [JA], au sud M. [NZ] et à l'est M. [PJ] [N] » .

-le 12 juin 1979 M. [PJ] [N] a vendu sa propriété, cadastrée C [Cadastre 12], acquise le 24 septembre 1934, aux époux [KK] et [BG] [N]. Cet acte rappelle dans un paragraphe « DROITS ET SERVITUDES » la réserve au profit de Mme [Y] décrite dans l'acte du 24 septembre 1934.

Du rapprochement entre ces différents actes, il ressort que le 13 septembre 1940 Mme [W] veuve [Y] a vendu à Mme [L] le jardin légumier et la partie nord (appentis et bande de terrain) qui dépendait de la parcelle C [Cadastre 11], permettant d'accéder depuis la route de Sennones (aujourd'hui contour [HP] [K]) au jardin. Les 492 m² 70 dm² mentionnés dans l'acte du 13 septembre 1940 dépendent de la parcelle C [Cadastre 11] d'une surface de 6 a 40 ca mentionnée à la suite.

Il en ressort que le 15 octobre 1974 les époux [N], en achetant la parcelle C [Cadastre 11], d'une surface de 6 a 40 ca, ont acquis le jardin légumier, l'assiette de l'appentis et la bande de terrain de 2 mètres de large entre le bâtiment et le jardin, soit la partie Nord de la parcelle C [Cadastre 11].

La date exacte à laquelle l'appentis adossé à la maison des époux [U] a été détruit est inconnue mais il ressort des attestations versées à la procédure qu'à compter des années'1970, le passage sur l'assiette de l'appentis et la bande de terrain de 2 mètres servaient de chemin pour aller du contour [M] au jardin au Sud de la parcelle C [Cadastre 11]. Le 15 octobre 1974 l'appentis, qui n'existait plus, n'a pas été mentionné dans l'acte de cession de la parcelle C [Cadastre 11].

Cet appentis étant adossé au pignon Ouest de la maison des époux [U] sur la parcelle C [Cadastre 14], il est logique que la limite Est de la bande de terrain au Sud de l'appentis soit positionnée dans l'alignement du pignon. Les constructions (annexes et claustras) édifiées par les auteurs des époux [U] l'ont d'ailleurs été dans cet alignement.

L'ancien atelier (scierie) [N] sur la parcelle C [Cadastre 12] était construit à environ 2 mètres des claustras posés dans le prolongement du pignon Ouest de la maison des époux [U], ainsi qu'en atteste une ancienne base de poteau restée sur place et représentée sur le plan de l'expert. Ces 2 mètres correspondent bien au passage de 2 mètres au Sud de l'appentis réservé par Mme [Y].

La porte coulissante du hangar construit en 1979 par [KK] [N] donnait sur le passage et le débord de la toiture du hangar le surplombait.

Par ailleurs, la clôture, représentée sur le plan de l'expert judiciaire et sur celui de la société D2L Betali, a été construite le long du passage par [KK] [N], en 1974, ce qui n'est pas contesté. Elle allait manifestement jusqu'au bâtiment au Sud Est sur la parcelle C [Cadastre 13]. Il ressort de plusieurs témoignages qu'elle est, depuis sa construction, restée en place.

Il ressort enfin de plusieurs attestations que le passage se faisait entre la haie d'épine et l'ancienne scierie sur la parcelle C [Cadastre 12]. La très ancienne haie d'aubépine, d'après la taille des souches, au Nord de la parcelle C [Cadastre 11], qui commence après le pignon de la maison des époux [U], bien que positionnée au milieu de la bande de terrain litigieuse, a pu être plantée par Mme [W], veuve [Y], ou ses auteurs sur leur propriété (C [Cadastre 11]), et ne marque pas nécessairement la limite entre les parcelles C [Cadastre 11] et C [Cadastre 13].

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que la bande de terrain litigieuse, entre la parcelle C [Cadastre 11] et la parcelle C [Cadastre 13], dépend de la parcelle C [Cadastre 11], tant au regard des titres de propriété qu'au regard de l'usage qui en a été fait depuis sa création en 1934, par les auteurs des consorts [N] et les consorts [N], et que la limite entre les deux fonds suit le pignon Ouest des bâtiments situés sur les parcelles C [Cadastre 13] et C [Cadastre 14] et la clôture ancienne.

Il y a donc lieu, l'expertise ayant permis de fixer précisément les limites, d'infirmer le jugement qui renvoie seulement aux titres de propriété, de rejeter la demande de fixation des limites selon le plan de la société D2L Betali et de faire droit à la demande de fixation des limites selon le plan dressé par M. [G] daté du 6 novembre 2019.

4) Sur les demandes des époux [U] de remise en état du fonds et de dommages et intérêts

Compte-tenu de la position de la limite entre les deux fonds retenue par la cour, la demande des époux [U] de remise en état du fonds n'est pas fondée.

Leur demande en paiement de dommages et intérêts pour empiétement fautif n'est pas développée dans les motifs de leurs conclusions et n'est pas non plus fondée.

Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté ces demandes.

5) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement sera confirmé de ces deux chefs.

Les frais d'expertise judiciaire, cette mesure ayant été utile pour les deux parties, seront partagés par moitié entre elles.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge des époux [U], dont la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge des consorts [N] les frais qu'ils ont exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et il leur sera alloué la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et prononce la clôture de l'instruction à la date de l'audience,

Rejette la demande d'expertise complémentaire formée par les époux [O] [U] et [BK] [F],

Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a':

-dit que les limites entre les propriétés des consorts [N] et des époux [U] devront être définies par référence aux indications figurant dans les actes de vente des 13 octobre 1934, 13 septembre 1940, 28 octobre 1974 et 15 juin 1979,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe la limite entre les parcelles situées à [Localité 17], cadastrées section C n° [Cadastre 11], appartenant à Mme [TE] [N] assistée de sa curatrice Mme [I] [J], Mme [D] [N], M. [YD] [N] et Mme [S] [N], et n°s [Cadastre 13] et [Cadastre 14], appartenant aux époux [O] [U] et [BK] [F] selon la ligne A-I représentée dans le plan de délimitation daté du 6 novembre 2019 par M. [G], géomètre-expert, annexé à cet arrêt,

Déboute les époux [O] [U] et [BK] [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens, hors frais d'expertise, et à payer à Mme [TE] [N], assistée par sa curatrice, Mme [I] [J], Mme [D] [N], M. [YD] [N] et Mme [S] [N] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les frais d'expertise seront partagés par moitié entre d'une part, les époux [O] [U] et [BK] [F], et d'autre part, Mme [TE] [N], assistée par sa curatrice, Mme [I] [J], Mme [D] [N], M. [YD] [N] et Mme [S] [N].

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/03228
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;17.03228 ?
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