7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°545/2022
N° RG 19/04116 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P3W6
SARL [H] [S] CONSEIL
C/
M. [N] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Octobre 2022
En présence de Madame Marie-Noëlle MEUNIER, médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SARL [H] [S] CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Paul DELACOURT de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [N] [Y]
né le 21 Mars 1971 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Emmanuel TURPIN de la SELEURL SELURL JURIS LABORIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS [H] [S] Conseil ayant pour activité principale le conseil en gestion et management, exploite également à titre accessoire un fonds de commerce de restaurant sous l'enseigne 'La Maison de la Marine' à [Localité 5], correspondant à un restaurant de 20 couverts et à cinq chambres d'hôtes. Elle emploie un effectif de moins de 11 salariés.
M. [N] [Y] a été embauché le 1er mars 2016 par la SARL [H] [S] Conseil dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 31 août 2016 pour exercer les fonctions d'Employé niveau 1, échelon 2 au sein de l'établissement Maison de la Marine. Il avait pour mission principale d'élaborer la carte du restaurant, de gérer les approvisionnements et de préparer les repas.
Il percevait une rémunération de 1 467 euros brut par mois, outre une prime trimestrielle sur objectifs en fonction du chiffre d'affaires réalisé et une prime trimestrielle en fonction des commentaires sur les sites internet de réservation.
Le salarié bénéficiait d'un logement de fonction à titre gratuit à titre d'avantage en nature, qu'il occupait avec son épouse également salariée de l'établissement, laquelle gérait les chambres d'hôtes de l'établissement.
La relation de travail s'est poursuivie sous la forme d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2016, régie par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Par courrier du 29 novembre 2017, M. [Y] a informé son employeur de sa démission dans les termes suivants :
' J'ai été embauché au sein de votre établissement La maison de la Marine, chambre d'hôtes et restaurant, situé au [Adresse 4], par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2016. La charge de travail qui m'incombe dans la gestion de cet établissement dépasse dans des proportions considérables les 35 heures pour lesquelles j'avais été embauché.
L'absence de paiement de toutes heures supplémentaires et l'impossibilité de me faire remplacer pour faire valoir mes droits à congés impactent considérablement ma situation personnelle et familiale et ma santé.
En conséquence, je vous remets par la présente ma démission de mes fonctions.
Cette démission prend effet le 30 novembre 2017. Conformément à nos accords au terme de mon préavis, mon contrat de travail sera rompu et je quitterai mes fonctions le 15 décembre 2017.'
***
M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Malo par requête en date du 13 avril 2018 afin de voir :
- Dire qu'il ne relevait pas de la classification conventionnelle d'Employé niveau I échelon 2 mais de celle d'Agent de Maîtrise niveau IV échelon 1
- Condamner la SARL [H] [S] Conseil au paiement des sommes suivantes :
- 4 167,71 euros de rappel de salaire, en raison de l'application de la qualification supérieure, et 416,77 euros au titre des congés payés afférents
- 4 050 euros de rappel de salaire pour non-paiement des primes de résultat prévues au contrat, ainsi que 405 euros au titre des congés payés afférents
- 30 245,37 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées, et 3 024,53euros au titre des congés payés afférents
- Requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Condamner la société [H] [S] Conseil au paiement des sommes suivantes :
- 3 376,18 euros d'indemnité au titre du préjudice subi en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 688,09 euros au titre de l'indemnité de préavis, et 168,80 euros au titre des congés payés afférents
- 773,71 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 10 128,54 euros d'indemnité pour travail dissimulé
- 1 500 euros pour défaut d'organisation de la visite médicale d'embauche
- Ordonner à la société [H] [S] Conseil de lui remettre les bulletins de salaire rectifiés ainsi qu'un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte conformes à la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, le Conseil de prud'hommes se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte ;
- lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir
- La condamner aux éventuels dépens.
- Débouter le défendeur de ses demandes reconventionnelles.
La SARL [H] [S] Conseil a demandé au conseil de prud'hommes de :
- In limine litis, enjoindre à M.[Y] de communiquer ses pièces justifiant de sa situation professionnelle et de ses ressources depuis sa démission à effet du 15 décembre 2017.
A titre principal, débouter M.[Y] de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les demandes du requérant.
En tout état de cause,
- Condamner M.[Y] à lui payer la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement en date du 21 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :
- Dit que la classification de Monsieur [Y] est celle d'agent de maîtrise, niveau IV, échelon 1 ;
- Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M.[Y] est requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné la société [H] [S] Conseil à payer à M.[Y] les sommes suivantes :
- 4 167,71 euros de rappel de salaire sur classification, outre 416,77 euros de congés payés afférents;
- 30 245,37 euros au titre des heures supplémentaires effectuées non payées, et 3024,53 euros de congés payés afférents;
- 3 376,18 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 844,04 euros d'indemnités de préavis, outre 84,40 euros de congés payés ;
- 773,31 euros d'indemnités de licenciement;
- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné par ailleurs à la société [H] [S] Conseil de remettre à M.[Y] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;
- L'a condamné aux entiers dépens de l'instance ;
- Débouté M.[Y] du surplus de ses demandes ;
- Débouté la société [H] [S] Conseil de l'intégralité de ses demandes.
***
La SARL [H] [S] Conseil a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 20 juin 2019.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 11 février 2022, la SARL [H] [S] Conseil demande à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit que la classification de M. [Y] est celle d'agent de maîtrise, niveau IV, échelon 1,
-Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M.[Y] est requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la société [H] [S] Conseil à payer à M.[Y] les sommes suivantes :
- 4.167,71 euros de rappel de salaires sur classification, outre 416,77 euros de congés payés afférents;
- 30.245,37 euros au titre des heures supplémentaires effectuées non payées, et 3.024,53 euros de congés payés afférents ;
- 3.376,18 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 844,04 euros d'indemnité de préavis, outre 84,40 euros de congés payés y afférents ;
- 773,31 euros d'indemnité de licenciement ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonné la société [H] [S] Conseil de remettre à M.[Y] les documents de fin de contrat conformes au jugement.
- Condamné la société [H] [S] Conseil aux entiers dépens de l'instance.
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
- Débouter M.[Y] de son appel incident et de toutes ses demandes.
Y additant :
- Condamner M.[Y] au paiement de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et ce compris ceux éventuels d'exécution.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 31 janvier 2022, M. [Y] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement,
- Dire que M. [Y] ne relevait pas de la classification conventionnelle d'Employé niveau I échelon 2 mais de celle d'Agent de Maîtrise niveau IV échelon 1
- Condamner la société [H] [S] Conseil à lui verser les sommes suivantes :
- 4 050 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 416,77 euros au titre des congés payés afférents;
- 30 245,37 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires non payées, et 3 024,53 euros pour les congés payés afférents;
- Requalifier la démission de M.[Y] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Condamner la société [H] [S] Conseil au paiement :
- d'une indemnité de 3 376,18 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu ;
- d'une indemnité compensatrice de préavis de 844,04 euros, ainsi que 84,40 euros au titre des congés payés afférents ;
- d'une indemnité de licenciement de 773,71 euros ;
- Infirmer le jugement concernant les primes de commentaires et le travail dissimulé,
- Condamner la société [H] [S] Conseil au paiement de la somme de 3 050 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux primes de commentaires non versées, ainsi que 305 euros correspondant aux congés payés afférents ;
- Condamner la société [H] [S] Conseil au paiement d'une indemnité de 10 128,54 euros au titre du travail dissimulé ;
En tout état de cause
- Ordonner à la société [H] [S] Conseil à lui remettre les bulletins de salaire rectifiés ainsi qu'un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte conformes à la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15 ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;
- Condamner la société [H] [S] Conseil au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 22 février 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 21 mars 2022.
Par arrêt en date du 7 avril 2022, la cour a ordonné une médiation et ordonné la réouverture des débats avec renvoi de l'affaire à l'audience du 24 octobre 2022. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la classification professionnelle
La société appelante demande l'infirmation du jugement qui a retenu la classification conventionnelle supérieure de niveau IV échelon 1 au profit de M.[Y] alors que le salarié ne justifiait ni du niveau de formation, ni de l'expérience professionnelle requise en cuisine pour bénéficier de cette classification, qu'il n'était pas chef de cuisine ni le seul responsable de l'ensemble de l'activité de restauration, proposant une carte sur les instructions et le contrôle de son employeur qui choisissait les fournisseurs et contrôlait l'intervention de son salarié; qu'un contrôle du service sécurité sanitaire de l'alimentation de la préfecture en juillet 2016 a révélé des manquements aux règles d'hygiène qu'au surplus, le salarié a été rémunéré à un niveau supérieur au minimum conventionnel de la classification revendiquée après prise en compte du salaire de base, des primes de résultat et des avantages en nature, à l'exception de quatre mois représentant un différentiel minime de l'ordre de 295.85 euros brut pour cette période.
M.[Y] soutient à l'inverse que ses fonctions effectives correspondaient à un poste de Chef de cuisine relevant d'une classification d'Agent de Maîtrise niveau IV échelon 1, qu'il avait exercé des fonctions diversifiées en tant que cuisinier, chef de rang et gérant d'un établissement de restauration lui permettant de revendiquer une telle classification.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle supérieure dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure dans le cadre de ses fonctions, des tâches et des responsabilités relevant de la classification revendiquée.
La convention collective nationale hôtel- café- restaurant définit :
- un emploi de niveau I échelon 2 comme employé comme exécutant des tâches simples mais variées, utilisant du matériel professionnel, bénéficiant d'un contrôle direct régulier, travaillant en conformité selon les consignes et les instructions reçues.
- un emploi de niveau IV échelon 1 comme exigeant un niveau BTS ou bac, acquis par voie scolaire, formation interne équivalente ou une expérience confirmée et réussie, ainsi que des connaissances définies et vérifiées en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. L'activité est contrôlée de manière discontinue mais nécessite d'en rendre compte dès la décision prise. Le salarié effectue des choix entre un nombre limité de modes d'exécution et de succession d'opérations, utilise des produits, des moyens, et des méthodes nombreuses et complexes.
Il résulte des pièces produites et notamment de son curriculum vitae
( pièce 21) que M.[Y] était titulaire d'un CAP /BEP hôtellerie restauration option cuisine et d'un niveau Bac Professionnel Art de la table, et bénéficiait d'expériences professionnelles diversifiées en tant que chef de cuisine, chef de rang, gérant de brasserie et de restaurant ; que son emploi au sein de la Maison de la marine consistait à travailler seul en cuisine, ou avec des aides ponctuelles en cas de week end très chargés ou des repas de groupe, de décider des plats, de les préparer et de gérer les approvisionnements. Le fait que l'employeur dont le siège social est fixé à [Localité 7] fixe les tarifs des repas, ne remet pas en cause la relative autonomie dont disposait le salarié dans l'exécution de ses tâches. De même, les conclusions du rapport de l'inspection préfectorale menée dans le restaurant le 23 septembre 2016, s'agissant d'un ' Re contrôle' effectué à la suite d'une mise en demeure du 13 juillet 2016 ( pièce 31), concluant à de très nettes améliorations des conditions de fonctionnement, ne permettent pas de remettre en cause les connaissances exigées en matière d'hygiène et de sécurité dont le salarié bénéficiait du fait de sa formation et de son expérience professionnelle et de s'opposer à une classification de niveau IV au moment de son embauche le 1er mars 2016.
C'est donc pour des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu une classification supérieure de niveau IV échelon 1 pour M.[Y], au regard des fonctions réellement exercées et de son degré d'autonomie au sens des textes conventionnels
En l'absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum conventionnel.
En l'espèce, le salaire de référence de M.[Y] est composé, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, du salaire de base et des compléments de rémunération tels que les avantages en nature et les primes de résultat.
Au regard du salaire conventionnel minimum (1 671.40 euros brut par mois puis 1 688.09 euros en septembre 2017) fixé pour un salarié classifié niveau IV échelon 1, et au vu des bulletins de salaires et du tableau établi par l'employeur (page 14 conclusions) et non contesté par le salarié, il convient de constater que M.[Y] a perçu un salaire inférieur au minimum conventionnel durant les mois de juillet 2016,septembre 2017, octobre 2017 et novembre 2017, représentant une somme cumulée de 295.85 euros brut, outre les congés payés y afférents de 29.58 euros.
Il sera donc fait droit à la demande de rappel de salaires lié à la nouvelle classification conventionnelle mais dans la limite de 295.85 euros brut, outre les congés payés y afférents de 29.58 euros. Le jugement sera donc infirmé seulement sur le quantum du rappel de salaire.
Sur les primes de commentaires et de reporting
M.[Y] maintient sa demande en paiement de la somme de 3 050 euros brut pour les primes de commentaires non versées outre 305 euros pour les congés payés, en considérant que l'ensemble des commentaires était positif pour les périodes trimestrielles de référence entre septembre 2016 et novembre 2017.
L'employeur s'y oppose et demande la confirmation du jugement sur ce point au motif que les primes de commentaires contractuelles étaient soumises à la qualité des commentaires déposés sur les sites de réservation et due si ' l'ensemble des commentaires déposés sur les sites de réservation sont favorables' chaque trimestre; que le versement des primes était soumis à la condition que 'l'ensemble' des commentaires sur les sites de réservation soit favorable; qu'en pratique, les primes plafonnées à 1000 et 1250 euros par trimestre ont été pondérées.
Les contrats de travail conclus le 1er mars 2016 et le 5 septembre 2016 prévoyaient le versement au profit du salarié d'une prime trimestrielle dite de commentaires si ' l'ensemble des commentaires déposés sur les sites de réservation sont favorables', correspondant à 500 euros brut pour la période de mars à août 2016, de 1 000 euros brut pour la période de septembre 2016 à mai 2016 et de 1250 euros pour la période de juin à août 2017.
Il est constant que M.[Y] a bien perçu une prime trimestrielle de 500 euros pour septembre -novembre 2016, de 750 euros pour décembre 2016- février 2017, de 700 euros pour mars -mai 2017, de 250 euros pour juin - août 2017 et aucune prime en septembre - novembre 2017.
Aucune prime contractuelle n'étant fixée pour la période au-delà du 1er septembre 2017, M.[Y] n'est pas fondé à réclamer une prime de commentaires pour le trimestre septembre-novembre 2017.
Pour la période antérieure au 1er septembre 2017, force est de constater que les modalités de versement des primes trimestrielles ne sont pas définies dans le contrat de travail en l'absence de désignation des sites de réservation de référence. La notion de ' commentaire favorable' des clients, figurant dans le contrat de travail, manque par ailleurs de précision dès lors que l'établissement exerce une double activité de restauration et d'hôtellerie avec petit déjeuner.
L'appelante fournit aux débats :
- un tableau récapitulant les notes moyennes obtenues et le nombre de commentaires sur les sites de réservation (La fourchette et Trip advisor restaurant et hôtel, booking ) durant la période concernée ( pièce 15)
- son courriel du 2 juin 2017 ( pièce 16) transmis au salarié pour expliciter les critères l'ayant déterminé à lui octroyer 70 % de la prime trimestrielle de mars à mai 2017 sur la base des nouveaux commentaires figurant sur les sites de réservation (La fourchette et Trip advisor, booking).
- une sélection de quelques commentaires, mauvais ou mitigés, de clients durant la période concernée de plus de 20 mois d'activité (mars 2016 à novembre 2017 / pièce 15). Les doléances des clients concernent majoritairement l'hôtellerie, s'agissant du confort, du décor jugé austère de l'établissement, de son tarif élevé sur lesquels le salarié ne disposait d'aucun pouvoir décisionnaire ainsi que le délai d'attente au restaurant alors que le chef était seul en cuisine.
A la lecture du tableau récapitulatif ( pièce 15), force est de constater que l'employeur retient comme critère essentiel dans l'évaluation de la prime, la fluctuation de la moyenne des notes attribuées par les clients de l'établissement sur les trois sites de réservation sans qu'il soit pris en compte le critère figurant dans le contrat de travail à savoir les commentaires ' favorables' attachés à l'activité de la restauration. Ainsi, l'employeur justifie le versement d'une prime trimestrielle de 250 euros, limitée à 20 % de la prime prévue de 1250 euros pour le trimestre juin-août 2017, alors que l'activité de l'établissement était au plus haut ( chiffre d'affaires 102 616 euros) et que les commentaires étaient très favorables sur le site La Fourchette ( en moyenne 9,5 sur 10 commentaires ), en raison de la baisse de la note, pourtant positive, du site Booking par rapport au trimestre précédent (8 au lieu de 8,5), et de la baisse de la note Trip advisor (3,7 au lieu de 4,5). Il ajoute à son appréciation le critère du nombre, jugé insuffisant, des commentaires en période haute sans que ce critère soit mentionné dans le contrat de travail.
Au regard des commentaires positifs voire très positifs, fournis par le salarié sur les sites de réservation durant la période concernée contredisant les avis transmis par l'employeur, il convient en l'absence de critères préétablis d'attribution des primes de commentaires, d'allouer au salarié une prime trimestrielle sur la base de 75 % euros précédemment obtenue, ce qui représente un rappel de primes de 987,50 euros outre 98,75 euros pour les congés payés y afférents, par voie d'infirmation du jugement.
Sur les heures supplémentaires
La société [H] [S] Conseils demande l'infirmation du jugement qui a fait droit à l'intégralité des rappels de salaires pour heures supplémentaires de M.[Y], alors que le salarié n'avait jamais prétendu avoir effectué des heures supplémentaires durant la relation de travail, ni évoqué une éventuelle charge de travail durant les contacts hebdomadaires téléphoniques avec la comptable ou la DRH de la société, que les tableaux produits pour les besoins de la cause par le salarié font mention d'horaires de travail excessifs, voire incohérents avec l'activité de l'établissement et les données transmises par lui durant l'exécution du contrat de travail.
M. [Y] maintient sa demande en paiement de la somme de 30 245.37 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées en rappelant qu'il assurait deux services en restauration durant les jours d'ouverture, passant de 5 jours à 7 jours en période d'été dans la station balnéaire, que ses tâches étaient nombreuses, outre le service des repas, entre l'approvisionnement, la préparation et le nettoyage de la cuisine et de la salle; qu'il a procédé au relevé de ses heures réalisées au quotidien faute pour la société de lui communiquer une plage horaire ou de mettre en place un système de décompte du temps de travail; que son temps de présence et de préparation est indépendant du nombre de clients servis et ne peut pas être invoqué utilement par la société pour considérer que son temps de travail était limité. Il affirme enfin avoir assumé souvent seul la charge de travail, à l'exception d'une aide ponctuelle avec des extras ou des apprentis pour certains week-end très chargés au mois de mai ou des repas de groupe. Ce n'est qu'à compter du mois d'août 2017 qu'il a obtenu le recrutement d'un commis de cuisine confirmé
( M.[R]).
La preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, M. [Y] produit :
- ses bulletins de salaire sur la base de 151h40 chaque mois, sans aucune rémunération d'heures supplémentaires, entre le 1er mars 2016 et le mois de décembre 2017.
- les plannings d'ouverture du restaurant transmis par l'employeur( pièces 11 et 12) aux termes desquels le salarié devait assurer les services du mercredi au dimanche en période basse, du mardi au dimanche en période moyenne,du lundi au dimanche durant les périodes de congés d'été, des vacances scolaires et des 'ponts' avec jour férié.
- des tableaux récapitulant les heures de travail, un chaque mois, entre le 1er mars 2016 et le 15 décembre 2015 ( pièce 14) faisant apparaître des semaines excédant régulièrement 42 heures entre le mercredi et le dimanche, voire 70 heures durant l'été 2017 entre le mardi et le dimanche. Ils font mention des périodes de congés pris ( 4 semaines en janvier 2017 et 1 semaine en juin 2017) et des périodes d'ouverture les lundis
( par exemple 16 mai 2016, 13 juin 2016, en juillet et août, les 24 , 31 octobre 2016, les 19 et 26 décembre 2016, ..).
- le détail du nombre d'heures supplémentaires réalisées et non réalisées, de 759,51 heures durant la première période en CDD ( mars 2016-août 2016), de 440,997 heures en CDI entre septembre et décembre 2016, et de 1 544,18 heures au titre de l'année 2017.
- des commentaires très positifs de clients durant la période concernée et des appréciations élogieuses dans le Point et L'Express en juillet 2017 ( 'En reprenant en mars 2016 la maison de la Marine, qui avait connu une baisse de régime et des chefs successifs, le chef [N] [Y] et son épouse ont redonné son éclat à cette belle demeure de charme... cuisine créative, audacieuse et généreuse.')
Ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments et ainsi justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié.
Alors que le contrat de travail le prévoyait de manière expresse, l'employeur ne justifie pas de l'envoi au salarié de la transmission des horaires prévisionnels, 15 jours à l'avance. Au-delà des incohérences prétendues dans le tableau, l'employeur soutient que les horaires de travail sont invraisemblables et incohérents avec le nombre de couverts servis au restaurant ( tableau pièce 10)
mais ne produit aucun décompte des horaires du salarié. Il ne conteste pas avoir transmis au salarié les plannings d'ouverture du restaurant sur la base de 5 à 6 jours par semaine voire tous les jours de la semaine en saison haute, ce qui impliquait nécessairement la réalisation par M.[Y] d'heures de travail excédant les 35 heures hebdomadaires rémunérées. Les premiers juges ont considéré à juste titre que le travail d'approvisionnement, de mise en place de la salle, de préparation des repas et de rangement que le salarié devait assurer souvent seul à l'exception de périodes ponctuelles au cours desquelles il bénéficiait de l'aide d'un salarié en extra à temps partiel en cuisine ou en salle, est indépendant du nombre de repas effectivement servis. Le fait que M.[Y] n'ait présenté durant l'exécution du contrat de travail aucune demande à ce titre n'est pas pertinent sur le quantum des heures supplémentaires effectuées. Enfin, le registre du personnel et les bulletins de salaire des salariés recrutés à titre temporaire et à temps partiel confirment la version du salarié quant à sa charge excessive de travail pour assurer seul les services du restaurant avec des aides ponctuelles avec des apprentis et du personnel peu qualifié avant l'arrivée le 10 août 2017 de M.[R], commis de cuisine confirmé.
Dans ces conditions, il est justifié de faire droit à la demande de M. [Y] qui présente un décompte précis et cohérent faisant ressortir sur l'ensemble de la période considérée, la réalisation d'heures supplémentaires au taux majoré de 25% et de 50%, représentant un rappel de salaire d'un montant total de 30 245,37 euros brut, et de 3 024,53 euros au titre des congés payés y afférents, par voie de confirmation du jugement.
Sur la requalification de la démission en prise d'acte
La société [H] [S] Conseils conclut à l'infirmation du jugement ayant retenu la requalification de la démission du salarié en prise d'acte aux torts de l'employeur alors que M.[Y] n'a jamais évoqué au préalable avant son départ les difficultés sur sa classification, sa charge de travail et le paiement d'heures supplémentaires, que , dans le cadre de la modulation de temps de travail, les périodes d'activité plus soutenues étaient compensées par des périodes plus calmes, que son volume d'heures déclarées est incompatible avec ses déclarations d'activité ; que les faits invoqués ne figurent pas tous dans la lettre de démission, que le non-paiement des primes de résultat ne constitue pas un grief sérieux alors que le salarié a été débouté de cette demande dont il n'a pas interjeté appel, que le salarié a bénéficié des droits à congés au titre de l'année 2017 (4 semaines en janvier et 1 semaine en juin) et ne peut pas s'en plaindre.
M.[Y] rappelle que son courrier de démission comprenait des réserves quant au comportement adopté par son employeur et il maintient qu'il a dû quitter son emploi en raison des manquements graves de son employeur au regard de l'absence de paiement des heures supplémentaires, de l'application d'une qualification inférieure à celle des fonctions réellement exercées
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste la volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail. Le caractère clair et non équivoque de la démission peut être remis en cause lorsque le salarié invoque des manquements de l'employeur de nature à rendre équivoque sa démission soit lorsqu'elle est assortie de réserves soit a posteriori lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à la quelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque.
A l'appui de la demande de requalification de sa démission en prise d'acte, M. [Y] invoque des manquements suffisamment graves de son employeur à l'origine de son départ de l'entreprise dans son courrier explicite daté du 29 novembre 2017 à savoir le non-paiement des heures supplémentaires réalisées, sa charge excessive de travail et l'impossibilité de se faire remplacer pour faire valoir ses droits à congés. Il complète ses griefs par l'absence de reconnaissance d'une classification supérieure conforme aux fonctions réellement exercées et par le non-paiement des primes de résultat.
Il résulte des pièces produites que l'employeur ne communiquait pas au moins 15 jours à l'avance au salarié rémunéré sur une base hebdomadaire de 35 heures de travail, ses horaires prévisionnels et ce en méconnaissance de son engagement contractuel. Contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante, la preuve n'est pas rapportée que le salarié était soumis à une modulation du temps de travail, en l'absence de transmission par l'employeur des plannings comportant les aménagements des horaires de travail en fonction des périodes de référence. Alors que l'employeur lui imposait les périodes d'ouverture de l'établissement notamment tous les jours de la semaine en période d'été et durant les week-ends prolongés, la société [H] [S] n'a pas cherché à évaluer la charge de travail du salarié de sorte que M.[Y] était contraint de travailler de manière continue pour assurer le service en cuisine en haute saison sans pouvoir prétendre à un repos compensateur. L'absence de paiement des heures supplémentaires régulièrement effectuées et le non-respect du repos hebdomadaire constituent des manquements suffisamment graves de la part de l'employeur, ne permettant plus la poursuite de la relation contractuelle. Ils rendaient justifiée la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par M. [Y], laquelle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie de confirmation du jugement.
Il convient en conséquence d'indemniser le salarié, justifiant d'une ancienneté de 22 mois et d'un salaire moyen de 1 688,09 euros brut par mois, des conséquences de la rupture, par voie de confirmation du jugement :
- au titre de l'indemnité légale de licenciement : 773,71 euros,
- au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis : 844,04 euros brut outre 84,40 euros de congés payés y afférents,
- au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3 376,18 euros net en application de l'article L 1234-5 du code du travail et du plafonnement de l'indemnisation à deux mois de salaire.
Sur le travail dissimulé
L'article L 8221-5 du code du travail dispose : est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :(..)2°- de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Selon l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
Il est établi au vu des circonstances de la cause et des éléments produits que l'employeur a intentionnellement omis de mentionner sur le bulletin de salaire de M. [Y] les nombreuses heures supplémentaires dont il vient d'obtenir la condamnation au paiement.
Ce caractère intentionnel ressort suffisamment de l'importance du nombre d'heures de travail dissimulées au cours des années 2016 et 2017 et de la persistance de cette dissimulation dans le temps.
Eu égard aux développements qui précédent, l'intention de dissimulation de l'employeur est avérée au regard de l'importance du nombre d'heures de travail dissimulées au cours la période ( 22 mois) et de la persistance de cette dissimulation dans le temps puisqu'était mise en place au sein de l'entreprise, une organisation ayant pour objet de prévoir les jours d'ouverture du restaurant sans procéder au décompte des horaires du salarié seul en charge des deux services quotidiens au sein du restaurant.
Il sera fait droit à la demande en paiement de l'indemnité de 10 128,54 euros dont le montant qui n'est pas contesté a été exactement calculé en l'état des pièces produites en application de l'article L 8223-1 du code du travail. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les autres demandes et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes à la décision.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M.[Y] les frais non compris dans les dépens en cause d'appel. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
L'employeur qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Infirme le jugement entrepris seulement en ses dispositions relatives au rappel de salaire lié à la nouvelle classification, au rappel de primes de commentaires et à l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
- Confirme les autres dispositions du jugement .
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- Condamne la Sarl [H] [S] Conseil à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
- 987,50 euros brut au titre du rappel de primes de commentaires,
- 98,75 euros pour les congés payés y afférents,
- 295.85 euros brut au titre du rappel de salaire lié à la nouvelle classification conventionnelle,
- 29,58 euros pour les congés payés y afférents,
- 10 128,54 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
- 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2018- date à la quelle l'employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation- pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.
- Ordonne à la société [H] [S] Conseil de délivrer à M. [Y] les documents de fin de contrat conformes aux dispositions du présent arrêt.
- Déboute la société [H] [S] Conseil de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société [H] [S] Conseil aux dépens de l'appel.
Le Greffier Le Président