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13/01/2023 | FRANCE | N°21/08011

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre del'expropriation, 13 janvier 2023, 21/08011


Chambre de l'Expropriation





ARRÊT N° 01



N° RG 21/08011 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SKNQ













M. [O] [Z] [F] [T]

Mme [C] [H] [W] [N] [S] épouse [T]

Mme [G] [K] [U] [T]



C/



SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION D'EAU POTABLE DU BASSIN RENNAIS

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA REGION BRETAGNE ET DU DEPARTEMENT 35

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'éga

rd de toutes les parties au recours







Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Cartron

Me Heitzmann



Copie conforme à la Direction Régionale des Finances Publiques de la Région Bretagne et du Département d'Ille et V...

Chambre de l'Expropriation

ARRÊT N° 01

N° RG 21/08011 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SKNQ

M. [O] [Z] [F] [T]

Mme [C] [H] [W] [N] [S] épouse [T]

Mme [G] [K] [U] [T]

C/

SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION D'EAU POTABLE DU BASSIN RENNAIS

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA REGION BRETAGNE ET DU DEPARTEMENT 35

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Cartron

Me Heitzmann

Copie conforme à la Direction Régionale des Finances Publiques de la Région Bretagne et du Département d'Ille et Vilaine

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats, et Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Octobre 2022, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [A], commissaire du gouvernement, représentant la Direction Régionale des Finances Publiques de la Région Bretagne et du Département d'Ille et Vilaine

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 13 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [O] [Z] [F] [T]

né le 12 Mars 1932 à [Localité 19], de nationalité française, retraité

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 17]

Madame [C] [H] [W] [N] [S] épouse [T]

née le 18 Mars 1934 à [Localité 17], de nationalité française, retraitée

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 17]

Madame [G] [K] [U] [T]

née le 14 Février 1963 à [Localité 21], de nationalité française, secrétaire spécialisée

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 17]

Représentés par Me Dominique CARTRON de la SAS DOMINIQUE CARTRON, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

SYNDICAT MIXTE DE PROTECTION D'EAU POTABLE DU BASSIN RENNAIS dénommé 'COLLECTIVITE EAU DU BASSIN RENNAIS', représenté par son président en exercice

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 21]

Représenté par Me Sarah HEITZMANN de la SELARL THOMÉ HEITZMANN Société d'Avocats, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [C] [S] épouse [T] et M. [O] [T] sont propriétaires au [Localité 17] (Ille et Vilaine) d'un fonds rural cadastré section AE n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 1], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 10] d'une contenance totale de 4 ha [Cadastre 12] a 37 ca.

Leur fille, Mme [G] [T], est nue-propriétaire d'une parcelle contiguë, partiellement bâtie, cadastrée section AE n° [Cadastre 8], d'une contenance de 33 a 40 ca, dont ses parents sont usufruitiers.

Par deux arrêtés du 5 décembre 2014, le préfet d'Ille et Vilaine a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux de prélèvement et de dérivation des eaux par les captages de Bougrière et de Lilion et, d'autre part, instauré un périmètre de protection au sein duquel se trouvent notamment les parcelles susmentionnées (situées en l'espèce dans le périmètre dit 'rapproché complémentaire').

Les consorts [T] ont sollicité du syndicat mixte de production d'eau potable du bassin rennais (ci-après SMPBR) l'indemnisation de leurs préjudices. Aucun accord n'ayant été trouvé, les consorts [T] ont saisi, par mémoire du 19 juillet 2019, le juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine.

Un transport sur les lieux a été fixé au 10 mai 2021. L'audience s'est tenue au tribunal judiciaire de Rennes le 14 juin suivant et, par un jugement du 6 septembre 2021, le juge de l'expropriation a ':

- fixé à la somme de 7'620,10 euros l'indemnité due par le SMPBR aux époux [O] et [C] [T] au titre de la dépréciation de leurs parcelles du fait des arrêtés du 5'décembre 2014,

- fixé à la somme de 601,20 euros celle due du même chef par le dit syndicat à Mme [G] [T],

- débouté les consorts [T] du surplus de leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge du syndicat mixte de production d'eau potable du bassin rennais,

- condamné le syndicat à verser aux consorts [T] une somme de 1 '500 euros au titre des frais irrépétibles.

Les consorts [T] ont, le 20 décembre 2021, interjeté appel de cette décision par déclaration adressée au greffe de la cour par lettre recommandée.

Aux termes de leurs dernières écritures (12 octobre 2022), Mme'[C] [S] épouse [T], M. [O] [T] et Mme [G] [T] demandent à la cour de ':

- annuler le jugement du juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Rennes en date du 6'septembre 2021 et statuant à nouveau' :

- fixer à la somme de 8'221,30 euros l'indemnité de dépréciation des parcelles résultant de l'application des dispositions de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014 (7'620,10 + 601,20 euros) pour ce qui concerne les contraintes imposées sur le plan agricole,

- fixer à la somme de 77'500 euros l'indemnité compensatrice de la perte de valeur résultant de l'application des dispositions de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014 pour ce qui concerne la propriété bâtie cadastrée section AE n° [Cadastre 9] et son jardin qui y est rattaché cadastré section AE n° [Cadastre 3],

- fixer à la somme de 283'648 euros l'indemnité compensatrice de la perte de valeur résultant de l'application des dispositions de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014 pour les parcellaires des prairies rendues inexploitables en carrière pour sables et graves alluvionnaires,

subsidiairement,

- ordonner une expertise d'évaluation des ressources sablières et alluvionnaires des terrains appartenant aux consorts [T] et inclus dans le périmètre de protection de prélèvement,

- juger que ces indemnités porteront intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la demande préalable exprimée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 10 août 2016,

à défaut d'annulation ':

- confirmer le jugement du juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Rennes en date du 6 septembre 2021 en ce qu'il a fixé à la somme de 8'221,30 euros l'indemnité de dépréciation des parcelles résultant de l'application des dispositions de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014, pour ce qui concerne les contraintes imposées sur le plan agricole,

- réformer pour le surplus ce jugement et statuant à nouveau ':

- fixer à la somme de 77'500 euros l'indemnité compensatrice de la perte de valeur résultant de l'application des dispositions de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014 pour ce qui concerne la propriété bâtie cadastrée section AE n° [Cadastre 9] et son jardin qui y est rattaché cadastré section AE n° [Cadastre 3],

- fixer à la somme de 283'648 euros l'indemnité compensatrice de la perte de valeur résultant de l'application des dispositions de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014 pour les parcellaires des prairies rendues inexploitables en carrière pour sables et graves alluvionnaires,

subsidiairement,

- ordonner une expertise d'évaluation des ressources sablières et alluvionnaires des terrains appartenant aux consorts [T] et inclus dans le périmètre de protection de prélèvement,

- juger que ces indemnités porteront intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la demande préalable exprimée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 10 août 2016,

- condamner la collectivité Eau du Bassin Rennais au payement des dites sommes, outre une indemnité de 32'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les consorts [T] font valoir qu'ils n'ont jamais renoncé au transport sur les lieux mais uniquement sollicité que l'audience soit reportée en raison de la communication tardive des conclusions du commissaire du gouvernement comme de la collectivité Eau du bassin rennais. Rappelant que le transport sur les lieux est d'ordre public, ils soulèvent la nullité du jugement.

Ils précisent que la discussion porte sur la valeur du tréfonds, les parcelles étant situées à proximité d'une zone d'exploitation d'une sablière. Ils rappellent que les parcelles sont situées en zone N du plan local d'urbanisme où l'exploitation des carrières est autorisée sous certaines conditions. Or, l'article 5.1 de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014 interdit la création de nouvelles sablières ce qui constitue une restriction à leurs prérogatives de propriétaires et justifie une indemnisation à ce titre.

Ils ne remettent pas en cause le calcul des indemnités dues au titre des servitudes affectant l'utilisation terrestre (7'620,10 + 601,20 euros), mais contestent l'exclusion de la parcelle bâtie et du jardin ainsi que le refus d'indemniser l'interdiction d'utiliser et d'exploiter le sous-sol alors qu'il est établi que le tréfonds du terrain contient un gisement exploitable. De ce chef, ils estiment leur préjudice à la somme de 283'648 euros (128'000'm³ à 2,216 euros/m³).

S'agissant de la dépréciation de la parcelle bâtie (dont l'indemnisation avait bien été sollicitée devant le premier juge, contrairement à ce qui est soutenu), ils rappellent les servitudes résultant de l'arrêté et réclament une somme de 77'500 euros correspondant à 25 % de la valeur de cette propriété qu'ils estiment à la somme de 310'000 euros.

La collectivité Eau du Bassin Rennais demande, aux termes de ses dernières écritures (10'octobre 2022) à la cour de':

- constater, in limine litis, l'absence de nullité du jugement du 6 septembre 2021,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 6 septembre 2021,

- rejeter la demande d'indemnisation due à la prétendue dépréciation des biens bâtis sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 8] et du jardin sis sur la parcelle cadastrée section AE n° '[Cadastre 1],

- rejeter la demande d'indemnisation due à la prétendue impossibilité d'utiliser et d'exploiter le sous-sol du fait de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2014,

- rejeter la demande d'expertise présentée par les consorts [T],

- mettre à la charge des consorts [T] solidairement la somme de 3'500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La collectivité Eau du Bassin Rennais s'oppose à la nullité soulevée soutenant que ce sont les consorts [T] qui ont renoncé au transport sur les lieux ce que les autres parties ont accepté.

Elle approuve le jugement en ce qu'il n'a pas fixé de date de référence laquelle n'est pas utile en la matière.

Elle ne conteste pas les demandes des consorts [T] quant aux indemnités de dépréciation des parcelles (7'620,10 et 601,20 euros).

Elle estime que le tribunal comme la cour n'ont pas été valablement saisis de demande d'indemnisation pour les biens bâtis lesquels sont exclus du périmètre d'indemnisation prévu par la charte de mise en 'uvre des périmètres de protection des captages d'eau potable en Ille et Vilaine.

S'agissant de la dépréciation des biens bâtis, elle s'oppose à la demande en l'absence de tout préjudice, l'impossibilité d'y installer le siège d'une exploitation agricole étant purement hypothétique, s'agissant d'un projet fictif, et les autres interdictions (plan d'eau, puits, forage,...) n'étant pas de nature à engendrer un préjudice. Elle conteste également et subsidiairement la valeur du bâti et donc le préjudice estimé arbitrairement à 25 %.

Concernant l'exploitation du sous-sol, elle rappelle qu'un contrat de fortage avait été signé sur les parcelles [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 1] et [Cadastre 7] mais qu'il a été annulé pour cause de difficultés techniques d'exploitation du tréfonds et que seule la parcelle [Cadastre 10] a finalement été exploitée, ce qu'elle n'est plus (depuis 2003), ayant été depuis comblée et plantée. Elle rappelle que les parcelles [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 4] et [Cadastre 6] sont situées en tout ou partie en zone rouge tramée du PPRI qui interdit tous affouillements et carrières. Elle soutient donc que ces parcelles ne sont ni techniquement ni juridiquement exploitables. En toute hypothèse, elle conteste le quantum qui ne tient aucun compte des charges d'exploitation.

Elle s'oppose à la désignation d'un expert en l'absence de tout commencement de preuve d'un préjudice.

Aux termes de ses écritures (31 mai 2022), le commissaire du gouvernement conclut à la confirmation du jugement.

Le commissaire s'oppose à la nullité du jugement. Il rappelle qu'il n'a été avisé que très tardivement de la procédure (en mars 2021, près de deux ans après le mémoire introductif), qu'il a adressé ses écritures dans les délais (le 28 avril 2021) et les a communiquées immédiatement au conseil des requérants qui les a reçues le 30 avril. Il ajoute que s'il a rédigé un mémoire complémentaire celui-ci ne portait que sur un point secondaire (indemnité de remploi).

Il conclut à la confirmation de l'indemnité de contrainte (réduction de la valeur de la terre) qu'aucune des parties ne discute.

Il s'oppose aux autres demandes, s'agissant de la perte d'exploitation du sous-sol, au motif que la seule parcelle économiquement et juridiquement exploitable l'avait été et, s'agissant de la dépréciation des bâtiments, au motif qu'aucun élément n'en justifie.

Il conteste enfin la demande d'expertise.

Les parties et le commissaire du gouvernement ont confirmé à l'audience avoir bien eu connaissance des dernières écritures qui ont été prises et qu'il n'existait à cet égard aucune difficulté.

SUR CE, LA COUR :

Il ressort de l'article L 1321-3 du code de la santé publique que les indemnités dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation humaine sont fixées suivant les règles applicables en matière d'expropriation.

sur la nullité du jugement' :

Les dispositions du code de l'expropriation relatives à la procédure de fixation des indemnités sont d'ordre public.

Aux termes de l'article R 311-14 du code de l'expropriation' : «'Le juge fixe, par ordonnance, la date de la visite des lieux et de l'audition des parties. La visite des lieux est faite par le juge dans les deux mois de cette ordonnance, mais postérieurement à l'expiration du délai de six semaines fixé à l'article R 311-11'».

Ce dernier texte énonce que': «'Le défendeur dispose d'un délai de six semaines à compter de la notification du mémoire du demandeur prévue à l'article R. 311-10 pour adresser à celui-ci son mémoire en réponse'».

Ces dispositions s'imposent au juge qui doit organiser une visite des lieux.

En l'espèce, il est établi que, par ordonnance du 1er mars 2021 (qu'aucune des parties n'a estimé utile de verser aux débats), le juge de l'expropriation a fixé la date du transport sur les lieux au 10 mai suivant.

Il ressort du procès-verbal de transport sur les lieux tel qu'il a été dressé par le juge de l'expropriation assisté de son greffier, que ce dernier s'est déplacé à la mairie de la commune du [Localité 17] (Ille et Vilaine) où il a retrouvé les consorts [T], assistés de leur avocat et d'un expert amiable, la collectivité Eau du Bassin Rennais, représentée par deux de ses agents et assistée de son conseil, et le commissaire du gouvernement, que «'les parties se sont (alors) accordées pour dispenser le juge de la visite des lieux'», le juge ajoutant «'selon les parties les descriptions, photos, plans et documents graphiques établis dans les mémoires respectifs des parties et du commissaire du gouvernement apparaissant conformes à la réalité. Un transport sur les lieux n'apporterait rien de plus d'autant que sont concernés essentiellement les tréfonds de ces terrains'». Il est encore précisé qu'à l'issue de cet accord, il a procédé à l'examen de la demande de renvoi de l'audience de plaidoirie, demande à laquelle il a été fait droit.

La visite des lieux ayant ainsi été organisée et le juge s'étant déplacé dans la commune où sont situés les parcelles concernées, les consorts [T] qui ont -sur place- renoncé, comme la collectivité Eau du Bassin de [Localité 21], à la visite ainsi qu'il ressort clairement du procès verbal et qui n'ont nullement protesté ni lors de l'établissement de celui-ci, ni lors de sa réception, ni même lors de l'audience de plaidoirie tenue le 14 juin 2021 à la cité judiciaire de Rennes (au cours de laquelle aucune exception de nullité n'a été soulevée), sont mal fondés à invoquer de ce chef, pour la première fois devant la cour et alors qu'ils avaient conclu au fond devant le tribunal, la nullité de la procédure suivie, ce d'autant qu'ils ne justifient, en outre, d'aucun grief.

Par ailleurs, si des mémoires en réplique leur ont été tardivement communiqués avant le transport sur les lieux, le renvoi de l'audience de plaidoirie qu'ils ont sollicité et qui leur a été accordé, leur a permis d'y répondre utilement.

Il s'ensuit que l'exception de nullité du jugement est rejetée.

Sur le montant des indemnités' :

Il n'existe aucune contestation s'agissant de l'indemnité dite de contrainte relative aux parcelles de terre telle qu'elle a été fixée par le premier juge (7'620,10 euros pour les époux [T] et 601,20 euros pour Mme [G] [T]), la discussion ne portant que sur les demandes relatives' :

- à la dépréciation des bâtiments,

- à la perte d'exploitation du tréfonds.

Sur l'indemnité pour dépréciation des bâtiments' :

L'article L 321-1 du code de l'expropriation énonce que ': «'les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation (en l'espèce par la création d'un périmètre de protection)'».

La circonstance tirée du fait que la Charte de mise en 'uvre des périmètres de protection des captages d'eau potable en Ille et Vilaine ne prévoit aucune indemnité pour dépréciation des bâtiments est indifférente puisque cette charte a pour seul objet de proposer un cadre dans le domaine agricole et ne concerne que l'indemnisation des propriétaires de biens ruraux et des exploitants agricoles.

Comme le font valoir les consorts [T], la création du périmètre de protection a pour conséquence de créer certaines contraintes ': interdiction de plans d'eau, de création de puits, d'ouvrages enterrés, de terrassements et de remblaiements (sauf exception), d'excavations, de carrières, de suppression de parcelles boisées, de constructions nouvelles, de création d'un siège d'exploitation agricole, d'élevage divers dont de porcs et de poule (en plein air), de stockage de végétaux et de matière destinés à la fertilisation des sols, interdiction d'utiliser des produits de traitement des végétaux et des sols.

Il ressort de l'acte de donation des époux [T] à leur fille (17 mars 1999) et des photographies versées aux débats (rapport [B], pièce n° 16 des appelants) que les bâtiments litigieux consistent en un ancien corps de ferme distribué autour d'une cour comprenant une maison d'habitation rénovée, une ancienne étable avec fournil attenant, des celliers, une ancienne porcherie et deux hangars en partie sud.

Il semble utile de rappeler que cet ancien corps de ferme se trouve à 7,5 km du centre de [Localité 21], que sa vente en vue d'une transformation en siège d'une exploitation agricole est totalement improbable et que bien au contraire, sa localisation dans une zone protégée où toute nouvelle construction est interdite de même que le déboisement et l'implantation d'élevages de porcs ou de poules est évidemment de nature à conférer à un tel bien, recherché en raison de sa situation à proximité immédiate d'une métropole, une plus grande valeur.

L'interdiction d'y créer un plan d'eau ou d'y creuser un puits ne peut en diminuer le prix, étant rappelé que ce bien se situe à moins de 300 mètres du lit de la Vilaine qui comporte à proximité immédiate déjà de très nombreux plans d'eau (anciennes sablières).

Enfin, cette propriété n'a aucune vocation à servir de lieu de stockage de produits phytosanitaires ou d'engrais.

Le préjudice allégué étant, en conséquence, inexistant, c'est à juste titre que le juge de l'expropriation a débouté les consorts [T] de ce chef.

Sur l'indemnité pour perte d'exploitation du tréfonds ':

L'article 552 du code civil prévoit que «'la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous'». Il en résulte qu'une indemnisation peut être attribuée au titre de la présence d'un gisement dans le sous-sol d'une parcelle expropriée (3e Civ, 3 octobre 1990).

Il découle de l'article L. 1321-3 du code de la santé publique que cette possibilité s'applique également dans le cas où un terrain est compris dans un périmètre de protection de captage d'eau potable.

Selon la jurisprudence, l'indemnisation est due non seulement lorsque le gisement est exploité mais également s'il ne l'est pas à condition toutefois qu'il soit justifié de son caractère exploitable. Dans cette dernière hypothèse, il confère une plus-value à la valeur vénale du terrain et l'indemnisation doit couvrir la perte de cette plus-value.

Il convient encore de préciser qu'un gisement est considéré comme exploitable lorsque son exploitation est matériellement, économiquement et juridiquement possible.

En l'espèce, le gisement allégué n'est pas exploité.

En premier lieu et concernant le caractère juridiquement exploitable, la Collectivité Eau du bassin Rennais relève à bon escient que certaines des parcelles des consorts [T] ne pouvaient, au jour où les arrêtés du 5 décembre 2014 ont été pris, déjà être exploitées en sablières comme se situant en zone rouge (dite d'interdiction) du plan de prévention du risque inondation (PPRI) du bassin Rennais approuvé par arrêté préfectoral du 10 décembre 2007, qui vaut servitude d'utilité publique. Il suffit à cet égard de rappeler que l'article 1-1-9 du PPRI interdit «'les activités nécessitant des affouillements et des mises en remblais telles les carrières en vallée alluviales à proximité immédiate des cours d'eau...'».

Il en résulte que faute d'avoir été juridiquement exploitable au jour des arrêtés du 5'décembre 2014, aucune indemnité ne peut être due au titre de l'interdiction d'exploiter le tréfonds des parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 7] lesquelles sont situées intégralement en zone rouge du PPRI. Il en va de même d'une bande située au sud-est de la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 4] représentant entre 8 et 10 % de la surface de cette parcelle.

Concernant le caractère matériellement et économiquement exploitable des gisements, les consorts [T] font état d'un contrat de foretage qu'ils ont conclu le 17 mai 2000 avec la société Rennaise de Dragages, portant sur les parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 13], n° [Cadastre 14], n° [Cadastre 1], n° [Cadastre 4], n°'[Cadastre 5], n° [Cadastre 7] et n° [Cadastre 10] (pièce n° 9).

Cependant, comme le relève la Collectivité Eau du bassin Rennais, ce contrat a été annulé par un nouveau contrat du 30 juin 2003 entre les mêmes parties en raison de «'difficultés techniques liées à des considérations hydrauliques et géologiques'» concernant les parcelles dites «'[Adresse 20]'» cadastrées section AE n° [Cadastre 13], n° [Cadastre 14], n° [Cadastre 2], n° [Cadastre 1] (le rapprochement avec le contrat d'origine permet d'affirmer qu'il s'agit d'une erreur matérielle, la parcelle concernée étant la parcelle [Cadastre 4], située entre les parcelles [Cadastre 1] à l'ouest et les parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 7] à l'est) et n° [Cadastre 7] (pièce n° 9), pour ne conserver que la seule parcelle dite [Adresse 16] (cadastrée section AE n° [Cadastre 10]) située en continuation de l'exploitation du carrier.

Si les consorts [T] prétendent que ce retrait était justifié par des «'discussions informelles engagées avec les collectivités territoriales susceptibles d'être concernées'», ils ne produisent aucun élément prouvant ces allégations.

En revanche, la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 10] était exploitable et celle-ci l'a été effectivement.

La demande en ce qu'elle porte sur les parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 3] (exclusion du jardin d'une superficie de 1 030 m²) et n° [Cadastre 4] (comme sur les parcelles [Cadastre 18], [Cadastre 14] et [Cadastre 7] mais qui en toute hypothèse ne pouvaient être exploitées, cf. supra) sera rejetée, le caractère matériellement et économiquement exploitable du gisement qu'elle comporterait dans son tréfonds n'étant pas établi en l'état des difficultés techniques constatées par un carrier qui y a renoncé alors qu'il disposait d'un contrat de fortage.

Elle doit l'être également s'agissant de la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 10] dont le gisement ayant déjà été exploité et qui a depuis été comblée, ne l'est plus économiquement (ainsi qu'il résulte nécessairement de la cessation de son exploitation) si tant est qu'il reste des minéraux.

La question ne se pose donc que pour les seules parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 12], [Cadastre 5], et [Cadastre 8] (pour la partie ouest, non bâtie).

La parcelle n° [Cadastre 5] est une petite parcelle de 719 m², présentant une forme allongée, située entre la parcelle [Cadastre 1], au sud, et un chemin propriété de la commune, au nord. Sa taille ne la rend pas matériellement exploitable. De plus jouxtant la parcelle [Cadastre 1], elle présente très vraisemblablement les mêmes caractéristiques (cf supra).

La parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 12] est une parcelle de petite dimension (2 670 m²), de forme triangulaire coincée à l'ouest et au sud entre deux voies communales. Sa configuration et ses dimensions ne la rendent pas économiquement exploitable. En effet une carrière de sables situés en tréfonds ne peut être exploitée par un industriel que si elle présente une superficie suffisante ce qui n'est manifestement pas le cas d'une parcelle de l'ordre de 3 000 m².

La partie ouest de la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 8] (d'une superficie de 3'340 m²) contiguë à la parcelle [Cadastre 10] aurait pu être exploitée en même temps cette dernière. Mais la proximité avec les bâtiments de l'ancien corps de ferme a sans nul doute justifié qu'elle ne soit pas comprise dans le périmètre des deux contrats de fortage conclus entre les époux [T] et la société Rennaises de Dragages. Les mêmes considérations excluent aujourd'hui qu'elle le soit. En toute hypothèse sa dimension insuffisante n'en permet pas l'exploitation pour les motifs exposés ci-dessus.

C'est, dès lors, à juste titre que le premier juge a débouté les consorts [T] de leur demande d'indemnité au titre de l'impossibilité d'exploiter les minéraux situés en tréfonds.

Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Partie succombante, les consorts [T] supporteront la charge des dépens.

L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement.

Rejette l'exception de nullité du jugement soulevée par les consorts [T].

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine le 6 septembre 2021 dans le dossier consorts [T]/Eau du Bassin Rennais.

Condamne les consorts [T] aux dépens d'appel.

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre del'expropriation
Numéro d'arrêt : 21/08011
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;21.08011 ?
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