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20/01/2023 | FRANCE | N°20/00556

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 20 janvier 2023, 20/00556


2ème Chambre





ARRÊT N°23



N° RG 20/00556

N° Portalis DBVL-V-B7E-QNNL













M. [O] [Y]

Mme [X] [G] épouse [Y]



C/



SA BNP PARIBAS



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me LE GRAND

- Me D'AUDIFF

RET



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-N...

2ème Chambre

ARRÊT N°23

N° RG 20/00556

N° Portalis DBVL-V-B7E-QNNL

M. [O] [Y]

Mme [X] [G] épouse [Y]

C/

SA BNP PARIBAS

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me LE GRAND

- Me D'AUDIFFRET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Décembre 2022

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [O] [Y]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [X] [G] épouse [Y]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Tous représentés par Me Clarisse LE GRAND, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Tous représentés par Me Fiona BOURDON, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Joachim D'AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D'AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Nicolas BAUCH LABESSE du cabinet TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON AZEROUAL & BAUCH-LABESSE Associés, plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable de crédit immobilier acceptée le 28 février 2012, la société BNP Paribas (la BNP) a, en vue de racheter un crédit antérieur, consenti à M. [O] [Y] et Mme [X] [G] son épouse ( les époux [Y]) un prêt de 669 498 euros au taux de 3,94 % l'an, remboursable en 181 mensualités.

Par offres d'avenant émises les 19 juin 2014 et 20 janvier 2017, le taux d'intérêts a été respectivement ramené à 3,43 % puis 1,45 % l'an.

Prétendant que le taux effectif global (TEG) du contrat de prêt et de ses avenants, de, respectivement, 4,69 %, 4,41 % et 2,79 %, serait inexact comme ne tenant pas compte de certains frais et n'étant pas proportionnel au taux de période, ou que le taux de période ou la durée de la période ne seraient pas indiqués, les emprunteurs ont, par acte du 14 février 2017, fait assigner le prêteur devant le tribunal de grande instance de Nantes en annulation de la stipulation d'intérêts, subsidiairement en déchéance du droit du prêteur aux intérêts, restitution du trop-perçu d'intérêts et paiement de dommages-intérêts.

Rejetant les contestations portant sur l'offre initiale, mais relevant en revanche que l'avenant du 19 juin 2014 ne mentionnait pas le taux de période, le premier juge a, par jugement du 26 novembre 2019 :

prononcé la nullité de la clause d'intérêts de l'avenant du 19 juin 2014,

ordonné la substitution du taux conventionnel de 3,94 % au taux conventionnel de 3,43 % l'an pour toute la durée d'exécution de l'avenant du 19 juin 2014,

condamné la BNP à communiquer aux époux [Y] un nouveau tableau d'amortissement conforme aux dispositions qui précèdent, dans un délai de 30 jours a compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 25 euros par jour de retard pendant six mois, passés lesquels il devra de nouveau être statué,

condamné la BNP aux dépens,

condamné la BNP à payer aux époux [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l`article 700 du 'nouveau' code de procédure civile,

débouté les parties de leurs autres demandes,

dit n'y avoir lieu a exécution provisoire.

Les époux [Y] ont relevé appel de cette décision le 22 janvier 2020, pour demander à la cour de :

la confirmer en ce qu'elle a prononcé la nullité de la clause d'intérêts de l'avenant du 19 juin 2014 et condamné la BNP aux dépens de première instance ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'infirmer pour le surplus,

s'agissant du contrat de prêt initial :

à titre principal, prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts,

ordonner la substitution au taux d'intérêt conventionnel, du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,71 % ,

à titre subsidiaire, prononcer la déchéance des intérêts conventionnels à hauteur du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat du prêt, soit 0,71 %,

condamner la BNP au paiement de la somme de 52 000 euros correspondant aux intérêts indûment versés jusqu'au 5 juillet 2014, date de prise d'effet de l'avenant, sauf à parfaire,

s'agissant de l'avenant :

prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts,

ordonner la substitution au taux d'intérêt conventionnel, du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion de l'avenant, soit 0,04 %,

condamner la BNP au paiement de la somme de 10 000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre de l'avenant depuis la date de prise d'effet de l'avenant jusqu'au jour des conclusions, sauf à parfaire,

enjoindre la BNP, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion de l'avenant, soit 0,04 %, au taux conventionnel,

en tout état de cause :

condamner la BNP au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la BNP aux entiers dépens.

Ayant formé appel incident, la BNP demande à la cour de :

confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes des époux [Y] relatives au calcul du TEG et à la mention de la durée de période dans l'offre et l'avenant,

l'infirmer en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause d'intérêts conventionnels de l'avenant du 19 juin 2014 à raison de l'absence de mention du taux de période, et condamné la BNP au paiement d'une indemnité de 3 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance,

à titre subsidiaire, considérer que la seule sanction applicable est la déchéance du droit du prêteur aux intérêts dans la proportion fixée par le juge et qu'elle ne saurait en l'espèce excéder la réparation du préjudice subi jusqu'à l'avenant du 20 janvier 2017,

en toute hypothèse, condamner les époux [Y] au paiement, en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'à l'intégralité des dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les époux [Y] le 21 septembre 2020 et pour la BNP le 29 janvier 2021, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 octobre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour annuler la stipulation d'intérêts de l'avenant du 19 juin 2014, le premier juge a retenu que cet acte qui modifiait le taux d'intérêts du prêt ne mentionnait pas le taux de période, en violation de l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.

Il est cependant de principe qu'en application de l'article L. 312-14-1 devenu L. 313-39 du code de la consommation, les modifications du contrat initial en cas de renégociation d'un crédit immobilier sont apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations, sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période.

Le jugement attaqué ne pourra donc qu'être infirmé.

Les époux [Y] soutiennent par ailleurs que l'offre de prêt initiale serait irrégulière en ce que la durée de la période ne serait pas mentionnée, que le taux de période n'aurait pas été calculé actuariellement et serait en tous cas erroné, et que le TEG indiqué dans l'acte ne serait pas proportionnel au taux de période.

Pourtant, l'acte indique que le TEG est de 4,69 %, 'soit un taux mensuel de 0,39 %', et que le prêt sera remboursé en une mensualité d'intérêts de 2 198,19 euros puis 180 mensualités de 4 932,09 euros hors assurance emprunteur, ces mentions satisfaisant donc aux exigences de l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, relatives à l'obligation de communiquer la durée de la période.

D'autre part, il est certain que l'explication fournie par la banque sur la méthode calcul du TEG de 3,94 %, présenté comme l'addition du taux d'intérêts annuel de 3,94 % augmenté d'un 'taux de charges additionnelles' de 0,75 %, dont elle semble déduire un taux de période mensuel de 0,39 %, n'est pas conforme aux dispositions de l'article R. 313-1, II du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoyant que, pour une prêt immobilier, que le TEG est un taux annuel proportionnel au taux de période qui est calculé actuariellement et doit assurer, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre les sommes prêtées et tous les versements de l'emprunteur en capital, intérêts et frais, le cas échéant estimés.

Pour autant, rien ne démontre que le TEG mentionné dans l'offre initiale n'ait pas été exactement calculé selon ces prescriptions, le cas échéant après arrondi selon les règles posées par l'annexe à l'article R. 313-1 dont, contrairement à ce que les appelants prétendent, aucune disposition n'exclut l'application aux prêts autres que ceux dont le TEG est calculé selon la méthode d'équivalence.

À cet égard, les époux [Y] produisent une analyse financière de la société Humania Consultant aboutissant, en prenant en compte les mêmes frais que ceux inclus par la banque dans l'assiette de calcul de son TEG, un taux de période de 0,39076 %, ce qui fait ressortir un TEG annuel proportionnel au taux de période mensuel de 4,68912 %, soit, après une exacte application des règles d'arrondi, un TEG de 4,69 % conforme à celui indiqué dans l'offre.

Les époux [Y] reprochent aussi à la BNP de ne pas avoir inclus dans l'assiette de calcul de son TEG les frais liées à l'hypothèque garantissant le prêt qui, selon une autre analyse financière de la société Lauranaël, aurait fait ressortir le TEG réel, après arrondi, à 4,80 %, ainsi que ceux liés à la tenue du compte de domiciliation des emprunteurs.

Cependant, si l'offre prévoit l'ouverture d'un compte interne destiné à gérer le crédit, il est précisé qu'il ne constitue pas un compte de dépôt, aucune obligation de domiciliation des revenus chez le prêteur, ni aucun frais de fonctionnement de ce compte interne n'étant par ailleurs stipulés.

En tout état de cause, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, il appartenait aux époux [Y] de rapporter la preuve de ce que des frais conditionnant l'octroi du prêt n'avaient pas été pris en compte, ou l'avaient été pour un montant inexact, ce qu'ils ne font pas puisqu'aucune des analyses financières produites ne porte sur ce prétendu vice et que, malgré les objections de la banque, ils ne précisent pas même le montant des frais de domiciliation bancaire prétendument éludés de l'assiette de calcul du TEG.

D'autre part, s'il est exact que le coût de la garantie hypothécaire, qui était une condition de l'octroi du prêt, n'était pas pris en compte dans le calcul du TEG de 4,69 %, la BNP fait valoir avec raison que les époux [Y] se sont bornés à évaluer, à partir d'un site de l'Internet et pour les besoins de la cause, le coût de cette garantie à 2 950 euros, sans justifier du montant exact et réel de ces frais et de la date d'émission de la facture du notaire.

Au surplus, l'analyse financière de la société Lauranaël, sur laquelle ils fondent leurs prétentions, fait ressortir le taux de période, incluant dans son assiette de calcul le coût de la garantie hypothécaire à hauteur de cette évaluation, à 0,39629381 %, soit un TEG annuel proportionnel de 4,75552572 %.

Il en ressort donc, selon les calculs de leur propre expert, une erreur de TEG de 0,06552572 % (4,69 - 4,75552572), inférieure à la marge d'erreur d'une décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 dont, contrairement à ce que les appelants prétendent, aucune disposition n'exclut l'application aux prêts autres que ceux dont le TEG est calculé selon la méthode d'équivalence.

Il convient par conséquent de débouter les époux [Y] de leurs demandes.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de l'intégralité des frais exposés par la BNP à l'occasion des procédures de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une indemnité globale de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 26 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes en toutes ses dispositions ;

Déboute M. [O] [Y] et Mme [X] [G] épouse [Y] de leurs demandes ;

Condamne M. [O] [Y] et Mme [X] [G] épouse [Y] à payer à la société BNP Paribas une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] [Y] et Mme [X] [G] épouse [Y] aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00556
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;20.00556 ?
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