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25/01/2023 | FRANCE | N°19/04479

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 25 janvier 2023, 19/04479


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/04479 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P45E













Société [R]

SELARL [5] (MAITRE [O])



C/



Organisme URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE



























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE

FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFI...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/04479 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P45E

Société [R]

SELARL [5] (MAITRE [O])

C/

Organisme URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débats, et Mme Adeline TIREL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré initialement fixé au 04 Janvier 2023,

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 20 Mars 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES

Références : 21301654

****

APPELANTES :

[R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS

SELARL [5] (MAITRE [O]), commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société [R],

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :

URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE

TSA 20048

[Localité 4]

représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de la garantie des salaires 'AGS', opéré par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire (l'URSSAF) pour la période s'étendant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, il a été notifié à la SAS [R] (la société) une lettre d'observations du 15 mai 2013 portant sur quatre chefs de redressement pour un montant de 162 840 euros outre une observation pour l'avenir.

Par lettre du 14 juin 2013, la société a formulé des observations sur l'intégralité des chefs de redressement notifiés soit :

- régularisation du taux accident du travail appliqué aux conducteurs de travaux (chef n°1) ;

- frais professionnels non justifiés : réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de repas versées à des salariés sédentaires (chef n°2) ;

- frais professionnels - frais de restauration hors des locaux de l'entreprise/ dépassement des limités d'exonération (chef n°3) ;

- frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement (chef n°4).

En réponse, par lettre du 24 juin 2013, l'inspecteur a :

- annulé le chef de redressement n°1 concernant la régularisation du taux accident du travail appliqué aux conducteurs de travaux ;

- maintenu le bien-fondé et les montants de l'ensemble des autres chefs de redressement notifiés, ramenant le montant du redressement à 159 425 euros.

L'URSSAF a adressé une mise en demeure du 26 juillet 2013 tendant au paiement des cotisations notifiées et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 177 602 euros, soit 159 425 euros de cotisations et 18 177 euros de majorations de retard.

Contestant les chefs de redressement n°3 et n°4, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre du 23 août 2013.

Le 25 novembre 2013, après rejet implicite de sa réclamation, la société a porté son litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes.

Par jugement du 4 décembre 2013, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de sauvegarde de justice à l'encontre de la société.

Par décision du 28 janvier 2014, la commission a confirmé le bien-fondé et le montant des chefs de redressements critiqués.

Par jugement du 20 mars 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes a :

- reçu l'URSSAF en sa défense ;

- confirmé l'ensemble des chefs de redressement notifiés à la société dans la lettre d'observations du 15 mai 2013 ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF prise lors de sa séance du 28 janvier 2014 ;

- constaté que l'URSSAF a déclaré sa créance auprès du greffe du tribunal de commerce de Nantes le 7 janvier 2014 pour les cotisations dues par la société au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, comprenant ainsi les cotisations dues au titre de la mise en demeure du 26 juillet 2013 ;

- constaté que le greffe du tribunal de commerce de Nantes a notifié à l'URSSAF, par courrier en date du 29 décembre 2014, l'admission de sa créance dont 211 540 euros à titre privilégié provisionnel « sous réserve de réajustements et sous réserve de l'issue du litige en cours » ;

En conséquence,

- condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 159 425 euros au titre de la mise en demeure du 26 juillet 2013 portant sur les cotisations dues pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration adressée le 2 juillet 2019, la société et la SELARL [5] (Me [O]), cette dernière ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société, ont interjeté appel de ce jugement qui leur a été notifié le 11 juin 2019.

Par leurs écritures adressées par le RPVA le 10 novembre 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, les appelantes demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé l'ensemble des chefs

de redressement et a condamné la société à payer à 1'URSSAF la somme de 159 425 euros au titre de la mise en demeure du 26 juillet 2013 portant sur les cotisations dues pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

A titre subsidiaire et par voie d'infirmation,

- de dire que 1'URSSAF devra procéder à un nouveau calcul du redressement en le limitant au montant des indemnités de trajet conformément au contrôle opéré au mois d'octobre 2018 ;

A titre très subsidiaire et par voie d'infirmation,

- de dire que la créance éventuelle doit être inscrite au plan de sauvegarde, dans la limite de 40 % du montant du redressement subsistant, soit au maximum 63 770 euros ;

- de condamner l'URSSAF aux entiers dépens et à verser à la société la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures adressées par le RPVA le 21 février 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en tous ses points le jugement entrepris ;

- confirmer l'ensemble des chefs de redressements opérés pour les années 2010 à 2012 ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 29 janvier 2014 ;

- reconnaître que l'URSSAF a déclaré sa créance le 7 janvier 2014 en cotisations pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

- prendre acte que cette déclaration de créance a été admise le 29 décembre 2014 avec l'observation expresse « sous réserve de réajustements et sous réserve de l'issue du litige en cours » ;

- condamner la société au paiement des cotisations d'un montant de 159 425 euros, objet de la mise en demeure du 26 juillet 2013 ;

- rejeter toutes les demandes présentées par la société n'étant pas fondées ;

- rejeter la demande faite par la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile, celle-ci n'étant ni justifiée, ni fondée ;

A titre subsidiaire,

- constater qu'il existe une créance en cotisations de l'URSSAF à l'encontre de la société ;

- fixer le montant de ladite créance à la somme de 159 425 euros correspondant au montant des cotisations dues au titre de la mise en demeure du 26 juillet 2013, au passif du plan de la société ;

- déclarer opposable à la SELARL [5], Maître [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société, l'arrêt qui sera rendu par la cour d'appel de Rennes ;

- condamner la SELARL [5], Me [O], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société, aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La contestation du redressement opéré au Point 2 - frais professionnels non justifiés : réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de repas versées à des salariés sédentaires (chef n°2) n'étant soutenue d'aucun moyen, il sera confirmé comme le demande l'intimée.

1. Sur le redressement (point 3) « Frais de restauration hors des locaux de l'entreprise - dépassement des limites d'exonération »

L'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction initiale, dispose que :

'Les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants :

1° Indemnité de repas :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 15 EUR par repas ;

2° Indemnité de restauration sur le lieu de travail :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 5 EUR ;

3° Indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 7,5 EUR.

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est placé simultanément au cours d'une même période de travail dans des conditions particulières de travail énoncées aux 1o, 2o et 3o, une seule indemnité peut ouvrir droit à déduction.'

Ces montants sont revalorisés au 1er janvier de chaque année. Ils étaient ainsi de 16,80 euros en 2010, 17,10 euros en 2011 et 17,40 euros en 2012 pour l'indemnité prévue au 1° ; pour l'indemnité prévue au 3° ils étaient de 8,20 euros en 2010, de 8,30 euros en 2011 et de 8,40 euros en 2012.

Après avoir constaté que l'employeur avait versé, au titre des indemnités de repas forfaitaires (rubrique de paie n°810,) les indemnités suivantes : 16,80 euros pour l'année 2010,17,10 euros pour l'année 2011 et 17,40 euros pour l'année 2012, l'inspecteur a réintégré dans l'assiette des cotisations la part comprise entre :

- 8,20 euros et 16,80 euros pour 2010 (la partie excédent 16,80 euros ayant déjà été cotisée),

- 8,30 euros et 17,10 euros pour 2011 (idem pour la partie au-delà de 17,10 euros),

- 8,40 euros et 17,40 euros pour 2012 (idem pour la partie au-delà de 17,40 euros),

en considérant que les documents fournis ne permettaient pas de justifier le dépassement des limites d'exonération et le fait que les salariés prenaient effectivement leur repas au restaurant.

Il se déduit de ce que l'inspecteur a retenu le plafond d'exonération visé à l'alinéa 2 de l'article 3 que ses vérifications lui ont permis de constater que les salariés étaient en déplacement et que leurs conditions de travail leur interdisaient de regagner leur résidence ou leur lieu habituel de travail pour le repas.

Comme l'a jugé la Cour de cassation, il résulte de la lecture combinée des alinéas de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 sus-rappelé que l'indemnité forfaitaire allouée au travailleur salarié en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, lorsque ses conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas, prévue par le 3°de ce texte, est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas le montant fixé au 1° de ce même texte, s'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant. (2e Civ., 24 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.069).

Les appelantes ne contestent pas que la fraction des indemnités versées au-delà du barème prévu par l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié soit réintégrée dans l'assiette soumise à cotisations, pour des valeurs fixées à 16,80 euros pour 2010, 17,10 euros pour 2011 et 17,40 euros pour 2012.

Elles reprochent aux premiers juges d'avoir retenu, pour valider ce chef de redressement, que le détail produit dans le cadre de l'instance ne permettait ni de justifier de la prise effective de repas au restaurant par les salariés, ni des conditions particulières de travail ou des usages de la profession ayant contraint les salariés à prendre leurs repas au restaurant.

La cotisante fait justement valoir que s'agissant de la justification de la prise effective des repas, ce reproche s'entendrait en cas de remboursement au réel, auquel cas l'employeur doit produire les justificatifs, mais qu'en matière d'allocations forfaitaires, il doit uniquement justifier de circonstances ou d'usages de la profession, les deux critères étant alternatifs.

Il n'est pas contesté que cette société, qui après la scission survenue en 2005 a conservé une activité de « carrelages, faïences, revêtements de sols souples » est une entreprise exerçant son activité dans le domaine du bâtiment et que ses salariés travaillent en déplacement et sur des chantiers.

Ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa saisine de la commission de recours amiable, elle a opté pour la non-installation de réfectoire sur les chantiers, leur nombre et leur courte durée d'intervention ne le permettant pas.

Elle souligne que l'indemnité versée a pour objet de permettre aux salariés de prendre leur déjeuner dans des conditions décentes, surtout l'hiver.

Elle justifie donc des circonstances de fait qui établissent que les salariés en situation de déplacement et qui ne peuvent regagner ni leur domicile ni le siège de leur entreprise, sont contraints de déjeuner au restaurant en raison de leurs conditions particulières de travail (Soc., 13 mai 1985, pourvoi n° 83-15.711, Bulletin 1985 V N° 292; Soc., 2 juillet 1992, pourvoi n° 90-15.571, Bulletin 1992 V N° 435).

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.

2. Sur le redressement « Frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement » (point 4)

Pour procéder au redressement à ce titre, l'inspecteur a retenu que l'employeur doit apporter toute justification nécessaire à l'exonération de ces indemnités et que seul l'établissement d'états justificatifs détaillés de l'activité des salariés indiquant, pour chaque jour de la semaine les horaires effectués, les adresses exactes des lieux de déplacement ainsi que le nom précis du chantier ou du motif de déplacement, permet d'apprécier la réalité des frais occasionnés aux salariés et d'exclure les sommes versées de l'assiette des cotisations.

Il a ajouté que si la démonstration n'est pas faite que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de transport, de repas ou d'hébergement du fait d'une situation de grand déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.

Il ajoute qu'au cas particulier, sur la période considérée, les indemnités de grand déplacement exonérées de cotisations ont été attribuées aux salariés (rubrique de paie n° 812) y compris parfois à des salariés sédentaires.

Il a relevé à l'analyse des bulletins de salaire que le montant de ces indemnités varie au cas par cas et qu'elles sont globalisées puisqu'elles comprennent les repas, le découché et les petits-déjeuners alors que les limites d'exonération fixées par l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002 s'analysent individuellement : le repas d'une part, le logement plus le petit déjeuner d'autre part.

Faute pour l'employeur d'avoir produit des états justificatifs, ce qui l'a placé dans l'impossibilité de vérifier les situations ayant donné lieu au versement de ces indemnités, l'inspecteur a opéré un redressement pour un montant total de 125 288 euros (20 405 euros pour 2010, 48 599 euros pour 2011 et 56 284 euros pour 2012).

Sur ce :

Il convient de se reporter aux articles 2 et 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dans leur version applicable au litige.

Selon l'article 2 , l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.

L'article 5 définit les indemnités forfaitaires de grand déplacement comme suit :

1° En métropole :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle, les indemnités de missions destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas le montant prévu au 1° de l'article 3 du présent arrêté.

S'agissant des indemnités de mission destinées à compenser les dépenses supplémentaires de logement et du petit déjeuner, elles sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas par jour 54 euros pour le travailleur salarié ou assimilé en déplacement à [Localité 7] et dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et par jour 40 euros pour les travailleurs salariés ou assimilés en déplacement dans les autres départements de la France métropolitaine ;

Le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller). Toutefois, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est considéré comme étant dans la situation de grand déplacement.

Pour s'opposer au redressement, la société ne peut se prévaloir d'un accord tacite résultant d'un contrôle ultérieur, ou d'un accord tacite résultant du contrôle opéré pour une autre société, quand bien même s'agirait-il de la société [8] qui a conservé après les opérations de scission l'activité « cloisons ».

En revanche, elle peut revendiquer le bénéfice de l'exonération si elle rapporte la preuve que les présomptions cumulatives instituées par les textes s'appliquent à elle.

S'agissant du dispositif d'exonération spécifique lié aux déplacements, elle doit établir en premier lieu que les circonstances de fait sont celles visées par le texte : la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller), ou encore que le travailleur salarié ou assimilé est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait.

Une fois que ces circonstances sont établies, dès lors qu'elle ne prend pas en charge, directement ou indirectement les dépenses réelles exposées, (auquel cas elle est tenue de produire les justificatifs y afférents) mais verse des indemnités forfaitaires :

- si elle verse des indemnités de missions destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas, celles-ci sont réputées utilisées conformément à leur objet si elles n'excèdent pas le montant prévu au 1° de l'article 3 du présent arrêté ; au- delà de ce montant, faute de présomption, elle ne peut prétendre à l'exonération que si elle rapporte la preuve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet ; à défaut, cette fraction d'indemnité est réintégrée dans l'assiette des cotisations ;

- si elle verse des indemnités de mission destinées à compenser les dépenses supplémentaires de logement et du petit déjeuner, celles-ci sont réputées utilisées conformément à leur objet si elles n'excèdent pas par jour 54 euros pour le travailleur salarié ou assimilé en déplacement à [Localité 7] et dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et 40 euros par jour pour les travailleurs salariés ou assimilés en déplacement dans les autres départements de la France métropolitaine ; au- delà de ce montant, faute de présomption, elle ne peut prétendre à l'exonération que si elle rapporte la preuve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet ; à défaut, cette fraction d'indemnité est réintégrée dans l'assiette des cotisations.

En l'espèce, la société fait valoir qu'elle a intégré dans l'assiette des cotisations les montants excédant les limites susvisées et reproche à l'inspecteur d'avoir réintégré l'intégralité des allocations versées au motif que

n'étaient pas établies les circonstances de fait de nature à justifier que les ouvriers étaient bien en situation de grand déplacement.

La société verse aux débats l'état complet du pointage mensuel pour l'ensemble des salariés sur la période d'avril 2010 à mars 2011, permettant selon elle de vérifier le montant des indemnités versées et donc de savoir si les salariés étaient en situation de grand déplacement ou non. (sa pièce 15 : Détail journalier des relevés d'heures et des indemnités forfaitaires de déplacements pour l'ensemble des ouvriers sur la période d'avril 2010 à mars 2011) et qu'elle dit correspondre au pointage mensuel qu'elle a joint à sa lettre d'observations du 14 juin 2013, jugé non probant par l'inspecteur.

Elle a également repris le détail journalier pour les deux premiers salariés de la liste (M. [M] et M. [E]) permettant de vérifier le lieu du chantier et donc selon elle la distance parcourue (sa pièce n° 16 : Analyse détaillée des journées de M. [M] et M. [E] sur la période de janvier 2010 à décembre 2012).

La société qui ne peut se prévaloir du bénéfice de l'exonération des cotisations de sécurité sociale au seul motif que les indemnités versées résultent de l'accord conclu dans le cadre de la réduction du temps de travail prévoyant une indemnité forfaitaire négociée au-dessus de 200 km aller-retour par jour, incluant les indemnités de trajet, de repas et de casse-croûte, est défaillante à rapporter la preuve, qui lui incombe, des circonstances de fait établissant la situation de déplacement.

Les documents produits (sa pièce 15) comprennent l'année 2011, l'année 2012 et les neuf derniers mois de 2010 et sa pièce 16 ne concerne que deux salariés. Pour ces derniers, de la seule indication du lieu du chantier ne peut être établi le kilométrage parcouru, étant admis que l'obligation d'emporter du matériel interdit d'utiliser les transports en commun.

Faute pour la société d'établir qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de l'exonération qu'elle a pratiquée, le jugement entrepris qui a confirmé ce chef de redressement sera confirmé.

3. Sur les conséquences de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde

En présence d'une procédure collective ouverte le 4 décembre 2013, le tribunal ne pouvait prononcer de condamnation à paiement s'agissant d'une créance antérieure au jugement d'ouverture.

Il n'appartient pas à la cour de dire que la créance éventuelle doit être inscrite au plan de sauvegarde, dans la limite de 40 % du montant du redressement subsistant, soit au maximum 63 770 euros.

Il appartient à la cour de fixer la créance de l'URSSAF afin qu'elle soit inscrite sur l'état du passif vérifié par le juge commissaire et de renvoyer les parties à l'exécution du plan homologué le 17 décembre 2014, pour le paiement à ce créancier des dividendes dans les conditions du plan qui s'appliquent à lui.

Le premier chef de redressement a été annulé par l'inspecteur, le chef de redressement n°2 n'a pas été contesté devant le pôle social, le 4° chef de redressement est confirmé et le 3°est annulé. La créance de l'URSSAF s'établit donc comme suit (en cotisations) :

Année 2010

Année 2011

Année 2012

2

2319

2615

2216

4

20405

48599

56284

Sous-total

22724

51214

58500

Total général

132438

Il convient d'observer que la créance déclarée (430 760 euros) a été admise en totalité, avec la mention « sous réserve de réajustements et sous réserve de l'issue du litige en cours » et comprend 211 540 euros à titre provisionnel.

Il a été demandé paiement par la mise en demeure du 26 juillet 2013 de la somme de 36 801 euros au titre de l'année 2010, de celle de 59 320 euros au titre de l'année 2011 et de 63 304 euros pour 2012, montants qui correspondent aux sommes déclarées respectivement à titre chirographaire.

Il s'ensuit que la créance de l'URSSAF sera fixée à la somme de 132 438 euros.

4. Sur les mesures accessoires, les frais irrépétibles et les dépens

Il n'y a pas lieu de statuer sur la décision prise par la commission de recours amiable, qu'il s'agisse de l'infirmer ou de la confirmer, le pôle social et à sa suite la cour d'appel, n'étant pas juridictions de recours de cette commission administrative.

Il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur des constats qui en tant que tels ne sont susceptibles de produire aucun effet de droit.

L'équité ne commande pas d'allouer à la société d'indemnité pour ses frais de procédure.

L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, les parties seront condamnées à conserver la charge de leur dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a confirmé l'ensemble des chefs de redressement notifiés à la SAS [R] dans la lettre d'observations du 15 mai 2013 et l'a condamnée à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire la somme de 159 425 euros au titre de la mise en demeure du 26 juillet 2013 portant sur les cotisations dues pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Confirme le chef de redressement point 2 - frais professionnels non justifiés : réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de repas versées à des salariés sédentaires (chef n°2) ;

Annule le chef de redressement point 3 : « Frais de restauration hors des locaux de l'entreprise - dépassement des limites d'exonération » ;

Confirme le chef de redressement point 4 : « Frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement » ;

Fixe au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la SAS [R] la créance de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire à la somme de 132 438 euros ;

Renvoie les parties à l'exécution du plan homologué le 17 décembre 2014 ;

Déboute la SAS [R] de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne chacune des parties à conserver la charge de ses dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/04479
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;19.04479 ?
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