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09/12/2022 | FRANCE | N°19/06949

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 19/06949


2ème Chambre





ARRÊT N°613



N° RG 19/06949

N° Portalis DBVL-V-B7D-QGD6



(3)









SARL PAYSAGES DE LA BAIE



C/



Mme [C] [K]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me Vincent LE LUYER

Me Emmanuel CUIEC
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-Franço...

2ème Chambre

ARRÊT N°613

N° RG 19/06949

N° Portalis DBVL-V-B7D-QGD6

(3)

SARL PAYSAGES DE LA BAIE

C/

Mme [C] [K]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Vincent LE LUYER

Me Emmanuel CUIEC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Aïchat ASSOUMANI, lors des débats et Mme Ludivine MARTIN, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Octobre 2022 devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Décembre 2022, après prorogation , par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

SARL PAYSAGES DE LA BAIE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent LE LUYER de la SELARL LEXARMOR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

Madame [C] [K]

née le 10 Janvier 1944 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel CUIEC de la SCP CUIEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant devis du 30 août 2013 et facture du 2 janvier 2014, Mme [C] [K] a commandé à la société Paysages de la Baie (la société PDLB) des travaux d'élagage d'une haie de cyprès bordant la voie publique, moyennant le prix de 1 254 euros TTC.

Se plaignant de ce que cet élagage avait été excessif au point d'avoir causé le dépérissement voire la mort de certains pieds, et se prévalant d'une expertise extrajudiciaire du 12 janvier 2017, précédée d'un 'constat technique' du 15 mai 2015, concluant que les arbres avaient subi un étêtage trop important compte tenu de leur âge, que la haie étant désormais perdue, il y avait lieu de la couper et d'en replanter une autre, Mme [K] a, par acte du 26 novembre 2018, fait assigner la société PDLB devant le tribunal d'instance de Morlaix en indemnisation de ses préjudices et paiement de dommages-intérêts.

Estimant que les manquements de la société PDLB avaient causé le dépérissement de la haie et tous les préjudices afférents, et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité, le premier juge a, par jugement du 5 juillet 2019 :

condamné la société Paysages de la Baie à payer à Mme [K] les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :

5 010,76 euros TTC au titre des travaux 'd'élagage' et de plantation, outre indexation 'précisée au dispositif',

3 589,12 euros au titre du préjudice de jouissance,

800 euros au titre de sa résistance abusive,

condamné la société Paysages de la Baie aux entiers dépens, et à verser à Mme [K] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société PDLB a relevé appel de ce jugement le 21 octobre 2019, et aux termes de ses dernières conclusions du 20 mai 2020, elle demande à la cour de l'infirmer et de :

dire l'action de Mme [K] prescrite,

débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

reconventionnellement, condamner Mme [K] à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de la procédure abusive,

condamner Mme [K] à lui payer une somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 3 600 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 3 juillet 2020, Mme [K] conclut à la confirmation du jugement attaqué, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts qui lui a été alloué au titre de la résistance abusive, et elle demande à ce titre la condamnation de la société PDLB à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, et appel abusif.

Elle sollicite également la condamnation de la société PDLB au paiement d'une indemnité de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 juin 2022. EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la prescription

La société PDLB soutient que l'assignation ayant été délivrée plus de cinq années après les faits, soit à la date de la réalisation des travaux d'élagage en septembre 2013, l'action de Mme [K] serait prescrite.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est à cet égard de principe que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Il s'ensuit que Mme [K] n'a pu avoir connaissance de la réalisation du dommage, non pas au jour de la réalisation des travaux d'élagage, ni même à la date de la facture, mais au jour où elle a pu avoir connaissance du dépérissement de la haie, soit en juin 2014 période à laquelle elle affirme s'être déplacée pour la première fois après les travaux dans sa propriété, ou même encore en mai 2014, date à laquelle la société PDLB indique être intervenue à la demande de Mme [K] sur des arbres qui étaient tombés au cours des tempêtes hivernales, de sorte que l'action en responsabilité contractuelle exercée à l'égard de la société PDLB n'était pas prescrite au jour de l'assignation du 26 novembre 2018.

Sur la responsabilité de la société PDLB

A l'appui de ses prétentions, Mme [K] produit un premier 'constat technique' du 15 mai 2015 établi par M. [G], lequel a relevé :

que sur les 34 pieds de cyprès concernés, 12 arbres étaient secs et 22 autres 'mi-secs',

que les arbres avaient subi un étêtage trop important compte tenu de leur âge (30 ans),

que cet étêtage et l'élagage sévère, réalisés sur les deux côtés, avaient privé les arbres d'une masse foliaire suffisante pour pouvoir survivre et cicatriser,

que la haie était dès cette époque 'dépérissante et sans avenir', et 'désormais perdue', étant alors conseillé de la couper et de replanter une nouvelle haie.

Mme [K] produit également un rapport d'expertise extrajudiciaire établi le 12 janvier 2017 par le même expert foncier M. [G], au contradictoire de la société PDLB représentée par son assureur, reprenant ses précédentes observations, sauf à relever que la proportion d'arbres secs était passée de 25 sur 34 (soit 73 %).

Ces constatations matérielles n'ont du reste pas été discutées par l'assureur de la société PDLB.

Ces constatations sont en outre corroborées par le devis de la société Amzer Garden du 13 décembre 2016 au titre des travaux d'abattage de la haie et de plantation d'un montant de 5 010,76 euros TTC, ainsi que par le devis de la société Arbre et vie du 13 octobre 2014 d'un montant de 5 225 euros TTC.

Au soutien de son appel, la société PDLB fait valoir que le dommage allégué par Mme [K] ne serait pas certain, en produisant un constat d'huissier établi le 8 novembre 2019 faisant apparaître que si certains cyprès étaient séchés, d'autres étaient toujours vivaces et de nouveau pris dans les fils téléphoniques, et que, d'autre part, la faute de la société PDLB ne serait pas établie, celle-ci n'ayant fait que suivre les instructions de Mme [K] en demandant, dans une certaine urgence compte tenu de l'injonction de la commune, un élagage des deux côtés de la haie, et que le dommage allégué résulterait de la faute de Mme [K] qui n'aurait jamais entretenu sa haie qui empiétait de manière illégale sur la voie publique.

Le constat d'huissier établi 6 ans après les travaux litigieux n'est cependant pas de nature à remettre en cause les constatations de l'expert [G], puisque, si l'huissier constate qu'en partie haute 'la situation demeure identique (et que) les fils des réseaux disparaissent par endroits dans les branches hautes des résineux', il constate également que 'certains arbres apparaissent secs, sans feuillage (et qu') au sud de cette haie, certains résineux apparaissent dégarnis', et corrobore ainsi les constatations de l'expert [G].

Ensuite, l'exigence avérée de la commune dans son courrier du 6 décembre 2012 de procéder à un élagage 'dans les plus brefs délais' des branches débordant sur la voie communale et de l'étêtage des branches touchant les fils téléphoniques, ne dispensait en rien la société PDLB des obligations contractuelles d'information et de conseil dont elle était tenue à l'égard de sa cliente, Mme [K].

C'est par d'exacts motifs que la cour adopte que le premier juge a pertinemment relevé que :

dès lors que les travaux que cette société se proposait de réaliser portaient en eux la certitude et à tout le moins le risque d'un dépérissement de la haie, risque qu'elle ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel, il lui incombait d'en alerter clairement et pleinement Mme [K] avant le début des opérations, ce qu'elle n'a pas fait,

en s'abstenant d'une information aussi essentielle que le risque de mort d'une haie qu'il s'agissait d'entretenir, la société PDLB a manqué à ses obligations contractuelles et empêché Mme [K] de prendre sa décision de manière parfaitement éclairée,

au-delà de ce défaut d'information sur les risques inhérents à la solution proposée à sa cliente, la société PDLB est également fautive dans le choix de cette solution, étant observé qu'il ressort du rapport d'expertise extrajudiciaire que les objectifs de Mme [K], à savoir donner suite aux exigences de la commune s'agissant notamment de l'atteinte aux fils téléphoniques, pouvaient être atteints par un élagage côté route sans élagage côté maison, ce qui aurait préservé la masse foliaire des arbres.

Il s'en évince que la société PDLB a manqué à son obligation de conseil à l'égard de Mme [K], et que ses agissements ont entraîné le dépérissement de la haie nécessitant son remplacement, de sorte que c'est

à juste titre que le premier juge a estimé que sa responsabilité était engagée.

Sur les préjudices

Il ressort des conclusions de l'expert [G] que la haie de cyprès doit être abattue et remplacée.

Le premier juge a retenu à juste titre le devis le moins onéreux de la société Amzer Garden du 13 décembre 2016, portant sur des travaux à minima pour un montant de 5 010,76 euros TTC, consistant dans l'abattage et l'évacuation des arbres morts et la plantation de lauriers palmes.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société PDLB à payer cette somme à Mme [K], avec indexation dont les modalités seront précisées au dispositif du présent arrêt.

En revanche, le préjudice de jouissance et le préjudice moral n'apparaissent pas suffisamment caractérisés, dès lors que le constat d'huissier produit par l'appelante permet de constater que six ans après les travaux litigieux, et sans remettre en cause les constatations de l'expert [G], une partie de la haie dans la partie nord n'est pas desséchée et permet de constituer un écran visuel par rapport à la voie communale, et que, d'autre part, il ressort de ce même rapport d'expertise extrajudiciaire que Mme [K] n'habite pas à l'année sur place, et qu'il se déduit de ses propres écritures prises pour écarter le moyen de prescription soulevé par l'appelante, qu'elle ne séjourne qu'épisodiquement sur cette résidence secondaire.

Par ailleurs, il convient de débouter Mme [K] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, rien ne démontrant que le retard dans l'indemnisation du préjudice procédait de la seule mauvaise foi de la société PDLB qui disposait du droit de contester les conclusions de l'expertise extrajudiciaire, et, par la suite, d'exercer une voie de recours que la loi lui ouvrait.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a condamné la société PDLB au paiement des sommes de 3 589,12 euros au titre du préjudice de jouissance et 800 euros au titre de sa résistance abusive.

Puisque la responsabilité contractuelle de la société PDLB a été retenue, la demande de condamnation de Mme [K] au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive est dénuée de fondement et sera rejetée.

Sur les autres demandes

L'indemnité allouée à Mme [K] par le premier juge au titre de ses frais irrépétibles de première instance a été correctement appréciée.

En cause d'appel, et dans la mesure où il a été partiellement fait droit aux prétentions de la société PDLB, chacune des parties conservera à sa charge les frais et dépens qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

DÉCLARE recevable l'action en responsabilité contractuelle exercée par

Mme [K] à l'égard de la société Paysages de la Baie ;

INFIRME le jugement rendu le 5 juillet 2019 par le tribunal d'instance de Morlaix en ce qu'il a condamné la société Paysages de la Baie à payer à Mme [K] les sommes de :

3 589,12 euros au titre du préjudice de jouissance,

800 euros au titre de sa résistance abusive,

DÉBOUTE Mme [K] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts, au titre du préjudice de jouissance et de résistance abusive et appel abusif ;

CONFIRME le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à dire que la somme de 5 010,76 euros TTC allouée à Mme [K] au titre des travaux d'abattage et de plantation sera indexée sur l'indice INSEE des ménages urbains depuis le 13 décembre 2016 jusqu'à la date de réalisation des travaux ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés ;

REJETTE toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/06949
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;19.06949 ?
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