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20/01/2023 | FRANCE | N°19/07957

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 20 janvier 2023, 19/07957


2ème Chambre





ARRÊT N°17



N° RG 19/07957

N° Portalis DBVL-V-B7D-QKCE





(1)







Mme [N] [D]



C/



Mme [V] [Z]

Mme [R] [I] NEE [X]

Mme [Y] [L] NEE [F]

Mme [B] [U] NEE [T] [J]

Mme [O] [S]

Mme [M] [A]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours













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Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me LHERMITTE

- Me DUCLEUX-FARCY







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Présid...

2ème Chambre

ARRÊT N°17

N° RG 19/07957

N° Portalis DBVL-V-B7D-QKCE

(1)

Mme [N] [D]

C/

Mme [V] [Z]

Mme [R] [I] NEE [X]

Mme [Y] [L] NEE [F]

Mme [B] [U] NEE [T] [J]

Mme [O] [S]

Mme [M] [A]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me LHERMITTE

- Me DUCLEUX-FARCY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Céline LANDAIS, adjoint administratif faisant fonction de greffier, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [N] [D]

née le 07 Mai 1964 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Arnaud de LAVAUR de la SELARL LAVAUR AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Madame [V] [Z]

née le 05 Octobre 1972 à [Localité 3] (56)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [R] [I] NEE [X]

née le 16 Juin 1956 à [Localité 5] (59)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [Y] [L] NEE [F]

née le 25 Avril 1966 à [Localité 6] (56)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [B] [U] NEE [T] [J]

née le 31 Décembre 1965 à [Localité 4] (Portugal)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [O] [S] Nom d'usage [K]

née le 25 Avril 1972 à [Localité 7] (45)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [M] [A]

née le 10 Septembre 1973 à [Localité 8] (69)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Tous représentés par Me Axel DUCLEUX-FARCY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 6 février 2009, Mme [G] a cédé à Mme [D] un droit de présentation de sa patientèle d'infirmière libérale moyennant un prix de 20 000 euros.

La cessionnaire a ensuite exercé, comme la cédante, dans un cabinet infirmier de comportant six autres infirmières, Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A], jusqu'à ce que ces dernières mettent fin, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 décembre 2016, à 'l'association de fait' qui les unissaient depuis janvier 2009 pour 'incompatibilité relationnelle et difficultés dans l'organisation du travail'.

Se plaignant du comportement anti-confraternel de ses consoeurs, Mme [D] a saisi le conseil départemental de l'ordre des infirmiers du Finistère et du Morbihan le 16 janvier 2017.

Selon procès-verbal de 'conciliation partielle' du 7 avril 2017, les parties sont convenues que Mme [D] présenterait des candidats à sa succession dans le cabinet et que ses 'ex-associées', après rejet éventuel de deux candidatures, proposerait au candidat retenu un contrat d'exercice en commun.

Prétendant qu'au mépris de cet engagement, Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] n'auraient donné aucune suite à la présentation des trois candidats qu'elle avait sélectionnés, ayant ainsi détourné sa patientèle en lui faisant perdre la possibilité de céder son droit de présentation à un successeur, Mme [D] les a, par acte du 23 octobre 2018, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lorient en paiement de dommages-intérêts.

Les défenderesses se sont portées demanderesses reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts, en faisant grief à Mme [D] d'avoir détourné leurs patientèles en se réinstallant à proximité du cabinet.

Par jugement du 20 novembre 2019, les premiers juges ont :

débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

débouté Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné Mme [D] aux dépens.

Mme [D] a relevé appel de cette décision le 10 décembre 2019, pour demander à la cour de l'infirmer et de :

condamner solidairement Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] au paiement d'une somme de 65 570, 45 euros au titre de son préjudice financier,

condamner solidairement Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral,

débouter Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] de leurs demandes plus amples ou contraires,

dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

dire que les intérêts échus au terme d'une année suivant la date de l'assignation seront capitalisés,

condamner solidairement Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] demandent quant à elles à la cour de :

débouter Mme [D] de ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt pour agir,

subsidiairement, juger que la cession du 6 février 2009 ne portait que sur les droits de présentation de clientèle de Mme [G] à Mme [D], et la juger inopposable aux intimées,

très subsidiairement, juger cet acte de cession de clientèle nul et de nul effet, pour non-respect des dispositions de l'article 815-14 du code civil,

en tout état de cause, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

réformer ce jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes reconventionnelles,

condamner Mme [D] au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts au profit de chacune d'elles en réparation du préjudice matériel et moral subi,

condamner Mme [D] au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au profit de chacune d'elles au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux dépens de première instance,

la condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au profit de chacune d'elles pour les frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme [D] 29 septembre 2022, et pour Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] le 6 septembre 2022, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 octobre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande principale

Par acte authentique du 6 février 2009, Mme [G], qui autorisait Mme [D] à 's'installer à sa place comme infirmière' dans des locaux loués à [Localité 3] (56), s'est engagée à la présenter 'comme son successeur' tout en respectant le libre choix des clients qui composent la clientèle cédée, moyennant une indemnité de 20 000 euros.

Mme [D] soutient que, par cet acte, Mme [G] lui aurait, au moment de son départ à la retraite, cédé une partie de la patientèle commune du cabinet exploitée en équipe au travers d'une association de fait.

Prétendant avoir regroupé leurs activités en un même lieu avec Mme [G] tout en ayant chacune créé leur propre clientèle afin d'y exercer en toute indépendance et sans création de clientèle commune, Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] font quant à elles valoir que, n'étant pas parties à l'acte du 6 février 2009 dont elles ignoraient l'existence, celui-ci leur serait inopposable, Mme [D] ayant, selon elles, exercé dans le cabinet en qualité de remplaçante et, en tous, cas, sans avoir acquis une quote-part d'un clientèle commune, et que, d'ailleurs, si une telle clientèle commune avait existé, cet acte serait nul faute pour Mme [G] d'avoir cédé sa part dans la patientèle commune avec l'accord des autres indivisaires.

Quand bien même Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] n'étaient pas parties à l'acte du 6 février 2009 par lequel Mme [G] cédait à Mme [D] un droit de présentation de patientèle, il demeure que ces tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat.

À cet égard, elles ne peuvent sérieusement prétendre avoir ignoré que Mme [D] a exercé à compter de 2009 dans leur cabinet infirmier commun en qualité de successeur de Mme [G], et non avec un statut de simple remplaçante, alors que cet exercice a duré plus de sept ans, que Mme [D] participait à concurrence d'un septième aux frais de fonctionnement du cabinet, et que les intimées sont incapables de présenter le moindre contrat de remplacement établi en application de l'article R. 4312-43 devenu R. 4312-85 du code de la santé publique.

Par ailleurs, les intimées ne sont pas recevables à solliciter l'annulation de ce contrat sans que Mme [G] soit à la cause, nul ne pouvant, aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, être jugé sans avoir été préalablement entendu ou à tout le moins appelé.

Il est par ailleurs certain qu'il existait entre les sept infirmières une association de fait en vue de leur permettre d'exercer leur art dans des locaux communs, ou, en tous cas, d'organiser la tournée de leurs patients à partir de ces locaux qui, selon l'acte du 6 février 2009, étaient loués à une SCM Beaufort.

Pour autant, cette circonstance ne suffit nullement à caractériser l'existence d'une patientèle commune attachée au cabinet et auprès de laquelle les infirmières intervenaient à tour de rôle.

À cet égard, il sera d'abord observé qu'en violation des dispositions de l'article R. 4312-35 devenu R. 4312-73 du code de la santé publique, il n'a jamais été établi entre les parties de contrat écrit organisant un exercice en commun de leur profession, les locaux communs étant loués à une simple société de moyens.

D'autre part, l'acte de cession de droit de présentation de patientèle conclu le 6 février 2009 entre Mmes [G] et [D] ne portait pas sur une quote-part de la clientèle du cabinet, mais sur celle de la cédante, le prix de cession ayant été déterminé en considération du chiffre d'affaires et des bénéfices personnellement réalisés par cette dernière.

En outre, rien ne démontre que Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] aient de leur côté acquis une quote-part de la patientèle du cabinet, celles-ci déclarant au contraire que, bien qu'ayant regroupé leur activité en un même lieu, chacune d'elles avait sa propre clientèle qu'elle conservait et facturait, déclarant au fisc et aux organismes sociaux leur propre chiffre d'affaires.

L'organisation des tournées auprès des patients et la répartition des charges de fonctionnement du cabinet au prorata du nombre d'infirmières ne suffisent pas davantage à caractériser l'existence d'une clientèle commune auprès de laquelle les infirmières exerçaient leur art à tour de rôle, mais confirment seulement que celles-ci s'étaient regroupées au sein d'une association de fait afin de gérer en commun les moyens matériels nécessaires à leur activité individuelle et de s'organiser pour assurer la continuité des soins de leurs patients.

Au surplus, Mme [D] n'agit pas en partage de l'indivision constituée sur cette prétendue patientèle commune, mais sollicite le paiement de dommages-intérêts pour détournement de clientèle en faisant grief à Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] de lui avoir, par leur comportement déloyal et frauduleux, fait perdre la possibilité de céder son droit de présentation de patientèle à un successeur.

Or, alors que le procès-verbal de 'conciliation partielle' dressé le 7 avril 2017 sous l'égide du conseil de l'ordre des infirmiers reposait sur le principe de la cession de son droit de présentation de patientèle à un successeur agréé par les autres infirmières du cabinet, Mme [D] s'était déjà réinstallée dès le 7 mars 2017 dans la même commune d'[Localité 3], à proximité de son ancien cabinet, et a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires très proche de celui qu'elle avait réalisé en 2016 avant la rupture.

Elle fait valoir que, pour réaliser ce chiffre d'affaires équivalent, elle a dû effectuer en 2017 un nombre de jours travaillés très supérieur à celui effectué en 2016, mais cette circonstance procède essentiellement de ce qu'elle exerce à présent son activité seule, et non du prétendu détournement de patientèle reproché à Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A], qui n'est en rien démontré.

De surcroît, cette réinstallation, avant même l'établissement du procès-verbal de 'conciliation partielle', vidait de tout contenu le contrat de cession de droit de présentation de clientèle qui devait être régularisé avec son éventuel successeur dans le cabinet, de sorte que l'échec de la conciliation lui est imputable.

Il en résulte que les premiers juges ont à juste titre débouté Mme [D] de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle

Au soutien de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] font valoir que Mme [D] aurait elle-même enfreint les dispositions des articles R. 4312-61 et R. 42-82 du code de la santé publique en détournant la clientèle de chacune d'elles par des procédés déloyaux consistant à s'être réinstallé à proximité de son ancien cabinet infirmier en avisant la clientèle de son départ et de cette réinstallation par un courrier circulaire à destination des patients ainsi que par un encart dans la presse locale.

Cependant, alors qu'il n'existait ni clientèle commune, ni disposition contractuelle lui faisant interdiction de se réinstaller, Mme [D] n'a commis aucune faute en reprenant, après la rupture, son activité d'infirmière libérale auprès de sa patientèle.

D'autre part et dans ce contexte de cette réinstallation, la diffusion de cartes de visite comportant ses coordonnées et la parution dans la presse locale d'un encart purement informatif, faisant état de l'ouverture de son nouveau cabinet à compter du 7 mars 2017 et de la nature des soins qu'elle était susceptible de prodiguer, ne constituaient nullement un procédé de publicité commerciale prohibé par l'article R. 4312-76 du code de la santé publique.

Enfin, il n'était nullement fautif d'écrire aux patients afin de les informer de son départ du cabinet infirmier, le courrier du 6 mars 2017 ne faisant pas état de sa réinstallation.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont également rejeté cette demande reconventionnelle.

Sur les frais irrépétibles

C'est par une exacte appréciation de l'équité que les premiers juges ont estimé n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] l'intégralité des frais exposés par elles à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il sera alloué à chacune d'elles une somme de 416 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lorient en toutes ses dispositions ;

Condamne Mme [D] à payer à Mmes [Z], [I], [L], [U], [S] et [A] une somme de 416 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [D] aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07957
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;19.07957 ?
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