9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/02448 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV55
Société [4]
C/
URSSAF DE BRETAGNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Séraphin LARUELLE, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 octobre 2022, devant Madame Elisabeth SERRIN, magistrat chargé de l'instruction de l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 22 février 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de grande instance de RENNES
Références : 16/00429
****
APPELANTE :
La Société [4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN (SCP GUILLOU-RENAUDIN), avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE BRETAGNE
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Mme [P] [G] en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
Une vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance-chômage et de garantie des salaires « AGS » a été diligentée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne (l'URSSAF) auprès de la SA [4] (la société) pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.
Au cours de ce contrôle, l'inspecteur a constaté que la société faisait régulièrement appel à des formateurs, affiliés en qualité d'auto-entrepreneurs.
Après avoir poursuivi ses investigations dans le cadre de la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé, l'inspecteur a adressé à la société une lettre d'observations du 17 novembre 2014 emportant redressement des cotisations et annulation des réductions Fillon, sur la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013, pour un montant de 49'784 euros, au visa l'article L. 8221-1 du code du travail.
Un procès-verbal a par ailleurs été rédigé et transmis au procureur de la République le 22 octobre 2014.
Par lettre du 16 décembre 2014, la société a fait valoir ses observations. Le 22 décembre 2014, l'inspecteur a maintenu l'ensemble des redressements.
L'URSSAF a notifié une mise en demeure du 17 février 2015 pour avoir paiement d' un montant de 56 634 euros avec les majorations de retard.
Le 11 mars 2015, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme qui, par décision du 10 décembre 2015, a maintenu les chefs de redressement contestés.
Contestant cette décision, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine le 30 mars 2016.
Par jugement du 22 février 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes, a :
- dit que la procédure applicable au contrôle est celle relative à la constatation et à la recherche d'infractions constitutives de travail illégal prévues aux articles L. 8271-1 et suivant du code du travail et annulé les auditions de MM. [T] et [K] effectuées sans preuve de leur consentement ;
- débouté la société de son moyen tenant à la nullité du redressement relatif à l'annulation des réductions Fillon ;
- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne en date du 10 décembre 2015 et débouté la société ;
- validé le chef de redressement n°1 relatif à la dissimulation d'emplois salariés avec verbalisation d'un montant de 33 956 euros et le chef de redressement n° 2 relatif à l'annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé d'un montant de 15 828 euros, auxquels s'ajoutent 6 850 euros de majorations de retard ;
- condamné la société à payer à l'URSSAF Bretagne la somme de 56 634 euros (soit 49 784 euros et 6 850 euros de majorations de retard), sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration faite par communication électronique le 10 avril 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 21 mars 2019.
Par ses écritures parvenues par le RPVA le 25 mai 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :
- juger que l'URSSAF ne sollicite plus les redressements relatifs à la dissimulation d'emploi salarié, ni ceux relatifs à la réduction Fillon, ni davantage des majorations de retard ;
- prendre acte de ce que l'URSSAF sollicite l'annulation de la procédure de redressement ayant abouti à la condamnation à hauteur de 56 634 euros (49 784 euros de cotisations et 6 850 euros de majorations de retard) ;
- prononcer l'annulation du jugement, faute de demande de condamnation de la part de l'URSSAF ;
- subsidiairement, réformer le jugement ;
- annuler les redressements relatifs à la dissimulation d'emploi salarié ;
- annuler le redressement relatif à l'annulation des réductions Fillon ;
- juger n'y avoir lieu à condamnation de la société, à quelque somme que ce soit au titre desdites procédures de redressement ;
- débouter l'URSSAF de toutes ses demandes ;
- la condamner aux entiers dépens.
Par ses écritures parvenues au greffe le 10 février 2022 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :
- prendre acte de l'annulation de la procédure de redressement à hauteur de 56 634 euros (49 784 euros de cotisations et 6 850 euros de majorations de retard) ;
- débouter la société de ses autres demandes et prétentions.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 8271-6-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits : « les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal ».
L'alinéa 3 précise que « Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues ».
Si le décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 a modifié l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale en prévoyant que dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher et constater des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail, il est fait mention au procès-verbal d'audition du consentement de la personne entendue en application des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du même code et que la signature du procès-verbal d'audition par la personne entendue vaut consentement de sa part à l'audition », ces dispositions ne s'appliquent pas au présent litige.
A l'époque du contrôle, la preuve du consentement pouvait résulter du procès-verbal d'audition ou de tout autre document (Civ 2°, 26 novembre 2020 pourvoi n° 19-24.303, 2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-19.493, Bull. 2014, II, n° 204).
Au cas particulier, l'URSSAF admet que, comme l'ont retenu les premiers juges, elle est dans l'impossibilité de rapporter la preuve du consentement des personnes auditionnées.
Elle admet également que la nullité des auditions emporte celle de la procédure de redressement.
Comme l'a jugé la Cour de cassation, le cotisant est en effet privé d'une garantie de fond qui vicie le procès-verbal des agents de contrôle et le redressement fondé sur leurs constatations (2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-19.493 précité).
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé, sauf en ce qu'il a annulé les auditions de MM. [T] et [K] effectuées sans preuve de leur consentement.
Y ajoutant, le redressement résultant de la lettre d'observations du 17 novembre 2014 sera annulé.
L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l'URSSAF qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Rennes du 22 février 2019 sauf en ce qu'il annule les auditions de MM. [T] et [K] effectuées sans preuve de leur consentement ;
Y ajoutant :
Annule le redressement résultant de la lettre d'observations du 17 novembre 2014 ;
Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT