7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°541/2022
N° RG 19/06527 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QEOW
M. [D] [Y]
C/
SAS MENLOG SAS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 DECEMBRE2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Octobre 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [R] [O], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 24 Novembre 2022
****
APPELANT :
Monsieur [D] [Y]
né le 20 Décembre 1967 à [Localité 4] (BELGIQUE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Ronan TIGREAT, Postulant, avocat au barreau de BREST
Représentée par Me Xavier ROBIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
MENLOG SAS Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Tiphaine LE NADAN de la SELARL MAZE-CALVEZ & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de BREST
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [Y] a été engagé par la Sas Menlog selon un contrat à durée indéterminée en date du 03 septembre 2018, en qualité d'ingénieur d'affaires, statut cadre.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective de la papeterie, fournitures de bureau.
Le contrat de travail de M. [Y] prévoyait une période d'essai de 4 mois, renouvelable une fois pour la même durée.
Le 07 novembre 2018, le salarié s'est vu notifier par l'employeur la rupture de sa période d'essai.
***
Contestant la rupture de sa période d'essai, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 28 novembre 2018 afin de :
- Voir condamner la société Menlog à lui payer les sommes suivantes:
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et défaut de délivrance d'un avenant afférent à la rémunération variable convenue : 12.000 €
- Dommages et intérêts pour rupture abusive et détournement de la période d'essai : 10.000 €
- Rappel de salaire afférent au délai de prévenance : 1.134 €
- Congés payés incidents : 113 €
- Rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires effectuées entre le 3 septembre 2018 et le 14 septembre 2018 (sauf à parfaire) : 800 €
- Congés payés incidents : 80 €
- Dommages et intérêts pour procédé vexatoire dans la rupture des relations contractuelles : 5.000 €
- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2.000 €
- Voir dire et juger que les condamnations à intervenir porteront intérêts de droit à compter du jour d'introduction de la demande,
- Voir ordonner l'exécution provisoire sur le tout en application des dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile.
La SAS Menlog a demandé au conseil de prud'hommes de:
- Débouter M. [Y] de l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions,
- Dire et juger qu'aucun manquement contractuel n'a été commis par la société Menlog ni aucune exécution déloyale du contrat,
- Dire et juger que la rupture de la période d'essai de M. [Y] est justifiée,
- Débouter en conséquence M. [Y] de toutes ses demandes,
- Débouter M. [Y] de sa demande de paiement du préavis de 1134 euros outre les congés y afférents de 113 euros,
- Débouter M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts de 5 000 euros au titre du prétendu procédé vexatoire,
- A titre infiniment subsidiaire, ramener l'ensemble des demandes de M. [Y] à des minimes proportions,
- Condamner M. [Y] à verser à la société Menlog une somme de 5000 euros au titre du préjudice subi par la société Menlog,
- Débouter M. [Y] à verser à la société Menlog une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le même aux entiers dépens.
Par jugement en date du 12 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Quimper a :
- Débouté M. [D] [Y] de l'ensemble de ses demandes;
- Débouté la SAS Menlog de sa demande reconventionnelle;
- Condamné M. [D] [Y] à payer à la SAS Menlog la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamné M. [D] [Y] aux éventuels dépens de l'instance.
***
M. [Y] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 1er octobre 2019.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 octobre 2021, M. [Y] demande à la cour de :
- Voir infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en toutes ses dispositions.
- Voir condamner la société Menlog à lui payer les sommes suivantes:
- A titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et défaut de délivrance d'un avenant afférent à la rémunération variable convenue : 40.000 €
- A titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et détournement de la période d'essai :10.000€
- A titre de rappel de salaire afférent au délai de prévenance : 1.134€
- A titre de congés payés incidents : 113 €
- A titre de rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires effectuées en septembre 2018 :1.293€
-A titre de congés payés incidents : 129 €
- A titre de rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires effectuées en octobre 2018 : 202 €
- A titre de congés payés incidents : 20 €
- A titre de dommages et intérêts pour procédé vexatoire dans la rupture des relations contractuelles : 5.000 €
- Au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile : 2.000 €
- Voir dire et juger que les condamnations à intervenir porteront intérêts de droit à compter du jour d'introduction de la demande.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 23 juin 2022, la SAS Menlog demande à la cour d'appel de Rennes de :
- Recevoir la société Menlog en son appel incident,
- En conséquence, infirmer partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Quimper en date du 12 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Menlog de sa demande reconventionnelle d'un montant de 5 000 € au titre du préjudice subi par la société Menlog et condamner en conséquence Monsieur [Y] au paiement de 5000 € à ce titre,
- Confirmer pour le surplus le jugement du Conseil de Prud'hommes de Quimper le 12 septembre 2019.
En conséquence :
- Débouter Monsieur [Y] de l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions,
- Dire et juger qu'aucun manquement contractuel n'a été commis par la société Menlog ni aucune exécution déloyale du contrat
- Dire et juger que la rupture de la période d'essai de Monsieur [Y] est justifiée,
- Débouter en conséquence Monsieur [Y] de toutes ses demandes notamment les dommages et intérêts de 40 000 € et de 10 000€,
- Débouter Monsieur [Y] de sa demande de paiement du préavis de 1134 € outre les congés y afférents de 113 €.
- Débouter Monsieur [Y] de sa demande de dommages et intérêts de 5 000 € au titre du prétendu procédé vexatoire.
- Débouter Monsieur [Y] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et congés payés y afférents
- A titre infiniment subsidiaire, ramener l'ensemble des demandes de Monsieur [Y] à de minimes proportions.
- Condamner Monsieur [Y] à verser à la société Menlog une somme de 5 000 € au titre du préjudice subi par la société
- Débouter Monsieur [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du CPC ainsi que des intérêts.
- Condamner Monsieur [Y] à verser à la société Menlog une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner le même aux entiers dépens.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 juin 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 04 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et défaut de délivrance d'un avenant afférent à la rémunération variable
M. [Y] fait valoir au soutien de son appel que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a cru pouvoir énoncer, pour conclure à une absence d'exécution déloyale du contrat par la société Menlog, que le contrat de travail ne donnait pas de précision quant à un éventuel avenant et que les objectifs pouvaient être fixés par la direction par tout moyen.
Il soutient que contrairement aux stipulations du contrat de travail il n'a aucunement été investi d'une fonction tendant à commercialiser les produits existants de la société mais se voyait attribuer, comme le démontrent ses pièces 9 à 17 et l'absence de remarques du gérant quant à son travail sur lequel il était régulièrement informé, une fonction tendant à établir des business plan pour la stratégie commerciale future de la société Menlog ; que les pièces contractuelles du dossier, qu'il s'agisse des mails précédant l'embauche, du contrat de travail ou des mails postérieurs à son recrutement, démontrent indéniablement que la société se devait de régulariser corrélativement à la signature du contrat de travail un avenant définissant les seuils de chiffres d'affaires ou d'objectifs permettant d'obtenir une rémunération annuelle brute complémentaire de
30 000 euros nets représentant approximativement une rémunération mensuelle brute complémentaire de 4000 euros.
La société Menlog réplique qu'il n'a jamais été convenu d'avoir des objectifs contractuels et que la direction avait fixé unilatéralement des objectifs ce qui est tout à fait admis ; que M. [Y] tente de présenter une version totalement fausse de la situation en prétendant que c'est la société qui lui a demandé d'établir un business plan afin de s'ouvrir à un nouveau marché, ce qui est une pure invention ;
que c'est lui qui, en tant qu'ancien dirigeant d'entreprise, ne voulait manifestement pas suivre la demande de son employeur de développer l'activité commerciale en procédant à du démarchage, et voulait imposer une nouvelle stratégie commerciale, passant son temps à présenter un business plan disproportionné pour la société alors qu'il avait été embauché pour mettre en oeuvre le plan de prospection de celle-ci et ne procédait à aucune démarche commerciale. Elle considère que le conseil de prud'hommes a jugé à juste titre qu'il n'y avait aucune exécution déloyale du contrat de travail.
***
Aux termes du contrat de travail de M. [Y], ses missions étaient les suivantes:
'-commercialiser l'ensemble des produits et services proposés par la société,
-mettre en oeuvre le plan de prospection,
-présenter les produits et conseiller le client,
-argumenter et répondre aux objections,
-négocier les prix et les quantités en fonction des barêmes et des délais de livraison,
-conclure la vente par l'établissement d'un contrat soumis à validation,
-assurer le suivi commercial et administratif de son secteur pour atteindre les objectifs fixés,
-rendre compte de ses actions au quotidien à sa hiérarchie,
-diriger et élaborer la stratégie de son service,
-définir les budgets et gérer les moyens matériels et humains,
-superviser la conception, la mise en oeuvre et le maintien opérationnel des prestations fournies,
Les attributions de M. [D] [Y] pourront lui être précisées au fur et à mesure des besoins.'
Il en ressort que M. [D] [Y] avait principalement des missions de commercial, chargé de la vente de produits, selon ce contrat rédigé postérieurement aux échanges pré contractuels, ce qui est confirmé par les précisions apportées par l'employeur avant l'entrée en poste du salarié sur le calcul de la prime, assise sans ambiguité sur le volume des ventes.
Pour autant, il y a lieu d'observer que la mission, dont il n'est pas établi qu'elle ait été exclusive, que M. [Y] dit lui avoir été confiée, à savoir établir des business plan et des documents de synthèse pour la stratégie RH à mettre en oeuvre pour le déploiement de futures forces commerciales dans le cadre de la stratégie commerciale future de la société, entre dans la définition de la mission 'diriger et élaborer la stratégie de son service','définir les bugets et moyens matériels et humains', sachant que ses attributions pouvaient lui être précisées 'au fur et à mesure des besoins'. Il est à noter que, dans les échanges précontractuels, M. [Y] faisait part de son 'grand intérêt à participer au développement de cette nouvelle offre'(23 mars 2018) et que M. [E], gérant de Menlog, évoquait l'activité 'ges com', c'est à dire gestion commerciale, ainsi qu'un 'partenariat LDLC pouvant donner une impulsion importante'(26 mars 2018).
Les mails versés aux débats par l'appelant démontrent que l'employeur n'a jamais dissuadé M. [Y] d'effectuer ses travaux, dont il était régulièrement informé, et qu'il suivait, même si ses réponses écrites sont rares.
Ainsi :
-le 19 septembre 2018, M. [Y] indique 'comme convenu, tu trouveras ci joint mon étude afin d'envisager éventuellement le lancement d'une offre de gestion commerciale en s'appuyant sur votre logiciel de gestion mencomsi en l'état et sans aucun amendement, tu trouveras ci joint le document de synthèse intitulé offre gestion commerciale ainsi que les business plans afférents qui sont basés sur les deux hypothèses que nous avions envisagées : mode locatif ou licence, je te propose d'en échanger demain à ta convenance',
-le 26 septembre, M. [Y] demande à M. [E] s'il a réféléchi aux différentes hypothèses et s'ils peuvent échanger sur cette thématique, ce à quoi M. [E] répond le 26 septembre 'si [N] ([I] )est d'accord je propose que l'on voit ça vendredi en début d'après-midi dans mon bureau',
-le 1 er octobre 2018, M. [Y] leur écrit 'suite à notre réunion de vendredi et comme convenu, vous trouverez ci joint les documents amendés incluant vos remarques', remarques qui ne concernent pas exclusivement l'ajout de ses salaires en incluant l'hypothèse d'un pilotage de l'activité par lui-même,
-le 4 octobre 2018 :'suite à notre échange de cet après-midi' tu trouveras les jalons pour le déploiement de la force commerciale, le 10 octobre 'comme convenu j'avance sur l'identification de candidats potentiels, pourrions nous échanger sur les documents que je t'ai adressés la semaine dernière,' et le 19 octobre : 'comme convenu tu trouveras ci joint mon analyse pour la stratégie RH à déployer pour le développement des futures forces commerciales', M. [Y] demandant un échange après son retour pour valider les prochaines étapes, et M. [E] lui répondant 'tu peux venir me voir',
-le 22 octobre M. [E] lui écrit 'vu que sur ton tableau de candidats tu parles d'un commercial de chez Tigra, tu trouveras avec ce lien la liste des commerciaux de chez Tigra trouvée sur leur site. J'aimerais 'avec'(sic) ce tableau sous excell', ce à quoi M. [Y] répond 'comme souhaité je vais intégrer ces 5 profils dans le fichier excell'
-le 29 octobre M. [Y] écrit à M. [E] 'tu trouveras ci joints les fichiers amendés résultant de nos échanges de ce matin, de facto et comme demandé je travaille dès cet après-midi sur la définition d'un poste de business développeur'et le 31 octobre 'tu trouveras ci joint une première ébauche des missions et de la stratégie afférente au poste de business développeur.
Il doit en être conclu que M. [Y] était effectivement chargé d'une étude relative à un projet auquel la société n'a pas donné suite, ce projet impliquant des investissements importants et un business plan se traduisant par des résultats très fortement déficitaires pendant trois ans, mais qui devaient, selon M. [Y], produire de bons résultats et même une rentabilité extrèmement forte après ces trois années.
M. [Y] effectuait quelques actions commerciales ; le 17 septembre 2018 il indiquait avoir proposé des solutions Menlog à une gérante de sociétés, le 16 octobre 2018 il indiquait faire une analyse du compte comptoir de Bretagne (prospect)en parallèle de son travail actuel.
Pour autant, le travail d'étude dont il était chargé ne lui permettait pas à l'évidence de se consacrer à un travail de commercial ce qui l'empêchait de percevoir une rémunération variable complémentaire , basée sur les ventes selon les échanges précontractuels.
Si l'employeur peut effectivement fixer unilatéralement les objectifs et qu'en l'espèce il n'était pas prévu une fixation contractuelle nécessitant un avenant, il appartenait à la société Menlog de fixer, dès le début d'exercice, les objectifs permettant au salarié d'obtenir une rémunération variable dont le principe était mentionné au contrat de travail avec la précision que celle-ci serait définie en fonction des objectifs définis par l'employeur, à défaut il incombe à la juridiction prudhomale, comme le fait valoir M. [Y], de fixer cette rémunération variable en fonction des critères visés au contrat et des éléments de la cause.
L'employeur se réfère à ce sujet aux échanges pré contractuels mais n'a jamais rendu de réponse expresse aux demandes de M. [Y] sur la détermination de sa rémunération contractuelle. En l'espèce, le manquement de l'employeur dans la fixation des objectifs de la rémunération variable a causé à M. [Y] un préjudice qui doit être réparé par la condamnation de la société Menlog à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, en infirmation du jugement.
Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires
M. [Y] fait valoir qu'il présente des éléments prouvant expressément la réalité des heures supplémentaires qu'il a effectuées.
La société Menlog réplique que le conseil de prud'hommes a justement jugé que le tableau produit par M. [Y] n'est pas probant et que celui-ci, qui arrivait avec retard au travail le matin, compte comme temps de travail des temps qui n'en sont pas, notamment de trajet, de repas, ou comme heures supplémentaires des journées déjà rémunérées.
Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par la salarié à l'appui de sa demande près avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, M. [Y] présente notamment à l'appui de sa demande :
des récapitulaitfs des horaires et nombre d'heures qu'il indique avoir réalisés chaque jour.
Il produit ainsi des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l'employeur.
L'employeur produit des attestations de salariés faisant état d'arrivées au travail tardives de M. [Y] et des commentaires critiques des éléments produits par le salarié, sans pour autant justifier des horaires effectifs de travail de l'intéressé.
Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la Cour a la conviction au sens du texte précité que M. [Y] a effectué des heures supplémentaires en septembre et octobre 2018 représentant un montant total de 431 euros, outre 43,10 euros de congés payés afférents que l'employeur sera en conséquence condamné à lui payer, en infirmation du jugement.
Sur la rupture de la période d'essai
M. [Y] critique le jugement entrepris en ce qu'il a fait selon lui une analyse erronée en estimant que la rupture de la période d'essai était bien fondée eu égard au fait qu'il se devait de vendre les produits commercialisés par la société et qu'il n'avait rien vendu, tentant de modifier la stratégie commerciale de la société, alors que la fin de sa période d'essai est exclusivement la résultante de la renonciation de la société Menlog à sa stratégie commerciale et au refus de cette dernière de régulariser l'avenant afférent à la rémunération variable convenue.
La société Menlog réplique qu'elle n'avait pas besoin de M. [Y] pour définir sa stratégie commerciale sans quoi elle l'aurait embauché non en CDI mais en CDD, et qu'elle n'avait aucune obligation d'établir un avenant pour fixer des objectifs et une rémunération variable ; qu'elle a rompu le contrat parce que : il ne commercialisait pas les produits de la société, a établi un prévisionnel n'incluant pas ses salaires qu'il avait volontairement omis de faire apparaître et manquait de discernement eu égard aux capacités financières de l'entreprise démontrant une absence d'analyse et de prise en compte du contexte économique, compétence pourtant clef pour un ingénieur commercial, manquait de professionnalisme en quittant à plusieurs reprises son poste de travail en plein après-midi sans autorisation, arrivait en retard au travail ce qui ne manquait pas d'étonner ses collègues, cherchant manifestement ainsi la rupture de son contrat de travail, son absence totale de volonté de s'intégrer à une équipe commerciale justifiant aussi amplement la rupture de la période d'essai.
***
En application de l'article L1222-1 du code du travail, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail.
L'employeur qui rompt le contrat de travail pendant la période d'essai n'est pas tenu d'invoquer une cause réelle et sérieuse et n'a pas à alléguer de motif, sous réserve d'agir sans abus de droit ni légèreté blâmable en rompant la période d'essai.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de cet abus.
En l'espèce, s'il résulte des productions aux débats que la société Menlog a demandé à M. [Y] d'établir un business plan pour étudier le lancement d'une éventuelle nouvelle offre, elle était libre de l'évaluer sur cette étude et ne pas y donner suite, d'autant qu'elle n'avait pas embauché exclusivement pour cela le salarié, dont la mission principale, aux termes de son contrat de travail, qu'il avait accepté, était une mission de commercial et donc de vente des produits de la société. La fin de cette étude n'impliquait donc pas en soi la rupture du contrat de travail. Or, il ressort des nombreuses et concordantes attestations de salariés produites par la société, qui ne peuvent être écartées au seul motif du lien de subordination ni ne sont, comme le soutient M. [Y] des 'copier-coller'mais contiennent des appréciations qui sont exprimées de manière personnalisée, qu'il est décrit de manière concordante comme arrogant, peu investi et peu curieux des produits vendus par la société et des méthodes de travail au sein de celle-ci, arrivant régulièrement à 9h15 ou 9h30 au lieu de 9 heures, avachi dans son siège et ne saluant pas ses collègues à son arrivée. Les affirmations de M. [Y] lui-même, soulignant qu'il n'a aucune expérience dans la vente de solutions d'encaissement et de gestion de magasins à destination des artisans TPE et PME et que l'entreprise avait recruté en sa personne un élément de valeur et un professionnel des logiciels de gestion, confirment qu'il n'envisageait pas un travail de commercial, rejoignant ainsi la position de l'employeur, lequel lui impute les propos 'je ne vais quand même pas prendre mon téléphone pour appeler des clients '' .
M. [Y] ne rapporte par conséquent pas la preuve qui lui incombe que l'employeur a commis un abus de droit ou une légèreté blâmable en rompant la période d'essai de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce chef et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.
Sur la demande de dommages et intérêts pour caractère vexatoire de la rupture
M. [Y] fait valoir au soutien de cette demande que la société lui a demandé d'émarger le courrier par lequel elle entendait lui notifier la rupture, lui a donné l'ordre de quitter la société sur le champ, sans qu'il puisse saluer même brièvement ses collègues et les aviser de son départ, a ultérieurement tenté d'initier un faux débat sur la restitution des éléments de travail (ordinateur et portable).
Cependant, c'est à juste titre titre que la société réplique que ses collègues attestent unanimement de son manque de politesse à leur égard, le conseil de prud'hommes ayant en outre relevé à juste titre que la remise en main propre d'un courrier de rupture n'est pas une procédure vexatoire et que la demande de restitution de matériel professionnel par l'employeur est normale. Les échanges sur l'état de restitution de ce matériel sont postérieurs à la rupture et les pièces versées ne permettent pas d'établir que les courriers de la société à ce sujet étaient dépourvus de fondement. La société indique que M. [Y] est resté travailler pour finir sa journée et il ne démontre pas le contraire.
Il ne caractérise en conséquence pas que la rupture qui lui a été notifiée soit intervenue dans des circonstances vexatoires. Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire sur ce fondement.
Sur le délai de prévenance
M. [Y] soutient que la société a dans le cadre d'un engagement unilatéral lors de la rupture pris la décision de lui faire bénéficier d'un délai de prévenance d'un mois au lieu et place du délai de 15 jours résultant des dispositions de la convention collective, que c'est vainement qu'elle excipe que selon elle ce délai plus long participerait exclusivement d'une erreur de sa part, alors qu'elle n'est revenue sur cet engagement que lorsqu'il a fait part de son désaccord sur la rupture.
La société Menlog réplique que c'est par erreur qu'il a été mentionné dans le courrier de rupture un délai d'un mois au lieu de 15 jours en application de l'article L1221-25 du code du travail et de la convention collective applicable, erreur rectifée deux jours plus tard et qui n'a pas créé de droit.
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La société Menlog n'a pas mentionné dans le courrier de rupture les dispositions du code du travail et de la convention collective, il ressort d'un mail du gérant de la société du 8 novembre 2018 qu'à cette date il a eu contact avec son avocat et il ne mentionne pas dans ce mail d'erreur sur la durée du préavis, bien qu'il fasse mention de ce préavis. Il ne revient effectivement sur le préavis d'un mois qu'à réception du courrier de contestation de M. [Y].
En considération de ces éléments de fait, la société n'établit pas que c'est par erreur qu'elle a accordé un préavis d'un mois, qui résulte dès lors, comme le soutient M. [Y], d'un engagement unilatéral. L'employeur s'étant engagé sur un délai de prévenance d'un mois est redevable du solde de salaire correspondant, soit la somme de 1134 euros, outre 113 euros de congés payés afférents, qu'il sera condamné à payer à M. [Y], par voie d'infirmation du jugement.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts
La société Menlog cririque le jugement en ce qu'il retient qu'elle n'apporte pas d'éléments chiffrés permettant de prouver son préjudice ni d'élément intentrionnel de M. [Y], alors qu'elle n'a pas besoin d'apporter d'éléments intentionnels pour chiffrer son préjudice. Elle fait valoir que M. [Y] a menti sur son curriculum vitae, qu'il a voulu lui imposer un changement de stratégie commerciale impliquant des charges démesurées générant un prévisionnel catastrophique, que son attitude a eu un impact tant sur le dirigeant que sur ses collègues qui ont été estomaqués de son comportement, qu'il a eu de cesse de la narguer lors de la rupture pour éviter de rendre les mots de passe, et qu'il forme, en habitué du contentieux, des demandes élevées afin de la perturber.
Cependant, si M. [Y] a indiqué avoir travaillé jusqu'en 2015 au sein de la société Absys Cyborg, alors que le contrat a été rompu en mars 2014, il était tenu d'une obligation de non concurrence à l'égard de cette société jusqu'en mars 2015 et la société Menlog ne caractérise pas de préjudice lié à la mention erronée sur le CV, ni ne produit de pièces étayant un préjudice sur les autres éléments invoqués à l'appui de sa demande indemnitaire. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Il est inéquitable de laisser à M. [Y] ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, qui seront mis, à hauteur de 1000 euros, à la charge de la société intimée, laquelle, succombant partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [D] [Y] de sa demande de voir juger abusive la rupture de sa période d'essai, de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive, pour rupture vexatoire, et en ce qu'il a débouté la société Menlog de sa demande indemnitaire reconventionnelle,
L'infirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne la société Menlog à payer à M.[D] [Y] les sommes de :
-5000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-1134 euros à titre de rappel de salaire afférent au délai de prévenance, outre 113 euros de congés payés afférents,
-431 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 43,10 euros de congés payés afférents,
-1000 euros au titre des frais irrépétibles d'instance,
Déboute M. [D] [Y] du suplus de ses demandes,
Déboute la société Menlog de ses demandes contraires, comprenant sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la société Menlog aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président