5ème Chambre
ARRÊT N°-365
N° RG 19/05293 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QAFS
EURL LA ROSE ROUGE
C/
M. [I] [P]
Mme [H] [P]
M. [L] [A]
M. [G] [W] [C]
M. [E] [R]
Mme [S] [P] épouse [Y]
M. [T] [P]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Octobre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
EURL LA ROSE ROUGE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Frédéric TALMON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [I] [P] (décédé le 20 janvier 2020)
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-louis TELLIER de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Monsieur [E] [R]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean-louis TELLIER de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Monsieur [T] [P]
INTERVENANTE VOLONTAIRE ès qualités d'héritier de [I] [P] décédé le 20 janvier 2020
né le 06 Mai 1977 à [Localité 13]
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-louis TELLIER de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Madame [S] [P] épouse [Y]
INTERVENANTE VOLONTAIRE ès qualités d'héritière de [I] [P] décédé le 20 janvier 2020
née le 20 Décembre 1969 à [Localité 11]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-louis TELLIER de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Madame [H] [P]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-louis TELLIER de la SELARL ALPHA LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO
Monsieur [L] [A]
né le 24 Novembre 1943 à [Localité 15]
Le Bas Val
[Localité 4]
Représenté par Me Armelle OMNES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [G] [W] [C]
né le 08 Septembre 1951 à [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représenté par Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Faisant suite à un bail commercial initial en date du 6 janvier 1971 entre les époux [N], bailleurs, et les époux [K], preneurs, renouvelé en 1980, puis en 1989, par acte notarié du 11 mars 1998, Mme veuve [N] a donné à bail à Mme [J] divorcée [K], les locaux commerciaux sis à [Adresse 14] comprenant :
- au sous-sol : trois caves, WC,
- au rez-de-chaussée : magasin et réserve,
- à l'entresol : cuisine, trois pièces, salle d'eau, WC, à usage de réserve,
cour privative dans laquelle existe un garage pour deux voitures.
Les preneurs ont exercé dans les lieux donnés à bail une activité de fleuriste.
Mme [J] a cédé, suivant compromis du 3 novembre 1998, son fonds de commerce à son employé de longue date, M. [X] [O], auquel s'est substituée l'EURL La Rose Rouge, qui exploite toujours un commerce de fleurs.
Les héritiers de Mme [N], décédée le 23 décembre 1998, ont cédé leurs droits immobiliers à M. et Mme [P].
L'acquéreur a pris possession du fonds de commerce le 1er avril 1999.
En raison de différends sur l'état du local loué, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Malo a, le 16 décembre 1999, fait droit à la demande d'expertise judiciaire du locataire et a désigné M. [B] pour y procéder. Celui-ci a déposé un rapport le 13 septembre 2000 aux termes duquel il a préconisé un programme de travaux prévoyant la reprise de poteaux bois dans la cellule commerciale, le remplacement de fenêtres, la réfection de l'assainissement d'un mur et la création d'un caniveau ainsi que la création d'une ventilation et la réfection d'embellissements.
Les bailleurs ont fait réaliser des travaux sous la maîtrise d'oeuvre de Monsieur [W] [C], architecte. M. [A] a effectué des traitements bois, et M. [R] des travaux de terrassement.
Le 12 juillet 2004, l'EURL La Rose Rouge a assigné M. et Mme [P] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins d'obtenir leur condamnation à exécuter l'ensemble des travaux préconisés par l'expert judiciaire. Elle a été déboutée suivant ordonnance du 17 février 2005.
Suite à l'effondrement courant 2005 du plafond de la chambre froide située dans la cave, le locataire a, de nouveau, saisi le juge des référés d'une nouvelle mesure d'instruction.
Le 29 juin 2006, une expertise judiciaire a été confiée à M. [M], qui a remis son rapport le 4 février 2010, lequel a mis en évidence quatre types de désordres : l'effondrement du plafond de la chambre froide, l'humidité des locaux, des inondations en sous-sol et des fissurations.
Le 14 juin 2013, L'EURL La Rose Rouge a fait assigner M. et Mme [P], l'entreprise [L] [A], M. [G] [W] [C] et M. [E] [R], ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl [R], devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo.
Par jugement en date 5 novembre 2018, le tribunal a :
- rejeté l'exception de nullité de l'expertise judiciaire de M. [M] du 4 février 2010,
- condamné M. et Mme [P] à payer à la société La Rose Rouge :
* la somme de 4 940,06 euros au titre de l'effondrement du plafond en chambre froide,
* la somme de 5 978,24 euros au titre de l'humidité des locaux,
- condamné M. et Mme [P] à faire réaliser les travaux au titre des inondations et des fissurations,
- dit n'y avoir lieu à assortir ces condamnations d'une astreinte,
- débouté la société La Rose Rouge de sa demande de provision au titre des travaux de réfection,
- débouté la société La Rose Rouge de sa demande au titre du préjudice d'exploitation,
- débouté la société La Rose Rouge de sa demande d'expertise judiciaire,
- débouté la société La Rose Rouge de ses demandes à l'encontre de M. [E] [R], ès-qualités de liquidateur amiable de la société [R], de la société [L] [A] et M. [W] [C],
- débouté M. [E] [R], ès-qualités de liquidateur amiable de société [R], de sa demande de procédure abusive,
- condamné par moitié la société La Rose Rouge ainsi que M. et Mme [P] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Homo et de Me Lotelier-Robin, Avocats,
- condamné la société La Rose Rouge à payer à M. [E] [R], ès-qualités de liquidateur amiable de la société [R], à la société [L] [A] et à M. [W] [C] la somme de 1 200 euros, chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Le 2 août 2019, l'EURL La Rose Rouge a interjeté appel de cette décision.
Le 2 janvier 2020 M. [I] [P] est décédé.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 octobre 2022, l'EURL La Rose Rouge demande à la cour de :
- débouter les parties adverses de toutes leurs demandes, fins ou conclusions présentées contre elle et de leurs appels incidents,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, et notamment a rejeté l'exception de nullité de l'expertise judiciaire de M. [M] du 4 février 2010, a limité la condamnation de M. et Mme [P] à lui payer la somme de 4 940,06 euros au titre de l'effondrement du plafond en chambre froide,
et la somme de 5 978,24 euros au titre de l'humidité des locaux, a dit n'y avoir lieu à assortir ces condamnations d'une astreinte, l'a déboutée de sa demande de provision au titre des travaux de réfection, de sa demande au titre du préjudice d'exploitation, de sa demande d'expertise judiciaire, de ses demandes à l'encontre de M. [E] [R], ès-qualités de liquidateur amiable de la société [R], de la société [L] [A] et de M. [W] [C], l'a condamnée par moitié aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me [Z] et de Me Lotelier-Robin, Avocats, l'a condamnée à payer à la société [L] [A] et à M. [W] [C] la somme de 1 200 euros, chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a déboutée de ses demandes formées à titre subsidiaire, à savoir :
- en cas de refus de prononcé d'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire,
- de condamnation solidaire de M. et Mme [P] à lui délivrer un local conforme à sa destination contractuelle, et, notamment, à réaliser, à leur charge, l'ensemble des travaux préconises par l'expert [M] et les travaux d'installation d'une chambre froide en état de marche équivalente à la précédente qui a été détruite, condamnation assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter du délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir, pendant un délai de trois mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,
- d'engagement de la responsabilité, d'une part, de M. et Mme [P], d'autre part, de M. [W] [C] et de M. [L] [A] et leur condamnation in solidum à réparer l'intégralité du préjudice qu'elle a subi du fait des désordres apparus dans les locaux, ce préjudice devant être fixé comme suit :
* au titre des travaux de réfection, à la somme provisionnelle de 100 000 euros (sauf à parfaire) indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, le premier indice étant celui existant à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et le second, celui existant à la date de la décision à intervenir,
* au titre de la réparation des désordres subis à la somme provisionnelle (à la date du 30 juin 2015) de 58 673,52 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, avec anatocisme, le cas échéant, dans les conditions de l'article 1154 code civil et la somme de 4 186,80 euros par an, courant à compter du 1er juillet 2016 jusqu'à la date de la livraison d'une chambre froide équivalente à la précédente et adaptée à l'activité du locataire,
- à défaut, sur les désordres subis, prononcer une mesure d'expertise judiciaire et surseoir à statuer sur la fixation du préjudice d'exploitation, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- à titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de prononcer la condamnation du bailleur, la dire fondée à retenir une somme de 10 000 euros par an au titre de son loyer et ce, jusqu'à ce que M. et Mme [P] justifient qu'il a été intégralement remédié aux désordres ci-dessus (en ce compris l'installation d'une nouvelle chambre froide),
- condamner in solidum des parties perdantes à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des entiers dépens à recouvrer par Me Jean-Michel Sourdin, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau, elle demande à la cour :
A titre principal,
- par une décision avant-dire droit,
- prononcer la nullité du rapport d'expertise déposé par M. [M], expert judiciaire,
- ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec la mission suivante :
* agissant contradictoirement, se rendre sur les lieux après avoir convoqué les partie,
* se faire remettre par les parties, ou par tous tiers pouvant les détenir, l'ensemble des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et entendre tout sachant,
* examiner l'état de l'ensemble du local loué par la société La Rose rouge, y compris les accessoires, et décrire l'ensemble des désordres qui l'affectent,
* vérifier l'étanchéité de l'immeuble et toutes causes pouvant être source d'humidité,
* indiquer si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage (comprenant les éléments d'équipement qui font corps avec lui) ou le rendent impropres à sa destination,
* déterminer la cause de ces désordres, en donnant son avis sur les proportions respectives en cas de pluralité de causes,
* déterminer, le cas échéant, les inexécutions ou mauvaises exécutions de leurs obligations par le bailleur ou ses prestataires, précisant notamment, si les travaux ont été effectués conformément aux règles de l'art et celles du DTU,
* déterminer l'imputabilité des inexécutions, statuant sur les responsabilités,
* décrire précisément les travaux nécessaires pour remédier aux désordres et assurer l'exécution de leurs obligations par le bailleur ou les intervenants,
chiffrer exactement le coût de ces travaux nécessaires, y compris les frais annexes (dommage-ouvrage, maîtrise d'oeuvre...) s'il y a lieu,
* donner son avis sur les préjudices subis,
* d'une façon plus générale, fournir tous éléments techniques et de fait, et procéder à toutes constations permettant à la juridiction qui sera, le cas échéant, saisie d'apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis,
* répondre à toutes les questions des parties se rapportant au litige,
- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
A titre subsidiaire, en cas de refus de prononcé d'une nouvelle expertise judiciaire,
- condamner solidairement ou, à défaut, in solidum Mme [H] [D], veuve [P] (prise tant à titre personnel qu'à titre d'ayant droit de M. [I] [P]), Mme [S] [P] épouse [Y] et M. [T] [P] à lui délivrer un local conforme à sa destination contractuelle, et, notamment, à réaliser, à leur charge, l'ensemble des travaux préconisés par l'expert [M] et aux travaux d'installation d'une chambre froide en état de marche équivalente à la précédente qui a été détruite,
- assortir cette condamnation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter du délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir, pendant un délai de trois mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,
- se réserver compétence pour liquider l'astreinte,
- engager la responsabilité, d'une part, de Mme [H] [D], veuve [P] (prise tant à titre personnel qu'à titre d'ayant droit de M. [I] [P]), Mme [S] [P], épouse [Y] et M. [T] [P], d'autre part, de M. [W] [C], M. [L] [A] et de M. [E] [R], liquidateur de la société [R], et les condamner solidairement ou, à défaut, in solidum à réparer l'intégralité du préjudice subi par elle du fait des désordres apparus dans les locaux,
- fixer ce préjudice :
* au titre des travaux de réfection, à la somme provisionnelle de 100 000 euros (sauf à parfaire) indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, le premier indice étant celui existant à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et le second, celui existant à la date de la décision à intervenir,
* au titre de la réparation des désordres subis à la somme provisionnelle (à la date du 30 juin 2015) de 58 673,52 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, avec anatocisme, le cas échéant, dans les conditions de l'article 1154 code civil et la somme de 4 186,80 euros par an, courant à compter du 1er juillet 2016 jusqu'à la date de la livraison d'une chambre froide équivalente à la précédente et adaptée à l'activité du locataire,
- à défaut, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée sur le préjudice résultant des désordres subis, ordonner une mesure d'expertise judiciaire et désigner un expert avec la mission suivante :
* agissant contradictoirement, se rendre sur les lieux après avoir convoqué les parties,
* se faire remettre par les parties, ou par tous tiers pouvant les détenir, l'ensemble des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et entendre tout sachant,
* examiner l'état de l'ensemble du local loué par la société La Rose Rouge,
* déterminer le préjudice subi par la société La Rose Rouge consécutivement,
aux désordres subis dans les locaux depuis 2005,
* d'une façon plus générale, fournir tous éléments techniques et de fait, et procéder à toutes constations permettant à la juridiction qui sera, le cas échéant, saisie d'apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis,
* répondre à toutes les questions des parties se rapportant au litige,
- surseoir à statuer sur la fixation de ce préjudice d'exploitation, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- débouter de Mme [H] [D], veuve [P] (prise tant à titre personnel qu'a titre d'ayant droit de M. [I] [P]), Mme [S] [P], épouse [Y] et M. [T] [P] de leur appel incident et de leurs demandes :
* à titre principal, de condamnation de la concluante à leur payer la somme de 13 045,75 euros au titre des dommages causés au bâtiment par la chambre froide et à réaliser à ses frais une installation VMC comme préconisé par l'expert,
* à titre subsidiaire, d'homologation du rapport d'expertise et de condamnation de la concluante à réaliser sous astreinte, l'installation d'une VMC, au titre des travaux non encore effectues et préconisés par l'expert au chapitre 1 de son rapport, payer à Mme [H] [D], veuve [P] (prise tant a titre personnel qu'a titre d'ayant droit de M. [I] [P]), Mme [S] [P], épouse [Y] et M. [T] [P], au titre des travaux prévus au chapitre 1 du rapport, la somme de 1 772,20 euros (somme qu'il y aura lieu de compenser avec une créance de la concluante sur le bailleur, au titre des travaux d'étanchéité extérieure prévus au chapitre 2 du rapport, de 2 989,12 euros), réaliser les travaux prévus au chapitre 2 du rapport, réaliser les travaux mis à sa charge dans les 2 mois de la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,
- débouter M. [E] [R], liquidateur de la société [R], de son appel incident et de sa demande de condamnation de la concluante à lui payer la somme de 2 000 euros pour procédure abusive,
- débouter M. [L] [A] de son appel incident et de sa demande de condamnation de la concluante à supporter la charge de l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement prévu aux articles L. 111-8 et 124-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- juger qu'elle se désiste de son appel contre M. [E] [R], liquidateur de la société [R], sollicitant que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles et dépens engagés par elle.
A titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de prononcer la condamnation du
bailleur,
- la dire fondée à retenir une somme de 10 000 euros par an au titre de son loyer et ce, jusqu'à ce que Mme [H] [D], veuve [P] (prise tant a titre personnel qu'à titre d'ayant droit de M. [I] [P]), Mme [S] [P], épouse [Y] et M. [T] [P] justifient qu'il a été intégralement remédié aux désordres ci-dessus (en ce compris l'installation d'une nouvelle chambre froide),
En tout état de cause,
- condamner in solidum les parties perdantes à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens d'instance et d'appel, à recouvrer
conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 17 juin 2022, Mme [S] [P] épouse [Y] et M. [T] [P] venant aux droits de M. [I] [P], ainsi que Mme [H] [P] demandent à la cour de :
- dire la société La Rose Rouge mal fondée en son appel,
- accueillir Mme [S] [P] épouse [Y] et M. [T] [P] en leur intervention volontaire en qualité d'héritiers de M. [I] [P],
- les accueillir en leur appel incident,
Statuant de nouveau :
À titre principal :
- déclarer la société La Rose Rouge irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, l'en débouter,
- condamner la société La Rose Rouge à leur payer la somme de 13 045,75 euros au titre des dommages causés au bâtiment par la chambre froide appartenant au preneur,
- condamner la société La Rose Rouge à réaliser, à ses frais, une installation VMC comme préconisée par l'expert,
Subsidiairement :
- homologuer le partage de responsabilité proposé par l'expert judiciaire ,
- constater que M. et Mme [P] ont fait réaliser, à leurs frais, plus de
50 % des travaux préconisés par l'expert au chapitre n°1 de son rapport,
- condamner la société La Rose Rouge à réaliser, sous astreinte, l'installation d'une VMC au titre des travaux non encore effectués et préconisés par l'expert au chapitre n°1 du rapport,
- dire et juger qu'au regard du partage de responsabilité qui sera retenu conformément aux préconisations de l'expert, la société La Rose Rouge devra également leur rembourser la somme de 1 772,20 euros au titre des travaux prévus au chapitre n°1 du rapport,
- fixer, conformément aux préconisations de l'expert, leur participation financière aux travaux d'étanchéité extérieure prévus au chapitre n°2 du rapport, à la somme de 2 989,12 euros,
- ordonner la compensation judiciaire des deux sommes ci-dessus et fixer, en conséquence, la créance de la société La Rose Rouge à leur égard à la somme de 1 216,92 euros,
- autoriser la société La Rose Rouge à procéder à la compensation entre cette somme de 1 216,92 euros et les loyers qui leur sont dus,
- condamner la société La Rose Rouge à procéder aux travaux définis au chapitre n°2 du rapport,
- dire et juger que les travaux mis à la charge de la société La Rose Rouge devront être réalisés dans les 2 mois de la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,
- leur décerner acte de ce qu'ils se réservent de solliciter la remise en état des embellissements aux frais du preneur ainsi que de leurs réserves les plus expresses concernant l'installation par le preneur, d'une nouvelle chambre froide au sous-sol sans demande d'autorisation préalable,
- débouter la société La Rose Rouge de toutes demandes plus amples ou
contraires,
- condamner la société La Rose Rouge à leur payer la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société La Rose Rouge aux entiers dépens et autoriser la Selarl Alpha Legis à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 29 juin 2020, M. [L] [A] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- débouter l'EURL La Rose Rouge de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- y ajoutant, condamner l'EURL La Rose Rouge à lui payer la somme de
5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens d'instance et d'appel,
- dire et juger, en application des dispositions de l'article L 141-6 du code de la consommation, que la partie succombante supportera la charge de l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement prévus aux articles L 111-8 et L 124-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Par dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022, M. [E] [R] ès-qualités de liquidateur amiable de la Sarl [R], demande à la cour de :
- constater que par conclusions du 8 septembre 2022, la société La Rose Rouge a déclaré se désister de son appel à son égard,
- condamner la société La Rose Rouge à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et injustifié, et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2020, M. [G] [W] [C] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
En conséquence :
- débouter la société La Rose Rouge de l'ensemble de ses demandes, fins
et conclusions dirigées à son encontre,
Y additant :
- condamner société La Rose Rouge à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la même aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur l'intervention volontaire de Mme [S] [P] épouse [Y] et M. [T] [P]
Ces derniers indiquent venir aux droits de M. [I] [P], décédé le 20 janvier 2020. Sont versés aux débats l'acte de décès de M. [I] [P] et l'attestation notariée de dévolution successorale.
Il s'ensuit que les interventions volontaires de Mme [S] [P] épouse [Y] et M. [T] [P], les deux enfants de M. [I] [P] sont recevables.
- sur le désistement à l'égard de M. [E] [R], liquidateur amiable de la société [R]
Si dans les développements du dispositif de ses conclusions, l'EURL La Rose Rouge formule à titre subsidiaire, une demande tendant à voir condamner l'ensemble des intimés (en ce compris la société [R]) à réparer les préjudices qu'elle indique avoir subis, elle déclare toutefois expressément se désister de toute demande formée contre cette partie.
Il est pris acte de ce désistement.
La preuve de la mauvaise foi de la partie appelante aux termes de son appel n'est pas rapportée, de sorte que M. [E] [R], liquidateur amiable de la société [R] est débouté de sa demande de dommages et intérêts.
- sur la demande de nullité du rapport d'expertise
Au visa des articles 15 et 175 du code de procédure civile, l'EURL La Rose Rouge demande à la cour d'infirmer le jugement et de faire droit à sa demande de nullité du rapport d'expertise de M. [M] au motif que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par M. [A] qui ne lui aurait pas communiqué deux dires adressés à l'expert les 22 et 23 octobre 2009, et que cette absence de communication lui fait nécessairement grief.
Les intimés (les consorts [P], M. [A], M. [W] [C]) concluent à la confirmation du jugement, contestant l'absence de contradictoire prétendue et relevant que les conditions de nullité ne sont pas remplies.
Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, la nullité d'un rapport d'expertise est soumise aux conditions de la nullité des actes de procédure par application de l'article 175 du code de procédure civile. Dès lors celui qui prétend que le rapport d'expertise doit être déclaré nul doit démontrer non seulement que la cause de nullité est prévue par la loi ou que la formalité méconnue est substantielle ou d'ordre public, mais également que l'irrégularité lui a causé un grief.
Si l'expert a relevé ignorer si les deux dires litigieux avaient été adressés en copie aux parties, il y a répondu de la manière suivante :
- s'agissant du dire du 22 octobre 2009 : le contenu de ce dire sur le déroulement de l'intervention de M. [A] correspond aux précisions qui nous ont été données au cours des réunions d'expertise contradictoires,
- s'agissant du dire du 23 octobre 2009 : le contenu de ce dire n'appelle de notre part aucune remarque particulière.
Outre, que comme relevé par les premiers juges, ces dires portent mention d'une copie adressée aux conseils de la cause et notamment à Me Talmon, avocat de l'EURL La Rose Rouge, il est constaté, au regard des réponses de l'expert, que la preuve d'un grief qui résulterait d'une absence effective de communication de ces dires, n'est nullement caractérisée par la partie appelante. La cour confirme le jugement qui rejette la demande en nullité du rapport d'expertise pour ce motif.
- sur les désordres et la responsabilité de ceux-ci
L'EURL La Rose Rouge demande à la cour de déclarer les bailleurs responsables des désordres suivants :
- effondrement de la chambre froide,
- humidité des locaux,
- inondations en sous-sol,
- fissuration,
Au soutien de ses demandes, elle reproche à titre principal aux bailleurs d'avoir manqué à son obligation de délivrance, telle que prévue par les articles 1719 et 1720 du code civil, et à titre subsidiaire, elle invoque une garantie des vices cachés.
S'agissant de la chambre froide, elle conteste toute responsabilité de sa part dans les désordres (effondrement du plafond), tel que retenu par le tribunal à hauteur de 50%, et soutient que les bailleurs sont propriétaires de celle-ci, par accession en application de l'article 555 du code civil et que l'entière responsabilité des désordres leur incombe. Elle critique l'analyse de l'expert, qui repose, selon lui, sur des affirmations contradictoires et incohérentes. Elle considère que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance d'un local apte à servir à l'usage prévu au bail, à savoir l'activité de fleuriste.
En ce qui concerne l'humidité des locaux, elle reproche au jugement de retenir que le locataire doit supporter 60% de ses désordres. Elle estime que l'humidité n'a pas été causée par son activité, notamment par une prétendue absence de chauffage, au demeurant indifférente, ou l'arrosage des plantes, et conteste tout manquement de sa part à son obligation d'entretien ; selon elle, cette humidité ne résulte que d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, dans la mesure où la cause de ce désordre provient de la maçonnerie, l'eau s'infiltrant à travers les murs extérieurs, notamment au sous-sol. Elle ajoute que la charge de l'installation d'une VMC relève de l'obligation de délivrance lorsque sont posées, comme en l'espèce, des baies en PVC avec double vitrage, et ne peut donc peser sur elle.
S'agissant des inondations en sous-sol, elle fait valoir que le raccordement de l'assainissement de l'immeuble a détecté des anomalies en parties privatives et notamment l'absence de clapet anti-refoulement contre le reflux des eaux usées, l'absence de siphon général et l'absence de ventilation primaire. Elle demande à la cour de confirmer que ces désordres sont imputables entièrement aux bailleurs.
Enfin, les fissurations inquiétantes constatées par l'expert (souche de cheminée hors toit de l'immeuble, et en sous face du petit balcon du rez-de-chaussée) relèvent, selon elle, entièrement de la responsabilité des bailleurs, comme très justement décidé par le tribunal.
L'EURL La Rose Rouge sollicite donc la condamnation des bailleurs d'une part à réaliser l'ensemble des travaux préconisés par l'expert, les travaux d'installation d'une chambre froide en état de marche équivalente à la précédente détruite et d'autre part à l'indemniser de ses préjudices.
À défaut d'obtenir la condamnation des bailleurs à exécuter les travaux de réparation des désordres, elle demande à retenir 10 000 euros par an sur le loyer jusqu'à ce que les bailleurs justifient avoir remédié aux désordres (en ce compris l'installation d'une nouvelle chambre froide).
Les consorts [P] rappellent que la société La Rose Rouge a pris possession des lieux en l'état en avril 1999, sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation ou remise en état.
Ils déclinent toute responsabilité s'agissant des désordres subis par la chambre froide, et contestent toute propriété de celle-ci, qui pour eux est un élément d'équipement, qui a été réalisé sans respect des règles de l'art. Ils estiment que loin d'avoir subi des dommages, cette chambre froide, du fait de sa mauvaise conception, leur a, au contraire, causé des dommages, car ils ont été contraints d'engager des travaux importants, du fait de la condensation qui s'est développée dans le plenum, espace fermé au dessus de la chambre froide, dépourvu de toute ventilation.
Ils considèrent que les remontées dans la base des murs au niveau des fondations ayant justifié la création d'un drainage et d'une étanchéité n'ont aucun lien de cause à effet avec l'effondrement du plafond de cette chambre froide et du défaut de ventilation entre ce plafond et celui de la cave. En tout état de cause, même s'il devait être considéré que cette chambre froide a été endommagée en raison de remontées d'humidité ou un défaut de ventilation en sous-sol, ils indiquent que l'absence de mention expresse dans le bail quant à l'utilisation du sous-sol à des fins professionnelles interdit au preneur de rechercher leur responsabilité de ce chef et demande à la cour de rejeter toute demande fondée sur ce désordre.
En ce qui concerne l'humidité dans les autres pièces, ils relèvent que l'activité exercée est par nature productive d'humidité importante et nécessite un système de ventilation adapté, que lors de la visite de l'expert un système de ventilation existait mais n'était pas en fonctionnement, de sorte qu'il convient de prendre en compte la façon d'user de la chose louée, que notamment l'utilisation des pièces d'habitation comme des réserves totalement encombrées, non aérées est contraire à un usage en bon père de famille. Ils observent que, suite au premier rapport d'expertise [B], qui proposait un partage des frais d'installation d'une VMC, la société La Rose Rouge n'a pas réagi et a continué à exploiter en l'état.
S'agissant des anomalies ayant trait au réseau d'assainissement, ils font valoir que l'appelante ne démontre pas en quoi celles-ci portent atteinte au bon fonctionnement du commerce ou lui causent un quelconque préjudice, observant qu'il n'a jamais été constaté de remontées d'eaux usées en sous-sol ni de mauvaises odeurs en lien avec l'absence de clapet anti-refoulement ou de ventilation de chute.
Ils demandent à la cour, en conclusion, de débouter la société La Rose Rouge de ses demandes ou à titre subsidiaire, de retenir le partage de responsabilité proposé par l'expert s'agissant des postes 1 et 2 des travaux qu'il préconise.
Les bailleurs sont tenus à une obligation de délivrance dans les termes prévus par les articles 1719 et 1720 du code civil.
Il est rappelé que suite à des premiers désordres et un rapport d'expertise de M. [B] en 2000, des travaux ont été préconisés par cet expert, notamment pour remédier à une humidité affectant les locaux. Ceux-ci étaient partiellement réalisés.
En 2005, le locataire faisait constater l'effondrement du plafond de la chambre froide situé dans une des caves du local commercial.
* sur le désordre relatif à l'humidité des locaux
L'expert M. [M] a constaté un taux d'humidité anormalement élevé dans la cave sur jardinet en sous-sol, les chambres nord -est et sud-est et les WC de l'étage. Il indique que ces désordres concernent des éléments d'équipement indissociables.
L'expert précise également que des potiches avec plantes vertes sont disposées le long du pignon de la maison et arrosées régulièrement, ce qui entraîne de toute évidence un apport d'eau régulier et excessif en pied de façade, donc une humidification anormale du mur.
Il conclut que l'humidité est la conséquence immédiate du mode d'exploitation des lieux. Il le réaffirme en page 60 de son rapport, indiquant que l'activité de fleuriste dégage une humidité inhabituelle. La société La Rose Rouge soutient donc à tort que son activité ne génère pas d'humidité.
Relevant que les locaux sont utilisés à usage de réserve de matériels divers, il indique aussi que l'absence de chauffage contribue à la formation de cette humidité constante anormale. Mais il indique que les désordres ne rendent pas les locaux impropres à leur destination, dans la mesure où les chambres de l'étage sont utilisées à usage de remises professionnelles par le locataire pour stocker divers produits secs qui ne génèrent aucune vapeur d'eau.
L'expert M. [M] ajoute que cette humidité est aggravée par l'absence d'installation de ventilation.
Sur ce point, il ne peut être valablement prétendu par la société La Rose Rouge que l'expert aurait finalement reconnu qu'un système de ventilation installé fonctionnait, l'expert écrivant précisément, page 59 de son rapport : il est exact que M. [O] (locataire) est parvenu à faire fonctionner le ventilateur de baie de l'étage après diverses manipulations, ce qui ne change rien au fait que ce petit appareil est très loin d'avoir la puissance nécessaire pour ventiler l'ensemble des locaux et que son efficacité est sans commune mesure avec celle d'une VMC.
Au demeurant, cette analyse rejoint celle de M. [B], expert qui en 2000, amené à se prononcer sur les causes d'une humidité dans les locaux avait déjà conclu, qu'au regard de la nature de l'activité commerciale de fleuriste qui entrepose des fleurs en réservoirs remplis d'eaux, maintenant une ambiance humide spécifique à son activité, à la nécessité de mettre en place une installation de ventilation, la seule ventilation naturelle par les ouvertures existantes étant insuffisante.
Il n'existe pas de VMC dans les lieux telle que prescrite par M. [B].
Il résulte des conclusions des experts que la cause première de l'humidité dans les lieux est le fait de l'activité du preneur. L'absence de ventilation, comme l'absence de chauffage, n'ont fait qu'aggraver le phénomène.
S'il est exact que M. [M] observe également que la réalisation des baies en PVC avec double vitrage par les bailleurs amplifie l'humidité, la société La Rose Rouge ne peut faire le reproche aux consorts [P] d'avoir entrepris ces travaux sans avoir prévu un système de ventilation concomitant. En effet, ces travaux de menuiserie correspondent tout d'abord aux préconisations de l'expert [B]. Ensuite, les parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur la mise en oeuvre des travaux relatifs à une VMC, pour lesquels M. [B] avait proposé un partage de ceux-ci par moitié entre les parties, travaux que la société La Rose Rouge n'admet pas devoir supporter, contestant à tort toute responsabilité dans la cause de cette humidité, au mépris des conclusions expertales concordantes de deux techniciens.
Ainsi, la nécessité d'une installation d'une VMC n'est apparue qu'en raison de la nature même de l'activité du preneur, génératrice d'activité.
Le bail prévoit que le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouvaient au jour de la prise de possession, sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation quelconque ou remise en état. Il mentionne aussi que, pendant le cours du bail, le preneur ne pourra exiger du bailleur aucun travaux de réparation, transformations ou de remise en état, sauf ce qui sera dit plus loin pour le clos et le couvert. ( le bailleur s'engageant à tenir les lieux clos et couverts selon l'usage).
Tenu dès lors à ces seules obligations, le bailleur n'apparaît pas devoir supporter le coût d'une installation de VMC, dont la nécessité n'est imposée que du seul fait de l'utilisation des lieux par le preneur.
En conséquence, aucun manquement à son obligation de délivrance n'est caractérisé s'agissant du désordre lié à l'humidité des locaux. Le locataire n'est donc fondé ni à solliciter condamnation du bailleur à exécuter les travaux préconisés par l'expert pour remédier à ce désordre ni à réclamer la condamnation de celui-ci au paiement desdits travaux.
La cour déboute la société La Rose Rouge de sa demande de ce chef, et infirme le jugement.
* sur le désordre relatif à la chambre froide
Ce désordre pose la question de la propriété de la chambre froide.
Mme [K] atteste que la chambre froide du magasin de [Adresse 12] a été commandée et installée par l'entreprise Frigidaire en 1976 et a été entièrement réglée par ses soins.
L'article 555 du code civil dispose en son alinéa 1 :
Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.
En l'absence de clause d'accession dans un contrat de bail, il est exact que conformément à ces dispositions, les constructions et ouvrages réalisés par le locataire accèdent au propriétaire lors du premier renouvellement du bail.
Le bail ayant été renouvelé en 1998, et la chambre froide ayant été construite en 1976, la cour doit donc rechercher si ce local peut être qualifié de construction ou d'ouvrage.
L'expert décrit la chambre froide, comme un local construit à l'intérieur d'une cave existante en matériaux non porteurs, n'ayant jamais participé à la solidité de l'immeuble. S'il écrit que le désordre (effondrement spontané du plafond de la chambre froide, à usage de conservation des fleurs coupées) concerne des éléments d'équipement indissociables du bâtiment, il est très justement relevé par les bailleurs que le terme 'indissociable' est certainement une erreur de plume, dans la mesure où il précise, juste avant, que ce local est construit en matériaux non porteurs ne participant pas à la solidité de l'immeuble. Ceci est d'ailleurs conforté par l'estimation faite par l'expert de sa démolition fixée à 400 euros TTC, témoignant comme relevé par les consorts [P] qu'il s'agit là d'un matériel modulable et démontrable réalisé avec des panneaux.
La société La Rose Rouge ne peut valablement critiquer une telle analyse et affirmer qu'en réponse à un dire des bailleurs du 20 octobre 2009, l'expert aurait confirmé que la chambre froide serait indissociable de l'immeuble, puisqu'au contraire, l'expert apporte la réponse suivante à ce dire :
Nous nous sommes déjà expliqué sur la qualification de l'élément d'équipement que constitue la chambre froide.
En présence d'un tel élément d'équipement, la cour considère que les dispositions de l'article 555 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce ; la preuve d'une accession de la chambre froide n'est pas rapportée. La société la Rose Rouge, qui d'ailleurs ne produit pas aux débats l'acte de cession du fonds de commerce, permettant de connaître la description du fonds cédé, est donc demeurée propriétaire de la chambre froide.
L'expert a conclu que l'effondrement de la chambre froide était dû à une conception défectueuse lors de sa réalisation et d'une humidité très importante dans les locaux, il précise également en réponse à un dire, page 39 de son rapport, que la conception de cet ouvrage aurait conduit inévitablement au désordre actuel, même avec une VMC en place.
L'expert a relevé aussi l'absence d'entretien de cette chambre froide, élément d'équipement qui lui appartient.
En conséquence, l'effondrement du plafond de la chambre froide relève de la seule responsabilité du locataire, responsable de l'entretien de ce local, mal conçu et de l'humidité l'affectant, laquelle est de son fait.
La société La Rose Rouge n'est pas fondée à rechercher une responsabilité des bailleurs, au titre d'un manquement à leur obligation de délivrance à ce titre, et la cour infirme le jugement de ce chef.
* sur les inondations en sous-sol
L'expert M. [M] décrit le désordre suivant : inondations parfois en local d'entresol utilisé comme annexe de la surface de vente principale, systématiquement à la suite de périodes de fortes pluies, les arrivées d'eau se produisant par la bouche siphoïde disposée en sol du local à l'origine pour en évacuer les eaux de lavage. Ces inondations occasionnent dans le local la présence d'une hauteur d'eau de 7 à 8 cm.
La cause de celles-ci consiste, selon l'expert en une communication directe de la canalisation d'évacuation des eaux de lavage du local avec le réseau d'évacuation public.
Le coût du remède à ces désordres, déterminé en accord exprimé devant l'expert par les parties est chiffré à 80 euros et correspond en la fourniture et la pose d'un calfeutrement hydrofuge soigné de la canalisation litigieuse sous la grille de bouche siphoïde.
La société La Rose Rouge n'apparaît pas fondée à se prévaloir au titre de ce désordre d'anomalies dans le réseau d'assainissement relevées par un technicien de Véolia le 3 mars 2015, qui note l'absence de clapet anti-refoulement contre les eaux usées sur l'évier du sous-sol, l'absence de siphon et de ventilation primaire, alors que d'une part, il n'est pas démontré qu'elle se soit plainte de tels refoulements, et d'autre part, parce que ce même technicien conclut malgré tout à la conformité des installations privatives d'assainissement.
La cour confirme le jugement qui met à la charge des bailleurs les réparations de ce chef, lesquelles seront jugées suffisantes pour remédier au désordre constaté par l'expert.
* sur les fissurations
L'expert M. [M] a constaté l'existence de fissurations inquiétantes en deux zones, d'une part sur la souche de cheminée hors toit de l'immeuble, avec des plaques d'enduit visiblement soufflées et menaçant de tomber au sol et d'autre part, en sous-face du petit balcon du rez-de-chaussée, aspecté sur le jardinet. Il note que l'enduit de la cheminée a été entièrement rénové par les époux [P] au cours des opérations d'expertise.
Demeure donc le seul désordre en sous-face du petit balcon, dont il indique qu'il en compromet la solidité, mais ne rend pas le local impropre à sa destination, n'étant pas réellement utilisé pour l'exploitation professionnelle normale des lieux. La cause de ce désordre, selon l'expert, est le vieillissement normal des ouvrages. Il chiffre le coût des reprises à
2 300 euros TTC.
Un tel désordre compromettant la solidité des lieux loués ressort de la responsabilité des bailleurs, étant lié à la vétusté de l'immeuble, de sorte que la cour confirme le jugement qui met les travaux ainsi arrêtés par l'expert à la charge de ces derniers.
La cour confirmant partie des condamnations prononcées contre les bailleurs au titre de leur obligation de délivrance, il n'y a lieu de statuer ni sur le moyen soulevé à titre subsidiaire tiré d'une garantie des vices cachés ni sur la demande subsidiaire de retenue sur loyer.
Les demandes subsidiaires des consorts [P] portant sur un éventuel partage de responsabilité quant aux deux premiers désordres, que la cour de ne considère pas leur être imputable, n'ont pas, non plus, à être examinées.
- sur les demandes formées contre la société [A] et M. [W] [C]
La société La Rose Rouge reproche à ces derniers d'avoir réalisé des travaux inopérants et de n'avoir pas suffisamment informé le bailleur de la nécessité de réaliser des travaux complémentaires - tels que la pose d'un drain et d'une barrière d'étanchéité- afin de traiter correctement la cause de l'humidité. Elle demande à la cour de retenir leur responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
M. [A] conteste toute responsabilité, objectant qu'il n'est responsable d'aucun désordre invoqué par la société appelante au soutien de ses demandes. Il estime que celle-ci ne caractérise aucun manquement de sa part, indique qu'il a jamais été invoqué ou constaté un quelconque manquement aux règles de l'art dans les travaux qu'il a réalisés pour le compte du bailleur en octobre 2002, qu'il n'était tenu d'aucune obligation particulière d'information et/ou de conseil à son égard, celui-ci ayant confié à M. [W] [C], architecte, la maîtrise d'oeuvre des travaux préconisés par le premier expert M. [B].
Il ajoute qu'il est apparu en cours d'expertise de M. [M] que la société La Rose Rouge a décidé de ne pas suivre ses préconisations, pour avoir refusé toute intervention en plenum de la chambre froide, M. [A] ayant précisé aux locataires suite à ce refus, le danger d'une intervention partielle.
M. [W] [C] conclut à la confirmation du jugement, fait valoir que la société appelante ne démontre aucune faute de sa part, un préjudice et un lien causal entre ceux-ci. Il estime que l'origine des désordres provient des conditions d'exploitation du fonds par la société La Rose Rouge elle-même, génératrice d'humidité, que cette dernière malgré les préconisations en 2000 de l'expert [B] de mettre en place une VMC, s'est abstenue de tous travaux en ce sens. Il note que les désordres relatifs aux inondations en sous-sol ont trouvé une solution en cours d'expertise, que ceux liés aux fissurations tiennent à la vétusté du bâtiment, qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission de surveillance et de coordination des travaux réalisés sur les prescriptions de l'expert [B].
L'article 1382 ancien du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il appartient à la société La Rose Rouge d'établir l'existence de fautes commises par M. [A] et M. [W] [C] à l'origine de préjudices qu'elle a subis.
Ceux-ci sont intervenus à la demande des bailleurs pour procéder à des travaux préconisés par l'expert M. [B]. Selon le mémoire des travaux effectués dans le cadre du chantier surveillé et coordonné par M. [W] [C] dans les lieux, pour le compte des bailleurs, M. [A] devait effectuer un traitement des solives et arrière linteau dégagement chambre froide par pulvérisation d'un produit curatif insecticide et fongicide. D'autres entreprises ont procédé à la reprise de poteaux bois, au remplacement de fenêtres, à la remise en état de plafond, à la reprise de revêtements de sols, au remplacement de canalisation en plomb par des canalisations en cuivre, à la réalisation d'un réseau séparatif EU/EP, au remblaiement d'une fosse, au revêtement de la cour...
La société La Rose Rouge ne peut justifier d'un lien de causalité entre les préjudices invoqués à savoir, l'humidité affectant le local et l'effondrement du plafond de la chambre froide et de prétendues fautes commises par les intimés dans le cadre des travaux qui leur étaient dévolus, alors que la responsabilité des bailleurs a été écartée au titre de ces préjudices et qu'il n'est nullement prétendu à des travaux réalisés contrairement aux règles de l'art. La cour confirme le jugement de ce chef.
Sur les préjudices
La société appelante entend obtenir la condamnation des bailleurs à lui payer une somme de 100 000 euros à titre provisionnel au titre des travaux de réfection et 58 673,52 euros au titre de la réparation des désordres, outre
4 186,80 euros à compter du 1er juillet 2016 jusqu'à livraison d'une nouvelle chambre froide. À défaut, elle demande d'ordonner une expertise pour apprécier son préjudice et de surseoir à statuer sur son préjudice d'exploitation. Elle réclame également un préjudice de jouissance de 5 000 euros.
Les consorts [P] concluent au rejet de telles prétentions, aux motifs exposés par la locataire de la pose d'étais ou de la perte de fleurs, considérant qu'elle doit seule subir les conséquences de son défaut d'entretien.
L'appelante développe une argumentation au soutien de ses demandes indemnitaires, basée sur l'effondrement de la chambre froide et l'humidité des locaux, désordres que la cour considère lui être imputable.
La société La Rose Rouge ne justifie pas que les désordres pour lesquels la cour reconnaît la responsabilité des bailleurs (inondations et fissurations), lui ont causé les préjudices invoqués.
La cour confirme le rejet de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, qui sont infondées. La demande subsidiaire aux fins d'expertise n'est pas davantage justifiée et le rejet de celle-ci est confirmé.
Sur les demandes reconventionnelles relatives à la VMC
Les consorts [P] sollicitent la condamnation de la société La Rose Rouge à lui payer la somme de 13 045,75 euros au titre des dommages causés au bâtiment par la chambre froide et à exécuter les travaux d'installation de la VMC.
La société appelante s'oppose à ces demandes au motif que les désordres ne sont pas imputables à l'absence de VMC, que la chambre froide étant, selon elle, propriété des bailleurs, seuls ces derniers doivent supporter les désordres liés à son installation défectueuse, et qu'en tout état de cause, l'installation d'une VMC relève de l'obligation de délivrance du bailleur.
Les réparations évoquées par les bailleurs, considérées par eux, comme résultante de l'effondrement de la chambre froide sont justifiées par des factures d'un montant total de 13 045,75 euros, dont certaines sont au nom de la copropriété, et d'autres mentionnent un règlement par le syndic. L'existence du préjudice invoqué n'est donc pas démontré.
Il est rappelé que l'expert M. [M] a précisé que la conception de la chambre froide aurait conduit inévitablement au désordre actuel, même avec une VMC en place. Dès lors, la cour n'estime pas fondée la demande formée par les bailleurs tendant à condamner la société La Rose Rouge à installer une VMC.
Ces demandes seront rejetées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [P], de M. [A], de M. [W] [C], de M. [E] [R], liquidateur amiable de la société [R]. La cour condamne la société La Rose Rouge à payer à chacune de ces parties une somme de 1 500 euros.
Les dépens sont supportés par l'appelante qui succombe en son appel, dont distraction au profit de la Selarl Alpha Légis en application de l'article 699 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu de faire supporter par celle-ci les droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement.
La cour confirme par ailleurs les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Déclare recevables les interventions volontaires de Mme [S] [P] épouse [Y] et M. [T] [P], les deux enfants de M. [I] [P] ;
Donne acte à la société La Rose Rouge de son désistement à l'égard de M. [E] [R], liquidateur amiable de la société [R] ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. et Mme [P] à payer à la société La Rose Rouge :
* la somme de 4 940,06 euros au titre de l'effondrement du plafond en chambre froide,
* la somme de 5 978,24 euros au titre de l'humidité des locaux ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Déboute la société La Rose Rouge de ses demandes relatives à l'effondrement du plafond de la chambre froide et au titre de l'humidité des locaux ;
Y ajoutant,
Déboute M. [E] [R], liquidateur amiable de la société [R] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif et injustifié ;
Déboute les consorts [P] de leurs demandes en paiement d'une somme de 13 045,75 euros et d'exécution de travaux d'installation d'une VMC, formées contre la société La Rose Rouge ;
Condamne la société La Rose Rouge à payer :
- aux consorts [P] une somme de 1 500 euros,
- M. [L] [A] une somme de 1 500 euros,
- M. [G] VanHaecke une somme de 1 500 euros,
- M. [E] [R], liquidateur amiable de la société [R] une somme de 1 500 euros,
sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la
société La Rose Rouge aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Alpha Légis en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente