La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2023 | FRANCE | N°22/04603

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 09 janvier 2023, 22/04603


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 3



N° RG 22/04603

N° Portalis DBVL-V-B7G-S64Q













S.E.L.A.R.L. DE LA CALLE



C/



S.C.I. LES KORRIGANS































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE

DE TAXE

DU 09 JANVIER 2023







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 12 Décembre 2022





ORDONNANCE :



Réputé contradict...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 3

N° RG 22/04603

N° Portalis DBVL-V-B7G-S64Q

S.E.L.A.R.L. DE LA CALLE

C/

S.C.I. LES KORRIGANS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 09 JANVIER 2023

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Décembre 2022

ORDONNANCE :

Réputé contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 09 Janvier 2023, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. DE LA CALLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Cédric DE LA CALLE, avocat au barreau de VANNES

ET :

S.C.I. LES KORRIGANS, prise en la personne de Mme [X] [B] en qualité de gérante

[Adresse 2]

[Adresse 2]

non comparante

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Un acte sous seing privé, intitulé convention d'honoraires, a été établi entre la Selarl Cabinet de la Calle et Mme [X] [B]. Cet acte a été signé le 19 juillet 2018 par cette dernière qui a fait précéder sa signature de la mention «'Mme [X] [B] en qualité de gérante de la SCI Les Korrigans'». Aux termes du dit acte qui renvoie à une lettre de mission, la cliente a confié à l'avocat des prestations juridiques dans la limite de vingt heures.

Une lettre de mission présentant les mêmes caractéristiques a été signée le même jour, les missions consistant, d'une part, à effectuer une mise en demeure (loyers impayés) et à délivrer un congé pour vendre le bien donné à bail, ce pour une durée maximale de dix heures de travail, et d'autre part, à mettre en place «'une médiation et une conciliation en vue d'une vente d'immeuble par le biais de la SCI qui le détient'» (sic), ce également pour une durée maximale de dix heures.

La Selarl Cabinet de la Calle a établi trois factures d'honoraires':

- le 2 octobre 2019, une facture (VT-415) de 1'094,56 euros TTC (prestations et dépens avancés par le cabinet),

- le 2 octobre 2019, une facture (VT-416) de 1'306,80 euros TTC dont à déduire un montant payé de 1'039,40 euros TTC, soit un solde de 267,40 euros TTC (prestations et frais),

- le 8 juin 2021, une facture (VT-773) de 89,60 euros TTC (gestion administrative et frais).

Ne parvenant à obtenir le payement de ces sommes, la Selarl Cabinet de la Calle a saisi, par requête du 1er octobre 2021 reçue à l'ordre le 12 octobre 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Vannes d'une demande aux fins de fixation de sa rémunération à la somme de 1'451,56 euros outre une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et 75 euros de frais de taxe.

Par ordonnance du 9 février 2022, le bâtonnier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer et a invité la Selarl Cabinet de la Calle à préciser qui est sa débitrice (Mme [B] ou la société Les Korrigans) et à lui communiquer sa requête et ses pièces.

Le 23 mai 2022, la bâtonnier a invité les parties à s'expliquer sur une éventuelle prescription de la demande.

Par ordonnance du 10 juin 2022, notifiée le 13, le bâtonnier a déclaré la demande de la société Cabinet de la Calle prescrite et l'en a déboutée.

Par lettre recommandée adressée le 11 juillet 2022, la Selarl Cabinet de la Calle a formé un recours contre cette décision dont elle sollicite la réformation.

Elle nous demande, aux termes de ses conclusions, de déclarer son recours recevable, dire et juger le droit de la consommation inapplicable au cas de l'espèce, la convention ayant été signée au bénéfice d'une personne morale et condamner la SCI Les Korrigans représentée par Mme [X] [B] en qualité de gérante à lui payer les sommes de':

- 1'451,56 euros au titre des honoraires et frais,

- 121,10 euros au titre des intérêts arrêtés au 8 février 2021,

- 0,50 euro par jour écoulé à compter du 8 février 2021,

- 1'800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel,

- 1'200 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour le second jeu d'écritures présenté en appel,

- 75 euros au titre des frais de taxation exigés par l'ordre des avocats.

Après divers développements concernant la nécessité ou non d'une facture récapitulative et les conséquences qu'il convient d'en tirer au plan juridique, la Selarl Cabinet de la Calle fait valoir que sa cliente est la société civile immobilière qui, en sa qualité de personne morale, ne peut bénéficier de la prescription abrégée de l'article L 218-2 du code de la consommation, que le délai de prescription qui est, en l'espèce le délai de prescription de droit commun de cinq ans, n'a commencé à courir qu'à la saisine du bâtonnier, soit le 1er octobre 2021, soit au plus tôt à l'envoi de la mise en demeure avant taxation, le 8 juin 2021 de sorte que la demande n'est pas prescrite.

Elle rappelle qu'une convention a été signée et que celle-ci a force obligatoire, que sa créance est fondée et existe, et que la somme de 1 451,56 est due au titre des diligences sur le litige locatif, que «'cette somme est une créance qui constitue une chose immeuble et immatérielle entrant dans le patrimoine du cabinet de la Calle et à ce titre bénéficie de la protection accordée au droit de propriété par la CEDH et se protocoles additionnels'».

Elle énumère les diligences auxquelles elle a procédé dans ce dossier présenté comme complexe en l'absence de bail écrit et du fait que les locataires sont russophones.

Elle sollicite diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Elle expose enfin que les frais de taxe sont exigés par les services du bâtonnier à peine d'irrecevabilité de la demande de taxe.

La société civile immobilière Les Korrigans bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée du 25 juillet 2022 (accusé de réception signé le 27 juillet), ne s'est pas présentée.

Les parties ont été invitées à s'expliquer sur les frais de taxe.

La Selarl Cabinet de la Calle nous a adressé une note en délibéré.

SUR CE :

La société Les Korrigans n'ayant pas comparu, il convient, conformément aux dispositions de l'article 472 al 2 du code de procédure civile de vérifier que la demande est régulière, recevable et bien fondée.

La note en délibéré de la Selarl Cabinet de la Calle sera rejetée, aucune autorisation en ce sens ne lui ayant été donnée.

Sur la prescription :

La convention et la lettre de mission du 19 juillet 2018 ont été signées entre la Selarl Cabinet de la Calle et Mme [X] [B], cette dernière agissant ainsi qu'elle l'a précisé de manière manuscrite et sur les deux documents qu'elle a signés, en qualité de gérante de la SCI Les Korrigans.

Le bénéficiaire de la prestation est donc cette société civile immobilière. Aussi est-ce à tort que le bâtonnier a considéré que la prescription abrégée de deux ans de l'article L 218-2 de la consommation lui était applicable alors que cette disposition ne bénéficie qu'aux consommateurs lesquels sont nécessairement des personnes physiques ainsi qu'en dispose l'article liminaire du code de la consommation («'Pour l'application du présent code, on entend par : 1° Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole...'»).

En l'espèce, la prescription applicable est la prescription de droit commun de cinq ans (article 2224 du code civil).

Or, l'action de l'avocat a bien été introduite devant le bâtonnier dans les cinq ans à compter du terme de la mission.

L'ordonnance du bâtonnier qui a déclaré la demande prescrite sera donc infirmée.

Sur le montant des frais et honoraires :

La convention d'honoraires conclue entre les parties précise que le client confie à l'avocat les missions figurant à la lettre de mission, et prévoit une rémunération pour la prestation juridique de 130 euros HT/heure, pour la prestation administrative de gestion du dossier une somme de 70 euros HT et pour les vacations (déplacement, temps d'attente aux audiences, expertise) de 35 euros HT/heure et un plafonnement du nombre d'heures facturées à 20. Les frais exposés font l'objet d'un tarif précisé à l'article 8. Il a, en outre, été stipulé un honoraire de résultat. En cas de révocation du mandat, il a été stipulé que tous les actes en cours de réalisation, même inachevés seraient dus.

La lettre de mission, largement raturée et surchargée, (pièce n° 35), conclue le même jour, prévoit un entretien estimé à deux heures, la délivrance d'une mise en demeure préalable (départ volontaire) puis la délivrance d'un congé pour vendre et une mission de médiation, le temps total de la prestation juridique initialement fixé à vingt heure (dix heures pour chaque mission) a également été raturé et ramené à dix heures.

La Selarl Cabinet de la Calle a émis trois factures faisant état des prestations suivantes':

- facture VT 415 du 2 octobre 2019':

1. prestation juridique réalisée (rédaction, analyse, recherche, rendez-vous)': 615,33 euros HT,

2. gestion administrative du dossier (téléphone, courrier)': 261,33 euros HT,

3. dépens avancés par le cabinet': 42,56 euros (exonérés TVA),

total HT 919,22 euros, TVA': 175,34, total TTC': 1 094,56 euros,

- facture VT 416 du 2 octobre 2019':

1. provision sur prestations juridiques (rédaction, analyse, recherche, rendez-vous)': 800 euros HT,

2. provision sur gestion administrative du dossier ( courrier, préparation dossier)': 200 euros HT,

3. frais effectués pour la réalisation de la mission': 89 euros HT

total HT': 1 089 euros, TVA': 217,80 euros, total TTC': 1 306,80 euros, somme payée 1 039,40 euros solde du': 267,40 euros TTC,

- facture VT 773 du 8 juin 2021':

1. gestion administrative du dossier depuis le 3 octobre 2019': 60,67 euros HT,

2. frais de mission': 14 euros HT,

total HT': 74,67 euros, TVA': 14,93, total TTC': 89,60 euros.

Il convient de relever que ces factures dont l'avocat demande le payement correspondent pour certaines à des prestations réalisées et pour d'autres à des provisions, c'est à dire à valoir sur des prestations futures. Aucune facture récapitulative n'est produite aux débats permettant de déterminer si les prestations à venir ont été effectuées ni dans quelles proportions.

L'avocat produit toutefois un décompte faisant état d'un dû par le client de 2'185 euros TTC (qui ne correspond ni au total des factures': 1'094,56 + 1'306,80 + 89,60 = 2'490,96 euros TTC, ni à la balance figurant en pièce 4 faisant apparaître une somme restant due de 1'361,96 euros TTC, soit compte tenu du versement effectué de 1 039,40 euros, une facturation totale de 2'401,36 euros TTC) se décomposant comme suit':

- gestion administrative': 392 euros HT,

- vacations': 35 euros HT,

- prestations juridiques': 1'142 euros,

- frais': 252 euros HT,

soit 1 821 euros HT et 2 185 euros TTC.

L'examen du décompte produit et des pièces du dossier remis par la Selarl Cabinet de la Calle permettent d'arrêter ainsi qu'il suit les frais et honoraires de l'avocat.

En premier lieu, il convient de préciser que le tarif horaire réclamé (130 euros HT/h pour les prestations juridiques) est raisonnable et doit être retenu. La somme réclamée à ce titre dans le décompte correspond à 8h47 de travail. Me de la Calle a reçu sa cliente à deux reprises, a effectué une analyse du dossier (lequel ne présente aucune difficulté juridique) et a adressé aux locataires, cinq courriers identiques de mise en demeure. Ces prestations n'ont raisonnablement pu demander plus de cinq heures de travail (deux heures trente pour les rendez-vous, une heure pour l'analyse du dossier, une heure trente pour les mises en demeure). Ce poste sera arrêté à la somme de 650 euros HT.

En second lieu et s'agissant de la gestion administrative'; l'avocat réclame une somme de 392 euros HT correspond à 5h24 à 70 euros HT/h. Si le tarif horaire peut être retenu s'agissant d'une prestation matérielle, le volume horaire est manifestement exagéré (53 minutes pour préparer le rendez-vous, 21 minutes pour préparer une simple demande à la CAF, 35 minutes pour un courriel à la cliente, pièce n° 17 reprenant l'analyse du dossier facturée par ailleurs, 35 minutes pour une facture de provision, rédaction le 2 octobre 2019 d'un avenant à la lettre de mission non produit aux débats...). Ce poste ne peut être évalué à plus de trois heures (étant rappelé que les frais sont facturés séparément), soit 210 euros HT.

En troisième lieu, la Selarl Cabinet de la Calle réclame des frais pour un montant de 252,32 euros HT. Ce montant est justifié au regard des prix unitaires (conforme à la convention) et aux quotités réclamées. Il sera retenu.

La selarl Cabinet de la Calle réclame enfin une somme de 35 euros pour une «'descente à [Localité 3] sur place pour repérer les lieux'» qui aurait été effectuée le 21 janvier 2020. La date de ce transport ' dont l'utilité n'est pas démontrée ' interroge puisque cette date est postérieure à l'ensemble des prestations effectuées dont les dernières remontent au mois d'octobre 2019 (les prestations juridiques remontant quant à elle aux mois de juillet, octobre et novembre 2018). Ce poste sera donc écarté.

Au total les frais et honoraires de la Selarl Cabinet de la Calle sera fixés à la somme de 1'112,32 euros HT soit 1'334,78 euros TTC dont à déduire la somme de 1'039,40 euros déjà réglée, soit un solde de 295,38 euros TTC que la société civile immobilière Les Korrigans sera condamnée à lui verser avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision qui arrête le montant des honoraires dus.

Sur les frais de taxe devant le bâtonnier :

La Selarl Cabinet de la Calle réclame également une somme de 75 euros au titre des frais de taxe devant le bâtonnier.

Or, il convient de rappeler que la procédure de taxe des honoraires et frais d'avocat devant le bâtonnier est une procédure obligatoire et gratuite qui n'est soumise à aucun frais et ne peut faire à cet égard l'objet de conditions de recevabilité non prévues par les textes, ce qu'a rappelé le Conseil National des Barreaux (commission RU) notamment dans son avis n° 2013-005 du 28 mars 2013.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chacune des parties supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

La Selarl Cabinet de la Calle sera donc déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance rendue publiquement et réputé contradictoirement :

Vu l'article 445 du code de procédure civile :

Ecartons des débats la note en délibéré que nous a adressée la Selarl Cabinet de la Calle.

Vu l'article L 218-2 du code de la consommation,

Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Vannes rendue le 10 juin 2022 dans le dossier Selarl Cabinet de la Calle / société civile immobilière Les Korrigans

Statuant à nouveau':

Déclarons recevable la demande de la Selarl Cabinet de la Calle.

Fixons les frais et honoraires dus par la société civile immobilière Les Korrigans à la Selarl Cabinet de la Calle à la somme de 1 334,78 euros TTC.

Après déduction de la somme de 1'039,40 euros déjà payée, condamnons la société civile immobilière Les Korrigans à verser à la Selarl Cabinet de la Calle un solde de 295,38 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Déboutons la Selarl Cabinet de la Calle de sa demande de frais de taxe devant le bâtonnier, aucun frais n'étant dû au titre de la procédure de taxe des honoraires d'avocats.

Disons que chaque partie supportera les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés tant devant le bâtonnier que devant le premier président.

Déboutons la Selarl Cabinet de la Calle de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 22/04603
Date de la décision : 09/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-09;22.04603 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award