5ème Chambre
ARRÊT N°-364
N° RG 19/05290 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QAFL
Etablissement Public ONIAM
C/
Mme [K] [T] épouse [G]
CPAM D [Localité 5]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Octobre 2022
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 07 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Etablissement Public ONIAM OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES
AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES ; Etablissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du Ministère de la Santé - Agissant par son Directeur en
exercice
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Patrick DE LA GRANGE, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES :
Madame [K] [T] épouse [G]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Véronique L'HOSTIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
CPAM D [Localité 5] Caisse Primaire d'Assurances Maladie d'[Localité 5]. Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 3]
[Adresse 3]
**********
Souffrant d'un mal dentaire, Mme [K] [G] a consulté son dentiste, le docteur [J], en avril 2008. Il lui a prescrit un anti-douleur et donné un rendez-vous pour le surlendemain.
Le docteur [J] est décédé le soir même.
Le 14 avril 2008, le docteur [F] a effectué des soins sur la dent douloureuse, la 26, puis l'a extraite le 16 avril 2008.
Après le constat de douleurs pulsatiles, d'oedème post-opératoire ainsi qu'une sinusite purulente au niveau du sinus maxillaire gauche, le 14 mai 2008, le docteur [M] intervient en nettoyant l'infection et en recousant la plaie.
Lors de la réalisation d'un drainage des sinus, le 29 mai 2008, le docteur [O], ORL, constate une communication bucco-sinusienne qui sera fermée par le docteur [W], stomatologiste.
En raison de névralgies sous orbitaires persistantes, Mme [K] [G] est suivie au centre anti-douleur du centre hospitalier de [Localité 7].
Elle est placée en arrêt de travail du 17 avril 2008 au 29 janvier 2011. La qualité de travailleur handicapé lui est reconnue du 25 février 2011 au 24 février 2016. Le 24 avril 2012, elle fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude.
Le 23 août 2012, elle a saisi la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (la CRI).
Le 29 octobre 2012, le docteur [X] est désigné en qualité d'expert. Il a remis son rapport le 26 février 2013, dans lequel il conclut que Mme [K] [G] a été victime d'un accident médical non fautif. Par avis du 4 juillet 2013, la CRI a retenu les conclusions du docteur [X], et a invité l'ONIAM à présenter une offre d'indemnisation.
Le 7 novembre 2013, l'ONIAM a opposé un refus.
Le 10 mars 2014, Mme [K] [G] a fait assigner l'ONIAM et la CPAM d'[Localité 5] devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo, aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par ordonnance du 11 décembre 2014, le Juge de la mise en état, faisant droit à la demande de l'ONIAM, a ordonné une expertise judiciaire. Par ordonnance du 12 janvier 2017, le docteur [D] est nommé en qualité d'expert judiciaire, lequel s'adjoindra l'expertise d'un sapiteur neurologique, le docteur [U].
L'expert a déposé son rapport le 9 octobre 2017, concluant à un accident médical non fautif ainsi qu'à un lien direct entre la symptomatologie douloureuse et le soin dentaire d'avril 2008.
Par jugement du 1er juillet 2019, le tribunal a :
- condamné l'ONIAM à payer à Mme [K] [G] la somme de
80 873,65 euros au titre des préjudices patrimoniaux, outre la somme de
167 547,81 euros au titre des rentes capitalisées,
- condamné l'ONIAM à payer à Mme [K] [G] la somme de
62 236,80 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux,
- dit que la perte de droits à la retraite de Mme [K] [G] sont réservés,
- condamné l'ONIAM aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître N'Guyen, avocat,
- condamné l'ONIAM à payer à Mme [K] [G] la somme de 3 000
euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Le 2 août 2019, l'ONIAM a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 avril 2020, il demande à la cour de:
- le recevoir en ses écritures, les disant bien fondées,
À titre principal,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint- Malo en ce qu'il l'a condamné à prendre en charge les préjudices de Mme [K] [G],
- constater que les douleurs présentées par Mme [K] [G] existaient antérieurement aux interventions des 16 avril et 14 mai 2008,
- constater que l'imputabilité des douleurs aux interventions des 16 avril et 14 mai 2008 n'est pas rapportée,
- dire et juger que lien de causalité direct et certain prévu par l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique fait défaut,
- constater que les conditions d'intervention de la Solidarité nationale ne sont pas réunies,
En conséquence,
- le mettre hors de cause,
À titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo s'agissant du rejet des dépenses de santé actuelles et futures de Mme [K] [G], des sommes allouées à la patiente au titre des honoraires de médecin conseil et du déficit fonctionnel permanent, ainsi que de la réserve prononcée au titre de la perte de retraite,
- rejeter les prétentions indemnitaires de Mme [K] [G] au titre des frais de déplacement, de l'assistance par tierce personne temporaire et permanente, des pertes de gains professionnels actuels et futurs, de l'incidence professionnelle et du préjudice d'établissement,
- réduire les prétentions indemnitaires de Mme [K] [G], tel que développé précédemment :
* déficit fonctionnel temporaire : 4 665,60 euros,
* souffrances endurées : 11 459 euros,
- prendre acte que la CPAM d'[Localité 5] ne bénéficie d'aucun recours à son encontre,
- condamner Mme [K] [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de maître Stéphanie Preneux, avocat au barreau de Rennes, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2020, Mme [K] [T] épouse [G] demande à la cour de :
- la recevoir en ses écritures, les disant bien fondées,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo en ce qu'il a condamné l'ONIAM à prendre en charge ses préjudices,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo en ce qu'il lui a alloué :
* la somme de 1 047,34 euros au titre des frais de déplacement,
* la somme de 500 euros au titre des frais d'assistance par un médecin conseil,
* la somme de 157 860,36 euros au titre de l'assistance par une tierce personne,
* la somme de 6 706,80 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo et en ce qu'il a réservé l'indemnisation des pertes de droits à la retraite,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo s'agissant du rejet des dépenses de santé actuelles et futures et des sommes allouées au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire, des pertes de gains professionnels actuels et futurs, de l'incidence professionnelle, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'établissement,
Statuant de nouveau,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 46 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 51 941,35 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 33 841,67 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 1 380 euros au titre des dépenses de santé futures, outre le versement d'une rente annuelle viagère de 230 euros à capitaliser au jour de l'arrêt à intervenir par application du barème publié par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 49 144,56 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, outre le versement d'une rente annuelle de 8 546,88 euros jusqu'à l'âge de 62 ans à capitaliser au jour de l'arrêt à intervenir par application du barème publié à la Gazette du Palais le 15 septembre 2020,
- subsidiairement, condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 24 794,41 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, outre le versement d'une rente annuelle de 4 112,85 euros jusqu'à l'âge de 62 ans à capitaliser au jour de l'arrêt à intervenir par application du barème publié par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'établissement,
- condamner l'ONIAM au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'ONIAM au paiement des dépens de l'instance,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la CPAM d'[Localité 5].
La CPAM d'[Localité 5] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 12 novembre 2019.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En préliminaire, la cour rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'prendre acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
- Sur le droit à indemnisation.
Au soutien de son appel, l'ONIAM explique que son champ d'intervention est encadré par deux limites : la faute et l'évolution de l'état antérieur (échec thérapeutique). Il rappelle qu'au visa de l'article L 1142-1 II, le juge doit vérifier si un accident médical constitue bien la cause directe et certaine du préjudice. Il conteste tout lien de causalité entre les névralgies présentées par Mme [G] et les soins dentaires dont elle a bénéficié.
Il signale que :
- Mme [G] présentait des douleurs antérieures à l'acte du 16 avril 2008,
- Mme [G] dépeint ces douleurs comme identiques avant et après sa prise en charge dentaire,
- le mécanisme de la névralgie n'est pas décrit par les experts judiciaires.
Il produit un article de littérature médicale de 2007 sur la névralgie du trijumeau et soutient que les patients et les chirurgiens-dentistes confondent souvent les névralgies du trijumeau avec les douleurs dentaires.
En réponse, Mme [G] expose que les suites de l'extraction de la dent 26 sont douloureuses, car il s'est produit une alvéolite, et une communication entre la cavité buccale et le sinus maxillaire gauche. Elle fait état d'une sinusite purulente gauche nécessitant un drainage sous anesthésie générale, puis une fermeture de la communication bucco-sinusienne. Elle affirme que les douleurs présentes au niveau de l'hémiface gauche n'ont jamais cessé depuis l'extraction de la dent et se sont même aggravées.
Elle souligne que le dommage subi n'est pas imputable à une faute des professionnels de santé ayant assuré sa prise en charge et que ce dommage est anormal.
Elle considère qu'il existe un lien de causalité entre le dommage et les soins en cause.
En application de l'article 1142-1 II du code de la santé publique, la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.
La chronologie des faits est la suivante :
- en avril 2008, ayant mal aux dents, Mme [G] a consulté le docteur [J] qui lui a prescrit un anti-douleur et donné un rendez-vous pour le surlendemain,
- le 15 avril 2008, Mme [G] a consulté le docteur [F] pour une douleur à la pression sur la dent 26. Le docteur [F] a effectué des soins sur la dent douloureuse. Il a déposé la couronne sur la dent 26 et procède à un retraitement des racines. Le 16 avril 2008, le docteur [F] a extrait la dent 26 avec séparation des 3 racines Il a été noté que cette extraction a été difficile.
S'ensuivent des douleurs pulsatiles, un oedème et un engourdissement de la zone opérée.
Les 18, 23 avril et 2 mai 2008, le docteur [F] a renouvelé l'ordonnance de Solupred, a établi un devis prothétique et prescrit un bain de bouche.
- le 14 mai 2008, le docteur [M] intervient en ouvrant la plaie et pose des sutures après avoir constaté une alvéole très douloureuse suite à l'extraction de la dent 26, et suspecte une communication bucco-sinusienne.
- les 19, 23 et 29 mai 2008, le docteur [O] prend en charge Mme [G], sur prescription du docteur [H], pour des douleurs sous-orbitaires gauche depuis un mois suite à l'extraction; Il n'y a pas d'amélioration au niveau des douleurs ; il signale une communication bucco-sinusienne.,
- le 16 juin 2008, le docteur [W] procède à la fermeture de la communication bucco-sinusienne.
- le 4 février 2009, le docteur [O] note la persistance des douleurs alors que le problème dentaire est réglé
Le docteur [Z], de l'unité d'évaluation et de traitement de la douleur, fait état d'une douleur chronique rebelle post-opératoire vraisemblablement entretenue par le système sympathique.
Le docteur [C] signale le 10 novembre 2010 : névralgies dans le territoire du V2 gauche qui ont pour origine l'extraction traumatique du 16 avril 2008.
Aucune faute n'a été relevée dans les soins prodigués par les différents médecins.
Il apparaît que si l'alvéolite, la communication bucco-sinusienne et la sinusite sont des conséquences directes de l'acte opératoire, elles ne sont pas considérées comme rares. La névralgie chronique constitue une suite anormale de l'acte opératoire.
Selon le docteur [U], 'la douleur est très localisée au niveau de la pommette gauche, également de le joue. Elle n'irradie pas dans le front ni vers le maxillaire inférieur (...) La douleur est plutôt pulsatile(....) La patiente présente un fond douloureux permanent. Mme [G] présente une hypoesthésie très nette, au tact et à la piqûre, intéressant tout le territoire de la branche sous-orbiaire du trijumeau'.
Ainsi la douleur est localisée et correspond au territoire de la chirurgie dentaire.
L'ONIAM affirme mais sans le démontrer que la névralgie du trijumeau préexistait aux soins reçus par Mme [G].
En raison de la chronologie des soins rapportée ci-avant, de la localisation de la douleur, de l'absence d'autre étiologie, cette névralgie du trijumeau doit être considérée comme étant en lien direct et certain avec les soins dentaires sur la dent 26 réalisés par le docteur [F].
Ces douleurs ont aggravé la symptomatologie anxieuse et dépressive de la patiente.
L'ONIAM doit indemniser Mme [G] des préjudices consécutifs à cet accident médical non fautif.
- Sur le préjudice.
I. Les préjudices patrimoniaux.
L'ONIAM demande que seul le rapport d'expert judiciaire soit pris en compte et non pas le rapport de l'expert amiable qui ne lui est pas contradictoire.
Mme [G] indique que le juge peut se fonder sur un rapport d'expertise qui n'a pas été réalisé au contradictoire d'une partie dès lors qu'il a été versé au dossier.
La cour souligne qu'au visa de l'article 246 du code de procédure civile, les juges ne sont pas liés par les constatations et les conclusions d'un technicien et qu'ils peuvent évaluer un préjudice en fonction de tous documents versés au dossier en ce compris une expertise non contradictoire soumise à la discussion et corroborée par d'autres éléments probants.
Les préjudices patrimoniaux temporaires.
'Les dépenses de santé actuelles.
Les dépenses de santé sont les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation (on les retrouve dans les prestations en nature des organismes sociaux) et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie... etc).
Mme [G] demande le remboursement d'une somme de 46 euros au titre de l'absence de prise en charge par son organisme de sécurité sociale de ses consultations psychiatriques.
L'ONIAM conteste cette demande pour défaut de justificatif.
Mme [G] communique une pièce n° 16 dans laquelle le docteur [P], psychiatre-psychothérapeute, écrit : 'je soussigné certifie prendre en charge à partir de ce jour Mme [G] au travers d'un suivi qui doit se prolonger. 21 février 2012 (...) suivie d'une mention complémentaire 'Et ce toujours consultation 1 à 2 fois par mois. Le 8 janvier 2014.
Cette seule pièce est insuffisante pour déterminer le nombre de séance chez ce médecin avant la date de consolidation (le 23 mars 2012) et pour savoir si leur coût a été ou non pris en charge par un organisme social.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de ce chef de demande.
'Les frais divers.
Mme [G] fait état de frais de transport, à raison de 1 954 km, pour se rendre chez les médecins et chez les experts.
* L'ONIAM ne conteste pas l'existence des consultations médicales et des réunions d'expertise mais considère que Mme [G] ne justifie pas de ses frais de transport.
Le nombre de consultations médicales et de réunions d'expertise n'est pas contesté ni contestable.
Mme [G] est domiciliée à 71 km de [Localité 6] et justifie d'une carte grise automobile.
À raison d'une indemnité kilométrique de 0,536 euros, le préjudice de Mme [G] est évalué à 1 047,34 euros.
Le jugement est confirmé à ce titre.
* Les parties s'accordent sur la somme de 500 euros allouée par le premier juge au titre des honoraires du médecin conseil.
Le jugement est confirmé à ce titre.
* L'assistance par tierce personne.
Mme [G] retient une nécessité d'assistance par tierce personne à raison de 2 h par jour jusqu'à la consolidation.
L'ONIAM conteste la demande de Mme [G].
L'expert judiciaire a noté : selon le certificat du docteur [H], Mme [G] a dû se faire aider par sa famille pour gérer le quotidien de 2008 à 2011. Elle était donc en incapacité partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles.
Mme [N] [I], une amie de Mme [G], a attesté avoir aidé Mme [G] depuis 2009 dans 'les tâches du quotidien, les courses et le transport de ses enfants l'un à [Localité 4] l'autre à [Localité 7]'.
Mme [A], tante de Mme [G], précise, quand l'époux de Mme [G] ou Mme [I] ne sont pas disponibles, qu'elle prend le relai pour les enfants et les courses.
Le rapport du docteur [X] signale un recours à une assistance familiale d'environ 2 h par jour (2 fois une heure).
Ces éléments convergent pour souligner la nécessité d'une assistance par tierce personne même si l'expert judiciaire détaille peu cette assistance (il appartenait à l'ONIAM de solliciter auprès de l'expert des précisions).
En conséquence, à raison d'un taux horaire de 16 euros (en ce compris l'incidence des jours fériés et congés payés), le poste de préjudice est évalué à :
16 euros x 2 h x 1 438 jours = 46 016 euros
Le jugement est infirmé sur le montant.
'La perte de gains professionnels actuels.
Il s'agit d'indemniser la perte totale ou partielle des revenus de la victime avant la consolidation. L'évaluation est réalisée à partir des revenus déclarés à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt notamment, pour apprécier l'éventuelle diminution des revenus antérieurs pendant la période d'incapacité temporaire.
Mme [G] critique l'appréciation de la perte de ses revenus par le tribunal. Elle explique que l'arrêt de travail du 19 avril 2008 au 1er mars 2011 et le placement en invalidité sont imputables à l'accident médical.
L'ONIAM estime que le tribunal a commis des erreurs dans son raisonnement. Il discute l'imputabilité des arrêts de travail de Mme [G] aux interventions médicales et signale l'absence des avis d'impôt sur les revenus pour les années 2010 et 2011.
À titre subsidiaire, l'ONIAM soutient que Mme [G] a perçu un revenu supérieur à celui attendu.
La cour constate que Mme [G] a produit ses divers arrêts de travail.
L'expert a noté que Mme [G] avait été placée en arrêt de travail en raison du'fait dommageable' du 17 avril 2008 jusqu'au 29 janvier 2011.
L'imputabilité de ces arrêts de travail à l'accident médical ne peut être discutée.
Mme [G] a procédé à l'évaluation de ce préjudice en tenant compte du revenu de référence retenu par la CPAM alors que l'évaluation doit être réalisée sur les revenus réellement perçus.
En 2007, les revenus de Mme [G] ont été de 13 847 euros.
Elle aurait dû percevoir du 19 avril 2008 au 23 mars 2012 la somme de 54 477,51 euros (13 847/365 jours x 1436 jours).
Il appartient à Mme [G] de justifier de ses revenus pour la période du 19 avril 2008 au 1er mars 2011.
Mme [G] a perçu la somme de 25 295,58 euros au titre des indemnités journalières jusqu'au 1er mars 2011.
À compter du 1er mars 2011 jusqu'au 23 mars 2012 (date de la consolidation) elle a perçu une somme de 9 085,35 euros au titre de la pension d'invalidité.
De la lecture de ses avis d'imposition, il résulte qu'elle a perçu une somme de :
- 9 851,40 euros entre le 19 avril et le 31 décembre 2008
- 13 022 euros en 2009
- 13 212 euros en 2010
- 7 977 euros en 2011
Alors que la cour ne dispose pas des justificatifs des revenus pour l'année 2012, la totalité des sommes perçues concrètement par Mme [G] est supérieure à la somme de 54 477,51 euros.
Mme [G] est déboutée de cette demande.
Le jugement est infirmé à ce titre.
Les préjudices patrimoniaux permanents.
' Les dépenses de santé futures.
*Mme [G] soutient avoir bénéficié d'un suivi psychologique
L'ONIAM conteste la demande à défaut de justificatif.
Tout comme pour les dépenses de santé actuelles, Mme [G] ne justifie pas de l'absence de prise en charge des consultations chez un psychiatre par son organisme social complémentaire.
Mme [G] est déboutée de cette demande.
Le jugement est confirmé.
* Mme [G] précise que le traitement prothétique subi est en lien avec les conséquences dommageables sur la dent 26.
L'ONIAM s'oppose à cette demande.
Mme [G] produit aux débats un devis pour traitement prothétique en date du 4 février 2014 prévoyant une céramique pour la dent 26, un intermédiaire céramique pour la dent 25 et une céramique pour la dent 24.
Il résulte des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport d'expertise qu'au moment des soins du 16 avril 2008 :
- la dent 24 était absente,
- la dent 25 bénéficiait d'une couronne à incrustation vestibulaire.
Au surplus, Mme [G] ne démontre pas que le traitement sur la dent 26 présente un lien avec les préjudices invoqués.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de ce chef de demande.
' L'assistance par tierce personne.
Mme [G] demande la confirmation du jugement.
L'ONIAM indique qu'il ne ressort pas du rapport d'expertise judiciaire une nécessité de l'assistance par tierce personne.
Il fait état d'une erreur dans le calcul du préjudice par le tribunal.
L'expert judiciaire a repris un certificat du docteur [H] qui indique que Mme [G] a dû se faire aider par sa famille pour gérer le quotidien de 2008 à 2011.
Les pièces versées au dossier ne démontrent pas la nécessité de l'assistance d'une tierce personne après la consolidation de l'état de santé de Mme [G] soit le 23 mars 2012.
Mme [G] est déboutée de cette demande.
Le jugement est infirmé à ce titre.
' Les pertes de gains professionnels futurs.
Ce poste de préjudice vise à réparer les pertes de salaire à compter de la consolidation.
Mme [G] évalue ses pertes en prenant comme salaire de référence celui retenu par la CPAM.
L'ONIAM discute l'évaluation du premier juge et estime que Mme [G] n'a subi aucune perte de salaires professionnels futurs.
Il convient de souligner que Mme [G] utilise comme salaire de référence celui retenu par la CPAM, alors que ce revenu n'est pas le revenu réel de l'intéressée. Son raisonnement est donc à écarter.
La charge de la preuve des pertes de gains pèse sur Mme [G].
Le revenu de référence est 13 847 euros.
- Du 23 mars 2012 au 31 décembre 2017, elle aurait dû percevoir 80 009,10 euros.
Au regard des justificatifs produits, Mme [G] a perçu :
- une pension d'invalidité de 6 627 euros du 23 mars 2012 au 31 décembre 2012 (8 546,92 euros / 365 jours x 283 jours),
- une somme de 14 4110 euros en 2013,
- une somme de 17 818 euros en 2014,
- une somme de 14 411 euros en 2015,
- une somme de 14 417 en 2016,
- une somme de 14 441 euros en 2017,
soit un total de 81 824 euros, soit une somme supérieure à celle qu'elle aurait dû percevoir.
- A compter de 2018, Mme [G] aurait dû percevoir une somme de 13 847 euros.
À défaut de pièce justificative concernant cette période, il convient de prendre en compte le dernier revenu annuel soit 14 441 euros soit une somme supérieure au revenu de référence.
Mme [G] ne justifie pas d'une perte de gains professionnels futurs.
Elle est déboutée de sa demande à ce titre, en ce compris sa demande subsidiaire.
Le jugement est infirmé.
'L'incidence professionnelle.
Ce préjudice a pour but d'indemniser, non pas la perte de revenus liée à l'invalidité permanente, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle ou de l'augmentation de la fatigabilité au travail (même pour un faible taux d'incapacité), cette fatigabilité fragilisant la permanence de l'emploi et la concrétisation d'un nouvel emploi éventuel.
Mme [G] sollicite le paiement de la somme de 10 000 euros.
L'ONIAM s'oppose à cette demande à titre principal.
À titre subsidiaire, il évalue ce poste de préjudice à la somme de 2 000 euros.
Du fait de l'accident médical, Mme [G] a été licenciée pour inaptitude et placée en invalidité de catégorie II.
Ainsi la fiche d'aptitude mentionne : '2ème visite art R4624-31 du code du travail. Inaptitude définitive au poste de travail antérieurement occupé. Serait éventuellement apte à un poste de travail ne comportant pas d'exposition au bruit, de charge mentale, de confrontation avec la souffrance et d'activités de soins'.
De même, l'expert judiciaire a précisé : 'cependant les suites de l'acte médical (avulsion de la dent 26) ont eu des conséquences extrêmement préjudiciabe sur la personne de Mme [G]. Ensuite l'expert liste l'arrêt de travail, la pension d'invalidité et le licenciement.
L'incidence professionnelle est donc caractérisée.
C'est par une juste appréciation que le premier juge a évalué cette incidence à la somme de 7 000 euros.
' La perte des droits à la retraite.
L'ONIAM et Mme [G] sollicitent la confirmation de jugement en ce qu'il a réservé ce poste de préjudice.
II. Les préjudices extrapatrimoniaux.
Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires.
'Le déficit fonctionnel temporaire.
Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire. C'est l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation.
Mme [G] demande la confirmation du jugement.
L'ONIAM conclut à la réduction de la somme allouée.
L'expert a précisé une période de gêne fonctionnelle totale pendant les 5 jours d'hospitalisation, et une période de gêne fonctionnelle partielle de 20% du 16 avril 2008 au 23 mars 2012.
C'est par une juste appréciation que le premier juge a évalué ce préjudice à la somme de 6 706,80 euros.
'Les souffrances endurées.
Ce préjudice comprend les souffrances tant physiques que morales pendant la maladie traumatique jusqu'à la consolidation.
L'ONIAM considère que la somme allouée par le premier juge est excessive.
La somme de 16 000 euros telle qu'allouée par le premier juge indemnise très exactement ce chef de préjudice.
Les préjudices extra-patrimoniaux permanents.
'Le préjudice fonctionnel permanent.
Il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel. Il s'agit d'un déficit définitif, après consolidation, c'est à dire que l'état de la victime n'est plus susceptible d'amélioration par un traitement médical adapté.
Ce déficit est constitué de la perte de la dent, d'un trouble unilatéral de l'articulation temporo-mandibulaire, de la douleur permanente ressenti.
Mme [G] réclame le paiement d'une somme de 60 000 euros.
L'ONIAM demande la confirmation du jugement en ce qu'il a accordé la somme de 37 030 euros au titre de ce chef de préjudice.
En fonction du taux de déficit et l'âge de Mme [G] au moment de sa consolidation, il est alloué à Mme [G] une somme de 56 695 euros.
Le jugement est infirmé.
' Le préjudice d'établissement.
Mme [G] indique qu'elle n'a pas pu poursuivre une grossesse en 2009 en raison des conséquences de l'accident médical et notamment des traitements anti-douleurs ainsi que d'un état anxio-dépressif en résultant.
Elle affirme qu'un prêt immobilier lui a été refusé en raison de son invalidité
L'ONIAM conteste ce préjudice en indiquant que l'interruption de grossesse en 2009 est en lien avec l'état dépressif de Mme [G] et pas avec un traitement anti-douleur. Il prétend que Mme [G] a déjà eu deux enfants.
Concernant le refus de prêt immobilier, l'ONIAM indique qu'il n'est pas établi que ce refus soit lié à son invalidité.
Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale «normale» en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation : il s'agit de la perte d'une chance de se marier, de fonder une famille, d'élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l'obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial.
Dans le cas présent, Mme [G] a une famille et peut continuer à avoir des projets.
Si le fait de supporter un traitement médicamenteux est contre indiqué dans le cadre d'une grossesse, le préjudice d'établissement tel que prévu par la jurisprudence n'est pas établi.
Le lien entre le refus de prêt immobilier et l'état de santé de Mme [G] n'est pas établi par les pièces versées au dossier;
Mme [G] est déboutée de sa demande. Le jugement est infirmé à ce titre.
- Sur les autres demandes.
Mme [G], ayant partiellement succombé en son appel incident, est déboutée de sa demande en frais irrépétibles.
Chaque partie ayant succombé, elles supporteront chacune la moitié des dépens d'appel, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions concernant :
- l'assistance par tierce personne temporaire,
- la perte de gains professionnels actuels,
- l'assistance par tierce personne permanente,
- les pertes de gains professionnels futurs,
- le déficit fonctionnel permanent,
- le préjudice d'établissement,
- le montant total des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ;
Statuant à nouveau,
Fixe le préjudice né de l'assistance par tierce personne temporaire à la somme de 46 016 euros ;
Déboute Mme [G] de sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels ;
Déboute Mme [G] de sa demande au titre de l'assistance par tierce personne permanente ;
Déboute Mme [G] de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs ;
Fixe le préjudice fonctionnel permanent à la somme de 56 695 euros ;
Déboute Mme [G] de sa demande au titre du préjudice d'établissement;
Condamne l'ONIAM à payer à Mme [G] la somme de 54 563,34 euros au titre des préjudices patrimoniaux ;
Condamne l'ONIAM à payer à Mme [G] la somme de 79 401,80 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux ;
Y ajoutant,
Juge la décision commune et opposable à la CPAM d'[Localité 5] ;
Déboute Mme [G] de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne Mme [G] et l'ONIAM, chacun, à la moitié des dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente