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13/01/2023 | FRANCE | N°19/07833

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 13 janvier 2023, 19/07833


2ème Chambre





ARRÊT N°5



N° RG 19/07833

N° Portalis DBVL-V-B7D-QJSW





(3)







Société C.R.C.A.M. DU FINISTERE



C/



Mme [H] [E]



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours













Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me BALK-NICOLAS

- Me

PELOIS



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean...

2ème Chambre

ARRÊT N°5

N° RG 19/07833

N° Portalis DBVL-V-B7D-QJSW

(3)

Société C.R.C.A.M. DU FINISTERE

C/

Mme [H] [E]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me BALK-NICOLAS

- Me PELOIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Octobre 2022

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Janvier 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

C.R.C.A.M. DU FINISTERE

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle BALK-NICOLAS de la SELARL BALK-NICOLAS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

Madame [H] [E]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/02530 du 20/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant contrat en date du 11 mars 2015, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère ( la CRCAM du Finistère) a ouvert un compte de chèque N° 57440660772 à Mme [H] [E].

Suivant contrat en date du 27 décembre 2016, le Crédit Agricole a consenti à Mme [E] une offre de prêt d'un montant de 15 000 euros au taux annuel effectif global de 6,338 % l'an remboursable en 84 échéances d'un montant de 220,29 euros hors assurance.

Alléguant le non paiement d'échéances la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt et a assigné Mme [E] devant le tribunal d'instance de Quimper qui par jugement du 14 octobre 2019 a :

- Condamné Mme [H] [E] à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 3 605,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 au titre du compte chèque débiteur,

- Débouté la CRCAM du Finistère de sa demande au titre du prêt souscrit le 27 décembre 2016.

- Condamné Mme [E] aux dépens.

La CRCAM du Finistère est appelante du jugement limitant son appel aux dispositions du jugement l'ayant débouté de sa demande en paiement au titre du prêt personnel du 27 décembre 2016 et par dernières conclusions notifiées le 16 mai 2022 elle demande de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a débouté la CRCAM du Finistère de sa demande tendant à la condamnation de Mme [H] [E] au règlement de la somme de 16 000,80 euros au titre du prêt personnel souscrit le 27 décembre 2016.

- Débouter Mme [H] [E] de toutes ses demandes ;

- Condamner Mme [H] [E] à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Mme [H] [E] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2020 Mme [E] demande de :

- Débouter la CRCAM du Finistère de son appel, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer le contrat de crédit n°73091437750 nul et de nul effet,

Condamner la CRCAM du Finistère à payer à Mme [E] des dommages-intérêts équivalent aux sommes qui pourraient être mises à sa charge et ordonner la compensation,

A titre subsidiaire,

- Ordonner la déchéance du droit aux intérêts,

En tout état de cause,

- Condamner la la CRCAM du Finistère à payer à Maître Sylvie PELOIS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et aux entiers dépens dont ceux d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Mme [E] soulève la nullité du contrat de prêt en faisant valoir qu'il s'agit d'un contrat qui lui a été octroyé aux fins d'acquisition d'un véhicule alors qu'il a eu pour finalité de permettre le rachat de crédit antérieurs.

S'il ressort des termes de l'offre préalable que le prêt porte la qualification de prêt auto, il demeure que le prêt était un prêt personnel et qu'il a été directement crédité sur le compte de Mme [E] qui seule a déterminé l'usage des fonds.

Elle ne saurait en conséquence se prévaloir en avoir fait un usage différent de celui pour lequel le crédit avait été sollicité.

Pour s'opposer à la demande, Mme [E] soutient que la banque a manqué à son devoir de mise en garde.

Il est constant que la banque dispensatrice de crédit est tenue, à l'égard d'un emprunteur non averti, d'un devoir de mise en garde sur les risques nés de l'endettement.

Il n'est pas soutenu que Mme [E] serait un emprunteur averti. Il lui appartient cependant d'établir que le prêt consenti était excessif.

Il ressort de la fiche de dialogue approuvée par Mme [E] que celle-ci a déclaré des revenus mensuels nets de 1 022 euros et des remboursements d'emprunts pour un total de mensualités de 354 euros ; qu'ainsi les charges de l'emprunt souscrit remboursable par des mensualités de 220,29 euros portaient la charge d'emprunts à la somme mensuelle de 574,59 euros soit à 56 % du montant des revenus.

L'importance de ce taux d'emprunt doit cependant être pondérée par le fait que Mme [E] a déclaré ne pas avoir d'autres charges et notamment pas de charges de logement pour avoir déclaré être hébergée dans sa famille. Mme [E] qui a approuvé par son paraphe la fiche de dialogue ainsi établie ne saurait se prévaloir de ce qu'en réalité elle assurait le paiement d'un loyer de 700 euros ce qui ne pouvait ressortir de virements effectués au profit d'un tiers dont l'objet était indéterminé.

Il est cependant constant que la banque ne pouvait méconnaître que Mme [E] n'avait pas déclaré les charges relatives aux contrats d'assurances qu'elle avait souscrit auprès d'elle et dont la charge, ramenée au mois, s'élevait à la somme de 81 euros portant ainsi les charges financières mensuelles de l'intéressée à 64 % de ses revenus.

Par ailleurs, dans le cadre de la fiche de dialogue Mme [E] avait mentionné avoir deux enfants à charge. Il ressortait ainsi manifestement de ces éléments que la situation financière de Mme [E] était particulièrement précaire et qu'ainsi l'octroi d'un nouveau concours financier l'exposait à un risque d'endettement excessif et justifiait la mise en garde du prêteur.

Si faute de mise en garde, Mme [E] est fondée à solliciter la réparation de la perte de chance ainsi perdue de ne pas contracter si elle avait été dûment avertie, il convient cependant de constater que les sommes ainsi empruntées ont effectivement été employées par Mme [E] au remboursement anticipé d'emprunts antérieurs.

Il ressort en effet de l'état d'endettement dressé le 3 mai 2017 par la commission de surendettement du Finistère qu'à cette date, Mme [E] n'avait plus d'autres charges d'emprunts que celles relatives au prêt litigieux et à un prêt BNP pour des mensualités de 63 euros, ayant ainsi diminué ses mensualités d'emprunts passées de 354 euros avant souscription de l'emprunt du 27 décembre 2016 à la somme de 290,79 euros.

Au regard de la finalité avérée de réduction de ses charges par Mme [E], la chance perdue pour elle de ne pas souscrire à l'emprunt en cas de mise en garde de la banque apparaît tellement minime qu'il n'apparaît pas que le manquement de la banque ait été pour elle à l'origine d'un préjudice indemnisable.

Mme [E] fait grief à la banque d'avoir par l'octroi de ce prêt contribué à son endettement faisant valoir qu'elle a déposé un dossier de surendettement quatre mois après la souscription de l'emprunt.

Mais Mme [E] ne saurait faire grief à la banque d'avoir aggravé sa situation d'endettement alors que suivant l'état descriptif d'endettement établi par la commission de surendettement elle a dissimulé à la banque la réalité de ses charges de logement qui non seulement n'étaient pas nulles mais s'élevaient à la somme de 700 euros absorbant à elles seules près de 70 % de ses revenus courants.

Mme [E] ne saurait en conséquence imputer à faute à la banque de lui avoir accordé ce crédit alors même qu'elle avait dissimulé la réalité d'une situation financière largement obérée.

Mme [E] demande que le prêteur soit déchu du droit aux intérêts du fait des irrégularités affectant l'offre pour non respect des dispositions des articles L. 312-16 et L. 312-17 du code de la consommation.

S'agissant de la vérification de la solvabilité, la CRCAM du Finistère justifie avoir préalablement à l'octroi du prêt consulté le fichier des incidents de paiement le 28 décembre 2016. La banque justifie également s'être fait communiquer le dernier avis d'imposition de Mme [E] et avoir établi la fiche d'information prévue à l'article L. 312-12 du code de la consommation.

Il apparaît ainsi que la banque justifie d'avoir vérifier la solvabilité de Mme [E].

S'agissant du non respect des dispositions de l'article L. 312-17, la CRCAM du Finistère fait valoir à juste titre que ces dispositions ne sont pas applicables au contrat en cause puisque le prêt a été souscrit en agence et non sur un lieu de vente et n'a pas été signé électroniquement.

Les demandes tendant à voir la banque déchue de son droit aux intérêts seront rejetées.

S'agissant des sommes dues, la banque produit aux débats le contrat, le tableau d'amortissement, le décompte de la créance et la mise en demeure établissant le bien fondé de sa réclamation de la somme de 14 815,21 euros à titre principal outre les intérêts au taux contractuel à compter du 2 avril 2019 outre l'indemnité de 8 % de 1 185,22 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Mme [E] qui succombe sera condamnée aux dépens sans qu'il apparaisse justifié de la condamner à payer à la CRCAM du Finistère une indemnité au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Quimper en ce qu'il a débouté la CRCAM du Finistère de sa demande au titre du prêt souscrit le 27 décembre 2016.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé

Condamne Mme [H] [E] à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 16 000,42 euros et ce avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 14 815,21 euros à compter du 2 avril 2019.

Condamne Mme [H] [E] aux dépens dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes aux demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07833
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;19.07833 ?
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