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09/12/2022 | FRANCE | N°19/07350

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 19/07350


2ème Chambre





ARRÊT N°615



N° RG 19/07350 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHSH





(3)







Mme [N] [E]



C/



CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU PAYS DE GUICHEN CHEN

SA SURAVENIR



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me

Thomas NAUDIN

Me Christophe DAVID

Me Aurélie GRENARD











1

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesse...

2ème Chambre

ARRÊT N°615

N° RG 19/07350 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHSH

(3)

Mme [N] [E]

C/

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU PAYS DE GUICHEN CHEN

SA SURAVENIR

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thomas NAUDIN

Me Christophe DAVID

Me Aurélie GRENARD

1

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Décembre 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

Madame [N] [E]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU PAYS DE GUICHEN

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SA SURAVENIR

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 22 novembre 2005, Mme [N] [H] épouse [E], née en 1947, a, par l'intermédiaire de sa banque, la Caisse de crédit mutuel du pays de Guichen, adhéré à un plan d'épargne retraite populaire (PERP), selon contrat Prévi-Horizons n°0124 29806252 95 01 proposé par la SA Suravenir, pour un montant de prime brute de 500 euros en sollicitant la mise en place de versements programmés mensuels de 50 euros.

Mme [E] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er octobre 2007, à l'âge de 60 ans.

A la clôture de son plan en 2013 Mme [E] a opté pour la rente viagère d'un montant de 206,70 euros, à compter du 1er avril 2013, et revalorisée à 225,75 euros au 1er avril 2015.

Estimant que l'absence de conseil ne lui avait pas permis, lors de la souscription du PERP et lors de l'option de la liquidation, de prendre pleinement conscience des conséquences de ses décisions, elle a, après vaine tentative de règlement amiable assigné, par actes des 30 juin et 5 juillet 2016, la banque et l'assureur devant le tribunal de grande instance de Rennes en paiement de dommages et intérêts et restitutions, invoquant un préjudice de perte de chance de ne pas contracter et un préjudice moral.

Par jugement du 24 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :

Déclaré Mme [N] [E] née [H] prescrite en sa demande principale en ce qu'elle est fondée sur un manquement à un devoir de conseil lors de la souscription,

Débouté Mme [N] [E] née [H] du surplus de ses prétentions ;

Condamné Mme [N] [E] née [H] à payer à la Caisse de crédit mutuel du pays de Guichen la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [N] [E] née [H] à payer à la SA Suravenir la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamné Mme [N] [E] née [H] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [E] est appelante de ce jugement et par dernières conclusions notifiées le 10 juillet 2020 elle demande de :

Réformer le jugement rendu le 24 septembre 2019 .

Statuant à nouveau :

- Condamner solidairement la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen et Suravenir à payer à Mme [E] la somme de 3 222 euros, à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil lors de la souscription du contrat,

- Condamner solidairement la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen et Suravenir à payer à Mme [E] la somme de 5 633,19 euros, déduction faite des rentes versées depuis l'option litigieuse, à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil lors de l'option de 2013,

- Condamner solidairement la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen et Suravenir à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner solidairement la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen et Suravenir à payer à Mme [E] la somme de 138 euros à titre de remboursement des frais de gestion injustement perçus,

En tout état de cause,

- Condamner solidairement la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen et Suravenir à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner solidairement la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen et Suravenir aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 19 novembre 2020 la société Suravenir demande de :

- Confirmer le jugement rendu par la première chambre civile du Tribunal de Grande Instance de RENNES du 24 septembre 2019 en toutes ses dispositions à l'exception de celle qui a limité l'indemnisation de la société Suravenir au titre de ses frais irrépétibles de première instance à 1 000 euros ;

- Débouter Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre Suravenir .

Statuant à nouveau ,

- Condamner Mme [E] à payer à Suravenir une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles de première instance et une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel .

- Condamner Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 28 avril 2020 la Caisse de Crédit Mutuel du pays de Guichen demande de :

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

- Déclarer l'action en responsabilité pour manquement au devoir de conseil lors de la souscription prescrite .

- Débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner Mme [E] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la même aux entiers dépens, dont distraction par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme [E] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu que le point de départ du délai de prescription de son action en indemnisation du manquement à l'obligation contractuelle d'information se situait à la date de conclusion du contrat.

Par application des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce le délai de prescription applicable initialement de dix ans est depuis la loi du 17 juin 2018 réduit à cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le Crédit Mutuel et la société Suravenir demandent la confirmation du jugement qui a retenu que le point de départ du délai de prescription se situe à la date de conclusion du contrat Mme [E] ayant été parfaitement avisée par les conditions générales et particulières qui lui ont été remises de ce que le capital n'était pas récupérable et que des frais seraient prélevés.

Mais Mme [E] fait grief à la banque et à Suravenir de lui avoir soumis un contrat qui ne présentait aucun intérêt pour elle puisque s'agissant d'un plan d'épargne retraite à long terme incompatible avec sa situation puisque souscrit environ deux ans avant l'âge prévu de son départ à la retraite en 2007 et ne permettant qu'une rémunération minime compte tenu de l'importance des frais générés.

Or il ne ressort d'aucun élément que Mme [E] ait pu avoir avant la liquidation connaissance du montant de la rente devant lui être versée ce montant n'étant pas déterminable à la date de conclusion du contrat.

Il en résulte que Mme [E] fait valoir à juste titre que le délai de prescription relatif aux manquements imputés aux intimées n'a pu commencer à courir qu'à compter de la notification qui lui a été faite des conditions de liquidation de la rente au mois d'avril 2013

Il en résulte que son action engagée par assignation des 30 juin et 5 juillet 2016 n'est pas prescrite.

Pour établir le manquement au devoir de conseil, Mme [E] fait valoir le caractère inadapté du placement compte tenu de sa date de souscription s'agissant d'un produit d'épargne à long terme alors qu'il a été souscrit moins de deux ans avant la date prévue de son départ à la retraite et dont le gain était particulièrement minime compte tenu à la date prévisible de sa liquidation ; que par ailleurs le contrat n'était pas susceptible de lui procurer un revenu régulier supplémentaire, la rente qui lui est servie ne lui procurant qu'un revenu mensuel de 18,81 euros.

Mais, si modeste qu'elle soit, la rentabilité du placement n'apparaît pas contestable en ce qu'il apparaît qu'à sa conversion et déduction faite des frais, la valeur acquise s'élevait à la somme de 5 635,96 euros pour des versements s'étant élevés à la somme de 5 144,68 euros. Le Crédit Mutuel produit aux débats la copie de l'avis d'imposition 2013 de M et Mme [E] dont il ressort qu'ils étaient imposables et dès lors à même de bénéficier des dispositions fiscales favorables applicables aux versements sur des plans épargne retraite. Mme [E] n'établit pas dès lors que le contrat aurait été à l'origine d'une perte financière.

Le fait que le contrat ait été conclu deux ans avant la date de départ à la retraite de Mme [E] n'a pu échapper à cette dernière et ne saurait à lui seul établir le caractère inadapté de ce placement en ce qu'il s'agit d'un placement à 'long terme', puisqu'il n'est pas discuté que la conversion pouvait intervenir après le départ à la retraite de Mme [E] qui au cas d'espèce a pu régulièrement obtenir la conversion en rente en 2013 soit huit ans après la conclusion du contrat. Il ne ressort d'aucun élément que Mme [E] aurait entendu obtenir le versement de sa rente dès son départ à la retraite en 2007 étant relevé sur ce point que la société Suravenir produit aux débats un avenant en date 13 septembre 2008 par lequel Mme [E] a sollicité une modification des versements programmés manifestant ainsi une volonté non équivoque de poursuite du contrat.

Enfin, la faiblesse du montant de la rente n'apparaît que la conséquence du montant limité des sommes versées par Mme [E] en exécution de la convention et ne saurait ni lui retirer le caractère de revenu régulier ni permettre de lui dénier tout intérêt. Il sera par ailleurs rappelé que la rente viagère annuelle n'a été servie qu'à la suite du choix opéré par Mme [E] qui a exprimé le souhait de percevoir la rente viagère par préférence à la possibilité qui lui a été offerte d'obtenir le versement en une rente unique.

En considération de ces éléments, Mme [E] n'établit pas l'existence d'un préjudice en lien avec un manquement au devoir de conseil lors de la souscription du contrat et elle sera déboutée de ses demandes à ce titre.

Mme [E] fait par ailleurs grief d'un manquement au devoir de conseil à la date de l'option sur les conditions de liquidation de son contrat. Elle expose qu'elle n'a pas été complètement informée du montant de la rente viagère qui lui serait servie et qu'elle n'a ainsi pas été en situation de comprendre qu'elle ne pourrait récupérer la totalité des sommes placées qu'à l'âge de 93 ans, alors qu'elle ne disposait que de revenus modestes et que la rente était minime par rapport au capital.

Par courrier du 28 mars 2013 la société Suravenir a informé Mme [E] de ce que compte tenu du fait que dans la mesure où le montant de la rente était inférieur à 120 euros par trimestre il lui était offert la faculté de solliciter le versement sous la forme d'une rente unique d'un montant de 5 633,19 euros. L'assureur précise que l'option du versement d'une rente unique n'est qu'une faculté à sa discrétion. Ce n'est que postérieurement au choix du versement sous forme de rente viagère que la société Suravenir lui a notifié que le montant de la rente s'élevait à la somme annuelle de 206,70 euros brute.

Mme [E] fait valoir que le choix de la rente viagère s'est ainsi révélé inadapté à ses besoins. Le tribunal a relevé à juste titre que le choix fait par Mme [E] du versement de la rente viagère de préférence au versement d'une rente unique tend à établir qu'elle n'avait pas besoin de capitaux à la date de la conversion. Il sera relevé que le préjudice financier qu'elle invoque n'est pas déterminable en ce qu'elle continue de percevoir le montant convenu de la rente jusqu'à un terme inconnu comme dépendant d'un événement incertain. Si comme elle soutient le montant des sommes investies ne sera couvert que par un service de la rente jusqu'à l'âge de 93 ans, aucun élément ne permet à ce stade d'exclure qu'elle puisse bénéficier de la rente jusqu'à cet âge et même au delà ce qui ne saurait résulter du seul fait que cet âge est supérieur à l'espérance de vie moyenne telle qu'elle ressort de données statistiques générales de l'ensemble de la population française.

Dès lors Mme [E] n'établit pas que les manquements qu'elle invoque soient à l'origine d'une perte certaine et c'est en conséquence à bon droit et par de justes motifs que les premiers juges l'ont déboutée de ses demandes d'indemnisation.

Mme [E] ne fournit pas d'éléments de nature à caractériser l'existence d'un préjudice moral imputable aux conditions de conversion de son plan et qui ne saurait résulter du certificat médical non circonstancié établi par le Dr [G] le 13 mars 2015 relatif à ses capacités de gestion et elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre.

Mme [E] réclame le remboursement d'une somme de 138 euros, correspondant au montant des frais de gestion prélevés postérieurement à la date de son départ à la retraite, en soutenant qu'ils sont indus puisque le plan aurait dû être liquidé à cette date.

Si le plan d'épargne a vocation à être liquidé au moment de la retraite de l'adhérent la réglementation autorise l'adhérent à poursuivre le contrat au delà de la date de liquidation de ses droits à la retraite pour autant que la demande de liquidation soit formée au plus tard à l'âge correspondant à son espérance de vie au jour de la signature du contrat moins 15 ans.

Il n'est pas contesté qu'au cas d'espèce, Mme [E] devait solliciter la liquidation de son plan au plus tard à l'âge de 71 ans. Il en résulte que Mme [E] étant âgée de 66 ans à la date de sa demande de liquidation du plan d'épargne de sorte que le contrat a pu valablement se poursuivre jusqu'à cette date et qu'elle ne saurait obtenir remboursement des frais de gestion prévus au contrat entre la date de son départ à la retraite et la date de liquidation du plan.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Mme [E] succombant en ses demandes principales sera déboutée de ses demandes accessoires et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au paiement d'indemnités de procédure aux intimés.

Mme [E] succombant en appel sera condamnée aux dépens d'appel mais il apparaît équitable de la dispenser du paiement d'indemnités de procédure complémentaires.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

INFIRME le jugement rendu le 24 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a déclaré Mme [E] prescrite en sa demande principale en ce qu'elle est fondée sur un manquement à un devoir de conseil lors de la souscription.

STATUANT à nouveau sur le chef infirmé

DÉCLARE Mme [E] recevable en ses demandes.

DÉBOUTE Mme [E] de ses demandes en indemnisation fondée sur un manquement à un devoir de conseil lors de la souscription.

CONFIRME le jugement pour le surplus

Y ajoutant

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE Mme [E] aux dépens d'appel.

ACCORDE le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07350
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;19.07350 ?
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