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25/01/2023 | FRANCE | N°19/02146

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 25 janvier 2023, 19/02146


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/02146 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PU5B













URSSAF BRETAGNE



C/



Société [T] [J]





























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/02146 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PU5B

URSSAF BRETAGNE

C/

Société [T] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 25 Octobre 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-BRIEUC

Références : 21600030

****

APPELANTE :

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE

Service Contentieux

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Mme [I] [Y] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

Société [T] [J]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Lionel PAPION, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations sociales et de la lutte contre le travail illégal, opéré par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne (l'URSSAF), la société [T] [J] (la société) s'est vue notifier une lettre d'observations du 18 mars 2015 d'un montant de 19 613 euros, portant sur les chefs de redressement :

- travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié : assiette (réelle (chef n° 1) ;

- annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé (chef n° 2).

Il est mentionné sur cette lettre qu'une autre lettre d'observations distincte a été établie concernant la vérification générale de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires.

Par lettre du 9 avril 2015, la société a fait valoir ses observations sur le chef de redressement n°1, concernant le constat de travail dissimulé de Mme [N] [D].

En réponse, par lettre du 27 avril 2015, l'inspecteur a maintenu le chef de redressement contesté.

L'URSSAF lui a notifié une mise en demeure du 16 octobre 2015 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d'observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 23 639 euros.

Contestant la régularité de la procédure de contrôle ainsi que le bien-fondé du chef de redressement n° 1 relatif au travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre du 10 novembre 2015.

Après rejet de sa réclamation par décision implicite, la société a porté son litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d'Armor le 13 janvier 2016.

Par décision du 22 septembre 2016, la commission a confirmé le bien-fondé et le montant des chefs de redressement notifiés dans la lettre d'observations.

Par ailleurs, par avis d'inscription du 22 juin 2016, l'URSSAF a fait inscrire un privilège au greffe du tribunal de commerce de Saint-Malo pour garantir sa créance d'un montant de 23 639 euros.

Par jugement du 25 octobre 2018, ce tribunal a :

- infirmé la décision de la commission de recours amiable du 22 septembre 2016 ;

- débouté l'URSSAF de ses demandes à l'encontre de la société ;

- enjoint en conséquence à l'URSSAF Bretagne de procéder à ses frais à la mainlevée de l'inscription de privilège notifiée le 22 juin 2016, dans le délai de six semaines à compter de la notification du jugement ;

- condamné l'URSSAF Bretagne à payer à la société, avec exécution provisoire, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties pour le surplus ;

- rappelé la gratuité de la procédure en application des dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

Par déclaration adressée le 27 mars 2019, l'URSSAF a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 4 mars 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 27 octobre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- confirmer la décision prise par la commission de recours amiable en date du 22 septembre 2016 ;

- condamner la société à verser à l'URSSAF la somme de 23 639 euros restant due au titre du redressement suite à contrôle sous réserve du calcul des majorations de retard complémentaires prévues à l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ;

- condamner la société à verser à l'URSSAF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- délivrer un arrêt revêtu de la formule exécutoire ;

- débouter la société de ses demandes.

Par ses écritures parvenues au greffe le 4 mai 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

Sur la recevabilité de l'appel :

- enjoindre à l'URSSAF de verser aux débats la lettre recommandée AR de notification du jugement dont appel et son enveloppe ;

- surseoir à statuer dans l'attente sur la recevabilité de l'appel de l'URSSAF ;

- déclarer l'URSSAF irrecevable en son appel faute par l'URSSAF de ce faire ;

- condamner l'URSSAF à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- enjoindre à l'URSSAF de procéder à la main-levée de l'inscription prise à l'encontre de la société sous telle astreinte qu'il plaira à la juridiction de fixer dans un délai de six semaines à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

A titre subsidiaire sur le fond,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel ;

- annuler en conséquence le redressement notifié à la société la mettant en demeure de verser à l'URSSAF la somme de 23 639 euros restant due au titre du redressement suite à ce contrôle ;

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes contre la société ;

- condamner l'URSSAF à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- enjoindre à l'URSSAF de procéder à la main levée de l'inscription prise à l'encontre de la société sous telle astreinte qu'il plaira à la juridiction de fixer dans un délai de six semaines à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la recevabilité de l'appel

Le jugement a été notifié à l'URSSAF par lettre recommandée avec avis de réception figurant au dossier du tribunal remis à la cour, le 4 mars 2019 ; l'URSSAF produit en outre l'enveloppe d'envoi de cette lettre postée le 28 février 2019. L'appel a été régularisé par l'URSSAF par lettre adressée le 27 mars 2019. Formé dans le délai d'un mois, l'appel apparaît recevable. Il y a lieu de débouter la société de sa demande de production de pièces, de sursis à statuer.

2- Sur le fond

Il y a lieu d'indiquer en préliminaire que la société a renoncé à sa demande de nullité du redressement pour des motifs de forme.

Il résulte de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

L'article L. 8221-1 du code du travail dispose que :

Sont interdits :

1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ;

3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.

L'article L. 8221-5 du code du travail précise que :

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L8221-6 du même code dans ses versions applicables à l'espèce ajoute que :

I. - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 213-11 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

4° Les personnes physiques relevant de l'article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. (Jusqu'au 19 décembre 2014 seulement)

II. - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.

Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie.

Selon le dernier de ces textes, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail.

En l'espèce, il est établi que Mme [D] est immatriculée comme travailleur indépendant pour des activités de services administratifs divers depuis le 5 octobre 2010 sous le nom commercial [5]. Bénéficiant de ce statut depuis une durée de plus de deux ans au moment des faits reprochés, elle est présumée ne pas être liée avec la société par un contrat de travail dans l'exécution de son activité au sein de celle-ci.

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie si celle-ci fournit des prestations dans des conditions qui la place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. (2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-19.493).

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs (Soc, 28 avril 2011, n°10-15.573). La seule volonté des parties est impuissante à soustraire un salarié au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail (Ass.pl, 4 mars 1983, n°81-11 647, 81-15.290).

Selon l'article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale, les personnes physiques mentionnées à l'article L. 8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Dès lors, il appartient à l'organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non-salariat, de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique. (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-13.944).

Le juge n'est pas lié par la qualification donnée par les parties et il lui appartient, saisi d'une contestation sur la nature de la relation de travail, de rechercher les éléments de fait permettant de caractériser ou non un lien de subordination par la méthode dite du faisceau d'indices.

Les critères qui permettent de caractériser l'existence d'un lien de subordination sont notamment :

- des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction mis en oeuvre par l'employeur,

- le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail,

- l'exercice d'une activité accomplie pour le compte et au profit de l'entreprise qui assume le risque économique.

La lettre d'observations mentionne les constatations suivantes :

Lors du contrôle effectué au sein de votre entreprise le 26/11/2014 nous avons relevé dans votre comptabilité que vous faisiez appel à un auto-entrepreneur depuis le 1er avril 2013. Il s'agit de Mme [D] [N].

Au cours de l'audition de Mme [D] (... )celle-ci a reconnu avoir travaillé pour votre société sous le statut d'auto-entrepreneur. Elle vient travailler 2 demi-journées par semaine, (le mardi après-midi et le jeudi matin, soit environ 25 heures par mois) et effectue des travaux de secrétariat (devis, factures, ouverture du courrier, lecture des mails, chèques de règlement aux fournisseurs, relances des clients) et de comptabilité (saisie des écritures comptables).

Elle utilise le matériel informatique (ordinateur, imprimantes, connexion internet avec les logiciels de l'entreprise, et le téléphone(ligne fixe) de l'entreprise. Elle produit tous les mois une facture relative à son intervention ; nous avons constaté ceci dans votre comptabilité (compte 611 prestations 'Prest her' (sic) depuis avril 2013.

Au cours de l'audition de M. [T] [U] (... )(il est co-gérant de la société)celui-ci nous a indiqué qu'il avait fait appel aux services de Mme [D] [N] depuis le 1er avril 2013 pour remplacer Mme [K] [O], salarié (sic) de l'entreprise jusqu'au 31 mars 2013 et qui a démissionné à cette date. Cette salariée avait la qualification de secrétaire-aide-comptable et travaillait à temps partiel (2 demi-journées par semaine). Mme [D] effectue le même travail que Mme [O].

Les travaux réalisés par Mme [D] sont identiques à ceux effectués par Mme [O]. Ces faits constituent l'élément matériel de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail.

Par conséquent, nous réintégrons dans l'assiette des cotisations le montant brut des sommes facturées à votre société (nous avons relevé les montants figurant en comptabilité et vous nous avez communiqué les factures correspondantes)

Soit pour 2013 : net facturé 4 917 brut recalculé 6 276 €

Soit pour 2014 : net facturé 6 735 brut recalculé 8 603 €

M. [T] dans ses observations datées du 9 avril 2015 rapporte que Mme [D] lui avait indiqué disposer de plusieurs clients, qu'elle organise son travail comme elle le souhaite et en fonction de ses différents donneurs d'ordre et de façon générale par rapport à son organisation personnelle. Le montant de ses factures varie d'un mois sur l'autre. Elle est autonome dans la réalisation de son travail ; certaines prestations doivent être exécutées à compter des locaux de l'entreprise pour des raisons techniques (logiciel spécifique, prise de connaissance des projets de devis dont elle assure la saisie matérielle etc). Elle dispose par ailleurs de son propre matériel.

Il y a lieu d'indiquer pour information que la société avait conclu avec Mme [D] un premier contrat de prestation de services le 3 novembre 2011 alors que la société se trouvait momentanément privée de secrétariat et comptabilité, fonctions exercées par Mme [O].

Il est constant que la société et Mme [D] ont conclu un autre contrat de prestations le 2 avril 2013 lequel prévoit que l'objet de celui-ci est de confier au prestataire des travaux d'ordres administratifs. A ce titre, le prestataire procédera notamment à l'établissement des devis et factures, à la relance clients, au contrôle et au règlement des factures fournisseurs et autres tâches administratives en lien avec l'activité du client.

S'agissant des modalités d'exécution l'article 2-1 prévoit que l'objectif étant de faciliter l'exécution des travaux, objet du présent contrat, et de permettre une prestation de service adaptée aux besoins, les deux parties, le prestataire et le client, ont défini que les travaux seront exécutés dans les locaux du client (...),

L'article 2-2 Fréquence indique que Le prestataire intervient deux demi-journées (3h30 à 4h00) par semaine. Le client peut ajuster la fréquence à ses besoins à condition que le prestataire en ait la possibilité, ce qui fera l'objet de l'établissement d'un avenant au contrat.

Le contrat prévoit aussi que la prestation de service sera facturée 23 € par heure. L'intervention est au minimum de 3 h 00 par demi-journée.

L'entreprise [5] établira sa facture au mois.

Les factures mensuelles [5] produites par la société sont d'un montant variable selon les mois avec un nombre d'heures pouvant fluctuer mais majoritairement de 6 à 7 heures par semaine, et de 20 à 31 heures par mois à l'exception des mois d'août (11 et 16 heures), pour 23 euros par jour.

La comparaison entre les déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires de Mme [D] et les factures mensuelles afférentes au travail effectué pour la société à compter d'avril 2013 jusqu'à fin décembre 2014 permet de constater que le chiffre d'affaires trimestriel réalisé par celle-ci s'agissant du travail réalisé au bénéfice de la société ne représente qu'un pourcentage de 36,45 % pour le 1er trimestre 2013, 31,57% pour le 4ème trimestre 2013, 25,02% pour le 1er trimestre 2014, 20,51% pour le 2ème trimestre 2014 et 21,34% pour le 4ème trimestre 2014.( Le chiffre d'affaire du 3ème trimestre n'est pas fourni mais les factures mensuelles sont d'un montant équivalent aux autres trimestres).

Il n'existe pas de lien de dépendance économique entre Mme [D] et la société.

L'URSSAF soutient qu'il est possible de cumuler une activité indépendante pour une société et un contrat de travail pour une autre société, ce qui est exact mais indique à tort que la société ne rapporte pas la preuve qu'elle travaille sous un statut d'auto-entrepreneur pour d'autres sociétés dans une réelle situation d'indépendance et non pas dans une situation de salariat déguisé comme pour la société en tentant ainsi de renverser la charge de la preuve du lien de subordination qui existerait entre Mme [D] et la société qui pèse pourtant sur elle.

L'URSSAF ne démontre en aucune façon que les jours et horaires d'intervention, soit le mardi et le jeudi dans les locaux de l'entreprise ont été imposés à Mme [D]. Il y a lieu de relever que dans son audition, M. [T] et non M. [J] comme indiqué par l'URSSAF répondant aux questions de l'inspecteur indiquait seulement qu'elle vient le mardi après-midi, et le jeudi matin, a une clé pour entrer dans le bureau. Elle fait peu d'heures (entre 7 et 8 heures par semaine) tout dépend du volume du travail )à faire. Les devis et factures sont vérifiés par les gérants. La comptabilité est vérifiée par Mme [R] du cabinet [3] (expert comptable).

L'existence d'horaires réguliers n'est pas incompatible avec un contrat de prestation de services.

La société indique que ces horaires ont été fixés d'un commun accord et que cela correspond à la fois aux nécessités de l'organisation de l'entreprise et à la propre organisation de Mme [D]. Le fait que Mme [D] puisse exercer à raison de deux demi-journées par semaine, certains jours de la semaine, qu'elle travaille majoritairement dans les locaux de la société et principalement avec le matériel de celle-ci et le fait que la société ait fait appel aux services de Mme [D] depuis le 1er avril 2013 pour remplacer la salariée en partance de la société le 31 mars 2013 en lui confiant les mêmes missions ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un lien de subordination.

Il y a lieu d'indiquer en outre que la société produit aux débats une attestation sur l'honneur de Mme [D] datée du 23 mai 2018. Celle-ci indique  :

Pour l'exercice de mon activité de secrétaire indépendante, je possède un téléphone portable, un ordinateur, une imprimante, une calculatrice et autres petites fournitures indispensables (agrafeuse, perforatrice...) Pour promouvoir mon activité j'ai crée un site internet, réalisé des cartes de visites et des flyers. Je possède également un logiciel de correction d'orthographe pour ma prestation de transcription.

Il est justifié de l'achat d'un nom de domaine sur internet en 2012, d'une facture de souscription d'un abonnement Viado en 2011, de la réalisation d'un stage de formation continue des entreprises dans le cadre de l' activité d'auto- entrepreneur de Mme [D].

Il n'est pas établi par l'URSSAF que la société déterminait unilatéralement les conditions d'exécution du travail de Mme [D] ni que celle-ci a travaillé au sein d'un service organisé, ni que la société ait donné des consignes ou instructions quelconques à celle-ci quant à l'exécution de ses missions ou quant à ses méthodes d'organisation ou de travail. Le simple contrôle, usuel de l'exécution de la prestation contractuellement impartie à Mme [D] par les gérants ou l'expert comptable, ne suffit pas à caractériser le lien de subordination prétendu par l'URSSAF. Enfin, l'URSSAF n'établit l'existence d'aucun pouvoir de sanction sur Mme [D] dans l'exécution de sa mission. Le risque de voir son contrat de prestation non reconduit ou en cas de non-satisfaction quant à l'exécution des missions qui lui sont confiées ne constitue pas une sanction.

Compte tenu de ces éléments il convient de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions.

3- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles. L'URSSAF sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l'URSSAF qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dit l'appel recevable ;

Déboute la société de sa demande de production de pièces, de sursis à statuer ;

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne à payer à la société [T] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/02146
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;19.02146 ?
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