2ème Chambre
ARRÊT N°642
N° RG 19/06677
N° Portalis DBVL-V-B7D-QFAV
(1)
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
Me [D] [U]
M. [T] [Y]
Mme [F] [M] [E] épouse [Y]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me LECLERCQ
- Me LAUDIC-BARON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Octobre 2022
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 16 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD du CABINET RD AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [T] [Y]
né le 13 Septembre 1960 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [F] [M] [E] épouse [Y]
née le 10 Octobre 1987 à [Localité 7] (COMORES)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Maître [D] [U] es qualité de mandataire liquidateur de la société ATE ISOLEO FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assigné par acte d'huissier en date du 24/12/2019, délivré à domicile, n'ayant pas constitué
EXPOSÉ DU LITIGE
À la suite d'un démarchage à domicile, M. [Y] a, selon bon de commande du 10 septembre 2015, commandé à la société Isoleo France (la société Isoleo) la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque moyennant le prix de 26 500 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF) a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [Y] un prêt de 26 500 euros au taux de 5,76 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 272,97 euros, après un différé de remboursement de 12 mois.
Le prêteur a versé les fonds au fournisseur au vu d'un certificat de livraison du 3 octobre 2015, et les époux [Y] ont conclu avec EDF un contrat de rachat de l'électricité produite à effet au 18 janvier 2016, date du raccordement de l'installation au réseau.
Invoquant des dysfonctionnements de l'installation, les époux [Y] ont saisi le juge des référés de Rennes qui, par ordonnance du 7 juillet 2017, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire.
Le tribunal de commerce de Bobigny ayant, par jugement du 31 juillet 2017, prononcé la liquidation judiciaire de la société Isoleo, les opérations d'expertise ont été étendues au liquidateur par ordonnance du 27 avril 2018.
Après dépôt du rapport de l'expert [I] concluant que, si la pose semblait avoir été correctement exécutée, le système de récupération de chaleur était hors service et la mauvaise qualité des produits fournis provoquait une insuffisance de performance de l'installation photovoltaïque, les époux [I] ont, par acte du 23 novembre 2018, fait assigner M. [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Isoleo, et la BNP PPF devant le tribunal d'instance de Rennes en résolution des contrats de vente et de crédit.
Par jugement du 5 septembre 2019, le premier juge a :
prononcé la résolution du contrat de vente,
constaté en conséquence la résolution de plein droit du contrat de prêt,
déclaré irrecevables et, au besoin, rejeté les demandes des époux [Y] tendant à la fixation de leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Isoleo faute de détermination et à la condamnation du liquidateur judiciaire de cette société à procéder à l'enlèvement de l'installation et à la remise en état des lieux,
rejeté la demande tendant à autoriser les époux [Y] à disposer librement de l'installation litigieuse,
dit que la BNP PPF a commis une faute la privant de son droit à restitution du capital prêté,
rejeté, en conséquence, la demande reconventionnelle de la BNP PPF tendant à obtenir le remboursement du capital prêté,
condamné la BNP PPF à rembourser aux époux [Y] toutes les échéances réglées par ces derniers en exécution du contrat de crédit affecté, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
rejeté le surplus des demandes principales et reconventionnelles, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum M. [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Isoleo, et la BNP PPF aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée en référé,
ordonné l'exécution provisoire.
La BNP PPF a relevé appel de cette décision le 8 octobre 2019, pour demander à la cour de la réformer et de :
dire n'y avoir lieu à résolution des contrats,
par conséquent, débouter les époux [Y] de leurs demandes,
subsidiairement, en cas de résolution des contrats, condamner solidairement les époux [Y] à rembourser la somme de 26 500 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
dire que la BNP PPF ne devra restituer aux époux [Y] les échéances versées qu'après justification de sa part de la résiliation du contrat avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor public des crédits d'impôts perçus,
débouter les époux [Y] de toute autre demande,
à titre infiniment subsidiaire, fixer le montant du préjudice subi par les époux [Y] à la somme de 8 600 euros,
par conséquent, condamner solidairement les époux [Y] à rembourser la somme de 26 500 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds, sous déduction d'une indemnité à hauteur de 8 600 euros,
en tout état de cause, condamner solidairement les époux [Y] au paiement d'une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Les époux [Y] concluent quant à eux à la confirmation du jugement attaqué et sollicitent en outre la condamnation in solidum de M. [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Isoleo, et de la BNP PPF au paiement d'une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, incluant les frais et honoraires de l'expertise.
M. [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Isoleo, n'a pas constitué avocat devant la cour, les conclusions de la BNP PPF et des époux [Y] lui ayant été respectivement signifiées les 4 août 2020 et 13 mars 2020.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 2 septembre 2022 et pour les époux [Y] le 11 mars 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 septembre 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la résolution du contrat principal
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que, si l'installation photovoltaïque elle-même a été correctement exécutée, le système de récupération de chaleur en sous-face des panneaux ne fonctionne pas et, du fait de la mauvaise qualité des produits livrés et mis en oeuvre par la société Isoleo, les performances de l'installation sont médiocres, de l'ordre de 30 % inférieures à ce qu'annonçait la documentation commerciale du fournisseur.
Pour s'opposer à la résolution judiciaire, la BNP PPF soutient que l'expertise n'avait pas permis de caractériser des dysfonctionnements graves justifiant l'anéantissement du contrat, la cause du non-fonctionnement du système de récupération de chaleur n'ayant pas été identifiée et les moyens d'y remédier moins encore, et la documentation commerciale sur la base de laquelle l'expert avait retenu une insuffisance de performance de l'installation photovoltaïque n'étant pas contractuelle.
Il est cependant établi que le système de récupération de chaleur en sous-face des panneaux, qui constituait l'une des caractéristiques essentielles de l'installation fournie, était hors service, étant tombé en panne un mois après la mise en service, ce qui suffit à caractériser une inexécution grave des obligations du fournisseur, peu important que la cause de la panne n'ait pas pu être déterminée.
De surcroît, l'expert a établi que la médiocrité des produits fournis était la cause d'un déficit de performance de l'installation, ce qui suffit là encore à caractériser un manquement grave du fournisseur à son obligation de livraison d'un ouvrage exempt de vice, quand bien même celui-ci ne se serait pas contractuellement engagé sur un objectif chiffré de performance.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de fourniture d'une installation photovoltaïque et d'un système de récupération de chaleur en sous-face des panneaux.
Sur la résolution du contrat de crédit affecté
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la BNP PPF est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, la résolution du contrat principal conclu avec la société Isoleo emporte donc résolution de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la BNP PPF.
La résolution du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.
À cet égard, les époux [Y] demandent à la cour de condamner la BNP PPF à lui restituer les mensualités de remboursement honorées et de les dispenser de rembourser le capital prêté, en invoquant une contradiction fautive sur le montant des mensualités de remboursement du prêt indiquées dans le bon de commande et dans l'offre de crédit, en prétendant que le prêteur ne pouvait ignorer le caractère désastreux du montage financier proposé par son partenaire et basé sur des performances mensongères, et en faisant enfin valoir que le prêteur avait procédé au déblocage des fonds sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation du fournisseur.
La BNP PPF fait quant à elle valoir qu'elle s'est dessaisie des fonds sans commettre de faute, au vue d'un certificat de livraison par lequel les emprunteurs lui donnaient l'ordre de le faire, et qu'elle n'avait pas à répondre d'une erreur du vendeur lors de l'établissement du bon de commande ou des dysfonctionnements de l'installation.
Il est exact que le bon de commande mentionne que l'installation serait financée au moyen d'un prêt de 26 500 euros remboursable en 180 mensualités de 232,42 euros, tandis que l'offre de prêt indique que les échéances sont, assurance comprises, de 272,97 euros.
Toutefois, la somme de 232,42 euros correspond bien au montant d'une mensualité hors assurance et, alors que le bon de commande et l'offre de crédit ont été régularisés au cours de la même opération de démarchage, la précision, portée dans l'offre, que le montant d'une mensualité, assurance comprise, serait de 272,97 euros renseignait correctement les emprunteurs sur leurs charges de remboursement.
D'autre part, les époux [Y] allèguent par de pures conjectures, et sans en rapporter la preuve, que le prêteur aurait été complice de manoeuvres dolosives du fournisseur, la circonstance qu'elle faisait placer ses crédits par l'intermédiaire de celui-ci ne suffisant pas à démontrer qu'il ait pu avoir connaissance du 'montage particulièrement désastreux pour les clients, et mensonger, de la société Isoleo'.
En outre, la BNP PPF s'est libérée des fonds entre les mains du fournisseur au vu d'un certificat de livraison et de fourniture de services en date du 2 octobre 2015, par lequel M. [Y] attestait 'sans réserve que la livraison du bien et la fourniture de prestation de services ont été pleinement effectués conformément au contrat principal' et demandait en conséquence au prêteur 'de procéder à la mise à disposition des fonds'.
Il en résulte que c'est sans commettre de faute que la BNP PPF, qui n'avait pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, a versé le capital emprunté entre les mains de la société Isoleo, au vu de ce certificat dont les termes ne pouvaient lui permettre de déceler la mauvaise qualité des produits livrés et l'insuffisance de performance de l'installation, et moins encore de prévoir la survenue postérieure d'une panne du système de récupération de chaleur.
Il convient dès lors de réformer le jugement attaqué et de condamner les époux [Y] au remboursement du capital emprunté de 26 500 euros.
Les intérêts de retard ne courront toutefois, conformément à l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, qu'à compter de la demande formalisée à l'audience du tribunal d'instance de Rennes du 1er juillet 2019.
En revanche, la disposition du jugement attaqué ayant condamné la BNP PPF à restituer les échéances réglées durant la période d'exécution du prêt sera confirmée.
La BNP PPF n'est en effet nullement fondée à demander à la cour de subordonner la restitution des échéances du prêt honorées à la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'électricité et de la restitution au Trésor public des crédits d'impôts perçus, alors que cette obligation de restitution ne procède que de l'annulation de plein droit du contrat de prêt et des restitutions réciproques qui en découlent.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Parties principalement succombantes en première instance, M. [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Isoleo, et la BNP PPF supporteront les dépens de premier degré, ainsi que les frais de la procédure d'expertise judiciaire.
En revanche, parties principalement succombantes devant la cour, les époux [Y] supporteront les dépens d'appel.
Il n'y a en revanche pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 5 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Rennes en ce qu'il a dit que la société BNP Paribas Personal Finance avait commis une faute la privant de son droit à restitution du capital emprunté et rejeté la demande reconventionnelle formée à ce titre ;
Condamne solidairement les époux [Y] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 26 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2019 ;
Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement les époux [Y] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT