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25/01/2023 | FRANCE | N°19/00374

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 25 janvier 2023, 19/00374


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/00374 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PO3G













SAS [8] ([8])



C/



URSSAF BRETAGNE























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'A

PPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débats, et Mme Adeli...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/00374 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PO3G

SAS [8] ([8])

C/

URSSAF BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débats, et Mme Adeline TIREL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Octobre 2022

devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 07 Décembre 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES

Références : 21400965

****

APPELANTE :

SAS [8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jérôme STEPHAN de la SCP VIA AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

URSSAF BRETAGNE

[Adresse 19]

[Localité 4]

représentée par Mme [S], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'une vérification opérée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne (l'URSSAF) de l'application des législations de sécurité sociale par [8] (la société) sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 août 2012, l'organisme lui a notifié différentes lettres d'observations datées du 28 mai 2013 (une lettre d'observations par compte).

Pour l'établissement situé à [Localité 10], la lettre d'observations retient les chefs de redressement « travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié » et l'annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé. Pour les douze autres établissements, les lettres d'observations portent sur le chef de redressement « annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé ».

Les infractions de travail dissimulé ont par ailleurs fait l'objet d'un procès-verbal daté du 16 octobre 2012 adressé au Procureur de la République.

Par lettre du 2 juillet 2013, la société a formulé ses observations concernant le chef de redressement « travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emplois salariés ».

En réponse, par lettre du 29 juillet 2013, l'inspecteur a maintenu le chef de redressement contesté.

L'URSSAF a notifié treize mises en demeure du 19 novembre 2013, respectivement de :

- 67 648 euros, pour l'établissement situé à [Localité 10] ;

- 2 126 euros, pour l'établissement situé à [Localité 5] ;

- 1 279 euros, pour l'établissement situé à [Adresse 18] ;

- 2 706 euros, pour l'établissement situé à [Localité 6] ;

- 2 456 euros, pour l'établissement situé à [Localité 12] ;

- 694 euros, pour l'établissement situé à [Adresse 15] ;

- 7 970 euros, pour l'établissement situé à [Adresse 14] ;

- 2 091 euros, pour l'établissement situé à [Localité 11] ;

- 1 925 euros, pour l'établissement situé à [Localité 7] ;

- 868 euros, pour l'établissement situé à [Adresse 17] ;

- 1 068 euros, pour l'établissement situé à [Localité 9] ;

- 2 815 euros, pour l'établissement situé à [Adresse 13] ;

- 4 002 euros, pour l'établissement situé à [Adresse 16].

Elle a notifié en outre une mise en demeure du 3 décembre 2013 pour un montant de 130 161 euros, soit 106 986 euros en cotisations et contributions et 23 175 euros de majorations de retard.

Par lettre du 4 décembre 2013, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme, qui par décision du 19 juin 2014, a maintenu l'ensemble des chefs de redressement contestés et rejeté sa demande de remise de majorations de retard.

Après rejet de sa réclamation par décision explicite, la société a porté son litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine le 6 octobre 2014.

Par jugement du 7 décembre 2018, ce tribunal a :

- constaté que la société abandonne son moyen de forme tenant à la nullité de la mise en demeure du 3 décembre 2013 et du redressement subséquent ;

- débouté la société de son moyen tenant à faire reconnaître l'existence d'un accord tacite de l'URSSAF ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne en date du 19 juin 2014 ;

- validé les chefs de redressement relatifs à la dissimulation d'emplois salariés avec verbalisation d'un montant de 149 256 euros et les chefs de redressement relatifs à l'annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé d'un montant de 41 911 euros, auxquels s'ajoutent 36 642

euros de majorations de retard ;

- condamné la société au paiement de la somme de 223 455 euros (soit 187 114 euros et 36 341 euros de majorations de retard) selon la demande de l'URSSAF, sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société et l'URSSAF Bretagne de leurs demandes respectives formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration faite par communication électronique le 17 janvier 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 21 décembre 2018.

Par ses écritures adressées par le RPVA le 28 janvier 2021auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, au visa des articles R. 142-18 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en appel ;

Réformant la décision entreprise :

- annuler, pour les causes sus-énoncées, la décision de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne du 19 juin 2014 ;

- annuler, en conséquence, l'ensemble des chefs de redressement et les mises en demeure des 19 novembre 2013 et 3 décembre 2013 ;

- condamner l'URSSAF à verser à la société une indemnité de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 12 mai 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- confirmer l'absence d'accord tacite de l'URSSAF lors du précédent contrôle ;

A titre subsidiaire,

- constater la démonstration d'un lien de subordination caractérisé ;

- confirmer le redressement pour travail dissimulé ;

- confirmer l'ensemble des redressements opérés ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 19 juin 2014 ;

- condamner la société au paiement de la somme de 223 455 euros (soit 187 114 euros de cotisations et 36 341 euros de majorations de retard), sans

préjudice des majorations de retard complémentaires ;

- condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Bien que dans sa lettre d'observations relative à la vérification opérée pour l'établissement de [Localité 10] (pièce 1 de l'intimée comprenant en fait treize pièces communiquées, soit 13 lettres d'observations), l'inspecteur de l'URSSAF indique tout à la fois que l'objet du contrôle est la « recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionné à l'article L. 8221-1 du code du travail » et qu'il s'est déplacé les 19 et 20 septembre 2012 au [Adresse 1] à [Localité 3] pour effectuer un contrôle comptable d'assiette de la société « [8] », il n'est pas contesté par les parties que le redressement fait suite à une vérification de l'application de la législation sociale limitée à la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail.

C'est dans ce cadre que l'inspecteur ayant constaté que MM. [X] et [Y] avaient travaillé pour le compte de cette société en tant qu'agents commerciaux, il a procédé à l'analyse de leur contrat de mandat.

Il a conclu au terme de ses investigations qu'il s'agissait de faux travailleurs indépendants, justifiant de requalifier les relations contractuelles en relation de travail et d'assujettir les commissions versées aux cotisations de sécurité sociale.

Sur la portée d'un précédent contrôle et l'existence d'un accord tacite

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de son moyen tendant à faire reconnaître l'existence d'un accord tacite de l'URSSAF tiré d'un précédent contrôle portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2005 terminé sans redressement ni observation relativement aux conditions d'exercice des mandats de MM. [X] et [Y].

S'il est exact que le mandat de M. [Y] qui porte la date du 2 avril 2004 aurait déjà pu être soumis à l'examen critique de l'inspecteur, tel n'est pas le cas de M. [X] dont le contrat de mandat porte la date du 1er septembre 2010.

En tout état de cause, URSSAF rappelle exactement que comme l'a jugé la Cour de cassation (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-13.786), le cotisant ne peut se prévaloir de l'approbation tacite, lors d'un contrôle antérieur, de ses pratiques par l'organisme de recouvrement pour faire obstacle à un redressement consécutif à un constat de travail dissimulé.

Sur l'existence d'un travail dissimulé et sur le bien-fondé du redressement opéré

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-16.606 ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-19.493).

Selon l'article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale, les personnes physiques mentionnées à l'article L. 8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Dès lors, il appartient à l'organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non-salariat, de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique. (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-13.944).

Il est exact que l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Si le lien de subordination est l'élément décisif et s'il appartient au juge de le détecter à la lumière des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction mis en oeuvre par l'employeur, la seule intégration à un service organisé est impropre à caractériser l'existence d'un lien de subordination s'il n'apparaît pas que le travailleur indépendant est soumis par ailleurs au pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur prétendu.

Force est de constater que les développements de l'inspecteur relayés par l'URSSAF dans ses conclusions sont inopérants s'agissant de démontrer l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société (Soc., 13 avril 2022, n° 20-14.870) et ne permettent pas de retenir que pendant l'exécution de ses missions, la société disposait du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements.

Le simple contrôle, usuel, de l'exécution loyale du contrat, ne suffit pas à caractériser le lien de subordination prétendu.

Il n'est ni allégué ni démontré que le pouvoir disciplinaire de l'employeur prétendu serait établi en ce qu'à l'article 8 du contrat de mandat régularisé par M. [Y], il a été contractuellement prévu qu'en cas de violation par l'intéressé de son obligation de non-concurrence, il s'exposait, non seulement à la résiliation de son contrat, mais également au paiement d'une indemnité forfaitaire de 750 euros par jour de retard à cesser l'infraction à partir de sa constatation.

Cette clause, qui tient à la fois de la clause pénale et de l'astreinte, n'excède pas les conditions d'engagement de la responsabilité de tout mandataire.

La circonstance que MM. [X] et [Y] se sont engagés à ne pas déployer, en tant que négociateur immobilier, une activité concurrente à celle de l'appelante ce qui les place, de ce fait, dans une relation d'exclusivité et de dépendance économique est conforme au voeu de la loi, l'article L. 134-3 du code de commerce énonçant que l'agent commercial ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier.

Est sans emport sur le présent litige la circonstance que M. [K], précédemment négociateur immobilier avec le statut d'agent commercial est devenu salarié de la société, alors qu'en tout état de cause il a été embauché en tant que responsable d'agence.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé et que les redressements dont s'agit seront annulés, sans qu'il y ait lieu de faire verser aux débats la lettre d'observations correspondant à la mise en demeure du 3 décembre 2013 ou de relever d'office le moyen tiré du calcul du redressement selon une assiette reconstituée en sollicitant les explications des parties sur le sort réservé aux sommes versées au titre de la TVA ou encore en demandant la mise en cause des deux salariés prétendus.

Si l'inspecteur a indiqué qu'il avait procédé à une reconstitution en brut de l'assiette des cotisations, aucun des éléments versés au dossier ne permet de déterminer la méthode de calcul qu'il a employée pour majorer l'assiette, ni le montant net à partir duquel il a procédé à son calcul lequel résulte d'une base erronée (2e Civ., 24 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.192 ; 2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-23.904).

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à l'appelante la charge de ses frais irrépétibles.

L'URSSAF sera condamnée en conséquence à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du 7 décembre 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine sauf en ce qu'il a débouté la société de son moyen tendant à faire reconnaître l'existence d'un accord tacite de l'URSSAF tiré d'un précédent contrôle ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Annule l'ensemble des chefs de redressement ;

Annule par voie de conséquence les mises en demeure des 19 novembre 2013 et celle du 3 décembre 2013 ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne à verser à la SAS [8] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/00374
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;19.00374 ?
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