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09/12/2022 | FRANCE | N°19/06651

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 19/06651


2ème Chambre





ARRÊT N° 629



N° RG 19/06651 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QE5N







(3)





Melle [X] [I]

Melle [J] [I]



C/



LE CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

-M

e Bernard RINEAU

-Me Alain LE MAGUER











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-Fran...

2ème Chambre

ARRÊT N° 629

N° RG 19/06651 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QE5N

(3)

Melle [X] [I]

Melle [J] [I]

C/

LE CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Bernard RINEAU

-Me Alain LE MAGUER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Décembre 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTES :

Mademoiselle [X] [I]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Mademoiselle [J] [I]

née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

LE CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Alain LE MAGUER de la SELARL LE MAGUER-RINCAZAUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 18 juillet 2001, Mmes [X] [I] et [J] [I] ont constitué un Groupement d'Exploitation Agricole en Commun( ci- après le GAEC [I]) pour l'exploitation de bovins.

Entre 2001 et 2009, le Gaec a obtenu plusieurs concours bancaires auprès du Crédit agricole du Morbihan (ci-après le Crédit agricole).

Par jugement du 27 février 2009 du tribunal de commerce de Lorient, le GAEC a été placé en redressement judiciaire. Le 17 avril 2009, le Crédit agricole du Morbihan a déclaré plusieurs créances auprès des mandataires.

La liquidation judiciaire du GAEC a été prononcée par jugement le 24 avril 2009, publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ( ci-après le Bodacc) le 7 mai 2009. Par décision du 12 janvier 2016, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif. Le 14 janvier 2016, la radiation d'office du GAEC a été effectuée.

Les règlements intervenus à la suite de la liquidation judiciaire n'ont pas permis d'apurer la totalité des créances du Crédit agricole, qui par lettre recommandée avec avis de réception du 3 mai 2016 a mis en demeure Mme [X] [I] et Mme [J] [I] de procéder sous huitaine au paiement de la somme de 91 460 euros chacune.

Par acte d'huissier du 12 avril 2018, le Crédit agricole du Morbihan a assigné Mmes [I] devant le tribunal de grande instance de Lorient aux fins de condamnation en paiement.

Par jugement du 18 septembre 2019, le tribunal a :

- condamné Mme [X] [I] à payer au Crédit agricole la somme de 91 460 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 mai 2016,

- condamné Mme [J] [I] à payer au Crédit agricole la somme de 91 460 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 mai 2016,

- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année produiront intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté Mme [X] [I] et Mme [J] [I] de toutes leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] [I] et Mme [J] [I] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 4 octobre 2019, puis du 17 octobre 2019, Mmes [X] [I] et [J] [I] ont relevé appel de ce jugement. Par ordonnance du 30 avril 2020, les procédures ont été jointes sous le n°RG 19/06651.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 19 mai 2022, Mmes [I] demandent à la cour de :

À titre principal,

- dire et juger que l'action initiée par le Crédit agricole du Morbihan à l'encontre de Mesdames [J] et [X] [I] par assignation du 12 avril 2018 doit être prescrite, dès lors que le délai pour agir de cinq ans a commencé à courir le 7 mai 2009,

- dire et juger que l'écoulement du délai de prescription n'a été affecté par aucune cause d'interruption ou de suspension, dès lors que l'associé d'un GAEC ne peut être assimilé à un codébiteur solidaire au sens de l'article 2245 du code civil, qu'au regard de la jurisprudence, le Crédit agricole aurait pu agir contre les consorts [I] dès le 24 avril 2009, et que la proposition de rachat de la serre fait au cours de la liquidation ne saurait évidemment être considérée valant une quelconque reconnaissance de dette,

- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 18 septembre 2019,

- débouter le Crédit agricole du Morbihan de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

- accorder à Mesdames [J] et [X] [I] les plus larges délais de paiement, de préférence par un report pur et simple de l'obligation de régler,

En toutes hypothèses,

- condamner le Crédit agricole du Morbihan à payer à Mesdames [J] et [X] [I] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Crédit agricole du Morbihan aux dépens de l'instance.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 10 juin 2022, le Crédit agricole demande à la cour de :

- débouter Mme [X] [I] et Mme [J] [I] de leurs moyens, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient en date du 18 septembre 2019 en ce qu'il a :

condamné Mme [X] [I] à payer au Crédit agricole du Morbihan la somme de 91 460 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 3 mai 2016,

dit qu'en vertu de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts,

condamné Mme [J] [I] à payer au Crédit agricole du Morbihan la somme de 91 460 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 3 mai 2016,

dit qu'en vertu de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts ;

Y additant,

- condamner conjointement et solidairement Mesdames [X] [I] et [J] [I] à payer au Crédit agricole du Morbihan une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mesdames [X] [I] et [J] [I], conjointement et solidairement aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 juin 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la prescription de l'action en paiement de la banque :

Comme en première instance, Mme [X] [I] et Mme [J] [I] soutiennent que l'action initiée par le Crédit agricole est prescrite.

Les appelantes soutiennent que le tribunal aurait retenu les dispositions de l'article 1844-7 7°du code civil dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 alors que les dispositions de cette ordonnance qui ne sont entrées en vigueur que le 1er juillet 2014, n'étaient pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur. Elles prétendent que, par combinaison de l'article 1859 et de l'article 1844-7 7° dans sa version antérieure à 2014, le délai de prescription quinquennal court à compter de la publication au Bodacc du jugement prononçant la liquidation, soit en l'espèce le 7 mai 2009. Elles en concluent qu'à défaut de causes d'interruption et de suspension, le délai pour agir en paiement des dettes sociales à l'encontre des associés du Gaec a expiré le 8 mai 2014 soit avant le jugement du 12 janvier 2016 avant le prononcé de la clôture de la liquidation judiciaire.

Ainsi, Mmes [I] soutiennent que l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance faite au passif du débiteur n'est opposable qu'aux codébiteurs solidaires ou aux cautions et qu'il ne peut l'être aux associés d'un GAEC. Elles font valoir également qu'il est de jurisprudence constante depuis un arrêt de chambre mixte de la cour de cassation du 18 mai 2007 que la déclaration de créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine est insuffisant à le désintéresser de sorte que la poursuite de l'associé de la société civile, lorsque celle-ci est en liquidation judiciaire, est possible dès la déclaration de créance effectuée.

Le Crédit agricole soutient de son côté, que la prescription n'a pas pu commencer à courir à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire puisqu'un tel jugement ne met pas fin à l'activité de la société, la personnalité morale de la structure étant maintenue pour mener à bien sa liquidation.

Il ajoute qu'en outre, il était dans l'impossibilité d'agir contre les associés à cette date au motif qu'il était contraint d'attendre le jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire, seul moyen d'avoir la preuve de l'absence de paiement de sa créance par le GAEC, justifiant ainsi de la condition des vaines poursuites à l'encontre de la personne morale conformément à l'article 1858 du code civil. A tout le moins, invoquant l'article 2240 du code civil, il estime que le courrier du 2 avril 2014 par lequel les associés ont tenté de diminuer les dettes du GAEC en proposant, par l'intermédiaire du liquidateur, à la banque d'acquérir la serre qu'elle avait financée, moyennant le prix de 10 000 euros constitue une reconnaissante de dette et une cause d'interruption de la prescription. Le Crédit agricole conclut qu'il avait donc jusqu'au 2 avril 2019 pour assigner les consorts [I] de sorte qu'il a engagé son action en poursuite du paiement des dettes sociales dans le délai prescrit par la loi.

L'article 1858 du code civil dispose que ' les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale'. Ce texte pose le principe de la subsidiarité de l'obligation de l'associé d'une société civile au paiement d'une dette sociale.

L'article 1859 du code civil énonce que ' toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication du jugement de dissolution de la société'.

Aux termes de l'article 1847-7 7 ° du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, en vigueur au moment de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire du GAEC [I], la société prend fin par un jugement prononçant sa liquidation judiciaire. Contrairement à ce que prétendent les appelantes, le tribunal n'a pas retenu l'article 1844-7 7 ° du code civil dans sa version actuelle, issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 mais bien dans celle applicable à la cause.

Pour considérer que le délai de prescription quinquennale prévu à l'article 1859 du code civil n'avait pas expiré au jour de l'assignation, il a considéré, après avoir retenu comme point de départ de ce délai la dissolution de la société résultant de la liquidation judiciaire selon les dispositions de l'article 1844-7 du code civil, que ce délai avait été interrompu pendant la durée de la procédure collective et que, dans la mesure où les droits des créanciers peuvent être modifiés en fonction de la réalisation des actifs, le Crédit agricole devait attendre la fin de la procédure pour vérifier à tout le moins le caractère vain des poursuites à l'égard de la personne morale.

Mais, si effectivement le point de départ de la prescription quinquennale visée par l'article 1859 est bien la publication du jugement de liquidation judiciaire de la société au Bodacc, soit en l'espèce, le 7 mai 2009, c'est à tort que le tribunal a jugé que le délai avait été interrompu à l'égard des associés du GAEC par la procédure collective. En effet, il est de principe que l'exercice des poursuites contre les associés, débiteurs subsidiaires du passif social envers les tiers, n'est pas subordonné à la clôture de la procédure collective ouverte contre la société. Cependant, dans le cas où une telle procédure est en cours, il appartient au créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant à le désintéresser. Or, il est de jurisprudence constante comme le relèvent les appelantes, que la simple déclaration de créance à la procédure de liquidation dispense le créancier de démontrer l'insuffisance du patrimoine social à le désintéresser et constitue dès lors la preuve de vaines poursuites par le créancier de cette société, même dans le cas où la liquidation résulte d'une conversion de la procédure de redressement judiciaire.

Il s'en déduit que le Crédit agricole qui a déclaré ses créances auprès du mandataire liquidateur le 17 avril 2009 n'était pas dans l'impossibilité d'agir à l'encontre des associés du GAEC pendant la procédure de liquidation judiciaire.

S'agissant du courrier en date du 2 avril 2014 adressé par Maître [V] mandataire liquidateur au Crédit agricole, il ne peut valoir reconnaissance de dette. D'une part il n'émane pas des associés du GAEC [I] elles-mêmes et d'autre part, il résulte de ce courrier que l'offre d'acquisition de la serre moyennant le prix de 10 000 euros n'est faite par Mmes [I] que sur conseil du mandataire liquidateur.

En conséquence, en l'absence de tout acte interruptif de prescription, l'action en paiement engagée par la banque à l'encontre de Mme [I] en leur qualité d'associés du GAEC [I] était prescrite au moment de leur assignation devant le tribunal en date du 12 avril 2018. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

Le Crédit agricole qui succombe en ses demandes supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [X] [I] et de Mme [J] [I] les frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi, le Crédit agricole sera condamné à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lorient,

Statuant à nouveau,

Déclare le Crédit agricole du Morbihan irrecevable à poursuivre le paiement des dettes sociales du GAEC [I] à l'encontre de Mme [X] [I] et de Mme [J] [I],

Le déboute de l'ensemble de ses demandes,

Condamne le Crédit agricole du Morbihan à verser à Mme [X] [I] et de Mme [J] [I] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Crédit agricole du Morbihan aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/06651
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;19.06651 ?
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