7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°532/2022
N° RG 19/06591 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QEVO
SARL [F] REMORQUES
C/
Mme [Z] [M] épouse [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Octobre 2022
En présence de Madame MEUNIER Marie-Noëlle, médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SARL [F] REMORQUES
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Pierre-Guillaume KERJEAN de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
INTIMÉE :
Madame [Z] [M] épouse [V]
née le 28 Octobre 1963 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Armel NICOL de la SELARL DEBREU MILON NICOL PAPION, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [Z] [V] a été engagée par la SARL [F] Remorques selon un contrat à durée indéterminée en date du 04 janvier 2010, pour exercer les fonctions de secrétaire.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective de la métallurgie des Côtes d'Armor.
À compter du 22 juillet 2015, Mme [V] a été placée en arrêt maladie, arrêt qui se poursuivra jusqu'au terme de son contrat de travail.
Par courrier recommandé en date du 11 mai 2016, Mme [V] a présenté sa démission, puis quitté les effectifs de l'entreprise le 26 mai suivant.
Le 16 juin 2016, la SARL [F] Remorques a adressé à Mme [V] son certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi ainsi que son bulletin de salaire du mois de mai 2016 pour solde de tout compte.
Dans son courrier, la société précisait que le règlement correspondant au solde tout compte ne serait pas effectué au motif qu'il avait été découvert que Mme [V] avait détourné et revendu des chutes de métaux à son bénéfice, causant un préjudice évalué à 8 580 euros à la société [F] Remorques.
Par ce même courrier, l'employeur mettait en demeure Mme [V] de lui restituer les clés de l'entreprise ainsi qu'un disque dur externe.
Par courrier en date du 24 juin 2016, Mme [V] dénonçait son solde de tout compte, considérant que ses indemnités Mutex du 16 avril au 26 mai 2016 manquaient à son bulletin de salaire et elle sollicitait l'envoi du chèque de règlement du dernier bulletin de salaire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 juillet 2016, la SARL [F] Remorques mettait Mme [V] en demeure de lui régler sous 48 heures, la somme de 2 147,02 euros, correspondant au montant évalué du préjudice subi après déduction du solde de tout compte actualisé de l'indemnité Mutex du 16 avril au 26 mai s'élevant à 6 432,98 euros.
Le 12 août 2016, le gérant de la SARL [F] Remorques déposait plainte à l'encontre de Mme [V] pour escroquerie.
***
Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Guingamp par requête en date du 28 septembre 2016 afin de voir :
- Condamner la SARL [F] Remorques au paiement des sommes et indemnités suivantes :
- Salaires : l 654,17 euros Brut
- Indemnité de congés payés (66 jours de 2010 à 2015 : 4 777,41 euros et 2016 : 828,02 euros) : 5 607,43 euros Brut
- Indemnités prévoyance Mutex du 16/04/2016 au 27/05/2016 : 860,16 euros Brut
- Dommages et intérêts (2 mois de salaire brut) : 3 753,02 euros Brut
- Article 700 du code de procédure civile : 2 000,00 euros.
La SARL [F] Remorques demandait au conseil de prud'hommes de :
- Donner acte à l'employeur de la présentation de sa position et de la transmission de ses éléments de preuve.
- Donner au différend, s'il persiste, telle orientation qu'il plaira.
Par jugement en date du 18 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Guingamp a :
- Condamné la SARL [F] Remorques à verser à Madame [Z] [V] la somme de 7 261.60 euros (brut) correspondant aux montants suivants :
- 1 654.17 euros (brut) à titre des salaires (indemnité complémentaire maladie);
- 5 607.43 euros (brut) à titre des indemnités de congés payés.
La société [F] Remorques était encore condamnée à payer à Mme [V] les sommes suivantes:
- 860.16 euros (brut) à titre des indemnités Mutex du 16 avril au 26 mai2016;
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 700 euros à titre de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [F] Remorques était déboutée de l'ensemble de ses demandes.
***
La SARL [F] Remorques a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 02 octobre 2019.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 02 janvier 2020, la SARL [F] Remorques demande à la cour de :
A titre principal :
- Prononcer la nullité du jugement du 10 septembre 2019 ;
- Evoquant l'affaire sur le fond :
- Condamner Madame [V] au versement d'une somme de 8 580 euros à l'égard de la société [F] Remorques ;
- Dire et juger que toute condamnation prononcée contre la société [F] Remorques fera l'objet d'une compensation avec la somme de 8 580 euros due par Madame [V] ;
- Débouter Madame [V] de ses demandes et prétentions.
A titre subsidiaire :
- Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau :
- Condamner Madame [V] au versement d'une somme de 8 580 euros à l'égard de la société [F] Remorques ;
- Dire et juger que toute condamnation prononcée contre la société [F] Remorques fera l'objet d'une compensation avec la somme de 8 580 euros due par Madame [V] ;
- Débouter Madame [V] de ses demandes et prétentions.
En tout état de cause :
- Condamner Madame [V] au versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
La société [F] Remorques fait valoir en substance que:
- Le conseil de prud'hommes n'a pas respecté le principe du contradictoire en refusant d'écarter des débats le 'mémoire additif' déposé en cours de délibéré par le défenseur syndical qui assistait Mme [V], qui ne se limitait pas à répondre aux pièces 19 à 26 et aux conclusions notifiées le 20 mai 2019 puisqu'il présentait des arguments sur l'ensemble du fond du litige ;
- La démission de Mme [V] est consécutive à des questions posées par la direction de l'entreprise sur le traitement et la vente des chutes de matériaux ainsi que d'anomalies constatées dans le travail de tenue de caisse dont elle avait la charge ; la salariée vendait à son seul nom et à son seul bénéfice des chutes de ferraille issues de la production de l'entreprise, encaissant les paiements du récupérateur de métaux également à son nom ; le classement sans suite de l'enquête pénale est sans incidence puisque cette enquête a permis d'objectiver la réalité des faits reprochés à la salariée;
- L'article L3252-1 du code du travail constitue une exception à l'interdiction de la compensation entre les salaires et les sommes dues par un salarié pour fournitures diverses ; Mme [V] avait en effet la charge ou l'usage des instruments comptables et de paiement de l'entreprise ; ses agissements relèvent de la faute lourde;
- La démission, si elle est abusive, ouvre droit à des dommages-intérêts pour l'employeur ;
- La salariée bénéficiait de congés accordés selon ses demandes ; elle n'établit pas un refus d'autorisation de prise des congés.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 27 mars 2020, Mme [V] demande à la cour d'appel de :
- Débouter la Société [F] Remorques de son appel principal.
- En conséquence, la débouter de sa demande tendant à voir dire le jugement du conseil des prud'hommes de Guingamp du 10 septembre 2019 nul.
- En toute hypothèse, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il alloue à Mme [V], les sommes suivantes :
- 5.607,43 euros brut au titre des indemnités de congés payés
- 860,16 euros brut au titre des indemnités Mutex du 16 avril au 26 mai 2016.
- Débouter la SARL [F] Remorques de sa demande tendant à la voir condamner à lui régler la somme de 8.580 euros.
- En toute hypothèse, la débouter de sa demande tendant a voir ordonner compensation entre une éventuelle créance de la Société [F] Remorques à l'encontre de Mme [V], et la créance de Madame [V] à l'encontre de la société.
- Recevoir Madame [Z] [M], épouse [V], en son appel incident.
- Condamner la SARL [F] Remorques à verser la somme de 1.740,80 euros au titre des indemnités complémentaires maladie visées au bulletin de paie du mois de mai 2016 (antérieures à la période du 16 avril au 26 mai 2016).
- La condamner à payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages - intérêts pour les préjudices moraux et matériels subis.
- Condamner la société [F] Remorques à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance.
- La condamner à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel.
- Condamner la société [F] Remorques aux entiers dépens.
Mme [V] fait valoir en substance que:
- Afin que la ferraille n'apparaisse pas en comptabilité, il avait été convenu entre MM. [S], responsable du site, [W], gérant de la société ainsi que son père, expert comptable de l'entreprise, que les règlements seraient encaissés par les époux [V] qui devaient les reverser sous forme d'espèces ; les pressions de M. [W] ont conduit Mme [V] à un burn out ;
- La société [F] Remorques a conclu la veille de l'audience devant le conseil de prud'hommes, alors que le classement sans suite de la plainte qu'elle avait déposée remontait à six mois auparavant ; cette situation a conduit les premiers juges à autoriser une note en délibéré ; la société [F] Remorques a répondu à la note en délibéré le 1er juillet 2019 ; il n'y a eu aucune violation du contradictoire ;
- L'enquête pénale n'a pas démontré de malversations et détournements commis par Mme [V] ;
- Il n'est pas justifié de la créance revendiquée par l'employeur ; il ne peut se prévaloir d'une faute lourde à l'encontre de la salariée alors qu'elle n'a pas été licenciée et n'a pas été poursuivie de ce chef au plan pénal; aucune responsabilité pécuniaire ne peut être retenue contre elle ; il n'est pas établi qu'elle ait personnellement bénéficié de sommes affectées au fonctionnement de l'entreprise ;
- Les sommes réclamées sont celles qui résultent du reçu pour solde de tout compte et figurant sur le bulletin de paie du mois de mai 2016 ;
- La société [F] Remorques s'est fait justice à elle-même en s'abstenant de payer immédiatement les sommes dues à la salariée, ce qui est source d'un préjudice moral et matériel.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 juin 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 24 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la demande tendant au prononcé de la nullité du jugement entrepris:
En vertu de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Aux termes de l'article 16 alinéa 2 du même code, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
L'article 445 du même code dispose qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
En l'espèce, il résulte des énonciations figurant en page 6 du jugement dont appel que les dernières conclusions de l'employeur ayant été communiquées le 20 mai 2019, veille de l'audience, le défenseur syndical qui assistait le salarié était autorisé à produire une note en délibéré.
La décision indique à ce titre: 'Afin d'éviter le renvoi de l'affaire, sur proposition de M. [I] et en accord avec la partie défenderesse, le Conseil a autorisé M. [I] à produire, à l'issue des débats, une note en délibéré afin de répondre aux écritures portant sur les éléments nouveaux des dites conclusions'.
Le jugement motive ensuite précisément sa décision sur la prise en compte de la note en délibéré ainsi déposée en répondant à la contestation formée par l'avocat de l'employeur sur l'étendue de la note autorisée qui devrait être selon lui limitée aux éléments de l'enquête pénale. Le conseil de prud'hommes indique à ce sujet 'qu'il a autorisé M. [I] à produire une note en délibéré pour répondre aux écritures de Maître [P] reçues la veille de l'audience, nommées 'conclusions n°2" sans restriction ni limitation aux seuls éléments du dossier de l'enquête pénale. Les termes de ce consentement ont été régulièrement consignés sur les notes d'audience rédigées par le greffier de séance (...) Dans le respect du contradictoire, le Conseil prendra en compte les éléments de réponse de M. [I] aux nouvelles écritures de la partie défenderesse'.
Ainsi que le précise elle-même l'appelante dans ses conclusions, les écritures communiquées la veille de l'audience devant le conseil de prud'hommes étaient accompagnées de 8 nouvelles pièces numérotées 19 à 26 constituées d'éléments tirés de l'enquête de gendarmerie diligentée suite à la plainte pour escroquerie déposée par M. [W], gérant de la société [F] Remorques, de sorte qu'il était parfaitement légitime que le conseil de la salariée soit autorisé à répondre à ces conclusions et pièces tardives afin que soit respecté le principe de la contradiction.
Au demeurant, l'examen de la note en délibéré permet de constater qu'elle n'était accompagnée d'aucune pièce nouvelle, tandis que les moyens développés ne révèlent pas d'élément nouveau par rapport à l'exposé des moyens du demandeur tel qu'il figure en page 4 du jugement.
Le conseil de prud'hommes n'a statué que sur les demandes telles que réitérées devant le Bureau de jugement et rappelées en pages 3 et 4 de la décision.
Enfin, il sera relevé que l'avocat de l'employeur qui a pris soin d'écrire au conseil de prud'hommes le 1er juillet 2019 pour demander à la juridiction saisie de 'prendre en compte exclusivement les éléments produits dans le cadre de votre délibéré se rapportant à vos demandes', a pu répondre à la note en délibéré, en faisant le choix de ne se placer que sur le terrain d'une prétendue violation du principe du contradictoire qui n'est pas établie.
Dans ces conditions, la demande tendant au prononcé de la nullité du jugement entrepris sera rejetée.
2- Sur les demandes de Mme [V]:
2-1: Sur les sommes résultant du bulletin de paie du mois de mai 2016:
En vertu de l'article L 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.
Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.
Par ailleurs, il est de principe que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.
En l'espèce, alors que Mme [V] a démissionné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 11 mai 2016 et que n'ayant reçu ni bulletin de paie pour le mois de mai 2016, ni les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation pôle emploi et reçu pour solde de tout compte) elle a écrit à son employeur le 13 juin 2016 pour obtenir la remise de ces documents et le solde des salaires et congés payés restant dus, elle s'est vue répondre par la société [F] Remorques le 16 juin 2016 que le règlement de la somme de 5.750,63 euros apparaissant sur le reçu pour solde de tout compte ne serait pas effectué, l'employeur la suspectant d'avoir détourné à son profit différents règlements de matériaux (ferrailles) qui devaient revenir à l'entreprise.
La société [F] Remorque évaluait le préjudice subi du fait de ces détournements à la somme de 8.580 euros, évoquant des malversations qui auraient été selon elle commises non seulement par Mme [V], mais également par un tiers, M. [S], désigné comme étant son 'complice'.
Nonobstant une intervention de l'inspection du travail qui invitait le 15 juin 2016 l'employeur à régulariser sans délai la remise du bulletin de salaire du mois de mai 2016, le paiement des indemnités journalières depuis le 22 janvier 2016, le paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés et la remise des documents de fin de contrat, la société [F] Remorques maintenait une position de refus et adressait le 27 juillet 2016 à la salariée un courrier la mettant en demeure de lui payer une somme de 2.147,02 euros qu'elle estimait correspondre à la différence entre son préjudice évalué à 8.580 euros et le 'montant actualisé' du solde de tout compte, soit 6.432,98 euros, comprenant l'indemnité MUTEX (garantie complémentaire maladie).
Il est constant que M. [W], gérant de la SARL [F] Remorques, a déposé plainte pour escroquerie contre Mme [V] et que cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite.
La SARL [F] Remorque affirme cependant qu'il est 'avéré que Mme [V] a régulièrement vendu, à son nom et à son seul bénéfice, des chutes de ferraille issues de la production de l'entreprise, encaissant les paiements du récupérateur de métaux sous son propre nom d'épouse ou de jeune fille'.
Toutefois, contrairement à ce que soutient l'employeur, il ne résulte nullement des termes du procès-verbal de l'enquête de gendarmerie qui est versé aux débats, pas plus que d'un quelconque autre élément du dossier, que Mme [V] ait reconnu avoir commis des détournements au préjudice de son employeur.
Pour maintenir ses accusations, l'employeur se fonde sur différentes factures qui ont été remises aux enquêteurs et analysées par ces derniers, ces factures correspondant à des achats de ferraille par une société dénommée 'Recup'29", le nom des personnes mentionnées sur les dites factures comme étant à l'origine de la vente étant soit Mme [V] [Z], soit Mme [M] [Z] (nom de jeune fille de Mme [V]), soit M. [S] [H].
Il résulte des éléments de l'enquête pénale à tout le moins une certaine opacité dans la gestion de l'entreprise, l'ancien dirigeant, M. [O] [F], comme le dirigeant de la société Recup'29 ayant déclaré que M. [W] était informé des pratiques mises en oeuvre concernant la vente de la ferraille, tandis que le comptable de l'entreprise, M. [X], a confirmé 'que Mme [M] et M. [S] avançaient de l'argent pour l'achat de matériel et qu'ensuite ils étaient remboursés', ces derniers ayant affirmé avoir agi en toute transparence vis à vis de leur employeur qui leur aurait demandé d'encaisser des chèques de la société Recup'29 à leur nom, pour reverser les sommes correspondantes en espèces, pour alimenter les liquidités de l'entreprise.
Ces éléments qui n'ont pas permis de retenir la commission d'une infraction pénale, ne permettent pas plus de retenir une quelconque faute civile de la salariée de nature à justifier la retenue qui lui a été imposée sur ses salaires, la société [F] Remorques procédant par voie d'affirmations sans démontrer, faute de preuve d'une intention de nuire, la faute lourde qu'elle invoque à l'encontre de Mme [V].
Les cessions frauduleuses de marchandises n'étant pas établies, l'employeur ne peut pas plus utilement invoquer le bénéfice de la compensation telle que prévue à l'article L 3251-2 du code du travail pour les matières ou matériaux dont le salarié à la charge et l'usage.
Enfin, il n'est démontré aucun abus du droit de démissionner, au sens des dispositions de l'article L 1237-2 du code du travail, ni la faute de la salariée, ni une intention de nuire à l'employeur pas plus qu'une quelconque légèreté blâmable de sa part n'étant établies.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris s'agissant des salaires, congés payés et indemnité complémentaire maladie figurant sur le bulletin de paie du mois de mai 2016, étant toutefois observé que, comme rappelé dans les motifs de la décision et comme cela résulte du bulletin de paie, l'indemnité complémentaire maladie s'élève à 1.740,80 euros et non 1.654,17 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce dernier chef.
2-2: Sur la demande de dommages-intérêts:
Il est constant que Mme [V] a été privée du règlement d'une créance de salaire à caractère alimentaire, la société [F] Remorques ayant fait le choix de se faire justice à elle-même, au mépris des dispositions susvisées de l'article L 1331-2 du code du travail et des règles afférentes à la compensation en matière salariale, en retenant pendant plus de trois ans et demi le paiement de sommes figurant sur les bulletins de paie et reçu pour solde de tout compte qu'elle a établis à réception de la démission de la salariée, ce qui a été pour cette dernière la source d'un préjudice financier mais également moral qui doit être réparé par la condamnation de l'employeur à payer à Mme [V] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement entrepris sera confirmé sur cette juste évaluation du préjudice subi par la salariée.
3- Sur la demande de la société [F] Remorques:
Compte-tenu des développements qui précèdent, en l'absence de preuve d'une faute de la salariée, la société [F] Remorques doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 8.580 euros, étant ici observé que cette évaluation résulte d'un compte pour le moins imprécis qui regroupe les manquements imputés aussi bien à Mme [V], qu'à M. [S], l'employeur faisant en outre état dans ses écritures d'agissements qu'il entend reprocher à l'époux de la salariée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société [F] Remorques de ses demandes.
4- Sur les dépens et frais irrépétibles:
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société [F] Remorques, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Elle sera dès lors déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande en revanche de la condamner à payer à Mme [V] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la société [F] Remorques de sa demande tendant au prononcé de la nullité du jugement rendu par conseil de prud'hommes de Guingamp le 10 septembre 2019 ;
Confirme le jugement entrepris, excepté sur le quantum de l'indemnité complémentaire maladie ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société [F] Remorques à payer à Mme [V] la somme de 1.740,80 euros au titre de l'indemnité complémentaire maladie ;
Y ajoutant,
Condamne la société [F] Remorques à payer à Mme [V] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Déboute la société [F] Remorques de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [F] Remorques aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président