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15/12/2022 | FRANCE | N°19/07423

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 15 décembre 2022, 19/07423


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°541



N° RG 19/07423 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QH6W













SAS OUEST ECO-LOGIS



C/



M. [M] [F]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 DECEM

BRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 23 ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°541

N° RG 19/07423 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QH6W

SAS OUEST ECO-LOGIS

C/

M. [M] [F]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Septembre 2022

devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS OUEST ECO-LOGIS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 7]

[Localité 3]

Comparant en la personne de sa Directrice, Mme [K] [W], ayant Me Marine ADAM de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Avocat au Barreau de BREST, pour postulant et représentée par Me Martin LOISELET substituant à l'audience Me Romain CLUZEAU, Avocats plaidants du Barreau de DIJON

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [M] [F]

né le 14 Juillet 1990 à [Localité 4] (64)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant Me Anne GUILLERME, Avocat au Barreau de QUIMPER, pour Avocat constitué

Après avoir travaillé en qualité de travailleur temporaire du 26 octobre 2015 au 14 mars 2016 pour la SAS OUEST ECO-LOGIS qui exerce une activité artisanale de prestation de travaux de rénovation de bâtiments destinée aux particuliers et plus spécialement des travaux d'isolation thermique par l'extérieur, M. [M] [F] a été embauché au sein de la société dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 14 mars 2016 au 16 septembre 2016 puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 septembre 2016.

Le 12 janvier 2018, M. [F] s'est vu notifier un avertissement consécutif à une absence injustifiée le 8 janvier 2018.

Le 15 janvier 2018 M. [F] un nouvel avertissement concernent son comportement dans un hôtel la nuit du 9 au 10 janvier 2018 dans le cadre d'un déplacement professionnel.

M. [F] a été convoqué le 22 janvier 2018 à un entretien préalable fixé au 29 janvier et mis à pied à titre conservatoire. Il a été licencié par courrier notifié le le 5 février 2018 pour faute « grave et inexcusable ».

Le 16 juillet 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de BREST aux fins que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et que la société OUEST ECO-LOGIS soit condamné au paiement de diverses sommes.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par la société OUEST ECO-LOGIS le 13 novembre 2019 du jugement du 27 septembre 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de BREST a :

' Dit et jugé que le licenciement de M. [F] est sans cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SAS OUEST ECO-LOGIS à verser à M. [F] les sommes suivantes:

- 6.909 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 584,49 € à titre de rappel de salaire pour la période correspondant à la mise à pied du 22 janvier 2018 au 08 février 2018,

' Dit et jugé que l'avertissement du 12 janvier 2018 à M. [F] est maintenu,

' Dit et jugé que l'avertissement du 15 janvier 2018 est annulé.

' Condamné la SAS OUEST ECO-LOGIS à remettre à M. [F] les documents sociaux et les bulletins de salaire rectifiés pour tenir compte de la décision, sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir et pour une période limitée à 30 jours, le Conseil s'en réservant la liquidation éventuelle,

' Condamné la SAS OUEST ECOLOGIS à verser à M. [F] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 mai 2020 suivant lesquelles la société OUEST ECO-LOGIS demande à la cour de :

' Dire que le licenciement de M. [F] repose sur une faute grave,

' Dire à titre subsidiaire que le licenciement de M. [F] repose sur une faute simple caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement,

' Dire bien fondés les avertissements notifiés à Monsieur [F] les 12 et 15 janvier 2018,

' Infirmer en conséquence le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de ses demandes au titre des rappels de salaire, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts au titre de l'annulation de l'avertissement du 15 janvier 2018,

' Débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes,

' Condamner M. [F] à payer à la société OUEST ECO-LOGIS la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dire que M. [F] supportera les entiers dépens de l'instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 mai 2020, suivant lesquelles M. [F] demande à la cour, au visa des articles L. 1226-2 et L1226-4 du Code du travail, L1153-6 et L1152-5 du Code du travail, de :

' Confirmer la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes de BREST le 27 septembre 2019 en ce qu'elle a :

- Dit et jugé que le licenciement de M. [M] [F] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné en conséquece la SAS OUEST ECO-LOGIS (OEL) à verser à M. [M] [F] les sommes suivantes :

* 6.909 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 584,49 € à titre de rappel de salaire pour la période correspondant à la mise à pied du 22 janvier 2018 au 08 février 2018,

- Dit et jugé que l'avertissement du 12 janvier 2018 à M. [M] [F] est maintenu,

- Dit et jugé que l'avertissement du 15 janvier 2018 est annulé,

- Condamné la SAS OUEST ECO-LOGIS à remettre à M. [F] les documents sociaux et les bulletins de salaire rectifiés pour tenir compte de la présente décision, sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir et pour une période limitée à 30 jours, le Conseil s'en réservant la liquidation éventuelle,

- Condamné la SAS OUEST ECOLOGIS à verser à Monsieur [M] [F] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirmer en ce qu'elle a :

- Dit et jugé que l'avertissement du 12 janvier 2018 à M. [F] est maintenu

- Débouté Monsieur [F] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires

En conséquence :

' Débouter la Société OUEST ECO-LOGIS de toutes ses demandes ;

' Condamner la Société OUEST ECO-LOGIS à régler à Monsieur [F] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

' Condamner la Société OUEST ECO-LOGIS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 8 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d'appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à 'dire' ou 'constater' un principe de droit ou une situation de fait, voire "juger" utilisé comme synonyme des verbes précédents pour introduire dans le dispositif des moyens relevant de la discussion. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

M. [F] indique avoir effectué des heures supplémentaires correspondant aux temps de retour entre le lieu des chantiers et l'atelier afin de ramener le camion chaque soir au dépôt, le retour des véhicules au dépôt étant obligatoire et l'arrivée au dépôt se faisant à 8 h 00 et le départ du chantier à 17 h 30 avant un retour au dépôt afin de déposer le camion. M. [F] dans le dispositif de ses dernières écritures ne forme pour autant aucune demande ni au titre du paiement des heures supplémentaires qui lui resteraient impayées qu'il ne fait qu'évoquer dans le corps de ses écritures(en page 16) en même temps qu'il évoque une demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé «'correspondant à 6 mois de salaire'» qu'il ne reprend pas davantage dans le dispositif de ses conclusions.

La société OUEST ECO-LOGIS rétorque pour confirmation que M. [F] ne produit strictement aucune pièce faisant référence aux dates, horaires et justificatifs de ses calculs alors que l'employeur produit les feuilles d'émargement mensuelles du salarié qui font apparaître l'ensemble de son temps de travail'; que le travail dissimulé n'est pas davantage caractérisé.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

Vu par ailleurs les dispositions des articles L8221-1 et suivants du code du travail';

En l'espèce, outre que M. [F] ne forme dans le dispositif de ses dernières écritures aucune demande ni au titre du paiement d'heures supplémentaires ni au titre du travail dissimulé, il doit être constaté au surplus que l'intéressé ne produit qu'une liste manuscrite de lieux dont chacun est associé à un nombre suivi de l'unité «'min'», dont on suppose qu'il désigne un temps de trajet (sa pièce n°12) sans aucune mention de date, ni aucune mention d'heures de début et de fin de travail, ni aucun décompte des heures accomplies, sans aucun comparatif avec les heures figurant sur ses bulletins de salaire, de sorte que M. [F] ne fournit pas les éléments suffisamment précis permettant à l'employeur de répondre.

La société appelante fournit quant à elle l'ensemble des relevés d'heures signés par le salarié entre mars 2016 et décembre 2017 (pièce n°21) sur lesquels le salarié ne forme aucune contestation.

Le jugement entrepris sera dans ces conditions confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes aux titres des heures supplémentaires et du travail dissimulé.

Sur les avertissements des 12 janvier et 15 janvier 2018

Aux termes des articles L.331-1 et L.331-2 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige portant sur une procédure disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Sur l'avertissement du 12 janvier 2018

M. [F], dans le dispositif de ses conclusions dont les mentions sont contradictoires, demande successivement la confirmation et l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'avertissement du 12 janvier 2018 était maintenu et ne formule aucune demande d'annulation dudit avertissement'; il soutient d'une part que l'article 13 du contrat ne prévoit aucune modalité particulière d'autorisation des absences, d'autre part que l'absence du 8 janvier 2018 avait été notifiée à Mme [W] et M. [E], responsables de la société, lors de l'entretien de fin d'année.

La société OUEST ECO-LOGIS demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande d'annulation de cet avertissement en faisant valoir qu'il ne justifie par aucun élément de la prétendue autorisation d'absence qu'il allègue avoir obtenue.

Le courrier du 12 janvier 2018 intitulé «'lettre d'avertissement'» (pièce n°4 de la société appelante) est ainsi rédigé':

«' Nous avons eu le regret de constater votre absence injustifiée le 08 janvier 2018, date à laquelle vous auriez dû reprendre votre poste de travail à l'issue de la période de fermeture pour congés.

Nous relevons, par ailleurs, qu'aucune demande préalable n'a été formulée auprès de votre référent d'agence ou de la Direction pour autoriser cette absence.x

Nous vous rappelons qu'aux termes de votre contrat de travail (Article 11 - Absences), vous êtes tenu non seulement de nous justifier de toute absence mais également d'obtenir une autorisation préalable lorsqu'il s'agit notamment d'absence pour convenance personnelle.

Nous considérons que ces faits constituent un manquement à vos engagements contractuels, ce qui nous amène donc à vous notifier par la présente un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel.

Nous espérons pouvoir compter sur vous pour que de tels faits ne se renouvellent pas à l'avenir et que nous puissions poursuivre une collaboration efficace et de confiance.

Si toutefois, de tels incidents venaient à se reproduire, nous pourrions être amenés à prendre des sanctions plus graves.'»

M. [F], outre qu'il ne forme au sens des dispositions précitées de l'article 954 du code de procédure civile aucune demande, ne produit strictement aucune pièce au soutien de son affirmation selon laquelle son absence du 8 janvier 2018, dont il ne conteste pas la matérialité, aurait été «'notifiée'» à ses supérieurs ou autorisée par eux.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'avertissement du 15 janvier 2018

La société OUEST ECO-LOGIS fait valoir pour infirmation que dans le cadre d'un déplacement, M. [F] et ses deux autres équipiers ont passé une nuit à l'hôtel DE [5] à [Localité 6]'; que les salariés se sont fait remarquer par leur comportement nocturne, bruyant et irrespectueux, de surcroît sous l'emprise de l'alcool'; que le gérant de l'hôtel a contacté, dès le lendemain, la société OUEST ECO-LOGIS pour se plaindre'; que le comportement de M. [F] caractérise la violation de son obligation de loyauté et de l'article 13 de son contrat de travail'; que la sanction était dès lors justifiée.

M. [F] soutient pour confirmation que les termes du courrier sont particulièrement imprécis et ne permettent pas de connaître les faits motivant cette sanction'; que l'employeur indique de façon très légère et sans aucune preuve que M. [F] aurait « transmis de fausses informations » et que les clients « étaient mécontents » ou encore que « son comportement s'était dégradé »'; que c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a annulé cet avertissement.

Le courrier du 15 janvier 2018 intitulé «'lettre d'avertissement'» (pièce n°5 de l'employeur) est ainsi rédigé':

«'Nous avons eu connaissance de faits et de débordements de votre part, qui se sont déroulés lors d'un déplacement au cours de la nuit du 9 au 10.01.2018 à l'hôtel de [5] à [Localité 6].

Nous déplorons avec gravité, l'attitude que vous avez eu [sic] dans le cadre de votre séjour à l'hôtel, que ce soit envers la direction ou les clients de l'hôtel.

Votre comportement inacceptable est grandement préjudiciable à la notoriété de l'entreprise.

Nous vous rappelons que contractuellement (contrat de travail : Article 13 - Obligations professionnelles), vous vous êtes engagés « à adopter en permanence un comportement aimable et courtois envers la clientèle ou tiers de l'entreprise'», ce qui à priori n'a pas été le cas aux vues [sic] des événements qui nous ont été rapportés.

En tant que salarié de la Société OUEST ECO LOGlS, vous êtes tenu dans le cadre de vos fonctions, ainsi qu'en toute circonstance, à représenter l'entreprise [sic] et veiller à ne pas commettre d'actes qui puissent nuire à sa réputation. Aussi, nous souhaitons vivement que de tels incidents ne se renouvellent pas à l'avenir et que nous puissions poursuivre une collaboration efficace et de confiance.

Si toutefois nous avions de nouveau à déplorer des manquements dans votre comportement, nous pourrions être amenés à prendre des sanctions plus graves.'»

Alors même que ce courrier d'avertissement est rédigé en des termes très imprécis ne permettant pas de connaître la nature des faits que l'employeur entend reprocher à son salarié, la société OUEST ECO-LOGIS, se contente d'affirmer (page 31 de ses écritures) que M. [F] «'le sait parfaitement puisque sa pièce n°10 fait expressément référence aux 'faits reprochés' » sans pour autant verser aux débats le moindre élément de nature à établir la nature et la réalité des faits de «'débordements'» de la part de ses salariés ni à justifier de la moindre plainte de la part du gérant de l'hôtel, alors que M. [F] produit un courriel émanant de la Direction de l'hôtel désigné dont il ressort «'qu'aucun incident n'a été relevé'» à l'étage que le salarié occupait (sa pièce n°8).

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé l'avertissement notifié à M. [F] le 15 janvier 2018.

Sur le licenciement prononcé pour faute grave

La société OUEST ECO-LOGIS soutient pour infirmation que M. [F] occupait un poste de Bardeur-Poseur-Chef d'équipe et avait principalement pour fonctions d'assurer la mise en 'uvre d'un système d'isolation thermique par l'extérieur dans le cadre d'une rénovation d'habitation chez un particulier, dont la phase de réalisation impliquait également le montage et le démontage des échafaudages sur le chantier'; qu'il encadrait les autres membre de son équipe dont un autre salarié de l'entreprise et un intérimaire'; que depuis son arrivée au sein de l'entreprise M. [F] a suivi plusieurs formations notamment concernant les règles relatives à la sécurité des échafaudages'; qu'il participait chaque mois à des réunions techniques permettant pour chaque chantier d'aborder ses spécificités et ses éventuelles difficultés afin d'y apporter des réponses'; qu' au cours de la réunion concernant le chantier considéré'a été rappelée la spécificité des règles applicables en présence d'une ligne électrique aérienne ; que les faits visés dans la lettre de licenciement sont matériellement établis et constitutifs d'une faute grave.

M. [F] soutient pour confirmation qu'il est faux de considérer qu'il était responsable sur le chantier concerné'; qu'il occupait au sein de la société un poste d'ouvrier niveau I position I coefficient 150 et n'a connu aucune évolution dans son poste'; qu'il n'était titulaire d'aucune délégation de pouvoir'; que les pièces versées aux débats attestent que M. [F] assistait aux réunions préparatoires en tant qu'ouvrier au même titre que MM [S] et les intérimaires'; que les obligations de M. [F] étaient donc les obligations d'un salarié sans responsabilité particulière et que l'employeur ne démontre pas qu'il ait enfreint ses obligations en matière de sécurité au travail'; qu'il a au contraire parfaitement respecté ses obligations en matière de sécurité puisqu'il a exercé son droit de retrait.

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l'article L.4122-1 du Code du Travail,

«'Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.

Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.'»

La lettre de licenciement datée du 5 février 2018 (pièce n°8 de la société appelante) est ainsi rédigée':

«'[sic] Suite à notre entretien préalable qui s'est tenu le 29 Janvier 2018, au cours duquel nous avons pu recueillir vos explications.

Ces dernières ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Par conséquent nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :

Pour rappel, le 15 janvier dernier, vous étiez affecté en tant que responsable sur le chantier de Mme et Mr [Z] à SAINT BRlEUC, afin d'effectuer la pose de panneaux d'isolation par l'extérieur sur la façade d'une maison individuelle de deux étages et dont vous aviez, en autre, la charge du montage de l'échafaudage.

Lors d'une visite impromptue de l'inspection du travail sur le chantier cité ci-dessus, le contrôleur du travail a constaté que vous étiez en poste sur l'échafaudage, alors que la ligne électrique aérienne sous tension reliée à la maison touchait l'échafaudage au niveau du 3ème palier et que la distance de sécurité n'était pas respectée. Aussi, Il vous a été demandé un arrêt immédiat des travaux avec retrait du chantier, en raison d'une situation de danger grave et imminent, pour vous et toutes personnes présentes dans le périmètre de l'échafaudage.

Ce même jour, un procès-verbal relatant les faits a été établi par le contrôleur et vous a été remis en votre qualité de chef de chantier tel que mentionné sur le document.

Il en a suivi un courrier de la Direccte en date du 16 janvier 2018, adressé au siège de l'établissement et dans lequel il était signifié un arrêt temporaire des travaux dans l'attente d'une mise en conformité de la ligne électrique.

Compte tenu de votre expérience dans l'entreprise, de vos engagements en tant que responsable sur ce chantier et par ailleurs au regard de votre formation initiale et continue vous ne pouviez ignorer les risques inhérents à un tel montage de l'échafaudage.

Pour mémoire, votre CV indique que vous êtes titulaire d'une habilitation électrique BS, doublée d'une attestation au premiers secours. En outre, vous avez suivi dès votre entrée dans l'entreprise comme intérimaire une formation de base incluant les règles de sécurité en matière d'échafaudage, puis dans la cadre du plan de formation au sein de l'entreprise vous avez suivi, le 19 mai 2016 et les 13 et 14 juin 2016 deux formations intitulées «'Travaux en hauteur'» et « Montage d'échafaudages fixes simple et/ou roulants'».

Ces formations ont été initiées par l'entreprise pour l'ensemble de ses salariés, consciente de l'importance des rappels des règles de sécurité propres aux échafaudages.

Pour autant, vous n'avez pas mis à profit l'ensemble de ces enseignements. De plus, nous ne pouvons que déplorer votre attitude, à aucun moment vous n'avez informé votre hiérarchie du problème rencontré, ni sollicité une aide de la part d'un responsable technique. Vous avez fait preuve d'individualisme, de négligence et d'inconscience dans la gestion de cette situation.

Tels sont les faits qui vous sont reprochés et qui constituent une faute grave et inexcusable de votre part.

Compte tenu de ces manquements avérés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement-prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied conservatoire en date du 22 janvier 2013, dès lors la période non travaillée du 22 Janvier 2018 au 8 Février 2018 ne sera pas rémunérée. (...)'»

Sont également versées aux débats :

- la décision de l'agent de contrôle de l'inspection du travail du 15 janvier 2018 (pièce n°6 de la société'; pièce n°6 du salarié) qui porte la mention de sa remise le jour-même à M. [F] désigné par mention manuscrite comme «'chef chantier'» sur le document ainsi rédigé «'Trois salariés montent en échafaudage. La ligne électrique touche l'échafaudage. Elle est en tension'», le contrôleur ordonnant «'la mise hors tension de la ligne électrique qui touche l'échafaudage et de toute ligne à moins de 3 mètres'»';

- une photographie (pièce n°7 de M [F] ) de l'installation';

- l'attestation de M. [S] (pièce n° 9 du salarié), également licencié pour faute grave, qui confirme avoir monté l'échafaudage avec M. [F]'; il ajoute qu'après avoir appris en discutant avec le client que «'personne n'étais passé [sic] mettre en sécurité ou coupé le courant du câble EDF [...] nous avons décidé de ne pas nous mettre plus en danger et avons appelé l'inspection du travail'»';

- l'attestation de M. [D], responsable technique (pièce n°15 de la société) qui confirme que sur ce chantier étaient affectés au sein de «'l'équipe (M. [F], M. [S], M. [N])'» qui forment avec M. [R] «'l'ensemble des personnels de pose'» devant participer aux réunions techniques supervisées par la directrice Mme [W] et lui-même'; il ajoute que lors de la réunion préparatoire au chantier considéré «'nous avons attiré l'attention des salariés sur la présence de ligne électrique, tout en demandant le respect des règles de sécurité applicable [sic] dans le cas de figure (en particulier le respect d'une distance minimale de sécurité et l'absence de tout contact avec la ligne) »';

- l'attestation de M. [R] (pièce n°16), exerçant à la fois la profession de «'bardeur'» et occupant le poste de «'référent chef d'équipe'» qui confirme la transmission de ces consignes propres au chantier concerné tenant à la présence des lignes électriques s'agissant de la distance minimum et de la nécessité d'éviter tout contact.

Il ressort ainsi en l'espèce de l'ensemble des pièces versées aux débats et des écritures des parties que M. [F] (voit notamment ses écritures pages 7 et 10) ne conteste pas la matérialité des faits puisqu'il reconnaît':

- qu'il a procédé au montage de l'échafaudage en compagnie de M. [S],

- que l'échafaudage une fois installé touchait la ligne qui était en tension,

- qu'il était monté travailler sur l'échafaudage lors de l'intervention de l'inspection du travail,

- que le chantier a été interrompu immédiatement dans l'attente de la mise hors tension,

- qu'il était présent au cours d'une réunion préparatoire concernant ce chantier.

Or M. [F], s'il soutient sans en justifier ' et en contradiction avec les mentions de la décision du contrôleur du travail précitée ' l'exercice de son droit de retrait, revendique néanmoins une parfaite connaissance des risques puisque':

- s'agissant de la réunion préparatoire au chantier à laquelle il a assisté il conteste uniquement avoir été à cette occasion désigné comme chef d'équipe mais ne conteste nullement qu'y ait été abordée la question de la présence des lignes électriques et des précautions en découlant,

- il évoque lui-même (page 10 de ses écritures), même s'il n'en justifie pas, le sujet de la dangerosité des câbles EDF à proximité des chantiers qui aurait été soulevée plusieurs fois en réunion technique, soutenu en cette affirmation par le témoignage précité de M. [S] (pièce n°9).

Dans ces conditions M. [F], qui n'allègue pas que sa formation aurait été insuffisante au regard des tâches qui lui étaient confiées (conf. Les pièces n°11 à 14 de la société appelante) ou que les moyens mis à sa disposition ne permettait pas d'appliquer les règles de sécurité dont il avait parfaitement connaissance, ne peut soutenir avoir «'respecté toutes ses obligations en matière de sécurité'» en appelant l'inspection du travail alors qu'il avait lui-même créé la situation de danger grave et imminent résultant de sa présence sur l'échafaudage qu'il avait participé à monter de telle manière qu'il touchait la ligne électrique sous tension.

Dans ces conditions il est indifférent de savoir d'abord si M. [F] était ou non titulaire d'une délégation de pouvoirs alors que l'absence d'une telle délégation n'est en tout de cause pas de nature à l'exonérer de sa propre obligation résultant des dispositions précitées, de déterminer ensuite s'il était chef d'équipe dès lors que le montage de l'échafaudage dans le respect des règles de sécurité relevait de ses fonctions de bardeur-poseur (étant observé au surplus que M. [F] était le seul employé en contrat à durée indéterminée parmi les trois affectés au chantier le 15 janvier et qu'il se contente sur ce point de contester le sens des pièces produites par l'employeur), ou de rechercher enfin s'il disposait d'une habilitation en matière de travaux électriques dès lors qu'une telle habilitation n'était pas requise pour l'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées.

Ainsi il est démontré que les faits imputables au salarié constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une gravité telle qu'ils rendaient en fait impossible la poursuite du contrat de travail, même pour la durée du préavis et justifiaient en conséquence son licenciement pour faute grave à l'issue de sa mise à pied à titre conservatoire.

Le jugement sera infirmé à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation des parties commandent l'application de l'article 700 du Code de procédure civile comme énoncé dans le dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

JUGE que le licenciement pour faute grave de M. [F] était justifié,

DEBOUTE M. [F] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et du salaire sur la période de mise à pied conservatoire, ainsi que de sa demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés';

DIT n'y avoir lieu à un article 700 du code de procédure civile en première instance ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. [F] à verser à la SAS OUEST ECO-LOGIS la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [F] de sa demande en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/07423
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;19.07423 ?
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