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15/12/2022 | FRANCE | N°17/01332

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 15 décembre 2022, 17/01332


4ème Chambre





ARRÊT N° 413



N° RG 17/01332

N° Portalis DBVL-V-B7B-NXI3







HR / FB













Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Brigitte DELAPIERREG

ROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 10 Novembre 2022

...

4ème Chambre

ARRÊT N° 413

N° RG 17/01332

N° Portalis DBVL-V-B7B-NXI3

HR / FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL BRETAGNE PROMOTION

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉES :

SAS EUROVIA BRETAGNE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me BOHRER DE KREUZNACH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SAS KERLEROUX TP

Lieudit [Localité 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

EURL CABINET [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel CUIEC de la SCP CUIEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte d'engagement en date du 11 février 2008, la société Bretagne Promotion a confié au groupement constitué entre la société Kerleroux TP, mandataire, et la société Eurovia Bretagne les travaux de VRD du lotissement de [Adresse 7] à [Localité 9] moyennant le prix de 1700000 euros HT. Les travaux ont été exécutés sous la maîtrise d'oeuvre de la société Cabinet [S] [E], géomètre-expert.

Par acte d'huissier en date du 25 mars 2015, la société Eurovia Bretagne a fait assigner la société Bretagne Promotion devant le tribunal de commerce de Brest pour l'entendre condamner à lui payer la somme de 94 607,81 euros TTC au titre des factures des 28 février 2010, 31 mars 2010, 30 avril 2010 et 31 mai 2010.

La défenderesse a attrait à la cause la société Kerleroux TP et la société Cabinet [S] [E] et sollicité à titre reconventionnel une expertise.

L'affaire a été dépaysée au tribunal de commerce de Lorient qui, par un jugement du 18 janvier 2017 assorti de l'exécution provisoire, a dit n'y avoir lieu à expertise et condamné la société Bretagne Promotion à payer à la société Eurovia Bretagne la somme de 94607,81 euros TTC avec les intérêts au taux appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 30 juin 2010 jusqu'à parfait paiement et, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros à la société Eurovia Bretagne et celle de 2500 euros à la société Kerleroux TP ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Bretagne Promotion ayant interjeté appel de cette décision, par un arrêt en date du 28 novembre 2019, la cour d'appel a :

- infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [T] [G] avec pour mission de :

- examiner les désordres, malfaçons et non conformités affectant les travaux du lot du groupement mentionnés dans les pièces 5 et 17 du dossier de la société Bretagne Promotion ;

- dire s'ils existent, dans l'affirmative, en rechercher les causes ;

- décrire les travaux de nature à y remédier, les chiffrer ;

- fournir tous éléments permettant de statuer sur les responsabilités encourues et les préjudices des parties ;

- proposer un apurement des comptes entre les parties ;

- faire toutes observations utiles à la solution du litige ;

- sursis à statuer sur les demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

- condamné la société Bretagne Promotion à payer à la société Eurovia Bretagne une provision de 62 206,64 euros TTC à valoir sur les factures des 28 février 2010, 31 mars 2010, 30 avril 2010 et 31 mai 2010 ;

- réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 25 avril 2022.

Les parties ont conclu à nouveau.

L'instruction a été clôturée le 4 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 3 octobre 2022, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, la société Bretagne Promotion demande à la cour de :

- dire et juger que la somme de 83 897,37 euros HT soit 100 341,26 euros TTC viendra en déduction des sommes restant dues au groupement solidaire Kerleroux-Eurovia et sera déduite de la réclamation de la société Eurovia ;

- condamner in solidum les sociétés Eurovia, Kerleroux et Cabinet [S] [E] à lui payer la somme de 23 166,80 euros TTC au titre des travaux de reprise à réaliser ;

- dire et juger que la somme de 23 166,80 euros viendra en compensation avec les sommes éventuellement dues au titre du solde du marché de la société Eurovia Bretagne ;

- condamner la société Cabinet [S] [E] à lui payer les sommes suivantes :

- 9 492,81 euros au titre des taxes foncières ;

- 21 794 euros au titre de l'entretien des espaces verts ;

- en cas de réception judiciaire, la prononcer avec réserves, les réserves étant celles figurant au rapport d'expertise judiciaire de M. [G] en date du 21 avril 2022, outre la fourniture des documents prévus à l'article 4.05 du contrat (CPP) ;

- condamner la société Eurovia Bretagne et les sociétés Kerleroux TP et Cabinet [S] [E] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle dément avoir refusé la réception, ce qu'elle n'aurait pas eu intérêt à faire car cette opération aurait transféré les charges d'entretien du lotissement à l'ASL, et observe qu'aucune convocation à des opérations de réception n'est produite. S'il était fait droit à la demande de prononcé de la réception judiciaire, elle sollicite que celle-ci soit assortie des réserves correspondant aux désordres figurant dans le rapport de M. [G] ainsi qu'à la non fourniture des documents prévus à l'article 4.05 du CCP.

Sur ce dernier point, elle indique que les documents dont la remise était prévue ne lui ont pas été adressés, que la cour a reconnu l'existence du grief mais considéré qu'il ne pouvait faire obstacle au règlement des factures. Elle maintient que le solde des situations de travaux n'est pas exigible, à tout le moins, estime être fondée à se prévaloir de la retenue de garantie de 5% prévue à l'article 2.05 du CCP, ce qui représente 100 341,26 € TTC à déduire de la réclamation de la société Eurovia. Elle répond que cette somme n'a pas la nature de dommages-intérêts mais constitue l'application du contrat et rappelle que les membres du groupement sont engagés solidairement à son égard.

Elle reproche au tribunal d'avoir fait application du taux de la BCE majoré de 10%, au lieu de 10 points, alors que c'est le cahier des clauses particulières qui régit les relations contractuelles, lequel ne prévoit pas cette pénalité. Selon elle, l'article L. 441-6 du code de commerce n'est pas applicable car elle n'entre pas dans les catégories visées par ce texte.

Elle demande la condamnation in solidum des membres du groupement à lui payer le montant des travaux de reprise évalués par M. [G] à la somme de 23 166,80 € TTC venant éventuellement en compensation des sommes qui resteraient dues à la société Eurovia au titre du solde de son marché.

Elle soutient que ses demandes contre la société [E] ne sont pas nouvelles en cause d'appel car elle sollicitait en première instance une mesure d'expertise avant-dire droit qui a été écartée par le tribunal mais que la cour a accueillie. Sur le fond, elle sollicite la condamnation du maître d'oeuvre à l'indemniser du coût de l'entretien et du montant des taxes foncières sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Elle fait valoir que si la réception avait été organisée par la société [E] en présence de l'ASL, comme cela était prévu dans les statuts, celle-ci aurait eu pour effet de lui transférer les équipements communs. Elle ajoute que si les travaux n'avaient pas été réceptionnables, ce coût aurait incombé aux entrepreneurs de sorte que, dans tous les cas, il ne doit pas être à sa charge. Elle précise avoir relancé le maître d'oeuvre à plusieurs reprises à cet effet. Elle lui reproche d'entretenir la confusion entre le transfert à l'ASL et le transfert à la collectivité. Elle conteste avoir été défaillante dans l'organisation d'une expertise judiciaire.

Dans ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2022, la société Eurovia Bretagne demande à la cour de :

- débouter la société Bretagne Promotion de l'ensemble de ses demandes comme étant mal fondées ;

- condamner la société Bretagne Promotion à lui payer la somme de 94 607,81 euros, majorée des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage, conformément aux dispositions de l'article L441-6 I du code de commerce (devenu L441-10 du même code), à compter du 30 juin 2010 et jusqu'à parfait paiement ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- fixer la répartition du coût des travaux entre les entreprises coobligées de la façon suivante:

- à la charge de la société Kerleroux : une somme de 17 826,80 euros ;

- à la charge de la société [E] : une somme de 1 947,60 euros ;

- à la charge de la société Eurovia Bretagne, une somme de 3 392,40 euros ;

- condamner les sociétés Kerleroux et [E] à la garantir, chacune à hauteur de sa quote-part, dans l'hypothèse où elle serait amenée à payer l'intégralité de la somme de 23 166,80 euros à la société Bretagne Promotion par compensation avec les sommes restant dues ;

- débouter la société Bretagne Promotion de toutes autres demandes ;

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Kerleroux à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée au profit de la société Bretagne Promotion au titre du non-respect des dispositions de l'article 4.05 du CCP ;

- débouter la société Cabinet [S] [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- prononcer la réception des travaux à la date du 30 avril 2010 ;

- en toute hypothèse, condamner la société Bretagne Promotion à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Elle observe que l'appelante ne conteste plus lui devoir la somme de 94 608,81 € TTC au titre de ses quatre dernières situations de travaux. Elle soutient que l'article L. 441-6 du code de commerce s'applique à titre supplétif, ses factures mentionnant cette pénalité. Elle demande la capitalisation des intérêts depuis le 30 juin 2010, date de la dernière échance, précisant qu'aucun règlement ne lui a été adressé malgré l'exécution provisoire et la condamnation provisionnelle prononcée par la cour.

Sur l'article 4.05 du CCP, elle déclare avoir réalisé les travaux de voirie pour lesquels il n'y avait aucun document à remettre, le plan de récolement étant à la charge de la société Kerleroux qui devra être condamnée à la garantir en cas de condamnation. Elle fait valoir que le cahier des clauses particulières ne prévoit pas que le défaut de remise est sanctionné par une pénalité égale à 5% du montant du marché, la retenue de garantie étant définie par la loi du 16 juillet 1971 et n'ayant pas été prélevée sur les situations de travaux. Elle ajoute que l'appelante ne justifie d'aucun préjudice à ce titre, sa première demande ayant été présentée cinq ans après l'achèvement des travaux. Subsidiairement, elle demande de réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité.

Sur les désordres, elle précise que le coût des travaux à sa charge s'élève à 3392,40 € mais qu'elle ne discute pas la solidarité entre les membres du groupement, sollicitant la garantie de la société Kerleroux à hauteur de 17 826,80 € et de la société [E] à hauteur de 1947,60 €.

Elle conclut au rejet de la demande en garantie de la société [E] au motif qu'elle est étrangère aux obligations du maître d'oeuvre à l'égard du maître de l'ouvrage.

Elle déclare se joindre à la demande de réception des travaux présentée par la société Kerleroux.

Dans ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2022, la société Kerleroux TP demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Bretagne Promotion de l'intégralité de ses prétentions ; la débouter de ses demandes tendant à :

- enjoindre aux sociétés Eurovia, Kerleroux TP et Cabinet [S] [E] d'établir un décompte récapitulant l'ensemble des règlements effectués par la société Bretagne Promotion ainsi que le solde restant dû sur la base d'un marché de travaux de 1 677 947,51 euros HT soit 2 006 825,22 euros TTC, montant retenu par la cour ;

- dire et juger que la somme de 83 897,37 euros HT viendra en déduction des sommes restant dues ;

- prononcer la réception des travaux avec effet au 30 avril 2010 ;

- débouter la société Bretagne Promotion de toutes ses autres demandes ;

- condamner la société Bretagne Promotion à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, y compris les frais d'expertise.

Elle expose que les travaux ont été réalisés en quatre tranches et que le maître d'oeuvre a organisé une réception par tranche, que cependant, les procès-verbaux n'ont pas été signés par le maître de l'ouvrage, qu'une réception définitive avait été prévue le 30 avril 2010 que le maître d'oeuvre a décidé de différer alors que les travaux étaient accomplis à 100 % sauf le jardin et les réseaux secs à 95%. Elle observe que le montant des travaux de reprise représente 1,4% du montant du marché. Elle demande la confirmation du jugement qui a retenu que les travaux avaient été exécutés, ce que l'expertise a confirmé.

Elle considère que l'article 4.05 du cahier des clauses particulières n'autorise le maître de l'ouvrage à retenir une partie du règlement et à différer la réception que s'il ne reçoit pas les plans de récolement et les notices de fonctionnement, que l'appelante a fait preuve d'inertie en ne prononçant pas la réception des travaux, qu'elle ne peut invoqur la retenue de garantie de 5%, ce qui conduirait à un déséquilibre manifeste dans les relations entre les parties. Elle sollicite la compensation entre la somme de 23 166,80 € et la somme restant due à la société Eurovia et le prononcé de la réception à la date du 30 avril 2010 qui est dans l'intérêt de toutes les parties, avec les réserves figurant dans le rapport d'expertise de M. [G].

Dans ses dernières conclusions en date du 26 août 2022, la société Cabinet [S] [E] demande à la cour de :

- à titre principal, dire et juger irrecevables comme étant nouvelles en cause d'appel les demandes présentées par la société Bretagne Promotion ;

- dire et juger non fondées les prétentions de la société Bretagne Promotion ; la débouter de toutes ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;

- statuer ce que de droit sur les demandes de la société Bretagne Promotion tendant à ce que soit dit et jugé que :

- la somme de 83 897,37 euros HT soit 100 341,26 euros TTC viendra en déduction des sommes restant dues au groupement solidaire Kerleroux-Eurovia et sera déduite de la réclamation de la société Eurovia ;

- la somme de 23 166,80 euros viendra en compensation avec les sommes éventuellement dues au titre du solde du marché de la société Eurovia Bretagne ;

- débouter la société Bretagne Promotion de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Eurovia Bretagne, Kerleroux TP et Cabinet [S] [E] à leur régler la somme de 23166,80 euros au titre des travaux de reprise à réaliser ;

- subsidiairement, dire et juger que la part du coût des travaux des reprises des désordres qui lui sont imputables ne saurait excéder la somme de 6 633,50 euros ;

- condamner les sociétés Kerleroux TP et Eurovia Bretagne à la garantir intégralement et relever indemne de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre au titre des travaux de reprise ;

- débouter la société Bretagne Promotion de ses demandes de condamnation à lui régler les sommes de 9 492,81 euros au titre des taxes foncières et 21 794 euros au titre de l'entretien des espaces verts ;

- subsidiairement, condamner les sociétés Kerleroux TP et Eurovia Bretagne à la garantir intégralement et relever indemne de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre à ce titre ;

- condamner la société Bretagne Promotion à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée et la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

- condamner la société Bretagne Promotion ou si mieux n'aime la cour toute partie succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle estime que le débat sur l'article 4.05 du cahier des clauses particulières a été tranché par la cour dans son arrêt du 28 novembre 2019 et que la demande en paiement de l'appelante à hauteur de 100 341,26 € est dénuée de fondement.

Elle oppose aux demandes formées à son encontre les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, aucune demande n'ayant été présentée contre elle en première instance par les parties adverses.

Si la demande au titre des travaux de reprise était jugée recevable, elle demande qu'elle ne dépasse pas la somme de 6 633,50 € en ce qui la concerne. Elle fait remarquer que l'appelante n'a jamais demandé que des réserves soient levées ou des travaux achevés et que l'expert a souligné sa responsabilité. Elle s'en remet sur la demande de compensation.

Elle fait valoir que l'achèvement du chantier a été bloqué par l'absence de remise des documents prévus dans le cahier des clauses particulières par les sociétés Kerleroux et Eurovia, que l'appelante est également responsable de la situation pour ne pas avoir déféré à sa mise en demeure du 14 février 2012 lui demandant de réaliser l'entretien des noues et des pelouses avant d'organiser une visite avec Brest Métropole mais également en ce qu'elle a réalisé les travaux de maçonnerie qui étaient affectés de désordres qu'elle n'a pas repris malgré son courrier du 2 avril 2012.

Le tribunal ayant omis de statuer sur sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, elle demande à la cour de réparer l'omission.

MOTIFS

Par arrêt du 28 novembre 2019, après avoir dit que les contestations soulevées par l'appelante pour s'opposer au paiement de la somme de 94 607,81 € à la société Eurovia Bretagne n'étaient pas fondées, la cour a ordonné une expertise.

Le chef de mission relatif à la rétrocession des ouvrages et équipements communs à l'ASL, qui figurait dans la proposition de mission de la société Bretagne Promotion, a été écarté au motif que les réserves qui y faisaient obstacle étaient plus larges que celles reprochées aux titulaires du lot VRD et que Brest Métropole Océane (BMO) n'était pas à la cause.

Comme le fait remarquer l'appelante, il convient de distinguer la rétrocession des ouvrages et équipements communs destinés à être intégrés dans le domaine public de Brest Métropole Océane de ceux revenant à l'ASL. Le second motif était donc erroné, c'est l'ASL qui n'était pas à la cause.

L'appelante indique qu'une expertise judiciaire avait été confiée à M. [G] le 28 janvier 2019 à la demande des co-lotis et qu'il a déposé son rapport le 28 avril 2022, les deux rapports contenant de nombreux points communs.

Sur la demande de la société Bretagne Promotion au titre de l'article 4.05 du cahier des clauses particulières

L'arrêt du 28 novembre 2019 étant une décision avant-dire droit, les parties sont fondées à revenir sur les points en litige.

L'appelante prétend qu'elle peut refuser de payer le solde des travaux à la société Eurovia sur le fondement de l'article 4.05 du cahier des clauses particulières, subsidiairement, demande sa condamnation à lui payer une indemnité correspondant à la retenue de garantie de 5 %.

Ce texte est libellé comme suit :

'Article 4.05 : délais et retenues pour remise des documents fournis après exécution

En application du CCG, l'entrepreneur est tenu de remettre au maître d'oeuvre en trois exemplaires, plus un sur calque :

- au plus tard lorsqu'il demande l'acceptation :

- quatre exemplaires du plan de récolement,

- les notices de fonctionnement et d'entretien des ouvrages établies conformément ax prescriptions et recommandations des normes françaises en vigueur,

- dans le mois suivant la réception :

- les plans et autres documents conformes à l'exécution pliés au format A4.

La réception de ces documents conditionne l'établissement du décompte général définitif des travaux, le règlement des sommes pouvant rester dues à l'entrepreneur ainsi que la réception définitive des travaux.'

Il n'autorise pas le maître de l'ouvrage qui ne paie pas les situations de travaux en violation de l'article 2.02 (paiement à 60 jours) à justifier ce non paiement. Il ne renvoie pas à l'article 2.05 relatif à la retenue de garantie de 5% qui peut être prélevée sur les situations en l'absence de caution. Enfin, il ne peut avoir pour effet de geler indéfiniment la réception de l'ouvrage et l'apurement des comptes entre les parties.

Quoi qu'il en soit, le débat sur la sanction pour non-respect de l'article 4.05 est sans objet puisqu'il résulte du rapport d'expertise (page 10) que les plans d'ensemble et les plans de récolement ont été adressés à l'expert par le conseil du Cabinet [E] par un dire du 14 janvier 2021. La demande est dès lors sans objet.

Il sera surabondamment observé que la société Bretagne Promotion ne subit aucun préjudice puisqu'elle va rétrocéder les réseaux à la collectivité.

Sur la demande de la société Eurovia

Sur les désordres

Il n'y a pas de discussion sur les désordres constatés par l'expert et le chiffrage des travaux de réparation.

Compte tenu de la solidarité, il convient de déduire la somme de 23 166,80 € du solde restant dû à la société Eurovia Bretagne.

Le jugement est infirmé, le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de l'appelante au profit de cette dernière étant ramené à 71 441,01 €. L'arrêt du 28 novembre 2019 n'ayant pas été exécuté, il n'y a pas lieu de prévoir une condamnation en deniers ou quittances.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts

Le cahier des clauses particulières ne contient aucune stipulation sur les intérêts de retard en cas de non paiement des situations à l'échéance.

La société Eurovia invoque les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce.

Ce texte est devenu l'article L. 441-10 II du code de commerce depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019. Le silence du cahier des clauses particulières ne fait pas obstacle à son application. Comme le rappelle la société Eurovia, il s'agit de dispositions légales supplétives applicables de plein droit, même en l'absence de stipulation dans les conditions générales de vente. En l'espèce, cette stipulation figure de manière apparente au recto des factures. La société Bretagne Promotion étant une SARL, elle ne peut prétendre ne pas entrer dans le champ d'application du texte.

La demande au titre des intérêts contractuels est fondée.

Il convient d'ordonner la capitalisation desdits intérêts. Le point de départ des intérêts capitalisés ne peut être antérieur à la demande du créancier, soit les conclusions de la société Eurovia Bretagne du 2 septembre 2022. La demande tendant à fixer ce point de départ au 30 juin 2010 est rejetée.

Sur les recours de la société Eurovia

S'agissant de la fin de non recevoir opposée par la société [E], il sera relevé que la société Bretagne Promotion avait présenté sa demande d'expertise en première instance, que ses demandes après le dépôt du rapport tendent à faire écarter la prétention de la société Eurovia Bretagne à son encontre, la demande de cette dernière en étant la conséquence. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer l'article 564 du code de procédure civile.

La société Eurovia Bretagne est créancière du maître de l'ouvrage et sa créance est diminuée du montant des sommes dues par le groupement à divers titres. Il ne s'agit donc pas d'une demande de garantie mais d'une demande de condamnation de ses co-intimées à l'indemniser à hauteur des sommes dont elle est privée. Il convient de requalifier en ce sens.

Il y a lieu de condamner la société Kerleroux à payer à cette dernière la somme de 17 826,80 € et la société [E] celle de 1 947,60 €, la demande de garantie de cette dernière devenant sans objet.

Sur les autres demandes

Sur la demande de réception judiciaire

L'expertise a confirmé que l'ouvrage était techniquement en état d'être reçu à la date du 30 avril 2010.

La réception judiciaire est prononcée à cette date avec les réserves suivantes : les désordres ayant fait l'objet du rapport d'expertise du 25 avril 2022 et l'absence de remise des documents visés à l'article 4.05 du cahier des clauses particulières.

Sur la demande de la société Bretagne Promotion contre la société [E]

La société Bretagne Promotion demande au maître d'oeuvre le remboursement des sommes qu'elles a payées au titre de l'entretien des espaces verts et des taxes foncières du fait de l'absence de rétrocession à l'ASL consécutive à l'absence de réception dont elle lui impute la responsabilité.

La société [E] est fondée à soutenir que cette demande est nouvelle en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Contrairement à ce qui a été jugé plus haut pour les désordres affectant les travaux de VRD, l'appelante ne peut opposer sa demande d'expertise car il résulte du jugement qu'elle portait sur la rétrocession à la collectivité, contrairement à ses conclusions devant la cour.

Cette demande ne tend pas à opposer compensation ou à écarter les prétentions adverses en l'absence de prétention de la société [E] contre l'appelante. Elle ne tend pas davantage à faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La demande n'est pas non plus recevable au regard des dispositions des articles 565 à 567 du code précité.

Elle ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge puisqu'il n'existait aucune demande au titre de la rétrocession à l'ASL. Elle n'est pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes présentées en première instance.

La demande ne peut être qualitifée de reconventionnelle en l'absence de demande formée contre l'appelante par la société [E]. En tout état de cause, une telle demande n'est recevable qu'à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant (article 70 du CPC).

Or, le présent litige porte sur la demande en paiement d'une entrepreneur contre un maître de l'ouvrage qui a appelé en garantie l'autre membre du groupement et le maître d'oeuvre en leur opposant des manquements à leurs obligations. La question de savoir si le maître d'oeuvre a commis des fautes à l'origine de l'absence de rétrocession à l'ASL constitue un litige distinct.

La fin de non recevoir est accueillie.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société [E]

En l'absence de moyens développés dans le corps des conclusions de la société [E] à l'appui de cette prétention contre l'appelante, elle ne sera pas examinée par application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Bretagne Promotion qui succombe en l'essentiel de ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception du coût de l'expertise judiciaire qui sera mis à la charge de la société Eurovia Bretagne, de la société Kerleroux TP et de la société [E] in solidum.

Il résulte du jugement que la société [E] n'avait présenté aucune demande au titre de ses frais irrépétibles. Il n'y a donc pas eu d'omission de statuer du tribunal.

Il n'y a pas lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit des intimées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement :

Vu l'arrêt du 28 novembre 2019,

PRONONCE la réception judiciaire des travaux de VRD-Espaces Verts le 30 avril 2010 avec les réserves suivantes : les désordres ayant fait l'objet du rapport d'expertise du 25 avril 2022, l'absence de remise des documents visés à l'article 4.05 du cahier des clauses particulières,

FIXE le montant du solde du marché dû à la société Eurovia Bretagne à 94 607,81 €,

FIXE le montant dû à la société Bretagne Promotion au titre des travaux de reprise à 23 166,80€,

DEBOUTE la société Bretagne Promotion de ses autres demandes,

CONDAMNE la société Bretagne Promotion à payer la somme de 71 441,01 € à la société Eurovia Bretagne au titre du solde de son marché avec les intérêts au taux appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 30 juin 2010,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil à compter du 2 septembre 2022,

DEBOUTE la société Eurovia Bretagne du surplus de ses demandes,

DECLARE recevable les demandes de la société Eurovia Bretagne contre la société Kerleroux TP et la société Cabinet [S] [E],

CONDAMNE la société Kerleroux TP à payer la société Eurovia Bretagne la somme de 17826,80 €,

CONDAMNE la société Cabinet [S] [E] à payer à la société Eurovia Bretagne la somme de 1 947,60 €,

DECLARE irrecevables les demandes de la société Bretagne Promotion contre la société Cabinet [S] [E] au titre des frais d'entretien du lotissement et des taxes foncières,

CONDAMNE la société Bretagne Promotion à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, la somme de 3 000 euros à la société Eurovia Bretagne et celle de 2500 euros à la société Kerleroux TP,

DEBOUTE la société Eurovia Bretagne, la société Kerleroux TP et la société Cabinet [S] [E] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE in solidum la société Eurovia Bretagne, la société Kerleroux TP et la société Cabinet [S] [E] à payer le coût de l'expertise,

CONDAMNE la société Bretagne Promotion aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17/01332
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;17.01332 ?
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