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09/12/2022 | FRANCE | N°19/06438

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 09 décembre 2022, 19/06438


2ème Chambre





ARRÊT N° 627



N° RG 19/06438 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QEB3





(2)









Mme [P] [J]



C/



M. [U] (intimé en appel provoqué) [W]

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ILLE ET VILAINE



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie e

xécutoire délivrée



le :



à :

-Me Barbara BADO

-Me Bruno CRESSARD











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRI...

2ème Chambre

ARRÊT N° 627

N° RG 19/06438 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QEB3

(2)

Mme [P] [J]

C/

M. [U] (intimé en appel provoqué) [W]

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ILLE ET VILAINE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Barbara BADO

-Me Bruno CRESSARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 09 Décembre 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

Madame [P] [J]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9]

'[Adresse 8]'

[Localité 6]

Représentée par Me Barbara BADO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/011801 du 18/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉS :

Monsieur [U] [W]

(intimé en appel provoqué)

[Adresse 7]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat, assigné par acte d'huissier le 18 mars 2020 à personne.

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno CRESSARD de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [P] [J], titulaire depuis le 15 septembre 2010 d'un compte courant n°[XXXXXXXXXX01] dans les livres de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine (la CRCAM d'Ille et Vilaine), a obtenu différents concours auprès la banque.

- le 13 juillet 2010 un prêt immobilier n° 00038154603 d'un montant de 141 510 euros, au taux annuel fixe de 3,45%, d'une durée de 180 mois, garanti par un organisme de caution simple (la Camca) et par la caution solidaire de M. [U] [W], dans la limite de 183 963 euros ;

- le 12 août 2011 un « prêt non bonifié à l'agriculture » n° 00043384838 d'un montant de 8 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de M. [U] [W], dans la limite de 10 400 euros ;

Selon protocole d'accord transactionnel du 15 mai 2014, Mme [J] s'est engagée à payer la somme de 187 284,52 euros, comprenant le paiement des deux prêts 603 et 838, par mensualités de 400 euros, à déduire du prêt immobilier et ce en attente de la vente d'un bien immobilier. M. [W] a réitéré son engagement de caution, sans novation des contrats antérieurs.

Par actes des 7 et 9 juin 2016, la CRCAM d'Ille et Vilaine a assigné Mme [J] et M. [W] devant le tribunal de grande instance de Rennes en paiement du solde des prêts et du compte de dépôt :

Elle sollicitait le paiement des sommes suivantes :

- Au titre du prêt habitat, la somme de 150 009,76 euros, sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 28 avril 2016,

- Au titre du prêt n° 00043384838 : 10 993,07 euros, sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 28 avril 2016,

- Au titre du contrat n° [XXXXXXXXXX01] : 4 167,63 euros, sauf à parfaire des intérêts au taux contractuel

La banque a également formé des demandes au titre de deux autres prêts :

- prêt n° 00039056492 : 38 566,46 euros, sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 28 avril 2016,

- prêt n° 00039056509 : 2 983,53 euros, sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 28 avril 2016,

Par jugement du 13 août 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a:

- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale prévue par l'article L137-2 ancien du code de la consommation ;

- Condamné solidairement Mme [P] [J] et, en sa qualité de caution, M. [U] [W] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine les sommes de :

- 139 107,37 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 136 368,05 euros à compter du 28 avril 2016 au titre du prêt immobilier n° 00038154603,

- la somme de 8 318,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2014 au titre du prêt n°00043384838 ;

Condamné Mme [P] [J] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine les sommes de :

- 38 566,42 euros, dont 33 231,82 euros portant intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016, au titre du prêt n° 00039056492,

- 2 983,53 euros, dont 2 612 euros portant intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2016, au titre du prêt 00039056509,

- 4 167.63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2016, au titre du compte courant n°[XXXXXXXXXX01] ;

Accordé à Mme [J] un report de paiement de ces sommes au 13 février 2020 ;

Condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille et Vilaine à payer Mme [P] [J] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en garde ;

Condamné Mme [P] [J] et M. [U] [W] in solidum aux dépens ;

Rejeté le surplus des demandes ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Mme [J] est appelante du jugement et par dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2019, elle demande de :

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale prévue par l'article L137-2 ancien du Code de la Consommation ;

Dire les demandes de la CRCAM d'Ille et Vilaine irrecevables en raison de la forclusion acquise.

Débouter la CRCAM d'Ille et Vilaine de l'intégralité des demandes.

A titre subsidiaire ;

Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [J] à titre personnel et solidairement avec M. [W] à payer des sommes à la CRCAM d'Ille et Vilaine.

Débouter la CRCAM d'Ille et Vilaine de l'ensemble de ses demandes formulées au titre des prêts n°000 390 56 492 et n°000 390 565 09, faute de production, dans le cadre des débats, desdits prêts.

Constater que les offres de prêt, pour le prêt habitat n° 000381 54603 et le prêt numéro 0004 338 4838 (seules offres produites aux débats) contiennent des clauses illicites, et partant qu'elles ne sont pas conformes aux exigences du Code de la Consommation .

Prononcer alors la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAM d'Ille et Vilaine au titre de ces deux contrats.

Dire que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par la CRCAM d'Ille et Vilaine à Mme [J] ou imputées sur le capital restant dû, et l'y condamner .

Condamner la CRCAM d'Ille et Vilaine à verser un décompte détaillé des sommes perçues au titre des prêts, faisant apparaître les intérêts au taux contractuel perçus et les intérêts de retard.

Dire que la CRCAM d'Ille et Vilaine est déchue du droit aux intérêts sur les sommes dues au titre du compte courant numéro 000 387 880 32.

Reconventionnellement ;

Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a condamné la CRCAM d'Ille et Vilaine à payer à Mme [P] [J] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde, Mme [J] contestant le quantum des dommages et intérêts alloués,

Par conséquent ;

Confirmer que la CRCAM d'Ille et Vilaine a manqué à son devoir de mise en garde et à son obligation d'information.

Condamner la CRCAM d'Ille et Vilaine à payer à Mme [P] [J] la somme de 190 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Ordonner la compensation de toutes les sommes qui pourraient être dues entre les parties.

A titre infiniment subsidiaire ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accordé à Mme [P] [J] un report de paiement de ces sommes au 13 février 2020.

Dire que le paiement des sommes qui seraient éventuellement dues par Mme [J] au titre de l'arrêt à intervenir seront reportées à deux ans, à compter de sa signification et porteront intérêt au taux légal.

En tout état de cause ;

Condamner la Caisse de Crédit Agricole au paiement de la somme de 5 000 euros qui seront directement versés à Maître Barbara BADO, Avocat, sur le fondement de l'article 37 de Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Condamner la CRCAM d'Ille et Vilaine aux entiers dépens.

Par acte du 18 mars 2020, emportant assignation de M. [W] en appel provoqué et conclusions notifiées le 17 mars 2020, la CRCAM d'Ille et Vilaine demande de :

- Déclarer recevable l'appel provoqué à l'encontre de M. [W],

- Déclarer recevable l'appel incident du Crédit Agricole,

- Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 13 août 2019 en ce qu'il a condamné solidairement Mme [J] et M. [W], ès qualité de caution, au paiement :

- Au titre du prêt habitat, la somme de 158 318,62 euros (principal 136 368,05 euros) sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 13 février 2020.

- Pour le prêt n° 00043384838 : 10 128,59 euros (principal 8.318,10 euros), sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 13 février 2020.

- Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 13 août 2019 en ce qu'il a condamné Mme [P] [J] pour le prêt n° 00039056492 (principal 33.231,82 euros) et le prêt n° 00039056509 (principal 2.612 euros), et statuant à nouveau,

Condamner Mme [P] [J] et M. [W] es qualité de caution pour le prêt n° 00039056492 à 38 566,46 euros (principal 33 231,82 euros) et le prêt n° 00039056509 à 3 032,44 euros (principal 2 612 euros), sauf à parfaire des intérêts ultérieurs au 13 février 2020,

- Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 13 août 2019 en ce qu'il a condamné Mme [P] [J] au paiement pour le contrat n° [XXXXXXXXXX01] : 4 167,63 euros, sauf à parfaire des intérêts au taux contractuel, et statuant à nouveau,

Condamner Mme [P] [J] et M. [W] es qualité de caution au paiement pour le contrat n° [XXXXXXXXXX01] d'une somme 4 167,63 euros, sauf à parfaire des intérêts au taux contractuel.

Et à titre subsidiaire, si la Cour d'appel ne croyait pas devoir retenir le caractère professionnel du compte courant, dire que la somme due au titre du compte courant sera assortie des intérêts aux taux légal à compter du 29 mai 2013, date de la mise en demeure.

- Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a condamné la CRCAM d'Ille et Vilaine à payer à Mme [J] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en garde, et statuant à nouveau, la débouter de sa demande.

- Condamner solidairement Mme [J] et M. [W], ès qualité de caution, à verser au Crédit Agricole une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens qui comprendront les coûts d'inscription d'hypothèque.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la forclusion :

Mme [J] fait grief aux premiers juges d'avoir écarté le moyen de forclusion de l'article L. 137-2 du code de la consommation qu'elle a soulevé relativement aux sommes réclamées par la banque.

Il convient dans un premier temps de relever que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont rappelé que le délai de deux ans de l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation est un délai de prescription ; que c'est à bon droit que les premiers ont également rappelé que ce délai n'est pas applicable aux prêts professionnels et que c'est en conséquence par des motifs pertinents adoptés par la Cour que le tribunal a relevé que les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation n'étaient pas applicable au prêt n° 00043384838 s'agissant d'un « prêt non bonifié à l'agriculture » sollicité pour des 'besoins de trésorerie' a vocation professionnelle exclusive de l'application des dispositions de l'article L. 137-2. Si Mme [J] soutient la banque avait connaissance que ce prêt avait vocation à permettre la réalisation de travaux de toiture, il sera constaté que les factures de travaux de couverture produites sont pour parties de l'année 2010 et pour les autres postérieures au mois de novembre 2011, de sorte qu'il n'est pas établi de lien entre ces travaux et le crédit de trésorerie consenti au mois d'août 2011.

C'est également par de justes motifs adoptés par la Cour que les premiers juges ont retenu que la banque ne produisant pas aux débats les offres de prêts n° 00039056492, n° 00039056509, ne rapporte pas la preuve de leur destination professionnelle ce qui ne saurait ressortir des fiches de synthèses internes établies par la banque de sorte que Mme [J] est habile à revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 137-2 au titre de ces deux prêts tout comme au titre du prêt immobilier n° 00038154603.

S'agissant de la prescription, si Mme [J] soutient que la prescription a commencé à courir à compter d'un premier incident de paiement non régularisé qu'elle situe en 2011 il sera constaté que pas davantage en cause d'appel que devant les premiers juges, elle ne produit d'éléments de nature à établir l'existence d'incidents de paiement autres que ceux apparents dans les historiques produits par la banque qui font apparaître que la déchéance des termes n'a été prononcée qu'en mai 2013, en mentionnant 9 mensualités de retard, la plus ancienne mensualité non payée remontant au mois de juillet 2012.

Suivant avenants conclus les 23 décembre 2011 et 2 décembre 2012, Mme [J] et la banque s'étaient accordés sur une pause dans le remboursement des crédits sur une période de 6 mois prenant fin le 20 juillet 2012 de sorte qu'il n'est établi l'existence d'aucun incident de paiement antérieurement à cette date.

Il apparaît ainsi que le protocole d'accord transactionnel conclu le 15 mai 2014 et portant sur l'intégralité des engagements souscrits a interrompu le délai de prescription comme ayant été conclu dans les deux ans du premier incident de paiement. Il sera constaté si ce protocole ne prévoyait que des remboursements à hauteur de 400 euros par mois sur le seul prêt immobilier, il emportait modification du règlement de la totalité des créances de la banque qui acceptait le report du règlement de la totalité de ses créances en attente de la vente à intervenir du bien immobilier appartenant à Mme [J] et du règlement des créances sur le prix perçu.

Il apparaît ainsi que le délai de prescription a été interrompu et c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les conditions de règlement ayant été rééchelonnées dans le cadre du protocole transactionnel le délai de prescription de l'action n'a recommencé à courir qu'à compter du non-paiement des échéances convenues dans le cadre du protocole.

La caducité de l'accord n'ayant été prononcée qu'après vaine mise en demeure du 26 janvier 2016 à la suite de 5 échéances impayées, c'est par des motifs pertinents adoptés par la Cour que les premiers juges ont retenu que la CRCAM d'Ille et Vilaine n'était pas prescrite en ses demandes en paiement formées par assignation des 7 et 9 juin 2016.

La CRCAM d'Ille et Vilaine est recevable en son action.

Sur le fond :

Mme [J] fait grief au jugement d'avoir admis la réclamation de la banque relativement aux prêts n° 492 et 509 faute de production des contrats.

Si la banque ne produit pas les exemplaires des contrats en cause d'appel, c'est par des motifs pertinents adoptés par la Cour que les premiers juges ont relevé que dans le cadre du protocole conclu le 15 mai 2014, Mme [J] avait reconnu tant l'existence de ces prêts que les montants réclamés par la banque et le caractère professionnel de ces engagements.

Les premiers juges n'ont pas inversé la charge de la preuve en constatant que Mme [J] ne fournissait pas d'élément de nature à remettre en cause les sommes ainsi réclamées et qu'elle a reconnu devoir.

C'est également par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont constaté que la banque ne produisait pas les cautionnements dont elle se prévaut au titre de ces emprunts et que quand bien même, l'existence de ces cautionnements avait été reconnue par M. [W] dans le cadre du protocole d'accord, la banque ne faisait pas la démonstration que ces cautionnements respectaient le formalisme imposé par le code de la consommation de sorte que la banque ne saurait s'en prévaloir.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la CRCAM d'Ille et Vilaine de ses demandes formées contre M. [W] au titre des prêts n° 492 et 509.

Mme [J] soulève s'agissant des prêts n° 603 et 838 qu'ils comportent des clauses illicites ou abusives en ce qu'ils comportent une clause d'exigibilité anticipée en cas  de diminution de valeur de la garantie, en ce qu'ils imposent à l'emprunteur un préavis d'un mois en cas de remboursement anticipé et qu'ils comportent une clause de capitalisation des intérêts de retard.

Mais c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que le prêt n°838 étant un prêt professionnel, les dispositions du code de la consommation ne lui sont pas applicables.

Concernant le prêt n°603, s'agissant d'un prêt immobilier, si c'est par des motifs pertinents adoptés par la Cour que le tribunal a retenu les contestations de relativement la validité des clauses d'exigibilité anticipée pour diminution de garantie, de préavis avant remboursement anticipé et capitalisation des intérêts, c'est également à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de Mme [J] suivant lesquelles la présence de ces clauses justifierait la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

Il sera sur ce point rappelé que si dans sa rédaction applicable à la cause, le code de la consommation imposait la conformité des offres de crédit à la consommation à des modèles types, les offres de crédit immobilier, n'étaient pas quant à elles soumises à une obligation légale de conformité à un modèle type.

Il en résulte que si en matière en matière de crédit à la consommation, l'insertion dans l'offre d'une clause aggravant le sort de l'emprunteur, constituait une irrégularité de l'offre sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, il en va différemment s'agissant des prêts immobiliers ou de telles clauses sont jugées suivant le cas inopérantes ou réputées non écrites.

C'est en conséquence à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

C'est ainsi a bon droit que les premiers juges ont condamné solidairement Mme [J] et M. [W], ce dernier en qualité de caution, au titre des prêts n°603 et 838 et Mme [J] seule au titre des prêts 492 et 509.

S'agissant du compte courant, la CRCAM d'Ille et Vilaine ne justifie pas davantage en cause d'appel qu'en première instance du cautionnement de M. [W] qu'elle revendique au titre de ce compte et elle sera déboutée de ses demandes en ce qu'elles sont formées contre M. [W].

S'agissant du compte courant, Mme [J] fait grief au jugement d'avoir écarté sa demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque en contestant qu'il s'agit d'un compte professionnel tel que retenu par le tribunal et exposant que la banque aurait dû lui soumettre une offre préalable de crédit en ce que le découvert s'est prolongé sur une période supérieure à trois mois.

La CRCAM d'Ille et Vilaine demande confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le caractère professionnel du compte et subsidiairement, sollicite le paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Si Mme [J] conteste la vocation professionnelle du compte telle que retenue par les premiers juges, il sera constaté que l'intitulé du titulaire du compte à sa voir les Ets [J] tend à établir la vocation professionnelle du compte. C'est en outre par des motifs pertinents que les premiers juges ont relevé que ce caractère professionnel était confirmé par les opérations réalisées. Il peut notamment être constaté qu'outre son intitulé, le compte a permis de recueillir le virement du service des impôts des entreprises ainsi que les prélèvements d'échéances et d'assurance de prêts mentionnés comme ayant un caractère professionnel.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que le compte n° [XXXXXXXXXX01] était un compte professionnel, de sorte que Mme [J] ne saurait prétendre à l'application des dispositions du code de la consommation applicable aux seuls consommateurs.

C'est enfin par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont déterminé les sommes dues et les intérêts applicables et le jugement sera confirmé en ses condamnations pécuniaires au profit de la CRCAM d'Ille et Vilaine.

S'agissant de la demande reconventionnelle de dommages-intérêts :

Mme [J] demande confirmation du jugement en ce qu'il a relevé un manquement de la banque à son devoir de mise en garde mais sollicite que le montant de son indemnisation soit porté à la somme de 190 000 euros.

La CRCAM d'Ille et Vilaine conteste tout manquement au devoir de mise en garde en exposant qu'elle avait étudié la faisabilité du projet de Mme [J] et suivant lequel le prêt habitat a été accordé en estimant qu'au cas où le prévisionnel d'exploitation du haras ne se vérifiait pas, la vente du bien permettrait de solder le prêt.

Il n'est pas discuté que Mme [J] est un emprunteur non averti.

Suivant la fiche de demande de financement souscrite par Mme [J] le 1er juillet 2010, le prêt de 141 510 euros avait pour objet de financer l'acquisition d'un immeuble à usage de haras et de financer des travaux d'aménagement à concurrence de 46 000 euros.

Suivant attestation notariée du 18 mai 2010, l'immeuble était estimé à une valeur de 100 000 euros. Mme [J] en a fait l'acquisition le 16 juillet 2010 pour un prix de 90 625 euros au terme d'une vente réalisée à titre de licitation mettant fin à l'indivision.

Suivant la demande de financement, la charge de ce seul emprunt constituait une charge financière de 85 % des revenus de Mme [J]. S'il n'est pas discuté que l'équilibre financier ne pouvait être atteint que par la perception de revenus complémentaires liés à l'activité de mise en pension de chevaux que Mme [J] entendait développer, il demeure que la perception de ces revenus complémentaires demeurait hypothétique, les engagements pris par divers propriétaires de chevaux demeurant particulièrement vagues.

Le fait que Mme [J] devienne par l'emprunt souscrit propriétaire d'un immeuble ne saurait suffire à écarter tout risque d'endettement excessif alors même qu'elle demeure dans l'obligation de financer son acquisition. Le fait que l'emprunt ait pour partie porté sur le financement de travaux ne permet aucunement de retenir que leur réalisation aurait eu pour effet de revaloriser largement l'immeuble et de doubler sa valeur ainsi que soutenu par la banque sans aucun élément pour étayer ses affirmations. Il sera sur ce point constaté que si Mme [J] a mis en vente le bien pour une somme de 398 000 euros, en 2011, 415 000 euros en 2012, il n'a pas été vendu pour ce prix ; qu'il est part ailleurs établi qu'il a été proposé à la vente pour une somme de 222 400 euros au mois de février 2020 sans trouver acquéreur.

C'est en conséquence par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu qu'il existait un risque d'endettement excessif sur lequel la banque ne pas justifie d'avoir mis en garde Mme [J] lui causant un préjudice consistant en la perte de chance de ne pas contracter.

Compte tenu de l'importance du taux d'endettement résultant de l'octroi de l'emprunt, qui n'a pu échapper à Mme [J], il est manifeste qu'elle avait acquis la conviction qu'elle pourrait obtenir l'équilibre financier par les ressources nouvelles attendues du développement de son activité de sorte que la chance perdue de ne pas contracter l'emprunt en cas de mise en garde apparaît modérée.

C'est par une juste appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont fixé l'indemnisation de cette perte de chance à la somme de 30 000 euros et le jugement sera confirmé sur ce point.

Compte tenu de l'ancienneté des impayés et des délais déjà accordés, Mme [J] sera déboutée de sa demande de délais de paiement.

Mme [J] qui succombe sera condamnée aux dépens mais il apparaît équitable de la dispenser de payer une indemnité pour frais irrépétibles au profit de la CRCAM d'Ille et Vilaine.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 août 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] [J] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/06438
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;19.06438 ?
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