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14/12/2022 | FRANCE | N°20/04063

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 14 décembre 2022, 20/04063


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/04063 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q4BR













CPAM LOIRE ATLANTIQUE



C/



Société [5]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU N

OM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débat...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/04063 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q4BR

CPAM LOIRE ATLANTIQUE

C/

Société [5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Octobre 2022

devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 31 Juillet 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de NANTES - Pôle Social

Références : 19/6196

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Mme [W] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

La Société [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Marie-Pascale VALLAIS, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 février 2016, Mme [L] [E], responsable adjointe drive au sein de la société [5] (la société), a déclaré une maladie professionnelle au titre d'un' syndrome anxio-dépressif réactionnel à un conflit professionnel'.

Le certificat médical initial, établi le même jour, fait état d'un 'syndrome anxio-dépressif réactionnel ou 'burn out' secondaire à conflit professionnel' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 13 mars 2016.

Après avis favorable du CRRMP, la caisse a, le 23 novembre 2016, notifié à la société sa décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme [E].

Contestant cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre du 20 janvier 2017.

Le 7 avril 2017, après rejet de sa réclamation par décision implicite, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loire-Atlantique.

Par jugement du 31 juillet 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, a :

- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge discutée ;

- condamné la caisse aux dépens ;

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Le 19 août 2020, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 4 août 2020.

Par ses écritures parvenues au greffe le 22 juin 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable à la société la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par sa salariée le 12 février 2016 ;

- de missionner avant dire droit un second CRRMP en présence de toute difficulté sur l'origine professionnelle de la maladie ;

- de débouter toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société ;

- de condamner la partie adverse aux dépens.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 29 décembre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris, et en conséquence ;

- juger que la décision de prise en charge rendue par la caisse le 23 novembre 2016 lui est inopposable et réformer, en conséquence, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ;

A titre subsidiaire

- juger que la pathologie déclarée par Mme [E] ne pouvait être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles et réformer, en conséquence, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ;

A titre infiniment subsidiaire

- ordonner la saisine d'un second CRRMP et dans cette attente, surseoir à statuer concernant l'origine professionnelle de la maladie déclarée ;

En tout état de cause

- condamner la caisse à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour soutenir que la décision de prise en charge lui est inopposable, la société fait valoir que :

- la caisse ne démontre pas avoir entrepris les démarches nécessaires pour que les pièces médicales du dossier destiné au CRRMP lui soient transmises dans le cadre du respect du contradictoire alors même qu'elle avait adressé un courrier à l'organisme le 24 juin 2016 lui demandant de solliciter auprès de la salariée les coordonnées d'un praticien qui prendra connaissance du contenu de l'avis motivé du médecin du travail et du rapport du contrôle médical ;

- le courrier type adressé par la caisse à la salariée le 23 juin 2016 avant toute demande de communication de sa part ne permet pas de considérer que l'organisme a satisfait à son obligation ;

- de fait, la liste des pièces du dossier que la caisse lui a communiquées ne comprend pas ces deux documents alors qu'ils ont été transmis au CRRMP et qu'ils lui font grief.

La caisse réplique que l'assurée n'ayant pas répondu à sa demande de désignation de médecin adressée le 23 juin 2016 réitérée le 29 juin 2016, le service du contrôle médical n'a pas pu communiquer à la société l'avis du médecin du travail ni le rapport du médecin conseil.

Sur ce :

Il ressort des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale qu'en cas de saisine d'un CRRMP dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité. (Civ 2e, 23 janvier 2014, n°12-29.420)

Pour la transmission au CRRMP, il résulte de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige que le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

'1° Une demande motivée de reconnaissance signée par la victime ou ses ayants droit et un questionnaire rempli par un médecin choisi par la victime dont les modèles sont fixés par arrêté ;

2° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises ;

3° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel ;

4° Le cas échéant les conclusions des enquêtes conduites par les caisses compétentes, dans les conditions du présent livre ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie qui comporte, le cas échéant, le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente de la victime.

Les pièces demandées par la caisse au deuxième et troisième paragraphes doivent être fournies dans un délai d'un mois.

La communication du dossier s'effectue dans les conditions définies à l'article R. 441-13 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 3° et 4° du présent article.

L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 2° et 5° du présent article ne sont communicables à la victime, ses ayants droit et son employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à la victime, ses ayants droit et son employeur.

La victime, ses ayants droit et son employeur peuvent déposer des observations qui sont annexées au dossier'.

Lorsque l'employeur demande à avoir accès au rapport du service de contrôle médical visé au 5° de l'article D. 461-29 précité, il appartient à la caisse d'effectuer les démarches nécessaires en vue de la désignation d'un praticien par la victime ou ses ayants droit (2e Civ, 20 septembre 2018, pourvoi n° 17-22512). Il en est de même en ce qui concerne l'avis du médecin du travail.

En l'espèce, par lettre du 23 juin 2016, la caisse a informé la société de la transmission du dossier au CRRMP dès lors que la pathologie déclarée par la salariée n'était pas visée dans un tableau de maladies professionnelles, et de la possibilité, avant toute transmission au CRRMP, de venir consulter les pièces du dossier et de formuler des observations jusqu'au 13 juillet 2016. Cette notification précisait : 'Cependant, l'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par le service médical ne vous seront communicables que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime (ou ses ayants droit). Ce praticien ne peut faire état du contenu de ces documents, avec l'accord de votre salarié ou de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie'.

Par lettre du 24 juin 2016, la société a demandé à la caisse de :

- solliciter auprès de la salariée la communication des coordonnées d'un praticien qui prendra connaissance du contenu de l'avis motivé du médecin du travail et du rapport établi par les services du contrôle médical,

- lui transmettre les pièces constitutives du dossier 'd'ici le 1er juillet' afin de lui permettre d'en prendre connaissance avant le 13 juillet 2016.

Le CRRMP a rendu son avis le17 novembre 2016 sur la base du dossier qu'il avait reçu le 8 juillet 2016, contenant :

- la demande motivée de reconnaissance présentée par la victime ou les ayants droit,

- le certificat établi par le médecin traitant,

- l'avis motivé du ou des médecins du travail,

- le rapport circonstancié du ou des employeurs,

- le rapport du contrôle médical de l'organisme gestionnaire.

La caisse ne conteste pas que ni l'avis motivé du médecin du travail ni le rapport du contrôle médical auxquels la société a demandé à avoir accès dans les conditions visées à l'article D. 461-29 précité n'ont été communiqués à celle-ci par l'intermédiaire d'un praticien désigné par la victime.

La caisse ne peut soutenir avoir rempli ses obligations en adressant à l'assurée le 23 juin 2016, dans sa lettre l'informant de la saisine du CRRMP, la demande rédigée ainsi :

'Votre employeur peut demander à consulter les pièces du dossier. Toutefois, je ne pourrais lui transmettre l'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par le service médical que par l'intermédiaire d'un médecin que vous aurez désigné à cet effet. Aussi il vous appartient de me communiquer les coordonnées de ce praticien dès réception du présent courrier.'

En effet, contrairement à ce que la caisse soutient, le caractère impératif de cette lettre n'est qu'apparent dès lors qu'il est atténué par la mention selon laquelle l'employeur peut demander à consulter les pièces du dossier, ce qui n'est qu'une hypothèse.

Contrairement également à ce qu'elle soutient, la mention manuscrite 'nécessaire fait le 29 juin 2016 par voie postale' suivie de la signature de Mme [B], correspondante risques professionnels, apposée sur la lettre précitée de la société du 24 juin 2016, ne permet pas de retenir que la caisse s'est rapprochée de Mme [E] pour obtenir communication des coordonnées d'un médecin dès lors que la demande de l'employeur avait également pour objet la transmission des pièces du dossier faute de pouvoir se déplacer dans les locaux de la caisse et qu'il n'est pas contesté que ladite transmission a bien eu lieu.

Faute pour la caisse, après réception de la lettre de l'employeur du 24 juin 2016 sollicitant la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, d'avoir demandé à l'assurée de désigner un praticien pour prendre connaissance de l'avis du médecin du travail et du rapport du service de contrôle médical, il y a lieu de retenir que l'organisme a manqué à son obligation d'informer la société des éléments susceptibles de lui faire grief, de sorte que la décision de prise en charge de la pathologie de l'assurée doit lui être déclarée inopposable. (2e Civ. 9 mai 2019, n°18-14.105).

Le jugement sera en conséquence confirmé sans qu'il soit nécessaire de saisir un second CRRMP.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute la société [5] de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/04063
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.04063 ?
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