7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°536/2022
N° RG 19/02457 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV6Z
M. [K] [X]
C/
SAS SEPTODONT SAS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Octobre 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [V], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 24 Novembre 2022
****
APPELANT :
Monsieur [K] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Elsa DIETENBECK de la SCP HUCHET - DIETENBECK, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SEPTODONT SAS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sonia HERPIN - ZGAOULA de la SARL HERPIN-ZGAOULA AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [K] [X] a été embauché par la SAS Septodont selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 02 mai 2014. Il exerçait les fonctions de contrôleur financier.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
Le 12 mai 2014, M. [X] signait un avenant à son contrat prévoyant un détachement auprès de la filiale indienne de la société. La mission était prévue pour une durée de cinq ans et il devait exercer les fonctions de Directeur financier et business opérations.
Par courrier remis en main propre en date du 25 août 2016, M. [X] était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 1er septembre suivant.
Par courrier recommandé en date du 06 septembre 2016, la société Septodont notifiait à M. [X] son licenciement pour insuffisance professionnelle, l'employeur lui reprochant une mauvaise qualité dans les informations financières produites, des carences au niveau de la gestion de ses responsabilités ainsi que le non respect de règles éthiques et de règles de 'reporting'.
***
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes le 29 mars 2017 et a formé les demandes suivantes :
- Dire et juger que 1'avenant de détachement signé le 12 mai 2014 est un contrat à durée déterminée à terme précis
- Subsidiairement, qu'il est assorti d'une clause de garantie d'emploi
-condamner la société employeur à lui payer les sommes de :
- 407.526 euros en réparation de son préjudice consécutif à la résiliation de l'avenant de détachement signé le 12 mai 2014
- 200.00 euros en réparation de son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 70.000 euros à titre d'indemnité pour comportement fautif de l'employeur consistant en une rupture brutale et vexatoire du contrat de travail
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
La SAS Septodont a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Dire et juger que la moyenne de rémunération de M. [X] est de 6343,75€ bruts
- Dire et juger qu'il était uniquement lié par un contrat de travail avec la société Septodont
- Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes
- Article 700 du code de procédure civile : 4 000,00 Euros
Par jugement en date du 1er avril 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a statué ainsi qu'il suit :
'- Dit que le licenciement est régulier,
- Déboute M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- Laisse les dépens à la charge des parties.'
***
M. [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 10 avril 2019.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 24 janvier 2022, M. [X] demande à la cour de :
- Rejeter comme irrecevable ou subsidiairement mal fondée, la demande de la Société Septodont visant à ce que la Cour se déclare non-saisie des demandes de Monsieur [X] ;
- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
' Dit que le licenciement est régulier ;
' Débouté Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
' Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' Débouté Monsieur [X] du surplus de ses demandes ;
Et statuant à nouveau,
- Qualifier l'avenant de détachement de Monsieur [X] auprès de la Société Septodont Healthcare India Pvt. Ltd signé le 12 mai 2014 en contrat à durée déterminée à terme précis ;
- Qualifier subsidiairement l'avenant de détachement de Monsieur [X] auprès de la Société Septodont Healthcare India Pvt. Ltd signé le 12 mai 2014 en avenant au contrat de travail assorti d'une clause de garantie d'emploi ;
- Déclarer abusive de la résiliation de l'avenant de détachement de Monsieur [X] auprès de
la Société Septodont Healthcare India Pvt. Ltd signé le 12 mai 2014 ;
- Déclarer que la Société Septodont SAS a manqué à son obligation de réintégration du salarié dans son emploi ou dans un emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions ; - Déclarer que la résiliation du contrat de travail signé entre Monsieur [X] et la Société Septodont SAS est dépourvue de tout motif ;
- Constater l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur [X] de la Société Septodont SAS ;
En conséquence,
- Condamner la Société Septodont SAS à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes :
' 399 661,12 euros en réparation de son préjudice consécutif à la résiliation de l'avenant de détachement signé le 12 mai 2014 ;
' 200 000 euros en réparation de son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse de la Société Septodont SAS ;
' 70 000 euros à titre d'indemnités pour comportement fautif de l'employeur consistant en une rupture brutale et vexatoire du contrat de travail ;
' 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Débouter la Société Septodont de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 08 février 2022, la SAS Septodont demande à la cour de :
- Se déclarer non saisie des demandes : de qualification du contrat à durée déterminée et de l'avenant, de reconnaissance de la clause de garantie d'emploi, au titre du caractère abusif de la résiliation de l'avenant, en manquement à l'obligation de réintégration, au titre de l'absence de motif de la résiliation du contrat, en condamnation au titre du préjudice consécutif à la résiliation de l'avenant de détachement, en condamnation au titre du préjudice consécutif au licenciement sans cause réelle et sérieuse, en condamnation au paiement des indemnités pour comportement fautif de l'employeur consistant en une rupture brutale et vexatoire du contrat de travail, en condamnation au titre des frais irrépétibles en ce qu'ils incluent les frais irrépétibles de première instance,
Et donc de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté ces demandes,
Subsidiairement,
- Fixer la moyenne de rémunération de Monsieur [X] à 6.343,75 euros bruts ;
- Dire et juger que Monsieur [X] était uniquement lié par un contrat de travail avec la société Septodont
- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [X] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- Confirmer l'intégralité du jugement du 1 er avril 2019 du conseil de prud'hommes de Rennes et
- Débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes tant dans leur principe que dans leur quantum ;
A titre subsidiaire, concernant la clause rupture de l'avant de détachement conclu le 12 mai 2014,
- Si par extraordinaire, la cour considérait que la société ne pouvait pas rompre l'avant de détachement avant la fin du délai de 5 ans, il est demandé à Cour de constater que cette clause constitue une clause pénale et qu'il conviendra d'en réduire le quantum,
- A titre infiniment subsidiaire, si la Cour ne retenait pas la qualification de clause pénale, il est demandé de retenir un montant de 179.875,97 euros en réparation de la résiliation de l'avenant de détachement avant le délai de 5 ans ;
En tout état de cause,
- Condamner Monsieur [X] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux entiers dépens.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 10 février 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 14 février 2022.
Par arrêt du 3 mars 2022, la cour a, avec l'accord des parties, ordonné une mesure de médiation et une réouverture des débats à l'audience colégiale du 4 octobre 2022.
Les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes
La société Septodont fait valoir in limine litis que la déclaration d'appel de M. [X], qui vise comme chefs expressément visés :
-dit que le licenciement est régulier,
-déboute M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
-déboute les parties du surplus de leurs demandes,
-laisse les dépens à la charge des parties,
n'opère, en application des articles 901 du code de procédure civile et 562 du code de procédure civile, pas de dévolution à la cour des dispositions non expressément visées, soit la qualification du contrat et de l'avenant, la reconnaissance de la clause de la garantie d'emploi et la rupture abusive de cette clause, le manquement à l'obligation de réintégration, l'absence de motif de la résiliation du contrat, les dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire.
Elle soutient qu'en conséquence l'appelant ne peut conclure que des chefs du licenciement et des dépens, sans pouvoir émettre de prétentions, au regard de l'effet dévolutif fixé par l'acte d'appel, de sorte que la cour, compétente pour statuer sur l'irrecevabilité contrairement à ce que soutient l'appelant, ne pourra que confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté ses demandes relatives aux chefs dont elle n'est pas saisie.
M. [X] réplique :
-que l'article 914 du code de procédure civile donne compétence exclusive au conseiller de la mise en état pour trancher toute demande ayant trait à la recevabilité de l'appel, de sorte que cette compétence échappe à la cour,
-qu'à supposer que la cour se considère compétente sur ce point, elle ne pourra qu'écarter l'irrecevabilité et constater la parfaite régularité de la déclaration d'appel, car l'effet dévolutif de l'appel ne porte que sur les points tranchés par le juge de première instance, qui énonce sa décision sous forme de dispositif,
de sorte que la notion de chefs du jugement au sens des dispositions de l'article 901 du code de procédure civile et de la circulaire du 4 août 2017 portant application du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 correspond aux points tranchés dans le dispositif, les chefs du jugement critiqué ne se confondant pas avec les prétentions.
***
En application des articles L311-5 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la formation collégiale a le pouvoir de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis par l'article 914 du code de procédure civile.
En application de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit contenir les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, alors que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et que l'objet du litige n'est pas indivisible, l'appelant a simplement repris dans sa déclaration d'appel le dispositif du jugement, qui le déboute de l'ensemble de ses prétentions sans préciser expressément les chefs de demande ainsi rejetés, et n'a pas précisé dans sa déclaration d'appel les chefs de demande rejetés qu'il critique expressément, excepté les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui font l'objet d'une mention spécifique dans le jugement relativement au chef de demande.
C'est donc à bon droit que l'intimé fait valoir que l'effet dévolutif n'a pas opéré, excepté sur les chefs relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens.
La cour ne peut en conséquence que se déclarer non saisie des chefs de demande rejetés par les premiers juges ne faisant pas l'objet d'une critique expresse, en l'occurrence :
-la qualification du contrat et de l'avenant,
-la reconnaissance de la clause de la garantie d'emploi et la rupture abusive de cette clause,
- le manquement à l'obligation de réintégration,
- l'absence de motif de la résiliation du contrat,
-les dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire.
N'étant pas saisie, la cour ne peut, sans excès de pouvoir, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ces demandes.
Le dispositif du jugement précise que le licenciement est 'régulier'mais le conseil de prud'hommes n'était saisi d'aucune demande tendant à contester la régularité du licenciement, dont seul le bien fondé était contesté, de plus la cour n'est pas saisie d'un appel relatif au reet de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'elle n'est saisie d'aucune discussion ni demande relative au licenciement.
L'équité et la situation respective des parties ne justifient pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en cause d'appel que pour la procédure de première instance.
Le jugement sera donc confirmé en sa disposition relative aux frais irrépétibles.
Il sera confirmé également en sa disposition relative aux dépens, qui ne fait l'objet d'aucune critique motivée.
M. [X], partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Se déclare non saisie des demandes relatives à :
-la qualification du contrat et de l'avenant,
-la reconnaissance de la clause de la garantie d'emploi et la rupture abusive de cette clause,
- le manquement à l'obligation de réintégration,
- l'absence de motif de la résiliation du contrat,
-les dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,
Déboute la Sas Septodont de sa demande de confirmation du jugement sur ces chefs,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a laissé à chacune des parties ses dépens de première instance,
Y Ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne M. [K] [X] aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président