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20/01/2023 | FRANCE | N°19/08230

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 20 janvier 2023, 19/08230


2ème Chambre





ARRÊT N°19



N° RG 19/08230

N° Portalis DBVL-V-B7D-QLBZ





(2)







CRCAM DU FINISTERE



C/



Mme [B] [J] épouse [P]

Mme [L] [P] épouse [F]

M. [T] [P]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me TESSIER

- Me DAVID







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président d...

2ème Chambre

ARRÊT N°19

N° RG 19/08230

N° Portalis DBVL-V-B7D-QLBZ

(2)

CRCAM DU FINISTERE

C/

Mme [B] [J] épouse [P]

Mme [L] [P] épouse [F]

M. [T] [P]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me TESSIER

- Me DAVID

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [B] [J] épouse [P]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Madame [L] [P] épouse [F]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [T] [P] [Adresse 6]

[Localité 1]

Tous représentés par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Tous représentés par Me Lucie BREMOND de la SELARL BGLG, plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous-seing-privé en date du 20 mars 2009, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère a consenti au GAEC de la Véronique un prêt n° 00242761818 d'un montant de 54 800 euros au taux de 4,95 % remboursable en 150 mensualités. Mme [L] [F] née [P], M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] notamment se sont portés cautions solidaires à hauteur de la somme de 71 240 euros.

 

Suivant acte sous-seing-privé en date du 15 juillet 2009, la banque a consenti au GAEC de la Véronique un prêt n° 00245476390 d'un montant de 97 000 euros au taux de 5,36 % l'an remboursable en 150 mensualités. M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] notamment se sont portés cautions solidaires à hauteur de la somme de 126 100 euros.

 

Suivant acte sous-seing-privé en date du 19 février 2010, la banque a consenti au GAEC de la Véronique un prêt n° 00248845399 d'un montant de 125 000 euros au taux de 5,01 % l'an remboursable en 180 mensualités. M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] notamment se sont portés cautions solidaires à hauteur de la somme de 162 500 euros.

 

Le GAEC de la Véronique est devenu l'EARL de la Véronique en 2013.

 

Suivant jugement en date du 12 juin 2018, le tribunal de grande instance de Quimper a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de l'EARL de la Véronique.

 

Suivant acte d'huissier en date du 26 novembre 2018, la banque a assigné Mme [L] [F] née [P], M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] en paiement devant le tribunal de grande instance de Quimper.

 

Suivant jugement en date du 19 novembre 2019, le tribunal a :

 

Débouté la banque de ses prétentions.

Condamné la banque aux dépens et à payer aux consorts [P] la somme de 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Suivant déclaration en date du 20 décembre 2019, la banque a interjeté appel.

 

En ses dernières conclusions en date du 28 janvier 2021, la banque demande à la cour de :

 

Vu les articles 1103 et suivants du code civil,

 

Déclarer son appel recevable et bien fondé.

Y faisant droit, infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dire que les engagements contractés par les consorts [P] ne sont pas disproportionnés au regard de leurs revenus et patrimoines respectifs.

En conséquence,

Condamner solidairement M. [T] [P], Mme [B] [P] née [J] et Mme [L] [F] née [P] à lui payer la somme de 34 871,55 euros au titre du prêt n° 00242761818 suivant décompte arrêté à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux contractuel.

Condamner solidairement M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] à lui payer la somme de 44 514,26 euros au titre du prêt n° 00245476390 et la somme de 100 358,61 euros au titre du prêt n° 00248845399 suivant décomptes arrêtés à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux contractuel.

Ordonner la capitalisation des intérêts.

En tout état de cause,

Débouter les consorts [P] de leurs demandes, fins et conclusions.

Les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

 

En leurs dernières conclusions en date du 8 août 2022, les consorts [P] demandent à la cour de :

 

Vu les articles 1134 devenu 1103, 1147 devenu 1217, 1244-1 devenu 1343-5 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation devenu L. 332-1,

 

Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Condamner la banque à leur payer à chacun la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la banque aux dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Lucie Brémond.

Subsidiairement,

Dire que la banque a manqué à son devoir de mise en garde.

Condamner la banque à payer à Mme [L] [F] née [P] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamner la banque à payer à Mme [B] [P] née [J] et M. [T] [P] la somme de 60 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts.

Débouter la banque de sa demande au titre des intérêts et/ou pénalités de retard.

Ordonner la compensation des créances respectives.

Leur accorder la possibilité de s'acquitter de leurs dettes par échéances mensuelles de 50 euros.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

 

Au soutien de son appel, la banque fait valoir, s'agissant du caractère disproportionné de l'engagement des cautions retenu par le premier juge, qu'il n'a pas été tenu compte des biens immobiliers dont elles sont propriétaires.

 

Mme [L] [F] née [P] est propriétaire avec son époux de sa résidence principale sise à [Localité 5] et de parcelles de terrain depuis 1986. Elle ne démontre pas que la valeur nette de ces biens immobiliers était inférieure au montant de son engagement. Il ne peut être considéré dès lors que l'engagement de caution souscrit en garantie du prêt n° 00242761818 à hauteur de la somme de 71 240 euros était manifestement disproportionné au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce.

 

En l'absence de risque d'endettement excessif, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de Mme [L] [F]. Celle-ci ne démontre pas que le débiteur principal s'était exposé lui-même à un risque d'endettement excessif s'agissant de prêts contractés en 2009 et régulièrement remboursés jusqu'en 2018.

 

M. [T] [P] est devenu propriétaire en 2015 de divers biens immobiliers dont la valeur a été fixée selon l'acte de donation à la somme de 160 000 euros. Les époux [P] sont poursuivis en paiement de la somme de 179 744,42 euros en garantie des prêts n° 00242761818, n° 00245476390 et n° 00248845399. Leurs biens immobiliers, propres et de communauté, ainsi que leurs revenus d'un montant de 23 190 euros par an selon leur avis d'imposition pour l'année 2018, leur permettaient, au moment où ils ont été appelés, de faire face à leur engagement de cautions au sens de l'article L. 341-4 précité.

 

Il convient de rappeler que lorsque la disproportion manifeste a été écartée en raison du retour à meilleure fortune au moment de l'assignation, le cautionnement peut néanmoins être jugé inadapté aux capacités financières de la caution sous l'angle du devoir de mise en garde. Le préjudice consiste dans la perte de chance de ne pas contracter et la caution est fondée à demande à être déchargée ou à solliciter des dommages et intérêts.

 

A la date à laquelle ils se sont engagés, les époux [P] ne disposaient manifestement pas des capacités financières leur permettant de faire face à leur engagement de cautions. Leurs revenus s'établissaient à la somme de 20 801 euros par an. Ils ne disposaient alors d'aucun patrimoine immobilier. La banque ne peut se prévoir d'une déclaration de patrimoine en date du 3 février 2010 dans laquelle n'ont pas été distingués les actifs des époux [P] et de Mme [L] [F] née [P].

 

La banque ne peut valablement soutenir que les époux [P] sont des cautions averties au seul motif qu'ils ont été gérants du GAEC sans démontrer qu'ils justifiaient, en dehors de leur compétence dans l'activité agricole, d'une expérience de la vie des affaires suffisante pour leur permettre d'appréhender correctement la portée de leur engagement et les risques associés à l'opération financée.

 

Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

 

M. [T] [P], Mme [B] [P] née [J] et Mme [L] [F] née [P] seront condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 34 871,55 euros au titre du prêt n° 00242761818 suivant décompte arrêté à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux contractuel.

 

M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] seront condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 44 514,26 euros au titre du prêt n° 00245476390 et la somme de 100 358,61 euros au titre du prêt n° 00248845399 suivant décomptes arrêtés à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux contractuel.

 

La capitalisation des intérêts de droit sera ordonnée.

 

La banque sera condamnée à payer M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] la somme de 30 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas contracter.

 

La compensation des créances sera ordonnée.

 

Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par les consorts [P], la banque a justifié du respect de l'obligation d'information annuelle des cautions par la production des lettres d'information et des constats d'huissier attestant de l'envoi des lettres aux cautions. L'huissier de justice a attesté de ce que les consorts [P] figuraient au nombre des destinataires des courriers d'information. La déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue.

 

Eu égard à la durée de la procédure, les consorts [P] ont bénéficié de larges délais. Il ne sera pas fait droit à leur demande de délai de grâce.

 

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Les parties, qui succombent partiellement en leurs prétentions, supporteront la charge des dépens par elles exposés en première instance et en appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Lucie Brémond.

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

La cour,

 

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Quimper en date du 19 novembre 2019 en toutes ses dispositions.

 

Statuant à nouveau,

 

Condamne solidairement M. [T] [P], Mme [B] [P] née [J] et Mme [L] [F] née [P] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère la somme de 34 871,55 euros au titre du prêt n° 00242761818 suivant décompte arrêté à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux de 4,95 % l'an.

 

Condamne solidairement M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère la somme de 44 514,26 euros au titre du prêt n° 00245476390 suivant décompte arrêté à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux de 5,36 % l'an et la somme de 100 358,61 euros au titre du prêt n° 00248845399 suivant décompte arrêté à la date du 24 septembre 2018 outre les intérêts au taux de 5,01 % l'an.

 

Ordonne la capitalisation des intérêts.

 

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère à payer M. [T] [P] et Mme [B] [P] née [J] la somme de 30 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts.

 

Ordonne la compensation des créances.

 

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Laisse aux parties la charge des dépens par elles exposés en première instance et en appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Lucie Brémond.

 

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/08230
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;19.08230 ?
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