1ère Chambre
ARRÊT N°402/2022
N° RG 19/01811 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PTXP
Mme [H] [K] épouse [P]
C/
Mme [T] [E]
M. [U] [E]
Mme [N] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Septembre 2022 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 décembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 15 novembre 2022 à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [H] [K] épouse [P]
née le 07 Août 1951 à [Localité 8] (56)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Alain LE MAGUER de la SELARL LE MAGUER-RINCAZAUX, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉS :
Madame [T] [E]
née le 28 Mars 1955 à CRAC'H (56)
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Isabelle TANGUY de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN -
GOURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [U] [E]
né le 08 Février 1954 à CRAC'H (56)
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représenté par Me Isabelle TANGUY de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN -
GOURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, avocat au barreau de VANNES
Madame [N] [E]
née le 29 Septembre 1956 à CRAC'H (56)
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Isabelle TANGUY de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - GOURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, avocat au barreau de VANNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 10 juillet 1992, les consorts [E] ont reçu donation de diverses parcelles de terre dont un terrain situé au lieudit [Adresse 9] aujourd'hui cadastré section [Cadastre 18].
Le 7 mars 2005, Mme [P] a reçu donation des parcelles aujourd'hui cadastrées section [Cadastre 19], [Cadastre 12], [Cadastre 11] et [Cadastre 6], situées sur la même commune, ces trois dernières parcelles étant alors reliées à la première parcelle [Cadastre 19], supportant les bâtiments d'exploitation agricole, par deux passages ménagés au travers de la parcelle [Cadastre 18] des consorts [E].
Le 16 décembre 2013, Mme [P] a vendu aux époux [R] la parcelle [Cadastre 19] sans se réserver la possibilité de continuer à utiliser la desserte existante pour les autres parcelles dont elle conservait la propriété.
Les époux [R] ayant à compter de juin 2014 édifié sur ladite parcelle [Cadastre 19] un mur en pierre pour se clore, entravant le passage utilisé jusqu'alors, Mme [P] a revendiqué deux nouvelles assiettes de passage sur le fonds ZD n°76 des consorts [E], lesquels s'y sont opposés.
Considérant que depuis 2014, les parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 11] et [Cadastre 6] ne sont plus entretenues par Mme [P] et que la végétation déborde sur leur parcelle [Cadastre 18], les consorts [E] ont par acte d'huissier du 18 juillet 2017 fait assigner Mme [P] devant le tribunal d'instance de Lorient aux fins d'élagage et d'arrachage des végétaux dépassant sur leur propriété.
Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal d'instance de Lorient a condamné Mme [P] à entretenir les abords de ses parcelles en empruntant le chemin existant depuis l'origine. Appel ayant été relevé à l'encontre de ce jugement, la cour d'appel de Rennes a par arrêt du 26 novembre 2019, fixé à titre temporaire le passage nécessaire aux fins d'entretien des parcelles dans l'attente de la solution du litige sur l'assiette de la servitude de passage.
En effet, arguant de son impossibilité d'accéder à ses parcelles en raison du refus des consorts [E] de laisser passer les entreprises sur leur propriété, Mme [P] a par acte du 11 avril 2017, fait assigner les consorts [E] devant le tribunal de grande instance de Lorient aux fins d'obtenir deux nouvelles assiettes de servitude de passage de 5 mètres de large et de 10 mètres dans les virages, pour accéder à ses parcelles par le sud-est de la parcelle [Cadastre 13] en longeant les parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15] et, pour la parcelle [Cadastre 11], par le nord-ouest de la parcelle [Cadastre 13] en longeant les parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 4].
Par jugement du 20 février 2019, le tribunal de grande instance de Lorient a :
- jugé que l'assiette du passage sur la parcelle section [Cadastre 18] pour desservir les parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 6] est prescrite par 30 ans d'usage continu,
-dit que l'accès à la parcelle [Cadastre 11] se fera par la parcelle [Cadastre 5] au nord selon le tracé figurant sur la pièce n° 2 des défendeurs qui sera annexée au jugement,
-dit que l'accès aux parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 6] se fera depuis la parcelle [Cadastre 5] selon le tracé Nord-Sud figurant sur la pièce n° 2 des défendeurs,
-condamné Mme [P] à payer aux consorts [I] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Exposant que puisqu'elle n'avait pas sollicité le maintien du passage existant sur le fonds cédé, le jugement du tribunal de grande instance n'était pas exécutable, Mme [P] a relevé appel de ce jugement suivant déclaration du 15 mars 2019.
Elle a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande d'expertise portant notamment sur l'origine de l'enclave des parcelles qu'elle a conservées outre la détermination du chemin le plus court et le moins dommageable pour désenclaver les dites parcelles au seul contradictoire des consorts [E].
Par ordonnance du 28 avril 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise formée par Mme [K] épouse [P] et l'a invitée à appeler à la cause les propriétaires des parcelles [Cadastre 19], [Cadastre 16] et [Cadastre 17].
N'ayant pas appelé à la présente procédure les autres propriétaires de fonds limitrophes susceptibles de lui devoir un passage sur le fondement de l'enclave, l'affaire a été radiée par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 octobre 2020.
Par conclusions signifiée au RPVA le 23 novembre 2021, complétées par ses écritures notifiées au RPVA le 23 février 2022, Mme [P] a demandé son rétablissement, faisant connaître avoir vendu les fonds cadastrés [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 6] à M. et Mme [V].
Elle demande à titre principal qu'il lui soit donné acte de sa reprise d'instance et de ce qu'elle se désiste de ses demandes au titre du désenclavement des parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 6] et de la fixation d'une assiette de passage aux fins d'accéder auxdites parcelles et qu'il soit renvoyé au fond pour être statué sur la réformation des condamnations pécuniaires et la demande de condamnation des consorts [E] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des dépens de l'instance devant la cour d'appel.
Suivant ordonnance du 21 mars 2022, le conseiller de la mise en état a :
-Fait droit à la demande de reprise d'instance,
-Constaté le désistement d'instance et d'action de Mme [H] [P] de ses demandes de désenclavement des parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 6] situées au lieudit Kerdavid sur la commune de [Localité 7] et de fixation d'une assiette de passage,
-Constaté le dessaisissement de la cour d'appel de ces demandes,
-Renvoyé l'affaire devant la cour d'appel pour être statué sur les condamnations pécuniaires dont appel,
-Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et
dépens.
C'est dans ce contexte qu'aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 30 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [H] [P] née [K] demande à la cour de :
-Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,
Puis, statuant à nouveau :
-Décerner acte de son désistement d'instance et d'action de ses demandes au titre du désenclavement des parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 6] et la fixation d'une assiette de passage aux fins d'accéder à ces fonds,
-Condamner solidairement les consorts [E] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner solidairement les consorts [E] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance devant la Cour d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 29 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [N] [E], M. [U] [E] et Mme [T] [E] demandent à la cour de :
-Débouter Madame [H] [K], épouse [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-Confirmer le jugement en date du 20 février 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
-Condamner Madame [H] [K], épouse [P] à verser aux Consorts [E] la somme de 5 .000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner la même aux dépens d'instance dont distraction au profit du cabinet d'avocat sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA COUR
A titre liminaire, il n'y a pas lieu de « décerner acte » à Mme [P] de son désistement. Outre qu'il ne s'agit pas d'une prétention, au sens de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile à laquelle la cour est tenue de répondre, il a déjà été statué sur le désistement par le conseiller de la mise en état aux termes de l'ordonnance du 21 mars 2022.
1°/ Sur la réformation du jugement déféré du chef de la condamnation de Mme [P] aux frais irrépétibles et aux dépens
L'article 700 du code de procédure civile dispose que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd le procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations ».
Il est rappelé que la présente procédure a été initiée par Mme [P] elle-même et que c'est encore elle qui a interjeté appel du jugement, avant de se désister. L'attitude procédurière des intimés ne peut donc être retenue.
Par ailleurs, l'objet de la présente procédure, visant à fixer l'assiette et le mode des servitudes de passage grevant la parcelle [Cadastre 18] au profit des parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 6] est distinct de celui de la procédure initiée par les consorts [E] devant le tribunal d'instance de Lorient aux fins d'élagage et d'entretien des parcelles appartenant à Mme [P]. Cette affaire a été définitivement jugée. La cour observe que Mme [P] ne s'est d'ailleurs pas exécutée dans les délais impartis et jusqu'à la vente des parcelles, nonobstant les dispositions claires de l'arrêt du 26 novembre 2019.
En tout état de cause, les longs développements de Mme [P] sont sans intérêt pour apprécier le bien fondé de son action devant le tribunal de grande instance de Lorient en fixation de l'assiette des servitudes.
A cet égard, les premiers juges ont considéré que le problème de desserte des parcelles n°[Cadastre 11],[Cadastre 12] et [Cadastre 6] était lié à l'attitude de Mme [P] qui a décidé de vendre sa parcelle [Cadastre 19] sans se ménager un droit de passage afin de rejoindre les assiettes des servitudes existantes sur la parcelle [Cadastre 13], de sorte qu'elle ne pouvait exiger des consorts [I] un déplacement de l'assiette du passage, mais devait prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le passage sur la parcelle [Cadastre 19] vendue.
Dans la mesure où Mme [P] se désiste de ses demandes relatives au désenclavement des parcelles cadastrées ZD [Cadastre 11],[Cadastre 12] et [Cadastre 6] et à la fixation d'une assiette de passage aux fins d'accéder à ces fonds, la cour est privée du réexamen du mérite de ses prétentions et du bien fondé en fait et en droit de la solution retenue par les premiers juges.
Le désistement de Mme [P] rend définitive la solution retenue par les premiers juges. Il en résulte que Mme [P] perd son procès contre les consorts [E]. C'est elle qui doit donc supporter les dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
Le tribunal a par ailleurs justement fixé l'indemnité due aux consorts [E] au titre des frais irrépétibles à la somme de 3.500 euros.
Le jugement sera donc confirmé.
2°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel
Mme [P] qui est condamnée aux dépens de première instance, sera également tenue aux dépens d'appel.
Dès lors que les consorts [E] n'ont pas la charge des dépens et qu'ils ne peuvent être considérés comme partie succombante, la demande de Mme [P] tendant à les voir condamner à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ne peut qu'être rejetée.
En revanche, la procédure initiée par Mme [I] et l'appel dont elle s'est désistée ont obligé les consorts [E] à exposer des frais d'avocat pour leur défense. Il n'est donc pas inéquitable de condamner Mme [P] à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le20 février 2019, en ce qu'il a condamné Mme [K] épouse [P] à payer à Mme [N] [E], M. [U] [E] et Mme [T] [E] la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;
Déboute Mme [H] [K] épouse [P] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [H] [K] épouse [P] à payer à Mme [N] [E], M. [U] [E] et Mme [T] [E] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [H] [K] épouse [P] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE