La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°19/05452

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 07 décembre 2022, 19/05452


5ème Chambre





ARRÊT N°366-



N° RG 19/05452 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QA3U













SARL LE HAVANE



C/



SCI CRIREN



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,





GREFFIER :
...

5ème Chambre

ARRÊT N°366-

N° RG 19/05452 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QA3U

SARL LE HAVANE

C/

SCI CRIREN

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL LE HAVANE RCS RENNES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume BROUILLET de la SCP AVOCATS LIBERTÉ GLON-GOBBE- BROUILLET-AUBRY-TESSIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SCI CRIREN immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 313 256 463, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laurence CADENAT de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

La SCl Criren a, selon acte sous seing privé en date du 28 mars 2013, donné à bail à la SARL Le Havane, en renouvellement d'un précédent bail, divers locaux commerciaux situés à [Localité 3], centre commercial les trois soleils [Adresse 2], au niveau rez-de-chaussée dalle (niveau 0), partie des lots 45, 46 et 47 de l'état descriptif de division, représentant une surface de 173 m², aménagés à usage de restaurant.

Suivant exploit d'huissier en date du 29 avril 2015, la SCI Criren a délivré à la SARL Le Havane un congé à effet du 31 octobre 2015 portant refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction.

Suivant ordonnance en date du 17 mars 2016, le juge des référés a commis M. [U] en qualité d'expert, lequel par ordonnance du 21 juin 2016, a été remplacé par M. [V].

M. [V] a déposé son rapport le 2 juin 2017.

Par jugement en date 5 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :

- fixé le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 245 000 euros,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2015 et jusqu'à restitution des lieux à la somme annuelle de 53 360 euros HT charges incluses,

- fixé à 27 500 euros le montant de l'indemnité due pour frais de licenciement de deux salariés,

- ordonné la compensation entre les sommes dues au titre de l'indemnité d'éviction et les sommes dues au titre des indemnités d'occupation,

- condamné la SCI Criren à verser à la société SARL Le Havane la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL Le Havane du surplus de sa demande,

- condamné la SCI Criren aux entiers dépens.

Le 8 août 2019, la SARL Le Havane a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 4 novembre 2019, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la valeur du droit au bail soit la somme de 480 000 euros,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle à la somme de 53 000 euros HT, charges inclues,

- fixer le montant des indemnités accessoires comme suit :

* 48 000 euros au titre de l'indemnité de remploi

* 7 000 euros au titre du trouble commercial

- débouter la SCI Criren de toute demande contraire

- confirmer le jugement pour le surplus

- condamner en cause d'appel la SCI Criren au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2020, la SCI Criren demande à la cour de :

- débouter la société Le Havane de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 5 juillet 2019 en ce qu'il a :

* ordonné la compensation entre les sommes dues au titre de l'indemnité d'éviction et les sommes dues au titre des indemnités d'occupation,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 5 juillet 2019 en ce qu'il a :

* fixé le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 245 000 euros,

* fixé le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2015 et jusqu'à restitution des lieux à la somme annuelle de 53 360 euros HT charges incluses,

* fixé à 27 500 euros le montant de l'indemnité due pour frais de licenciement de deux salariés,

* condamné la SCI Criren à verser à la société Le Havane la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la SCI Criren aux entiers dépens,

Et statuant à nouveau,

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 115 000 euros et dire et juger que cette indemnité devra être versée entre les mains du séquestre qu'il plaira à la cour de désigner,

- dire n'y avoir lieu au versement d'indemnités accessoires,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er novembre 2015 et jusqu'à restitution des lieux à la somme annuelle de 53 360 euros HT hors charges,

En tout état de cause,

- condamner la société Le Havane à payer à la SCI Criren la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Havane en tous les dépens et allouer à la société CVS (maître Benoît Bommelaer), SELARL d'Avocats Interbarreaux (Nantes-Paris-Rennes-Lille), le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'indemnité d'éviction

La SARL Le Havane rappelle qu'elle exploite un bar-restaurant donné à bail depuis 1988 et indique que le congé a été délivré dans le cadre d'un projet de rénovation d'envergure du centre commercial les trois soleils à [Localité 3]. Elle critique la description de l'établissement faite par l'expert judiciaire au motif que l'expert n'a pas pris en compte les deux accès pour rentrer dans l'établissement alors que son emplacement est favorable pour capter une clientèle de passage et affirme que sa description de l'établissement est subjective.

S'agissant de la valeur du fonds de commerce, elle indique que le jugement a commis une erreur de calcul en reprenant la valeur de l'expert de 240 000 euros selon la méthode de valorisation du chiffre d'affaires alors qu'il avait retenu une valeur de 290 000 euros.

S'agissant des trois méthodes utilisées par l'expert pour déterminer la valeur du fonds de commerce, l'appelante sollicite que soit retenue la méthode par comparaison directe en retenant la valeur des commerces situés [Adresse 8] et [Adresse 7] et du restaurant 'mezzo di pasta' devenu 'big fernand' situé en face de son établissement et en retenant les chiffres 'grandes villes', ce qui aboutit à une valeur de l'indemnité d'éviction de remplacement par rapport à la valeur du fonds de commerce de 332 310 euros.

La SARL Le Havane soutient que la valeur du droit au bail est supérieure à celle-ci en ce qu'elle l'évalue à la somme de 480 000 euros au vu de la moyenne déterminée à partir des deux méthodes d'évaluation qu'elle propose :

- avec la méthode du droit au bail par comparaison directe, elle soutient que la surface pondérée des locaux de l'établissement Le Havane doit être retenue à hauteur de 163,5m2 ainsi que les valeurs locatives des commerces situés à proximité compris en moyenne entre 2 500 et 3 000 euros/m2 pondéré et notamment celle du magasin Morgan qu'elle produit en cause d'appel. Elle en déduit que la valeur du droit au bail s'élève à 450 000 euros avec la méthode par comparaison au mètre carré ( 163,5m2 x 2 750 euros)

- avec la méthode du différentiel de loyer, elle propose de retenir un prix unitaire de 800 euros soit pour la surface pondérée de 163,5m2 x 800 = 131 000 euros arrondi pour la valeur locative sans pas de porte et un loyer de renovellement de 58 000 euros soit un différentiel de 73 000 euros. Elle demande de retenir un coefficient multiplicateur de 7 soit une valeur de droit au bail de 511 000 euros.

Elle en déduit une valeur de 480 000 euros en moyenne.

En réponse, la SCI Criren demande à la cour de réduire le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 115 000 euros correspondant à la valeur moyenne du fonds de commerce après application de la méthode du chiffre d'affaires et de la méthode de l'EBE. Elle demande de voir écarter la méthode par capacité d'emprunt retenue par le jugement au motif qu'elle est moins répandue et aboutit à un résultat de 270 000 euros sans commune mesure avec les deux autres méthodes.

Elle soutient que la valeur du droit au bail n'est pas supérieure à celle du fonds de commerce comme l'a retenu l'expert. Elle sollicite l'application de la méthode différentiel de loyer. Elle indique que les valeurs locatives produites par l'appelante ont été fixées avant 2008 et 2010 donc avant la crise économique actuelle et doivent être écartées. Elle estime la valeur locative à 52 320 euros HT HC par an en retenant une valeur locative maximum de 320 euros/m2 soit un différentiel de loyer entre la valeur locative de marché et le loyer de renouvellement de 8 476 euros auquel elle demande de voir appliquer un coefficient multiplicateur de 5 en raison de la situation sur la dalle dans une zone à commercialité mitigée soit une valeur du droit au bail de 46 618 euros inférieure à la valeur du fonds de commerce de 115 000 euros qu'elle propose.

Aux termes de l'article L.145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

L'indemnité d'éviction est égale au préjudice du preneur que lui cause le non renouvellement du bail. Elle est constituée d'une indemnité principale et d'indemnités accessoires.

L'expert a évalué l'indemnité principale à la somme de 245 000 euros.

- Sur l'indemnité principale.

Le bail précise que les locaux sont exclusivement destinés à usage de restaurant avec ou sans licence IV de débit de boissons. Il est constant que l'établissement dispose d'une licence IV et qu'une activité de bar est exercée. L'expert a considéré que l'activité devait être appréhendée dans sa globalité sans affecter un taux distinct au bar ou au restaurant suite à un dire du conseil du preneur précisant que le gérant M. [K] ne pouvait répartir les pourcentages des deux activités, la lecture des tickets de caisse n'étant pas techniquement réalisable. Ce point n'est pas contesté par les parties.

Le local commercial est situé dans le centre commercial les trois soleils composé de trois niveaux à usage commercial et trois niveaux à usage de bureaux à [Localité 3] à l'angle de la [Adresse 2] et du passage menant à la [Localité 4]. Le local se trouve au premier étage du centre commercial de la [Adresse 2] mais également au niveau rez de chaussée de la [Localité 4]. L'accès principal se fait par un escalier mais l'établissement est également accessible depuis la [Localité 4].

L'expert indique que le local représente une surface de 173 m2 actuellement aménagé à usage de restaurant en reprenant les termes du bail renouvelé sans autre précision. Il résulte du rapport amiable de M. [T], que le local comprend une grande salle de bar-restaurant d'environ 148m2, d'une réserve d'environ 8 m2, d'une cuisine d'environ 12m2, de toilettes d'environ 7m2 et d'un bureau d'environ 4m2 soit une surface totale d'environ 179m2. Les parties s'accordent sur une surface pondérée de 163,50m2.

L'établissement Le Havane est un bar - brasserie qui est ouvert du lundi au samedi et les jours fériés de 9H à 21H30. Il est exploité par son gérant M. [K] et deux salariés à temps plein. Il bénéficie d'une terrasse sur la voie publique.

La clientèle est locale et drainée par les deux centres commerciaux, les trois soleil et Colombia qui se situent à proximité. Le centre commercial est un lieu animé relié à une station de métro et caractérisé par un flux de piétons important. L'appelante justifie que la rénovation complète du quartier du Colombier est à l'ordre du jour et que le projet prend forme aussi bien sur la dalle que sur la partie façade du centre commercial des trois soleils.

L'établissement présente une parfaite visibilité depuis la [Localité 4] mais son accès principal se fait par un escalier alors que le piéton privilégie la circulation horizontale, l'accès par la [Localité 4] n'étant que secondaire et ne favorise pas une entrée spontanée.

L'expert a décrit la décoration comme obsolète et datée, sans identité, nécessitant une réhabilitation de l'ensemble du local, ce qui est attesté par les photographies jointes à son rapport. Il relève que le chiffre d'affaires est quasi stable sur les années 2014 à 2015 avec une légère baisse de 3,5%. Le chiffre d'affaires est moins important que celui des autres fonds de commerce cédés en raison de la quasi impossibilité d'ouvrir le soir (insécurité et quartier vide).

L'indemnité principale est égale à la valeur du fonds de commerce sans pouvoir être inférieure à la valeur du droit au bail des locaux.

* Sur le calcul de la valeur du fonds de commerce

Le preneur ne justifie pas plus devant la cour qu'en première instance qu'il envisage une réinstallation de sorte que l'indemnité doit se calculer en fonction de la valeur du droit au bail des locaux si celle-ci est supérieure à la valeur marchande du fonds de commerce, objet du bail.

L'expert a procédé à trois méthodes d'évaluation :

- Tout d'abord, il a procédé à une évaluation par valorisation du chiffre d'affaires :

L'expert a retenu un chiffre d'affaires moyen TTC de 291 500 euros. Le bailleur reproche à l'expert de ne pas avoir retenu la moyenne des chiffres d'affaires HT soit 262 038 euros mais l'expert a pris soin de préciser que le chiffre d'affaires TTC lui avait été communiqué. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'écarter ce chiffre d'affaire TTC. De même, le barème fiscal retenu par l'expert à 80% pour l'activité de restauration en province s'agissant de la fourchette haute (65 à 85% du chiffre annuel TTC) sera consacré comme voisin des médianes proposées par les différents indicateurs cités par l'expert et adapté à la taille de la ville de [Localité 3]. L'expert a conclu à une valeur arrondie de 230 000 euros (80% de 291 500 euros). Le jugement a retenu, à bon droit, que l'expert a correctement procédé à l'évaluation par cette méthode et n'a pas commis d'erreur de calcul contrairement à ce que soutient l'appelant.

- Ensuite, l'expert a procédé à une évaluation suivant l'excédent brut d'exploitation (EBE) :

L'EBE moyen sur les années 2014 à 2015 ressort à 12 200 euros auquel il convient d'appliquer un coefficient multiplicateur qui dépend des usages de la profession. L'expert a réintégré à bon droit le salaire de la direction chargé à 48 59 euros.

Il est souvent retenu un coefficient de 3 à 5 pour les petits commerces, de 4 à 7 pour les commerces moyens, de 6 à 8 pour les enseignes nationales et de 8 à 10 pour les commerces présentant une capacité bénéficiaire exceptionnelle. L'expert a retenu un taux de 5. Compte tenu des perspectives de développement en lien avec le projet de rénovation en cours du quartier même si le chiffre d'affaires a stagné, il convient de retenir un taux de 4 comme l'a fait le premier juge, soit une valeur arrondie de 240 000 euros.

- Enfin l'expert a procédé à une évaluation par capacité d'emprunt et a retenu une valeur de 270 000 euros. Le fait que cette méthode soit moins répandue ne justifie pas pour autant qu'elle soit écartée dans la mesure où, comme l'a relevé à juste titre le jugement entrepris, l'acquéreur du fonds s'interroge sur la question de l'amortissement et ne peut faire une offre qu'en fonction de la capacité qu'il va tirer de son exploitation pour assurer le remboursement de cette acquisition. De plus, le montant retenu n'est pas incohérent avec les résultats des autres méthodes d'évaluation de l'expert.

C'est, dès lors, à bon droit que le premier juge a retenu la valeur moyenne de ces trois évaluations tel que proposée par l'expert soit une valeur de 245 000 euros.

L'appelante demande à ce que la méthode de la comparaison soit retenue. Mais les valeurs de référence qu'elle produit s'agissant de vente de fonds [Adresse 6], [Adresse 5] et [Adresse 7] ne peuvent être retenues s'agissant du centre historique de [Localité 3] et celles de la [Adresse 8] présentent des conditions de commercialité plus favorables. Quant à la référence du commerce 'mezzo di pasta', si celle-ci se trouve en face de l'établissement Le Havane, il n'en demeure pas moins que sa superficie de 80m2 soit moins de la moitié de la superficie de l'établissement de l'appelante ne peut être retenue.

* Sur le calcul de la valeur du droit au bail

L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 163,50m2 sur laquelle les parties s'accordent, un prix moyen de loyer au mètre carré de 365 euros en se fondant sur trois références (un local commercial à usage de bar de la [Localité 4] et deux locaux commerciaux à usage de tabac sur la même dalle) soit un prix moyen proche de celui proposé par le preneur de 355 euros et un taux de rendement de 7% qui est adapté au vu de l'excellente situation du commerce. Il a estimé la valeur du droit au bail à 210 000 euros selon la méthode différentielle sur le prix de vente des locaux et à 120 000 euros selon la méthode différentielle sur le prix du loyer.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'expertise amiable de M. [T] ne peut être retenue en ce qu'elle fait état d'un loyer déplafonné de 58 000 euros mais également d'une valeur locative de 131 000 euros, ce qui apparaît contradictoire et fausse le calcul de la méthode différentielle sur le prix du loyer.

S'agissant de la valeur de référence, même si le prix de base de 450 euros proposée par le preneur ( au vu de la référence situé [Adresse 2] sans qu'il y ait lieu de l'actualiser à 480 euros comme le sollicite le preneur, la valeur de référence proposée (cession d'un magasin de vêtements) étant située directement sur la [Localité 4] soit un emplacement plus favorable) était retenu, la valeur du droit au bail selon la méthode différentielle sur le prix du loyer serait de 225 000 euros arrondi soit un montant inférieur à celui de la valeur du fonds de commerce de 245 000 euros qui a été retenue à bon droit par le jugement entrepris.

- Sur les indemnités accessoires

La SARL Le Havane sollicite que lui soit allouée une indemnité de remploi de 48 000 euros (10% de 480 000 euros) au motif que cette indemnité permet au preneur évincé de payer un fonds de remplacement de même valeur, sauf si le bailleur apporte la preuve de la volonté du preneur de ne pas se réinstaller.

Elle demande également une indemnité pour trouble commercial de 7 000 euros ( EBE moyen corrigé : 27 000 euros x 3 mois ).

Elle ne sollicite pas d'indemnité de déménagement, ni de frais de réinstallation et demande de confirmer le jugement qui lui a accordé une somme de 27 500 euros au titre des frais de licenciement du personnel.

La SCI Criren s'oppose à toutes indemnités accessoires. Elle fait valoir que l'indemnité de remploi n'est pas due de plein droit et est écartée lorsque le preneur ne se réinstalle pas. Elle indique que le preneur ne justifie pas de l'existence d'un trouble commercial en lien avec un déménagement et une réinstallation. Elle sollicite la réformation du jugement s'agissant des frais de licenciement au motif que le preneur n'en a pas justifié.

Aux termes de l'article L.145-14 alinéa 2 du code de commerce, l'indemnité d'éviction comprend éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

En l'espèce, l'expert a écarté ces indemnités accessoires en l'absence de projet de réinstallation du gérant de la SARL Le Havane dans un nouveau local.

L'appelante reconnaît aux termes de ses conclusions qu'elle n'envisage pas une réinstallation et qu'il 'n'y a pas de possibilité de réinstallation dans un autre local'. C'est dès lors, à bon droit, que le premier juge l'a déboutée de sa demande d'indemnité de remploi et de trouble commercial.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, il n'est pas contesté que la SARL Le Havane emploie deux salariés. Celle-ci produit des justificatifs sur le montant des indemnités de licenciement. Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité de licenciement à 27 500 euros.

- Sur l'indemnité d'occupation

La SARL Le Havane demande de confirmer le montant de 53 000 euros HT retenu par l'expert considérant que cette indemnité inclut l'ensemble des charges.

La SCI Criren sollicite de voir confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à 53 360 euros mais augmenté des charges, impôts et taxes dus en vertu du bail.

En application de l'article L 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction (comme dans le cas présent) ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

Cette indemnité d'occupation est due pour la période de cessation du bail jusqu'au jour de la libération des lieux, soit à compter du 1er novembre 2015 et jusqu'à restitution des lieux, elle est fixée par référence à la valeur locative.

Au visa de l'article L 145-33 du code de commerce, la valeur locative est déterminée d'après :

1° les caractéristiques du local considéré,

2° la destination des lieux,

3° les obligations respectives des parties,

4° les facteurs locaux de commercialité,

5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Selon l'article R 145-3 du même code, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,

2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les locaux,

3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,

5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

L'expert a indiqué que la valeur locative est de 58 000 euros HT/HC par an en rappelant que cette somme inclut les charges locatives et le remboursement des impôts fonciers correspondant actuellement à un supplément de loyer qui ne seront plus à ajouter à la somme définie à 53 000 euros après application d'un coefficient de précarité de 8%.

Le jugement qui a fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 53 360 euros (8% de 58 000 euros) HT charges incluses sera confirmé en ce qu'il n'y a pas de lieu de rajouter les charges et impôts fonciers restant à la charge de l'occupant.

- Sur les autres demandes.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie, ayant partiellement succombé, supportera la charge de ses propres dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise et est déboutée de sa demande en frais irrépétibles.

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/05452
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.05452 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award