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09/12/2022 | FRANCE | N°19/07377

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 19/07377


2ème Chambre





ARRÊT N° 632



N° RG 19/07377 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHYN



(1)









SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION ET D'EQUIPEMENT (CG LE)



C/



M. [V] [U] [F] [B]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me

Erwan LECLERCQ

-Me Michel PEIGNARD











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Je...

2ème Chambre

ARRÊT N° 632

N° RG 19/07377 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHYN

(1)

SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION ET D'EQUIPEMENT (CG LE)

C/

M. [V] [U] [F] [B]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Erwan LECLERCQ

-Me Michel PEIGNARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION ET D'EQUIPEMENT (CG LE)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Stéphanie BORDIEC, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [V] [U] [F] [B]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3] (Loiret) ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

Représenté par Me Michel PEIGNARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 29 décembre 2016, la société Compagnie générale de location d'équipements (la CGLE) a consenti à M. [V] [B] une location avec option d'achat portant sur un véhicule Audi Q 5 d'une valeur d'achat de 52 000 euros TTC, moyennant le paiement d'un premier loyer de 10 000 euros puis de 48 mensualités de 635,60 euros, avec possibilité de levée l'option d'achat en fin de contrat moyennant le règlement d'un prix résiduel de 21 958 euros.

Prétendant que les loyers n'étaient plus honorés depuis septembre 2017 en dépit d'une lettre recommandée de mise en demeure de régulariser l'arriéré sous huitaine en date du 21 novembre 2017, la CGLE s'est prévalue de la clause de résiliation de plein droit du contrat par un second courrier recommandé du 24 janvier 2018.

À la requête de la CGLE, le juge de l'exécution de Vannes a, par décision du 14 février 2018, autorisé la saisie-appréhension du véhicule qui a en définitive été restitué et revendu aux enchères le 7 juin 2018 moyennant un prix de 29 123,89 euros, déduction faite des frais de remise en état.

Puis, M. [B] ne s'étant pas acquitté du reliquat de la créance en dépit d'une mise en demeure du 9 juillet 2018, la CGLE l'a, par acte du 16 octobre 2018, fait assigner en paiement devant le tribunal d'instance de Vannes.

Le défendeur a sollicité la déchéance du droit du prêteur aux intérêts pour manquements du loueur à son obligation de vérification de la solvabilité du locataire et irrégularité de l'offre.

Estimant en effet qu'il y avait lieu à déchéance du droit du prêteur aux intérêts dans la mesure où l'offre n'était pas rédigée en caractère de corps huit, le premier juge a, par jugement du 10 octobre 2019 :

condamné avec exécution provisoire M. [B] à payer à la CGLE la somme de 8 019,46 euros sans intérêt,

débouté la CGLE de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné, avec exécution provisoire, M. [B] aux dépens et aux frais taxable de signification d'ordonnance sur requête afin d'appréhension de 56,68 euros.

La CGLE a relevé appel de cette décision le 8 novembre 2019, pour demander à la cour de :

infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé déchéance du droit aux intérêts,

constater qu'en toute hypothèse le contrat litigieux n'est pas assorti d'intérêts contractuels,

condamner M. [B] au paiement de la somme de 16 555,14 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêté de comptes du 17 août 2018,

condamner M. [B] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.

Ayant formé appel incident, M. [B] demande quant à lui à la cour de :

confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

dire que la créance de la CGLE ne saurait excéder 6 088,10 euros,

condamner la CGLE au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la CGLE le 2 octobre 2020 et pour M. [B] le 29 juin 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 18 octobre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour prononcer la déchéance du droit du loueur aux intérêts, le premier juge a estimé que l'offre de contrat de location avec option d'achat était irrégulière comme ne respectant pas la taille de caractères de corps huit imposée par le code de la consommation pour ce type d'opération.

À cet égard, il résulte de l'article R. 312-10 du code de la consommation que le contrat de location avec option d'achat doit être rédigé en caractères dont la taille ne peut être inférieure à celle du corps huit.

La taille d'un caractère de corps huit correspond à la hauteur maximale occupée par le dessin de tous les caractères, en ce inclus la hampe des lettres ascendantes, les jambages des lettres descendantes et les signes diacritiques auxquels s'ajoutent les talus de tête et de pied du caractère.

Toutefois, cette hauteur n'est pas légalement définie et, au plan technique, elle ressort à 3 millimètres ou à 2,82 millimètres selon qu'elle est calculée en points Didot, utilisés en imprimerie, ou en points DTP ou Pica, utilisés en publication assistée par ordinateur.

Il n'y a donc pas de violation manifeste des dispositions de l'article R. 312-10 lorsque le prêteur soumet à l'emprunteur une offre dont la taille des caractères, mesurée selon les modalités précitées, est supérieure à 2,82 millimètres, dès lors que ses offres sont, comme en l'espèce, éditées informatiquement et que leur présentation les rend lisible.

En l'occurrence, M. [B] prétend que, tant l'offre de contrat de location avec option d'achat que le bulletin d'adhésion à l'assurance du locataire, la fiche d'information précontractuelle et le procès-verbal de livraison seraient rédigés en caractères inférieurs à 3 mm et même à 2,82 mm, ce que la CGLE conteste.

Toutefois, il résulte du texte précité que, seul, le contrat lui-même est soumis, à peine de déchéance du droit aux intérêts, à l'obligation de rédaction en caractères de corps huit, étant au surplus observé que le bulletin d'adhésion à l'assurance, la fiche d'information précontractuelle et le procès-verbal de livraison, produits en documents originaux, sont parfaitement lisibles.

S'agissant de l'offre ayant formé contrat par l'acceptation du locataire, la cour observe que le premier juge expose avoir procédé à un mesurage sur un seul mot (loyer), ce qui, eût-il comporté des lettres avec hampe et jambage, n'a pas permis de vérifier les lettres avec des signes diacritiques et, surtout, de tenir compte des talus de tête et de pied des caractères.

D'autre part, si la méthode de mesurage proposée par l'intimé, sur un paragraphe entier, est correcte, celui-ci a procédé à sa vérification à partir d'une photocopie, et la cour ne vérifie pas, sur le document produit par la CGLE, ces résultats, les paragraphes considérés apparaissant au contraire, en mesurant la hauteur maximale occupée par le dessin de tous les caractères, en ce inclus la hampe des lettres ascendantes, les jambages des lettres descendantes et les signes diacritiques auxquels s'ajoutent les talus de tête et de pied des caractères, d'une taille de 9 mm pour celui de trois lignes et de 6 mm pour celui de deux lignes.

En toute hypothèse, l'insuffisance de taille des caractères du contrat litigieux, dont l'ensemble des stipulations sont parfaitement lisibles, n'est pas manifeste, le locataire ne produisant aucun élément sérieux de nature à établir de façon convaincante que ces caractères auraient été inférieurs au corps huit exigé par l'article R. 312-10 du code de la consommation.

Au soutien de sa demande de déchéance du droit aux intérêts, M. [B] soutient par ailleurs que la CGLE ne justifierait pas s'être acquittée de son obligation de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), et qu'en toute hypothèse cette interrogation du fichier n'aurait eu lieu que tardivement, postérieurement à la conclusion du contrat.

À cet égard, le prêteur doit établir avoir satisfait à son obligation de consultation du FICP imposée par l'article L. 312-16 du code de la consommation, l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 disposant que les établissements de crédit doivent à cet effet conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat sur un support durable, et être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées.

Or, la CGLE produit un document de consultation faisant apparaître, contrairement à ce que M. [B] soutient, que le locataire était suffisamment identifié par la clé d'interrogation du fichier informatique géré par la Banque de France, composée de la date de naissance de l'intéressé suivie l'intégralité de son nom patronymique qui comportait moins de cinq lettres (060270[B]), que le loueur était également identifié par la mention de son identifiant (OT001564882), et que la date et l'heure de la consultation (29 décembre 2016 à 4 h 16) sont aussi mentionnées, de même que la réponse de la Banque de France (dossier non trouvé).

Étant observé que le caractère peu intelligible du document de consultation ne peut être reproché à la CGLE puisqu'il est constitué par la copie d'écran de l'interface, accessible aux établissement de crédit du fichier géré par la Banque de France, il s'en évince que la CGLE prouve suffisamment avoir procédé à la consultation du FICP.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 312-16 du code de la consommation que le loueur doit consulter le FICP avant de conclure le contrat de contrat de location avec option d'achat, et de l'article L. 312-24 que le contrat accepté par le locataire ne devient parfait qu'à la double condition que celui-ci n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le loueur ait fait connaître au locataire sa décision d'accorder la location dans un délai de sept jours, l'agrément étant réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder la location n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé mais restant néanmoins valable si le locataire entend toujours bénéficier de la location financière, et la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur au-delà du délai de sept jours valant alors agrément du locataire.

Il s'en évince que, lorsque le loueur n'a pas fait connaître au locataire sa décision d'accepter ou de refuser son agrément dans les sept jours de l'acceptation de l'offre, mais que le locataire, entendant toujours bénéficier de la contrat de location avec option d'achat , a néanmoins accepté la mise à disposition des fonds entre les mains du vendeur, le contrat de contrat de location avec option d'achat doit être réputé conclu à cette date de mise à disposition des fonds.

En l'occurrence, si la CGLE n'a pas expressément agréé M. [B] dans les sept jours de l'acceptation de l'offre du 29 décembre 2016, elle a versé les fonds prêtés au four isseur du véhicule le 9 janvier 2017, date à laquelle la location avec option d'achat doit être réputée conclue, de sorte que l'interrogation du FICP, en date du 29 décembre 2016, a bien eu lieu avant la conclusion du contrat.

Il n'y a en conséquence pas matière à déchéance du droit aux intérêts, le jugement attaqué devant donc être réformé.

Il ressort par ailleurs de l'offre et du décompte de créance qu'il restait dû à la CGLE, au jour de la résiliation de plein droit du contrat en date du 24 janvier 2018 :

2 270,55 euros au titre des loyers échus impayés du 15 septembre 2017 au 15 janvier 2018 (635,60 euros x 5), après déduction du versement de régularisation partielle de 407,45 euros du 21 décembre 2017,

42 576,68 euros au titre de l'indemnité de résiliation, égale au montant des loyers actualisés (17 182,03 euros HT) augmenté de la valeur résiduelle du véhicule (18 298,53 euros HT) et de la TVA (7 096,11 euros),

- 29 123,89 euros au titre du prix de revente du véhicule, correspondant à un règlement à déduire,

soit, au total, 16 223,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2018.

M. [B] sera en conséquence condamné au paiement de cette somme.

Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Vannes en ce qu'il a condamné M. [B] au paiement de la somme de 8 019,46 euros sans intérêts ;

Rejette la demande de déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne M. [V] [B] à payer à la société Compagnie générale de location d'équipements la somme de 16 223,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2018 ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] aux dépens d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07377
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;19.07377 ?
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