La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°20/01834

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 13 décembre 2022, 20/01834


1ère Chambre





ARRÊT N°403/2022



N° RG 20/01834 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSA2













S.A.S. PROMO OUEST IMMOBILIER



C/



[H] [P]

M. [A] [L]

Mme [S] [Z] épouse [L]

Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD

S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

GAN ASSURANCES



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :









<

br>
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en s...

1ère Chambre

ARRÊT N°403/2022

N° RG 20/01834 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSA2

S.A.S. PROMO OUEST IMMOBILIER

C/

[H] [P]

M. [A] [L]

Mme [S] [Z] épouse [L]

Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD

S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

GAN ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2022

ARRÊT :

rendu par défaut, prononcé publiquement le 13 décembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 28 juin 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La société PROMO OUEST IMMOBILIER, SAS immatriculée au RCS de Rennes sous le n°412010977, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représentée par Me Dorothée DUPORTAIL de la SELARL KERDONIS AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [H] [P] venant aux droits de Me [F] [R], en qualité de mandataire liquidateur de la société ARTEC INGENIERIE (jugement du tribunal de commerce de Rennes du 16 juillet 2014)

[Adresse 9]

[Localité 13]

Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 9 juillet 2020 en l'étude, n'a pas constitué

Monsieur [A] [L]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 13]

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représenté par Me Jean-François ROUHAUD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau de RENNES

Madame [S] [Z] épouse [L]

née le [Date naissance 7] 1965 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean-François ROUHAUD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau de RENNES

La société ALLIANZ IARD, SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

es-qualité d'assureur de la société PROMO OUEST IMMOBILIER

Représentée par Me Edouard-Jean COURANT de la SELARL ANDRÉ SALLIOU, avocat au barreau de RENNES

La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, immatriculée au RCS de Paris sous le n°784647349, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, avocat au barreau de RENNES

La compagnie GAN ASSURANCES, SA immatriculée au RCS de Paris sous le n°542063797, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

es-qualité d'assureur de la société CORDI OUEST

Représentée par Me Christophe BAILLY de la SELARL AVOLITIS, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PRÉTENTIONS

Par acte en date du 15 juin 2009, la sas Promo Ouest Immobilier a fait l'acquisition d'une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 14] et [Cadastre 12], située au [Adresse 2] pour y réaliser une opération de promotion immobilière en VEFA consistant à démolir une construction préexistante puis réaliser un collectif de type R+5 de 16 logements dénommé "[15]".

M. et Mme [L] sont propriétaires depuis 1993 de la parcelle voisine située [Adresse 3] sur laquelle ils ont fait édifier leur maison d'habitation.

Un référé préventif a été mis en 'uvre et l'expert M. [C] appelait l'attention du promoteur dans son pré-rapport du 22 juillet 2010 puis dans son rapport du 23 février 2011 sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison de M. et Mme [L] afin que ceux-ci dépassent de 40 cm du faîtage de cet immeuble collectif.

En effet, la maison de M. et Mme [L] est équipée, en faîtage de toiture, d'une souche de cheminée comportant 3 boisseaux respectivement affectés à la chaudière à gaz, à la VMC et à la cheminée à foyer ouvert du salon. Du fait de la construction en limite de propriété par la sas Promo Ouest Immobilier de son immeuble collectif, les cheminées [L] se sont retrouvées positionnées dans les turbulences du mur pignon dudit immeuble, au niveau du 3ème étage de la construction neuve, conduisant à une perturbation du tirage et plaçant les occupants dudit collectif dans le flux des gaz brûlés, des fumées et de l'air extrait de la maison, situation prohibée par les dispositions du DTU 24-1 qui exige en son article 5.4.7 que tout rejet doit être situé à plus de 40 cm du faîtage et à plus de 8 m d'un ouvrant.

Courant 2011, la sas Promo Ouest Immobilier a livré l'immeuble sans que la difficulté relative à la hauteur de sortie des conduits de cheminée ait été réglée, de sorte que l'usage de la cheminée d'agrément n'était plus possible, tandis que les deux autres conduits à usage d'extraction de la VMC et pour la chaudière à gaz demeuraient en service par impossibilité d'autre solution.

En dépit d'échanges réguliers, les parties n'ont pas trouvé d'accord quant aux modalités d'exécution des travaux de rehaussement de la cheminée en raison notamment de la non-conformité au DTU 24.1 de la solution proposée par la sas Promo Ouest Immobilier.

En l'absence de solution transactionnelle, par acte du 3 juillet 2014, M. et Mme [L] ont fait assigner la sas Promo Ouest Immobilier devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes, en vue de voir ordonner une expertise et condamner la société au paiement d'une provision de 10.000 €, d'une provision ad litem de 5.000 € et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de 2.000 €.

Par ordonnance du 25 septembre 2014, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M. [E], condamné la sas Promo Ouest Immobilier à verser à M. et Mme [L] une provision de 10.000 € ainsi que 2.000 € de frais irrépétibles, les dépens étant laissées provisoirement à la charge des demandeurs.

A l'initiative de la sas Promo Ouest Immobilier, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à :

- la MAF, assureur de M. [N] [W], architecte, titulaire d'une mission de conception,

- la société Gan Assurances, assureur de la société Cordi Ouest, titulaire d'une mission de maîtrise d''uvre (ultérieurement reprise par Artec Ingénierie),

- la société Alpha Insurance, assureur de la société Artec Ingénierie, elle-même en liquidation judiciaire (maître [R] liquidateur judiciaire),

- la société Allianz, assureur de la sas Promo Ouest Immobilier.

Sur appel du 7 octobre 2014 par la sas Promo Ouest Immobilier contre l'ordonnance de référé, la cour d'appel de Rennes a, par arrêt du 24 septembre 2015, confirmé la décision dans ses dispositions relatives à l'expertise et à la provision pour dommages et intérêts et a octroyé une provision ad litem d'un montant de 4.000 €.

Les opérations d'expertise ont également été rendues communes au syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 2] suivant ordonnance en date du 30 juin 2016, lequel syndicat a appelé à la cause son assureur le Gan Assurances.

Par acte du 22 mars 2016, M. et Mme [L] ont délivré assignation aux sociétés Promo Ouest Immobilier et Allianz Iard sur le fondement de la notion de trouble anormal de voisinage et de l'article 544 du code civil.

L'expert M. [E] a déposé son rapport le 23 mars 2017.

II concluait à ce que les conditions d'autorisation et de conformité rendaient improbable la possibilité de rehausser les conduits et chiffrait les différents postes de préjudices :

- obturation de la cheminée désaffectée : 1.200 €

- suppression de la cheminée dans le salon : 10.680 €

- moins-value liée à cette suppression : 57.239,36 €

- impossibilité d'utiliser la cheminée depuis 2011 à la date du dépôt du rapport d'expertise (mars 2017) : 10.150 €

- responsabilité technique : responsabilité majeure Promo Ouest et M. [N] [W] (architecte)

- à titre accessoire : Cordi Ouest (en liquidation) et la société Artec.

Sur conclusions de reprise d'instance de M. et Mme [L] notifiées le 12 juin 2017, le tribunal judiciaire de Rennes a, par jugement en date du 18 février 2020 :

- constaté l'existence d'un trouble anormal de voisinage subi par M. et Mme [L] du fait de la construction réalisée par la sas Promo Ouest Immobilier,

- dit que la sas Promo Ouest Immobilier est seule responsable de l'existence de ce trouble,

- mis hors de cause :

* le syndicat des copropriétaires de la Résidence [15] et son assureur la société Gan Assurances,

* la société Allianz Iard, assureur de la sas Promo Ouest Immobilier,

* la mutuelles des architectes français, assureur de M. [W],

* la compagnie Gan Assurances, assureur de la société Cordi Ouest,

* Maître [R], mandataire liquidateur de la société Artec Ingénierie,

- condamné la sas Promo Ouest Immobilier à verser à M. et Mme [L] les sommes de :

- 81.719,36 € en réparation de leur préjudice,

- 8.000 € au titre des frais irrépétibles,

- ainsi qu'aux dépens comprenant ceux des instances en référé et au fond ainsi que les frais d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La somme de 81.719,36 € se décompose de la façon suivante :

- 47.835 € au titre de la dépréciation de la valeur de l'immeuble,

- 2.200 € au titre du déplacement exutoire VMC,

- 6.004,36 € au titre du remplacement de la chaudière gaz de chauffage central,

- 10.680 € au titre de la suppression de la cheminée dans le salon,

- 15.000 € au titre du préjudice de jouissance depuis la naissance du trouble jusqu'au jour du jugement.

La sas Promo Ouest Immobilier a interjeté appel par déclaration du 16 mars 2020 enregistrée le 17 mars 2020.

Elle a intégralement exécuté la décision de 1ère instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La sas Promo Ouest Immobilier expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 4 avril 2022 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement du 18 février 2020,

- en conséquence,

* sur les demandes de M. et Mme [L] à titre principal :

- constater qu'il existe une solution technique de rehaussement du conduit de cheminée de l'immeuble,

- par conséquent, dire et juger que M. et Mme [L] ne sont pas fondés à réclamer l'indemnisation des préjudices résultant de la suppression de la cheminée,

- débouter M. et Mme [L] de leurs demandes à cet égard,

- réformer le jugement de ce chef,

- à titre subsidiaire,

- débouter M. et Mme [L] de leur demande en paiement de la somme de 10.680 € au titre de la suppression de la cheminée dans le salon,

- déclarer irrecevables les demandes formulées en cause d'appel au titre de la moins-value,

- réduire à de plus justes proportions la somme réclamée et obtenue au titre de la moins-value, sans excéder la somme de 8.000 €,

- réduire à de plus justes proportions la somme réclamée et obtenue au titre du préjudice d'agrément,

- constater que M. et Mme [L] ont déjà perçu les sommes de 15.000 € et 10.000 €,

- déduire ces sommes des montants alloués,

- débouter M. et Mme [L] de leur demande en paiement de 19.000 € au titre des frais irrépétibles et la réduire à de plus justes proportions en considération des sommes déjà perçues à hauteur de 7.500 €,

- débouter M. et Mme [L] de toute demande plus ample ou contraire,

- réformer le jugement de ce chef,

* sur la demande en garantie :

- condamner in solidum la Mutuelle des Architectes Français, la société Gan Assurances, maître [H] [P] venant aux droits de maître [F] [R], la société Allianz Iard à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre tant en principal qu'en frais, intérêts, dépens et accessoires ainsi que de toutes les conséquences financières qui pourraient découler de la décision de la cour,

- débouter la Mutuelle des Architectes Français de ses demandes,

- débouter la Compagnie Allianz de ses demandes,

- débouter la société Gan Assurances, ès qualités d'assureur de la société Cordi Ouest, de ses demandes,

- condamner les mêmes in solidum avec M. et Mme [L] à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles,

- réformer le jugement,

- condamner les mêmes in solidum avec M. et Mme [L] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, recouvrés par la sarl Martin Avocats selon l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [L] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 4 avril 2022 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

- à titre principal,

- dire et juger la sas Promo Ouest Immobilier mal fondée en son appel et en toutes ses demandes en principal, dommages et intérêts,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 18 février 2020 en ce qu'il a :

. constaté l'existence d'un trouble anormal de voisinage subi par eux du fait de la construction réalisée par Promo Ouest,

. dit que la sas Promo Ouest Immobilier est seule responsable de l'existence de ce trouble,

. condamné la sas Promo Ouest Immobilier à leur verser la somme de 81.719,36 € en réparation de leur préjudice,

. condamné la sas Promo Ouest Immobilier à leur verser la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

. ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouter la sas Promo Ouest Immobilier de toutes ses demandes,

- débouter la sas Promo Ouest Immobilier en sa demande tendant à ce que soit constaté qu'il existe une solution technique de rehaussement du conduit de cheminée de l'immeuble,

- à titre incident, réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leurs demandes de condamner la sas Promo Ouest Immobilier à leur verser la somme de 57.000 € au titre de la dépréciation de la valeur de l'immeuble, et par voie de conséquence porter l'indemnité de 47.835 € retenue par le tribunal à hauteur de 57.000 € au titre de la moins-value,

- à titre subsidiaire, s'il devait être fait droit à l'appel de la sas Promo Ouest Immobilier à l'encontre des intervenants à l'opération de construction et des assureurs,

- condamner in solidum la sas Promo Ouest Immobilier et son assureur la société Allianz, la MAF (assureur M. [W] D[N] Architecte), la société Gan Assurances (assureur Cordi Ouest), au paiement des sommes suivantes :

- 2.200 € (déplacement exutoire VMC)

- 6.004,36 € (remplacement de la chaudière gaz de chauffage central)

- 10.680 € (suppression de la cheminée dans le salon)

- 57.000 € (moins-value)

- 15.000 € (préjudice d'agrément arrêté à la date du jugement de

première instance)

- TOTAL : 90.884,36 €

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la liquidation judiciaire de la société Artec Ingénierie,

- en tout état de cause,

- condamner la sas Promo Ouest Immobilier, ou toute partie succombante, à leur verser une somme de 5.000 € au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel,

- condamner la sas Promo Ouest Immobilier, ou toute partie succombante, aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel comprenant notamment les frais de référé et les frais d'expertise judiciaire, recouvrés par la selarl Lexcap, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La sa Allianz Iard assureur de la sas Promo Ouest Immobilier expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 21 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

- déclarer la sas Promo Ouest Immobilier mal fondée en son appel et en toutes ses demandes en principal, dommages et intérêts, intérêts et frais dirigés contre elle,

- rejeter les appels en garantie formés à son encontre pour les mêmes raisons que celles exposées à l'encontre de la sas Promo Ouest Immobilier,

- confirmer le jugement du 18 février 2020,

- la dire et juger en conséquence fondée à opposer une non assurance pour défaut d'aléa, ainsi que l'exclusion de garantie au visa de l'article 6.26 des dispositions spéciales de la police RC Promoteur,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à entrer en voie de condamnation à son encontre, dire qu'elle ne saurait être tenue que dans la limite de la quote part de la responsabilité de son assuré et sous déduction de la franchise opposable stipulée aux conditions particulières de la police,

- condamner au visa de l'article 1240, la MAF Assurances, Me [R] et le Gan Assurances à la garantir en sa qualité d'assureur de la sas Promo Ouest Immobilier de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit des consorts [L] sous déduction de la quote part laissée à sa charge par la juridiction,

- à toutes fins,

- condamner la sas Promo Ouest Immobilier à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La mutuelle des architectes français expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 15 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

- à titre principal,

- confirmer le jugement du 18 février 2020,

- en conséquence,

- la mettre hors de cause,

- débouter la sas Promo Ouest Immobilier et toute autre partie de leurs demandes dirigées à son encontre en qualité d'assureur de Monsieur [W],

- à titre subsidiaire,

- condamner les sociétés Promo Ouest, Allianz et le Gan à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger qu'elle ne sera tenue que sous les conditions et dans les limites de sa garantie,

- en tout état de cause,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,

- condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel.

La compagnie Gan Assurances, assureur de la société Cordi Ouest, expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 27 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

- à titre principal,

- débouter M. et Mme [L], la sas Promo Ouest Immobilier, la MAF et la compagnie Allianz de leurs appels principal et incidents et de l'ensemble de leurs demandes, formulées à son encontre en sa qualité d'assureur de la société Cordi Ouest,

- condamner solidairement la sas Promo Ouest et toute partie succombante à lui régler une somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles,

- condamner solidairement les mêmes aux dépens dont distraction au profit de la selarl Avolitis,

- à titre subsidiaire,

- condamner solidairement la sas Promo Ouest Immobilier et son assureur, la compagnie Allianz Iard et la MAF à la garantir et relever indemne de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

- dire et juger que la compagnie Gan Assurances sera fondée à opposer à chaque partie au présent procès sa franchise contractuelle égale à 10 % de l'indemnité, avec un minimum de 760 € et un maximum de 3.040 €,

- à titre très subsidiaire,

- condamner solidairement la sas Promo Ouest Immobilier, la compagnie Allianz Iard et la MAF à la garantir de 98 % des condamnations prononcées à son encontre.

Maître [H] [P] venant aux droits de maître [F] [R], mandataire liquidateur de la Sté Artec Ingénierie ne s'est pas constitué.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Il sera rappelé pour mémoire que le trouble anormal de voisinage n'est pas discuté, comme étant la conséquence de la construction par la sas Promo Ouest Immobilier d'un pignon de grande hauteur qui dépasse très largement les orifices extérieurs des trois boisseaux de cheminée destinés à évacuer les fumées de la cheminée à bois, de la chaudière à gaz et de l'air de la VMC de la maison de M. et Mme [L].

1) Sur la demande principale de M. et Mme [L]

La sas Promo Ouest Immobilier plaide à titre principal qu'il existe une solution technique de rehaussement du conduit de cheminée de l'immeuble et que M. et Mme [L] doivent être déboutés de leurs demandes d'indemnisation des préjudices résultant de la suppression de la cheminée.

M. et Mme [L] demandent à titre principal la confirmation du jugement, sauf la réformation à la hausse du montant de l'indemnisation du préjudice de dépréciation de la valeur de leur maison d'habitation.

1.1) Sur la solution technique de rehaussement de la cheminée de la maison des intimés

La sas Promo Ouest Immobilier soutient qu'il existe une solution technique pour rehausser les conduits de cheminée de l'habitation de M. et Mme [L] ' celle proposée par M. [Y] ' de sorte que ceux-ci ne seraient pas recevables à solliciter une indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'utiliser ladite cheminée.

M. et Mme [L] soutiennent que la solution proposée tardivement par la sas Promo Ouest est inapplicable.

En l'espèce, dans son rapport d'expertise préventive du 23 février 2011, l'expert M. [C] ' rappelant ses conclusions du pré-rapport du 22 juillet 2010 ' avait appelé l'attention du promoteur sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison de M. et Mme [L] en ces termes :

« L'expert attire toujours l'attention du promoteur sur la prise en compte des hauteurs de sortie des souches de cheminées existantes. Compte tenu de la hauteur de l'immeuble en projet, celui-ci dépassera largement le faîtage des 2 maisons voisines.

Il devra être prévu de rehausser les conduits de fumée des maisons [L] et [B], afin que ceux-ci dépassent de 40 cm du faîtage de l'immeuble en projet.

Les plans ne donnent toujours aucune indication à ce sujet.

Le conseil de Monsieur et Madame [L] a exprimé un doute sur la faisabilité du rehaussement des conduits de fumée.

En réalité, la mise en place d'une rehausse sur une souche de cheminée est une technique bien connue et maîtrisée par des entreprises qualifiées. Le cas présent n 'offre pas de difficulté insurmontable. »

La sas Promo Ouest Immobilier a livré l'immeuble en 2011 sans résoudre la difficulté identifiée.

Il sera relevé qu'elle n'a pas non plus cru devoir s'expliquer sur sa carence à prendre en compte les conclusions préventives de l'expert M. [C].

Près de 5 années après la livraison de l'immeuble et sa vente en lots, elle excipe d'une note technique établie le 13 décembre 2016 non contradictoirement par M. [Y], expert judiciaire spécialisé en fumisterie, d'où il résulte que la société Choux Toiture propose deux solutions pour la rehausse du conduit de cheminée lesquelles respecteraient les critères de tirage et de température, par la mise en 'uvre d'un rehaussement par un conduit extérieur.

Toutefois, dans son rapport d'expertise judiciaire du 23 mars 2017, M. [E], qui a examiné ces propositions, a relevé que :

- ces solutions comportent des dérogations ou exemptions au DTU 24.1 (document technique unifié), et en cas dysfonctionnement, la responsabilité du constructeur serait recherchée pour non-conformité aux DTU et aux règles de l'art,

- ainsi, un conduit ne doit pas comporter plus de deux dévoiements et la conception générale du bâtiment doit permettre un accès facile et sécurisé jusqu'au débouché des conduits,

- or, la solution proposée prévoit trois dévoiements, et n'ont pas été pris en compte, ni a fortiori chiffrés, les moyens d'accès permanent : passerelle, garde-corps, échelle, point de sécurité, alors que la sécurité des installations et de leur accès ne peut être discutée, d'autant que leur propriété avait vocation à être transférée à M. et Mme [L],

- l'avis de l'Organisme professionnel des préventions du bâtiment du BTP en France n'est pas recueilli,

- sont par ailleurs manquants :

L'accord du syndicat de copropriété après décision d'assemblée générale, nécessaire dès lors que l'immeuble a en effet été transféré et que la sas Promo Ouest Immobilier n'en est plus propriétaire,

L'accord explicite des copropriétaires directement affectés par le conduit de cheminée à rehausser (hauteur, moyen d'accès, servitude de passage pour l'entretien et le ramonage), M. [T] ayant fait connaître son opposition absolue à la présence d'un tube de cheminée dans le visuel de son appartement,

L'acceptation de ces servitudes par le fond [L] devenant dominant, la clarification du statut du conduit de fumée (propriété, entretien, remplacement, maîtrise d'ouvrage pendant les travaux et maîtrise d'ouvrage de l'ouvrage après travaux),

La détermination du propriétaire de la surélévation de la cheminée (syndicat de copropriété, sas Promo Ouest Immobilier ou M. et Mme [L]),

La prise en compte de la modification de l'aspect esthétique de la maison par la mise en 'uvre d'un conduit métallique extérieur, générant un préjudice certain pour M. et Mme [L], voire une moins-value lors de la revente.

M. [E] rappelle que "La Note technique [de M. [Y]] semble oublier l'essentiel, c'est à dire que tous les problèmes traités ici avaient été listés par le rapport de monsieur [C] et qu'il ne convient plus aujourd'hui de disserter sur une construction neuve mais sur la façon de rattraper une erreur affectant la maison [L].

Les solutions proposées par Promo Ouest Immobilier et argumentées par M. [Y] auraient dues être proposées et débattues avant la construction de l'immeuble. Il est rappelé que dans le cas d'un toit terrasse ['] le dépassement de la cheminée doit être de 1,20, ce dont ne tient pas compte M. [Y] dans son argumentaire.

La mise en 'uvre des règles de sécurité prescrites par le code du travail ne sauraient être discutées, sauf à engager lourdement la responsabilité de celui qui s'y risquerait. Il est obligatoire de prendre en compte ce point pour établir un chiffrage estimatif des travaux. Ce point a été évoqué depuis de nombreux mois, il appartenait aux parties qui en conteste la réalité de se rapprocher d'organismes compétents tels I'OPPBTP, par exemple qui aurait été à même de produire un avais officiel."

Il conclut ainsi : "La faisabilité des propositions 1 et 2 émises par Promo Ouest restent du fait de ces nombreuses imprécisions ou aléas réglementaires et juridiques du domaine strictement virtuel et intentionnel."

Par ailleurs, consulté, le syndicat des copropriétaires a pour sa part fait connaître dans une résolution n° 14 de son assemblée générale du 31 octobre 2017 que "la solution n° 2 pourrait être envisagée sous réserve d'une validation technique et que l'ensemble des réserves soient levées (notamment d'un point de vue juridique), et que ça soit neutre pour le SDC (pas de frais d'entretien, pas de participation à des travaux de quelque nature que ce soit)". Ainsi, son accord est très loin d'être obtenu en l'état des termes de la solution proposée.

Enfin, la servitude d'ancrage d'un conduit de cheminée et d'un droit d'accès aux parties communes aux fins d'entretien et de réparation, telle qu'elle a pu être insérée pour l'avenir aux actes d'acquisition des différents lots de l'immeuble, ne saurait valoir accord des copropriétaires à autoriser les travaux de rehaussement de la cheminée en l'absence de toute précision quant aux modalités techniques à mettre en 'uvre, étant ajouté que l'assiette de ladite servitude n'y est pas définie, ni non plus les conditions de son usage et encore moins de son entretien, lequel s'avérera coûteux en raison d'un accès très difficile en grande hauteur.

La solution préconisée d'une rehausse débouchant au droit soit d'une terrasse privative, soit d'une terrasse inaccessible est très complexe à réaliser aussi bien qu'à entretenir, outre les autorisations préalables dont l'obtention est parfaitement aléatoire, si ce n'est illusoire.

Sous le bénéfice de ces observations, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la réparation en nature, à laquelle M. et Mme [L] n'étaient pas opposés à l'ouverture des travaux d'édification de l'immeuble collectif, est devenue, après livraison dudit collectif, impossible tant juridiquement que techniquement et a écarté cette réparation en nature au profit d'une réparation indemnitaire.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

1.2) Sur le préjudice de suppression de la cheminée

La sas Promo Ouest Immobilier soutient que la suppression de la cheminée dans le salon ne serait pas une obligation et qu'en tout état de cause le devis présenté serait surévalué.

Toutefois, dans une maison contemporaine où la cheminée à feu de bois est un équipement important alors qu'elle ne fonctionne plus et ne présente par ailleurs aucun intérêt d'ordre esthétique, sa suppression s'impose pour éliminer toute source de frustration pour les occupants mais aussi de questionnements des tiers sur l'anomalie de la présence d'un tel équipement hors d'usage.

Reprenant l'évaluation réalisée par le Cabinet Mercier, l'expert judiciaire M. [E] évalue à la somme de 10.680 € TTC le montant des travaux de suppression, qui a été retenu par le premier juge et qu'il convient de confirmer, la sas Promo Ouest Immobilier n'ayant produit aucun contre-devis.

Il sera ici rappelé que le montant des frais engendrés par les travaux de déplacement de l'exécutoire VMC, soit 2.200 €, et de remplacement de la chaudière, soit 6.004,36 €, n'ont pas appelé d'observation de la part des parties. Ces travaux ne sont pas, contrairement à ce que soutient la sas Promo Ouest Immobilier, compris dans le préjudice de dépréciation de la valeur de la maison. Ils permettent, ainsi que l'a rappelé le premier juge, à M. et Mme [L] d'une part de modifier le dispositif d'installation de chauffage central en remplaçant la chaudière classique par une chaudière ventouse, l'évacuation des fumées se faisant en façade et non plus en toiture, et d'autre part de déplacer la souche de refoulement de la VMC, mesures réparatoires préconisées par l'expert judiciaire.

Il convient de confirmer leur montant.

1.3) Sur la moins-value du bien immobilier

La sas Promo Ouest Immobilier prétend que la maison d'habitation de M. et Mme [L] ne saurait être évaluée à la somme de 478.350 € et que la moins-value du fait du caractère désormais inutilisable de la cheminée ne saurait être fixée à 10 % de la valeur de l'habitation.

M. et Mme [L] soutiennent que cette estimation du montant de la maison se situe dans une fourchette basse puisqu'ils ont produit pendant les opérations d'expertise judiciaire un rapport établi le 18 mars 2015 par M. [J] [O], expert inscrit auprès de la cour d'appel de Rennes, lequel a valorisé le bien à la somme de 680.000 €, ce qui pouvait permettre de chiffrer une moins-value à la somme de 68.000 €, somme qu'ils ne sollicitent toutefois pas, demandant à la cour de retenir une somme de 57.000 €.

Le jugement a retenu sur ce point que la dépréciation a certes été estimée de manière sommaire par l'expert judiciaire mais qu'elle correspondait toutefois précisément à l'état du marché, à la nature de la construction, à son emplacement et qu'elle pouvait être chiffrée, en considération de ces critères, à la somme de 10 % de la valeur estimative de la maison, soit 47.835 €.

La sas Promo Ouest Immobilier a communiqué pour sa part une estimation du 14 mars 2017 réalisée par M. [G], négociateur immobilier au sein de l'étude notariale de maître [D], dont il résulte que, "dans les conditions actuelles du marché immobilier et au travers de l'analyse des ventes réalisées récemment dans la rue et/ou le quartier et pour des biens similaires, la valeur de cette maison peut être estimée aux alentours de 420.000 € à 440.000 €".

Elle a également communiqué une attestation établie le 15 mars 2017 par le cabinet Lecerf Immobilier relative à la valorisation d'une cheminée dans l'estimation d'une maison d'habitation, proposant de retenir une valeur vénale comprise entre 6.000 € et 8.000 €.

Il s'évince de ces éléments que l'évaluation du prix de la maison telle qu'elle a été réalisée par l'expert judiciaire est raisonnable tandis qu'il ne s'agissait pas d'évaluer la seule valeur vénale de la cheminée mais bien la moins-value de l'ensemble immobilier tenant à la suppression d'un élément d'équipement de confort important, voire essentiel, de la valorisation d'une maison individuelle.

Sous le bénéfice de ces observations, la cour considère que l'estimation retenue par le premier juge doit être confirmée.

1.4) Sur le préjudice d'agrément

La sas Promo Ouest Immobilier critique le montant alloué au titre du préjudice d'agrément au motif qu'il ne serait pas justifié de la valeur locative ni du pourcentage de la valeur locative tel qu'il est retenu, mais encore que M. et Mme [L] ne justifieraient pas qu'ils utilisaient régulièrement leur cheminée avant le démarrage des travaux, que leur préjudice n'a pas commencé à courir à compter de mars 2011, qu'une cheminée n'est pas utilisée toute l'année, que M. et Mme [L] ont déjà perçu une somme de 15.000 €.

M. et Mme [L] estiment que 107 mois se sont écoulés entre mars 2011, date d'apparition du préjudice de jouissance, et février 2020, date de la fixation de l'indemnité de suppression de la cheminée dans le jugement de première instance, de sorte qu'évaluée à 10 % de la valeur locative de leur bien, ils estiment que l'indemnité due aurait dû être chiffrée à 107 mois x 145 €, soit 15.515 €, voire, au 31 mars 2023, à 133 mois x 145 €, soit 19.285 €. Ils concluent que l'indemnité de 15.000 € telle qu'elle a été attribuée est loin d'être surévaluée et qu'il s'agit d'un montant forfaitaire calculé sur la base d'une moyenne, de sorte qu'ils en sollicitent la confirmation.

Sur ce point, l'expert M. [E] a indiqué qu'une "rapide recherche des offres de locations de maisons individuelles dans les quartiers Sud de [Localité 13]" a montré que pour une maison de taille comparable, il était pratiqué une moyenne de loyer mensuel de 1450 € et qu'il convenait de retenir un préjudice d'usage à hauteur de 10 % de ce montant, soit 145 € par mois depuis mars 2011, date à laquelle M. et Mme [L] ont été obligés de cesser toute utilisation de la cheminée. Il fixait l'indemnité jusqu'à la date de versement de l'indemnité de suppression de la cheminée ou la date de réception d'une rehausse de cheminée, soit, au moment de son expertise, une date arrêtée au 14 février 2017, d'où un calcul de : 70 mois x 145 € = 10.150 €.

La cour considère que si le principe de ce calcul doit être retenu, la cheminée d'agrément n'est néanmoins objectivement pas utilisée tout le long d'une année, mais en moyenne 6 mois par an, ainsi que cela est soutenu par la compagnie le Gan Assurances, soit une indemnité qu'il convient de calculer ainsi qu'il suit :

2011 : 3 mois

2012 : 6 mois

2013 : 6 mois

2014 : 6 mois

2015 : 6 mois

2016 : 6 mois

2017 : 6 mois

2018 : 6 mois

2019 : 6 mois

2020 : 2 mois

Soit 53 mois x 145 € = 7.685 €, somme à laquelle il convient de fixer le montant du préjudice d'agrément.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

1.5) Sur le sort des provisions de 15.000 € et 10.000 € versées lors de la procédure de référé

L'ordonnance de référé du 25 septembre 2014 a acté le versement par la sas Promo Ouest Immobilier à M. et Mme [L] le 4 juin 2012 d'une somme de 15.000 € au titre de leur "droit à indemnisation" et a, en sus, octroyé une provision de 10.000 € au titre des "frais à venir, du préjudice de jouissance et de la nécessité de recourir à une expertise judiciaire".

L'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 24 septembre 2015 a retenu, au vu des pièces produites, que la somme de 15.000 € indemnisait les "nuisances et dégradations survenues durant la période de construction et non les conséquences matérielles et immatérielles qui affectaient de manière pérenne la maison, directement occasionnées par le nouvel immeuble". Elle a confirmé l'allocation d'une provision de 10.000 € et octroyé une provision ad litem de 4.000 €.

L'expert [E] a noté dans son rapport du 23 mars 2017 à ce sujet que "Au cours des discussions survenues entre les parties, Promo-Ouest Immobilier a versé aux époux [L] une indemnité de 15.000 € qui a donné lieu à une divergence d'interprétation entre les parties. Pour Promo-Ouest Immobilier, cette indemnité mettait fin à tous les litiges existants, mais sans que le moindre protocole soit établi et signé par les parties. Pour les époux [L], cette indemnité ne concernait que l'indemnisation des préjudices subis pendant la construction de l'immeuble (clôture dégradée, bruit, inconfort...). Promo-Ouest Immobilier a, postérieurement au versement de l'indemnité, reconnu et admis le "caractère limité de cette indemnité".

Le jugement du 18 février 2020 a retenu pour sa part qu'une "somme de 15.000 € a été versée aux époux [L] par Promo Ouest, de sorte qu'il convient de juger que le préjudice subi depuis la construction et jusqu'à ce jour a été indemnisé par le paiement de cette somme".

Il s'évince de ces rédactions successives que les deux provisions versées n'ont pas été imputées avec précision sur tel ou tel poste de préjudice, du reste non précisément identifié en 2012 et 2014 si ce n'est l'impossibilité d'utiliser dorénavant la cheminée à feu de bois et les conduits de VMC et de chaudière à gaz.

Ainsi, la sas Promo Ouest a payé à titre provisionnel la somme de 25.000 € à valoir tant sur l'indemnisation des préjudices tenant aux désagréments occasionnés par les travaux d'édification de l'immeuble collectif, au nombre desquels le préjudice de jouissance de la cheminée, que sur l'indemnisation des "frais à venir", au rang desquels les travaux alors envisagés de mise en conformité des trois conduits.

Les travaux de rehaussement du conduit de la cheminée à feu de bois n'ont pas été réalisés et ne peuvent plus l'être.

Le montant des provisions, qui sont des avances sur l'indemnisation des préjudices tels qu'ils sont liquidés à l'issue de la présente procédure au fond, doit nécessairement être déduit de la somme finale à payer au titre de l'indemnisation totale de M. et Mme [L].

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la sas Promo Ouest Immobilier sera condamnée à payer à M. et Mme [L] les sommes de :

- travaux de suppression de la cheminée : 10.680,00 €

- travaux de déplacement de l'exécutoire VMC : 2.200,00 €

- travaux de remplacement de la chaudière : 6.004,36 €

- moins-value : 47.835,00 €

- préjudice d'agrément : 7.685,00 €

TOTAL : 74.404,86 €

A soustraire, provisions versées par Promo Ouest : 25.000,00 €

TOTAL : 49.404,86 €

2) Sur les responsabilités et les garanties

La sas Promo Ouest Immobilier soutient qu'elle dispose d'un recours total à l'encontre des constructeurs et leurs assureurs sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, qu'il s'agit d'une responsabilité de plein droit sans faute sauf une relation directe entre leur activité et les troubles occasionnés, qui résulte du rapport d'expertise ayant mis en évidence les manquements de l'architecte M. [W] chargé de la conception de l'immeuble, assuré par la MAF, et de la société Cordi ouest, chargée de la maîtrise d''uvre d'exécution, assurée par le Gan Assurances, remplacée en cours de chantier par la société Artec Ingénierie assurée par la société Alpha Insurance.

La mutuelle des architectes français, assureur de M. [W], conclut à la confirmation de sa mise hors de cause en soutenant que l'architecte M. [W] était titulaire d'une mission partielle de conception, qu'il n'était pas partie à la procédure de référé préventif, dont il n'est pas prouvé qu'il a eu connaissance du pré-rapport et du rapport de l'expert M. [C], qu'il a été placé en redressement judiciaire le 15 mai 2020, puis en liquidation judiciaire le 17 juin 2021, soit pendant les opérations d'expertise préventive, et que les travaux de rehaussement, dont la nécessité est apparue postérieurement au dépôt du permis de construire, relevaient de la conception technique imputable à l'entreprise sous le contrôle du maître d''uvre d'exécution.

La compagnie Gan Assurances, assureur de la société Cordi ouest, rappelle que la conception de l'ouvrage a été confiée à M. [W] et non à la société Cordi Ouest qui n'a assuré que la maîtrise d''uvre d'exécution, substituée à compter de juillet 2011, en raison de sa mise en liquidation judiciaire, par la société Artec Ingénierie, qu'elle ne pouvait se substituer au maître d''uvre de conception dont il ne lui incombait pas de contrôler les prescriptions, que le sinistre ne lui est dès lors pas imputable, ou de manière symbolique avec application d'une franchise.

La sa Allianz Iard, assureur de Promo Ouest, conclut à la confirmation de sa mise hors de cause dès lors que le risque a été pris par la sas Promo Ouest immobilier en toute connaissance de cause, privant le contrat d'assurance de tout objet en faisant disparaître l'aléa inhérent à celui-ci. Elle ajoute que les dommages résultant de troubles de voisinage (dont le mauvais tirage des cheminées voisines) par le simple fait de l'implantation de l'ouvrage sont exclus de la garantie, ce qu'elle a notifié à son assurée dès le 17 février 2017, et qu'enfin, le dommage immatériel ne couvre que les préjudices d'ordre pécuniaire, M. et Mme [L] n'ayant subi aucune perte d'argent.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que l'opération de promotion immobilière a mis en 'uvre les compétences professionnelles des parties à l'opération ainsi qu'il suit :

- promoteur maître d'ouvrage : la sas Promo Ouest Immobilier,

- maîtrise d''uvre de conception : [V] Architectes, M. [N] [W] (avant-projet, permis de construire, projet de conception générale, dossier de consultation des entreprises),

- maîtrise d''uvre d'exécution : Cordi Ouest (liquidation en cours de construction par jugement du 28 août 2013),

- maîtrise d''uvre d'exécution en remplacement : Artec Ingénierie (liquidation judiciaire par jugement du 16 juillet 2014).

Ainsi que justement rappelé par M. [E] :

- la modification des cheminées (et des bordures de couverture) des immeubles mitoyens d'une construction neuve fait partie des petites difficultés incontournables de toute construction neuve en milieu urbanisé,

- la cheminée de la maison [L] est visible dès l'origine du chantier,

- aucun professionnel de la construction ne pouvait ignorer le litige à naître créé par l'absence de modification des cheminées.

* S'agissant de la garantie d'Allianz, assureur de la sas Promo Ouest Immobilier

L'article 6.1. des dispositions spéciales de la police d'assurance exclut du périmètre de la garantie "Les dommages intentionnellement causés ou provoqués par vous-même ou avec votre complicité ainsi que par les mandataires sociaux si vous êtes une personne morale".

L'article 6.26 des dispositions spéciales exclut encore "Les dommages résultant de trouble de voisinage par le simple fait de l'implantation de l'ouvrage, de ses dimensions, de sa structure ou de ses installations provisoires (tels que perte de vue ou d'ensoleillement, brouillage des émissions de radiotélévision, mauvais tirage des cheminées voisines d'extraction d'air, de buées, de vapeurs ou fumées ou des conduits d'aération, vibrations du fait d'équipement ou de machineries)."

En l'espèce, la sas Promo Ouest Immobilier avait pleinement connaissance de la nécessité des travaux de rehaussement des conduits de la cheminée puisqu'elle était en possession du rapport d'expertise préventive de M. [C] appelant expressément son attention sur ce point, qu'elle a ensuite fait inscrire dans les actes de cession des lots une servitude permettant la mise en 'uvre et l'entretien de cheminées au bénéfice des fonds voisins, dont celui de M. et Mme [L], et qu'elle a proposé des solutions post-travaux, mais techniquement et juridiquement inapplicables.

La compagnie Allianz ne saurait couvrir un risque pris délibérément par le promoteur en toute connaissance de cause.

Sa mise hors de cause sera confirmée.

* S'agissant de la garantie de la MAF, assureur de l'architecte M. [W]

Le contrat de conception générale a été établi et signé le 18 septembre 2008 avec le cabinet d'architectes [V] de M. [W].

A supposer que celui-ci n'ait pas été destinataire en temps utile du pré-rapport d'expertise de M. [C] du 22 juillet 2010 qui préconisait la rehausse des conduits, ce qui paraît peu probable compte tenu d'un envoi par pli postal simple du 7 octobre 2010 par la sas Promo Ouest Immobilier, dont M. [W] ne dit pas qu'il ne l'a pas reçu, mais seulement que le pli simple ne prouve pas la réception incontestable, la mission de l'architecte, même dite partielle mais comportant la conception générale de l'ouvrage, impliquait de sa part d'élaborer, conformément à la pratique de l'architecture, des plans en considération des avoisinants présents et de traiter la difficulté qui se présentait pour cette cheminée, ce qu'il n'a pas fait, ignorant, selon le qualificatif utilisé par l'expert M. [E], les "règles de base de l'urbanisme".

Contrairement à ce que soutient la MAF, assureur de M. [W], la conception technique du rehaussement de la cheminée ne relève pas de la maîtrise d''uvre d'exécution, laquelle s'assure que les travaux sont réalisés en respectant les plans, les matériaux et les mises en 'uvre réglementaires, mais relève bien de la mission de l'architecte au titre de la conception générale du projet, des plans, de l'établissement du permis de construire comportant un volet relatif à cet aspect du chantier.

En réalité, il aurait été possible d'intégrer un conduit maçonné le long du mur pignon de l'immeuble neuf si la conception l'avait pris en compte dès le départ. Or, la conception et la construction de l'immeuble ont été terminées sans que ces points ne soient traités conduisant à la situation actuelle.

M. [W] a incontestablement manqué à son devoir de conseil. Sa responsabilité sera retenue à hauteur de 15 %.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

* S'agissant de la garantie de la compagnie Gan Assurances, assureur de la société Cordi Ouest

Ainsi que l'a retenu le premier juge, la société Cordi Ouest, maîtrise d''uvre d'exécution, était chargée en application d'un contrat du 15 septembre 2009 de :

- l'assistance à l'établissement des marchés,

- la direction et l'exécution des travaux,

- l'examen de la conformité du dossier d'exécution du projet.

Elle avait pour mission d'exécuter le projet du cabinet [V] et entre décembre 2010 et juillet 2011, elle a réalisé les missions DET (direction de l'exécution des travaux) et VISA (contrôle des plans d'exécution). Elle a fait l'objet d'une liquidation le 14 juin 2012.

Si elle a cessé d'intervenir dès le mois de juillet 2011 au stade de l'élévation du bâtiment au niveau du sous-sol, il reste, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire M. [E], qu'il lui "appartenait ['] de valider le projet conçu par Dywann et d'attirer l'attention du maître d''uvre et du maître d'ouvrage sur d'éventuels manques, oublis ou non-conformités et de proposer la mise en adéquation du projet."

L'expert judiciaire estime qu'à titre "accessoire et marginal", Cordi Ouest, mais aussi Artec Ingénierie, tous les deux professionnels de la construction auraient dû attirer l'attention du maître d'ouvrage Promo Ouest Immobilier sur l'absence de prise en compte des cheminées, et ce au titre de leur devoir de conseil. Plus particulièrement, Cordi ouest aurait dû, au minimum avertir le Maître d'ouvrage de la non-conformité des plans ou de la construction en cours, tant qu'il était encore temps de modifier simplement la construction pour prendre en compte la surélévation des cheminées de la maison [L].

Sous le bénéfice de ces observations, la cour estime que la responsabilité de Cordi Ouest peut être retenue à hauteur de 5 %, et que son assureur le Gan Assurances ne saurait être mis hors de cause.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Quant à la société Artec Ingénierie, elle est intervenue en qualité de maîtrise d''uvre d'exécution après la société Cordi Ouest selon contrat de maîtrise d''uvre d'exécution du 11 juillet 2011, c'est-à-dire à un stade où les choix opérés étaient irréversibles. L'expert judiciaire s'interroge en effet sur la capacité d'Artec Ingénierie à informer le maître d'ouvrage du fait de son intervention tardive.

Par ailleurs, cette société a également été placée en liquidation judiciaire et son mandataire liquidateur a été assigné mais ne s'est pas constitué. Son assureur Alpha Insurance a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et a pour liquidateur maître [K] [U] qui n'a pas été appelé à la cause. Un désistement est intervenu à l'encontre d'Alpha Insurance de sorte que cet assureur ou son liquidateur n'ont plus été concernés par la présente affaire dès le stade de la première instance.

La demande d'opposabilité du présent arrêt à la liquidation judiciaire de la société Artec Ingénierie ne peut qu'être rejetée.

Sous le bénéfice de ces observations, il sera dit que la sas Promo Ouest Immobilier est responsable de l'existence du trouble anormal de voisinage à hauteur de 80 %.

Ainsi, la sas Promo Ouest Immobilier, la MAF et le Gan Assurances seront respectivement condamnés à se garantir du paiement de la condamnation en principal à hauteur du taux de responsabilité respectif de chacun.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Les franchises souscrites dans le cadre des contrats d'assurance entre l'assuré et sa compagnie ne sont pas, contrairement à ce que soutient le Gan Assurances, opposables aux tiers, qui ne sont pas parties au contrat, de sorte que le Gan Assurances ne saurait s'en prévaloir à l'égard de M. et Mme [L]. Cette demande sera rejetée.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

La sas Promo Ouest Immobilier, la MAF, le Gan Assurances et M. et Mme [L] échouant chacun pour partie en leurs prétentions supporteront à part égale les dépens d'appel.

La société Allianz Iard en sera dispensée.

Le jugement sera en revanche confirmé s'agissant des dépens de première instance mis à la charge de la sas Promo Ouest Immobilier comprenant ceux des instances en référé et les frais d'expertise judiciaire.

Enfin, chaque partie conservera la charge des frais exposés en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 18 février 2020 en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'un trouble anormal de voisinage subi par M. et Mme [L] du fait de la construction réalisée par la sas Promo Ouest Immobilier,

- mis hors de cause :

* le syndicat des copropriétaires de la Résidence [15] et son assureur la société Gan Assurances,

* la société Allianz Iard, assureur de la sas Promo Ouest Immobilier,

* Maître [R], mandataire liquidateur de la société Artec Ingénierie,

- fixé les préjudices de M. et Mme [L] ainsi qu'il suit :

. Travaux de suppression de la cheminée : 10.680,00 €

. Travaux de déplacement de l'exécutoire VMC : 2.200,00 €

. Travaux de remplacement de la chaudière : 6.004,36 €

. Moins-value : 47.835,00 €

- condamné la sas Promo Ouest Immobilier aux dépens, comprenant ceux des instances en référé et au fond ainsi que les frais d'expertise judiciaire,

- condamné la sas Promo Ouest Immobilier à payer à M. et Mme [L] la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles,

L'infirme dans ses dispositions ayant :

- dit que la sas Promo Ouest Immobilier est seule responsable de l'existence de ce trouble,

- mis hors de cause la Mutuelle des architectes français, assureur de M. [W],

- mis hors de cause la compagnie Gan Assurances, assureur de la société Cordi Ouest,

- condamné la sas Promo Ouest Immobilier à verser à M. et Mme [L] les sommes de :

- 81.719,36 € en réparation de leur préjudice,

- dont 15.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- sans déduction des provisions,

Statuant à nouveau,

Condamne la sas Promo Ouest Immobilier à payer à M. et Mme [A] et [S] [L] les sommes de :

- travaux de suppression de la cheminée : 10.680,00 €

- travaux de déplacement de l'exécutoire VMC : 2.200,00 €

- travaux de remplacement de la chaudière : 6.004,36 €

- moins-value : 47.835,00 €

- préjudice d'agrément : 7.685,00 €

TOTAL : 74.404,86 €

A soustraire, provisions versées par Promo Ouest : 25.000,00 €

TOTAL : 49.404,86 €

Fixe le partage de responsabilité ainsi qu'il suit au titre des condamnations à payer en principal :

- sas Promo Ouest Immobilier : 80 %,

- Mutuelle des architectes français : 15 %,

- Gan Assurances : 5 %,

Condamne la sas Promo Ouest Immobilier, la MAF et la compagnie Gan Assurances à se garantir réciproquement du paiement de la condamnation en principal (74 404.86 euros) à hauteur du taux de responsabilité respectif de chacun,

Condamne la sas Promo Ouest Immobilier, M. et Mme [A] et [S] [L] et la MAF à part égale aux dépens d'appel,

Rejette le surplus de toutes les demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01834
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.01834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award