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24/01/2023 | FRANCE | N°20/05097

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 24 janvier 2023, 20/05097


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 29



N° RG 20/05097 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RAKL













S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE



C/



S.A.R.L. [U] [J]

































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me DUTTO

Me DEMIDOFF



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE

RENNES

ARRÊT DU 24 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 29

N° RG 20/05097 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RAKL

S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE

C/

S.A.R.L. [U] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DUTTO

Me DEMIDOFF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et ,Madame Lydie CHEVREL lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Novembre 2022

devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE, société à responsabilité limitée au capital de 7.000,00 €, immatriculée au RCS de RENNES sous le n°490 046 026

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent DUTTO de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. [U] [J], immatriculée au RCS de VANNES sous le n°534 579 305, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie pierre HAMON PELLEN de la SCP HAMON-PELLEN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de VANNES

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS

Le 10 avril 2017 la SARL [U] [J], entreprise de plomberie et de travaux d'installation d'eau et de gaz a souscrit auprès de la société TELECOM MONETIQUE un contrat de téléphonie mobile intégral Pro Mobilité Orange.

Le 2 octobre 2019, M.[J] [U], le gérant de la société [U], a sollicité un forfait téléphonique pour une utilisation en Tunisie du 7 octobre au 13 octobre 2019.

Le même jour le responsable commercial de la société TELECOM MONETIQUE a communiqué une proposition commerciale.

Le 7 octobre 2019, Mme [N] [U] la fille de M. [U] a utilisé la ligne et a débloqué l'usage qui avait été bloqué en raison d'un dépassement du forfait.

Le 3 novembre 2019, la société TELECOM MONETIQUE a adressé à la SARL [U] [J] une facture d'un montant de 46 373,10 euros au titre de son abonnement du 1er novembre 2019 au 30 novembre 2019 et de la consommation du 1er au 31 octobre 2019.

Le 18 novembre 2019 elle a remplacé cette facture par une nouvelle facture sous le libellé 'frais ponctuels du 1er au 31 octobre 2019 ' d'un montant de 46 373,10 euros.

La SARL [U] [J] a contesté la facturation assimilant les services de la société TELECOM MONETIQUE à des pratiques commerciales trompeuses.

La proposition commerciale de la société TELECOM MONETIQUE du 19 novembre 2019 visant à limiter la facture à la somme de 23 186,55 euros TTC n'a pas aboutie.

Par acte du 6 janvier 2020, la société TELECOM MONETIQUE a assigné en paiement la société [U] [J] pour la somme de la somme de 46 373,10 euros.

Par décision du 17 septembre 2020 le tribunal de commerce de Rennes a :

-déclaré être compétent pour juger de l'affaire,

-Déclaré la demande en paiement de la société TELECOM MONETIQUE recevable et bien fondée en la forme,

-Dit que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation d'information préalable complète et circonstanciée vis-a-vis de la société [J] [U],

- Débouté la société TELECOM MONETIQUE de sa demande en paiement à l'encontre de la société [U] de la somme de 46 373,10 euros,

- Débouté la société TELECOM MONETIQUE du surplus de ses demandes fins et conclusions,

- Débouté la société [U] du surplus de ses demandes fins et conclusions,

- Condamné la société TELECOM MONETIQUE qui succombe aux entiers dépens,

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 73.22 euros tel que prévu aux articles du code de procédure civile.

Par acte du 21 octobre 2020 la société TELECOM MONETIQUE a interjeté appel du jugement.

L'ordonnance de clôture est en date du 20 octobre 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 8 avril 2021 la société TELECOM MONETIQUE demande à la cour au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, 15 du règlement UE n° 531/2012 du 13 juin 2012 de :

- Infirmer et à tout le moins réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 17 septembre 2020,

- Débouter la société [U] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et

conclusions,

- Condamner la société [U] [J] au paiement de la somme de 46.373,10 euros TTC à la société TELECOM MONETIQUE au titre de la facture impayée, outre indemnité de recouvrement de 40 euros et intérêts de retard (5 fois le taux légal), conformément à l'article 4.3 des CGV,

-Condamner la société [U] [J] à verser à la Société TELECOM MONETIQUE la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société [U] [J] aux dépens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce).

Dans ses écritures notifiées le 22 février 2021 la société [U] [J] demande à la cour au visa de l'article 1112-1 du code civil, des articles 1230-1 et suivants du code civil,

de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 17 septembre 2020, en toutes ses dispositions,

- Débouter en conséquence, la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner la société TELECOM MONETIQUE à verser à la SARL [U] [J] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société TELECOM MONETIQUE aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs conclusions visées supra.

MOTIFS

Les obligations de l'opérateur de téléphonie

La SARL [U] [J] affirme qu'elle n'a jamais été informée des conditions tarifaires à l'international, ni alertée par la consommation excessive.

La société TELECOM MONETIQUE rappelle qu'elle a respecté ses obligations d'information en application de l'article 15 alinéa 1 du Règlement EU n° 531/ 2012 du 13 juin 2021.

L'article 15 du Règlement UE n° 531/2012 du 13 juin 2021 prévoit :

1. Les fournisseurs de services d'itinérance veillent à ce que, tant avant qu'après la conclusion d'un contrat, leurs clients en itinérance soient tenus correctement informés des prix applicables à l'utilisation des services de données en itinérance réglementés de façon à leur permettre de mieux comprendre les conséquences financières de cette utilisation ainsi que de contrôler et maîtriser leurs dépenses en services de données en itinérance réglementés conformément aux paragraphes 2 et 3.

Le cas échéant, les fournisseurs de services d'itinérance informent leurs clients, avant la conclusion d'un contrat puis à intervalles réguliers, des risques de connexion et de téléchargement de données en itinérance automatiques et incontrôlés. En outre, ils indiquent à leurs clients, gratuitement et de manière claire et aisément compréhensible, comment interrompre de telles connexions automatiques à des services de données en itinérance, afin d'éviter une consommation non maîtrisée de services de données en itinérance.

2. Un message automatique du fournisseur de services d'itinérance informe le client en itinérance qu'il utilise un service en itinérance et lui donne des informations personnalisées de base sur le tarif (dans la devise de la facture d'origine établie par son fournisseur national), exprimé en prix par mégaoctet et applicable à la fourniture de services de données en itinérance réglementés à ce client en itinérance dans l'État membre concerné, sauf si le client a notifié à son fournisseur de services d 'itinérance qu 'il ne souhaitait pas disposer de cette information

Chaque client a le droit de demander au fournisseur de services d'itinérance de cesser d'envoyer ces notifications et de demander, à tout moment et gratuitement, à son fournisseur de rétablir le service.

Lorsque le plafond (financier ou exprimé en volume) est près d'être dépassé, une notification est envoyée sur l'appareil mobile du client en itinérance. Cette notification indique la procédure à suivre si le client souhaite continuer à bénéficier de ces services, ainsi que le coût de chaque unité supplémentaire consommée. Si le client en itinérance ne réagit pas suivant les instructions données dans la notification, le fournisseur de services d'itinérance cesse immédiatement de fournir et de facturer des services de données en itinérance réglementés au client en itinérance aussi longtemps que ce dernier ne demande pas la poursuite ou le rétablissement de la fourniture de ces services.

Chaque fois qu'un client en itinérance demande à opter pour une fonction «plafond financier ou exprimé en volume» ou à la supprimer, le changement est effectué gratuitement dans un délai d'un jour ouvrable à compter de la réception de la demande et ne peut être assorti de conditions ou de restrictions liées à d'autres éléments de l'abonnement.

En l'espèce faisant suite à la demande de M. [U] en vue d'un déplacement en Tunisie

la société TELECOM MONETIQUE a fait parvenir à sa fille [N], le 2 octobre 2019 un mail lui indiquant :

Comme échangé ce matin, et pour ne pas avoir de mauvaise surprise, vous trouverez en pièce jointe la tarification applicable à la zone 2.

La facturation sera faite en fonction de votre consommation et de votre usage.

Pour validation, merci de me joindre les deux documents signés et annotés 'lu et approuvé'

Vous me donnerez une date de départ et m'appellerez à votre retour pour avoir un service au plus juste.

Ce mail était accompagné de deux pièces jointes en pdf :

- Activation internationale pour une semaine,

- Tarification zone 2.

Seule l'activation internationale pendant une semaine était gratuite.

En revanche la grille de tarification en zone 2 détaille les prix pratiqués. Ces tarifs étaient donc déterminables.

La proposition commerciale Ref (PROV 1993) :

Activation internationale pour une semaine,

facturation suivant grille jointe.

Précise :

'le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations de services et de location jointe à la présente proposition commerciale et les acccepter sans réserve avant de passer commande en retournant la présente proposition commerciale'

Elle est revêtue du 'bon pour accord au 3 octobre 2019" avec cachet de la société [U] [J] et signature de M. [U].

Ce document établit que le mail envoyé à sa fille a été lu y compris avec ses deux pièces jointes, quant bien même La SARL [U] [J] n'a renvoyé qu'une seule pièce jointe avec le bon pour accord.

Cette proposition commerciale pour une utilisation à l'étranger ne constitue qu'un service supplémentaire au contrat initial de 2017 et non un nouveau contrat, ce que M. [U] reconnaît dans son courrier de plainte du 21 novembre 2019.

Ainsi il importe peu que ce soit la fille de M.[U] qui ait reçu le mail avec ses deux pièces jointes, puis utilisé la ligne en Tunisie dans la mesure où la demande de forfait à l'international a été faite au nom de la société [U] [J] comme le confirme son gérant dans la lettre du 21 novembre 2019.

En outre la société TELECOM MONETIQUE rapporte ainsi la preuve que le 7 octobre 2019, l'utilisateur de la ligne a été informé du blocage de son usage.

En effet le 16 octobre 2019 elle a reçu un courriel du Centre de service client Sewan (société auprès de laquelle elle achète des unités de téléphonie Orange pour les revendre) :

J'ai ouvert une signalisation auprès de l'opérateur afin qu'ils obtiennent l'information, voici leur retour: J'ai bien une trace de blocage puis déblocage :

07-10-2019 02:24:18 Blocage 10 Mo

[Adresse 1]

07-10-2019 02:24:21

Info Conso : Votre consommation de données hors Europe ou USA /Canada vient d'atteindre 100% de votre forfait 10 Mo. Votre usage data est bloqué. Composez le #106# pour le débloquer.

L'information transmise et lue est confirmée par le déblocage volontaire de la ligne immédiatement après son blocage.

Cette opération instantanée de déblocage établit également que l'utilisateur de la ligne a parfaitement compris la manoeuvre et donc que les termes de l'alerte étaient clairs pour lui.

Dans ces conditions la société TELECOM MONETIQUE démontre qu'elle a respecté son obligation d'information.

Le jugement du tribunal est infirmé.

La facturation

La SARL [U] [J] considère que la facturation est incohérente.

La société TELECOM MONETIQUE estime qu'elle est justifiée.

Le 19 novembre 2019 la société TELECOM MONETIQUE tenant compte des difficultés de la SARL [U] [J] a fait un effort considérable en proposant une réduction de la facture à la somme de 23 186 euros TTC, offre que cette dernière a déclinée.

La société TELECOM MONETIQUE a transmis deux factures d'un même montant la seconde venant en remplacement de la première en raison d'une erreur d'adresse.

La première facture du 3 novembre 2019 n° 2019TEL02336 d'un montant de 38 644,25 euros HT soit 46 373,10 euros TTC détaille les frais de consommation :

appel reçu zone 2 76, 11 euros HT

appel depuis zone 2 vers zone 1 62,35 euros HT

SES international émis vers zone 2 bis 0,32 euros HT

data international depuis zone 2 3,42 Go 38 476,47 euros HT

La facture n° 2019TEL02382 du 18 novembre 2019 intitulée 'frais ponctuels' est du même montant sans reprendre le détail des consommations.

La grille tarifaire transmise par mail le 2 octobre précise que les frais de data international depuis la zone 2 sont de 11,25 euros par unité M.

Un Go équivaut à 1 000 M et donc 3,42 Go équivalent à 3420 M

3420 X 11,25 : 38 475 euros HT

La facture est donc justifiée et même ne comptabilise pas les sommes de 76,11 euros, 62,35 euros et 0,32 euros.

La SARL [U] [J] était donc en capacité de faire le lien entre les tarifs de la grille et les frais par unité consommée.

La SARL [U] [J] est condamnée à régler la somme de 38 644,25 euros HT soit 46 373,10 euros TTC outre indemnité de recouvrement de 40 euros et intérêts de retard (5 fois le taux légal), conformément à l'article 4.3 des CGV qui figurent aux pièces de l'appelante.

Le jugement du tribunal de commerce est infirmé.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de rejeter la demande de la société TELECOM MONETIQUE au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La SARL [U] [J] est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

- Infirme le jugement du tribunal de commerce.

Statuant à nouveau :

- Condamne la SARL [U] [J] à régler à la société TELECOM MONETIQUE la somme de 38 644,25 euros HT soit 46 373,10 euros TTC outre indemnité de recouvrement de 40 euros et intérêts de retard (5 fois le taux légal), conformément à l'article 4.3 des CGV;

- Rejette les autres demandes des parties;

- Condamne la société la SARL [U] [J] à régler les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/05097
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.05097 ?
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