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07/12/2022 | FRANCE | N°19/04575

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 07 décembre 2022, 19/04575


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/04575 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P5KT













URSSAF BRETAGNE



C/



Société [B] [5]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/04575 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P5KT

URSSAF BRETAGNE

C/

Société [B] [5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogations du délibéré initialement fixé au 9 novembre 2022, date indiquée à l'issue des débats, puis 23 novembre 2022 ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 10 Mai 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de RENNES - Pôle Social

Références : 15/01290

****

APPELANTE :

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Mme [K] [G] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

La Société [6] SAS, venant aux droits de la société [B] [5] venant aux droits de la société DANIEL TP,

[Adresse 10]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-Gaëlle LECLAIR de la SELARL CABINET MEUNIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires 'AGS', opéré par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne (l'URSSAF) sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la société Daniel TP s'est vue notifier une lettre d'observations du 21 mai 2015 portant sur cinq chefs de redressement.

Par lettre du 25 juin 2015, la société Daniel TP a formulé des observations sur le chef de redressement « déduction forfaitaire spécifique ».

En réponse, par lettre du 16 juillet 2015, l'inspecteur a maintenu le chef de redressement.

L'URSSAF a notifié une mise en demeure du 1er octobre 2015 pour avoir paiement de 11 422 euros représentant les cotisations notifiées dans la lettre d'observations et les majorations de retard y afférentes.

Par lettre du 28 octobre 2015, la société Daniel TP a saisi la commission de recours amiable de l'organisme.

Le 10 décembre 2015, en l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes.

Par décision du 7 juillet 2016, la commission a maintenu le redressement appliqué à la déduction forfaitaire spécifique.

Par jugement du 10 mai 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes, a :

- annulé la lettre d'observations du 21 mai 2015 et le redressement notifié à la société ;

- constaté que la société [B] [5], venant aux droits de la société Daniel TP, a procédé au règlement du redressement ;

- ordonné à l'URSSAF de rembourser les sommes réglées par la société ;

- condamné l'URSSAF à payer à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'URSSAF aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration adressée le 5 juillet 2019, l'URSSAF a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 17 juin 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 26 octobre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, elle demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable ;

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- confirmer la régularité de la lettre d'observations du 21 mai 2015 ;

- confirmer le bien-fondé du chef de redressement relatif à la déduction forfaitaire spécifique pour la somme de 3 577 euros ;

- prendre acte que la société [B] [5] (venant aux droits de la société Daniel TP) a procédé au paiement de l'entier redressement ;

- condamner la société [B] [5] (venant aux droits de la société Daniel TP) au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes et prétentions.

Par ses écritures parvenues par RPVA le 20 juillet 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société [6] SAS, venant aux droits de la société [B] [5] demande à la cour de :

In limine litis :

- constater l'irrecevabilité de l'appel interjeté par l'URSSAF ;

- dire et juger irrecevable l'appel interjeté par l'URSSAF ;

- débouter l'URSSAF de ses entières demandes ;

- confirmer le jugement entrepris ;

* annuler le chef de redressement n°1 afférent à l'annualisation de la réduction Fillon pour un montant de 5 012 euros ;

* annuler le chef de redressement n°5 afférent à la déduction forfaitaire spécifique pour un montant de 3 577 euros ;

* annuler les majorations de retard afférentes aux chefs de redressement n°1 (annualisation de la réduction Filon) et n°5 (déduction forfaitaire spécifique) ;

* ordonner à l'URSSAF le remboursement des redressements ainsi notifiés et contestés ;

* ordonner à l'URSSAF le remboursement des majorations de retard y afférentes ;

- infirmer le jugement entrepris :

* condamner l'URSSAF au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner l'URSSAF aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Comme l'a jugé la Cour de cassation, (notamment 2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673), en application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant. L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.

Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, dans sa rédaction issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017 :

« La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »

À la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

Au cas particulier, la déclaration d'appel porte les références : « Jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Rennes en date du 10 mai 2019 ; recours n° RG 15/ 01290 ; société Daniel TP/URSSAF Bretagne ».

L'URSSAF indique notamment qu'elle entend interjeter appel total de ce jugement par lequel le tribunal a annulé la lettre d'observations du 21 mai 2015 et le redressement notifié à la société [B] TP devenue [B] [5] (venant aux droits de la société Daniel TP)

Les énonciations de la déclaration d'appel ne sont pas contredites par l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions de l'appelante et soutenues à l'audience.

La cour ne saurait opposer à l'appelante des règles procédurales tatillonnes de nature à la priver de son droit à un recours effectif.

Il sera pris acte de ce que dans ses dernières écritures, l'intimée se présente comme étant désormais la société [6] SAS, dont le siège social se situe [Adresse 10], immatriculée sous le numéro

[N° SIREN/SIRET 4].

Elle déclare venir aux droits de la société [B] [5], immatriculée également sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4], dont le siège se situe [Adresse 8], laquelle vient aux droits de la société Daniel TP, dont le siège social se situe [Adresse 8].

De l'extrait KBIS au 5 janvier 2022 versé au dossier (pièce 16 des productions de l'intimée) il doit être retenu que la société [6] qui est en effet immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4] a son siège social et son principal établissement [Adresse 9], adresse à laquelle la société Daniel TP a reçu la lettre d'observations, société qui a été exploitée sous l'enseigne « [B] [5] ».

L'établissement sis « [Adresse 11] » exploité sous l'enseigne « Daniel TP / [B] [5] » et qui avait pour activité « Terrassements, travaux publics » et pour numéro unique d'identification le [N° SIREN/SIRET 3], a été acquis le 1er janvier 2014 pour le prix de 37 973 euros.

Le numéro SIRET de cette branche d'activité est bien le [N° SIREN/SIRET 3] soit le numéro rappelé sur la lettre d'observations du 21 mai 2015, reçue le 26 mai 2015 par la société Daniel TP.

C'est bien ce numéro SIRET qui est porté en référence de la lettre de saisine du tribunal par M. [Y] [B], ès qualités de président de la société par actions simplifiée Daniel TP.

A supposer que, comme le soutient l'appelante, la société Daniel TP et la société [B] [5] seraient deux personnes morales distinctes, alors il conviendrait d'en déduire que la société [B] n'avait pas qualité pour poursuivre devant le pôle social la contestation initiée le 21 septembre 2016 par la société Daniel TP.

Il s'ensuit que le moyen tendant à faire déclarer l'appelant irrecevable en son appel sera rejeté.

Sur les chefs de redressement contestés

Les premiers juges ont annulé les chefs de redressement dont s'agit en faisant droit aux moyens de la société qui soutenait qu'elle n'avait pas été en mesure de connaître, à la lecture de la lettre d'observations les erreurs commises, ni de vérifier la réalité de ces erreurs et ni éventuellement d'en contester le bien-fondé.

Sur le chef de redressement « Annualisation de la réduction Fillon : détermination du coefficient »

Sur la recevabilité de la contestation de ce chef de redressement

A l'occasion de son recours juridictionnel, l'employeur qui conteste un redressement peut invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable (2° Civ., 18 mai 2020, pourvoi n° 19-12.597 ; 2e Civ., 30 novembre 2017, pourvoi 16-25.781 ; 2e Civ., 14 septembre 2006, pourvoi n° 05-10.919) à condition toutefois qu'ils concernent les chefs de redressement préalablement contestés (2° Civ., 24 septembre 2020 pourvoi n° 19-15.070).

Lorsqu'une société a contesté devant la commission de recours amiable la totalité des redressements dont elle avait fait l'objet, il importe peu que cette

contestation n'ait été motivée que sur l'un des chefs du redressement et en cas de rejet de la réclamation, la voie du recours contentieux lui est ouverte pour les autres (2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n°16-22.242 ; 2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n°13-12.329 ; Soc, 16 mai 2002, pourvoi n° 00-17.049; Soc 25 janvier 1989, pourvoi n° 86-11.940).

L'étendue de la saisine de la commission de recours amiable se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation (2e Civ., 12 mars 2020, pourvoi n° 19 13422 ; 2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n°16-12.242).

La société qui a saisi la commission de recours amiable afin de « contester le bien fondé du redressement notifié dans son intégralité » ne saurait se voir opposer aucune fin de non recevoir tirée de ce qu'elle n'a développé de moyens qu'au soutien de l'annulation du redressement du chef de la déduction forfaitaire spécifique.

Il s'ensuit que la contestation relative au redressement de la « réduction Fillon » est recevable.

Sur la régularité et le bien-fondé du redressement opéré

Pour ce chef de redressement, l'inspecteur a rappelé :

- que les textes applicables en la matière étaient l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale et l'article D. 241-7 du même code ;

- les références de la circulaire interministérielle (DSS/2011/34 du 27 janvier 2011) ;

- que les dispositions de la loi 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 intègrent la rémunération afférente aux heures supplémentaires et complémentaires dans la rémunération servant au calcul du coefficient d'allégement afin d'assurer une égalité de traitement entre les employeurs, que la rémunération soit ou non composée d'heures supplémentaires ou complémentaires ;

- que le calcul de la réduction s'effectue selon la formule antérieure mais en substituant au numérateur et au dénominateur les valeurs annuelles du SMIC et de la rémunération en lieu et place de la valeur mensuelle,

- que le montant de la réduction reste maximal (26 % pour les employeurs de plus de 19 salariés et 28,10 % pour ceux de un à 19 salariés) pour un salarié rémunéré toute l'année au SMIC ;

- les modalités de calcul à compter du 1er janvier 2012, le montant de la réduction étant égal au produit de la rémunération annuelle par un coefficient déterminé en fonction du rapport entre le SMIC calculé pour un an et la rémunération annuelle du salarié, en tenant compte des paramètres suivants :

- entreprise de plus de 19 salariés (jusqu'au 31 décembre 2012)

- entreprise d'au moins 20 salariés (à compter du 1er janvier 2013)

(0,260/0,6) X 1,6 X (SMIC calculé pour un an/rémunération annuelle brute) -1)

- le coefficient est arrondi à quatre décimales au dix millième le plus proche.

Pour retenir une réduction de 2 174 euros calculée en excès sur l'année 2012 et une réduction de 2 838 euros calculée en excès sur l'année 2013, l'inspecteur a retenu que l'examen des documents sociaux lui avait permis de relever une anomalie quant à l'application des réductions sur la période contrôlée en cas d'absence non rémunérée.

Il a relevé qu'à la suite d'une erreur de paramétrage, le coefficient applicable dans la formule de calcul avait été majoré, en sorte que les réductions correspondantes avaient été augmentées à tort, le conduisant à procéder à la régularisation pour un montant total de 5 012 euros.

Pour annuler le chef de redressement dont s'agit, les premiers juges ont retenu que la lettre d'observations ne permettait pas à la société d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation dès lors qu'elle était totalement muette sur l'erreur de paramétrage en cause et sur le mode de calcul de la régularisation, soulignant que le nombre de salariés et leur identification constituaient le seul élément permettant de connaître les modalités de calcul de l'annulation des réductions Fillon en fonction des absences constatées.

Selon les dispositions de l'article R. 243-59, alinéa 5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés (...) ».

En l'espèce, il convient de retenir que pour permettre à la société de comprendre la cause, la nature et l'étendue de son obligation, il n'était pas nécessaire que l'inspecteur donne plus de précisions qu'il ne l'a fait dès lors qu'il a rappelé les modalités selon lesquelles la réduction devait être calculée et précisé sur quelles rémunérations portait l'erreur qu'il avait constatée, à savoir les absences non rémunérées. La société était donc en mesure de connaître l'assiette des rémunérations prises en compte pour procéder au redressement.

Sont inopérants les griefs tenant à ce que l'inspecteur n'a pas indiqué la nature des erreurs commises, le nombre des erreurs commises, les salariés concernés par les erreurs et les mois concernés par ces erreurs.

Sans ajouter à ses obligations, on ne saurait obliger l'inspecteur à rechercher et à détailler l'erreur de paramétrage commise par l'employeur ou à donner l'identité des différents salariés dont les rémunérations sont à l'origine du redressement.

Pour procéder au redressement, il lui suffisait de comparer, à partir de la masse salariale, le montant de la réduction calculée par l'employeur avec le montant de la réduction à laquelle lui-même aboutissait, en appliquant les principes qu'il rappelait, lesquels ne sont en l'espèce pas contestés.

Il appartient à la société de démontrer qu'elle a correctement appliqué le coefficient de réduction auquel elle pouvait prétendre, ce qu'elle ne fait pas.

Il s'ensuit que la société sera déboutée de sa demande tendant à ce que soit annulé le chef de redressement n°1 afférent à l'annualisation de la réduction Fillon pour un montant de 5 012 euros.

Sur le chef de redressement « Frais professionnels - déduction forfaitaire spécifique - conditions d'accès aux ouvriers du bâtiment »

Pour procéder à ce chef de redressement, l'inspecteur a retenu que l'examen des documents sociaux avait permis de constater que les conducteurs de travaux ont bénéficié de la déduction forfaitaire spécifique sur la période contrôlée mais que leur présence effective, permanente et exclusive sur les chantiers n'a pas pu être justifiée par l'employeur.

Sur l'accord implicite résultant d'un précédent contrôle

L'URSSAF fait valoir à juste titre que l'intimée ne peut se prévaloir d'un accord implicite relativement au chef de redressement portant sur la déduction forfaitaire spécifique en excipant du contrôle auquel la SAS [B] a été soumise en 2013, s'agissant d'employeurs différents.

Au sens des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, si l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, c'est à la condition que le précédent contrôle ait eu lieu dans la même entreprise ou le même établissement.

En l'espèce, il convient de relever que la lettre d'observations adressée à la SAS [B] et qu'elle a reçue le 15 octobre 2013 (pièce 7 des productions de l'intimée) est relative à un établissement dont le numéro SIRET est le [N° SIREN/SIRET 4] tandis que la lettre d'observations objet du présent litige est relative à un établissement dont le numéro SIRET est le [N° SIREN/SIRET 3].

En l'absence d'identité entre les deux identités contrôlées, la société ne peut se prévaloir d'un accord tacite de l'URSSAF.

Sur le bien-fondé du redressement opéré

La lettre d'observations rappelle exactement le principe d'assujetissement des rémunérations défini à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et l'exclusion portant sur les sommes représentatives de frais professionnels lorsqu'elles respectent les conditions et limites fixées par arrêt interministériel.

Seules les professions listées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique, dans la limite de 7 600 euros, par application des dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005.

Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est lié à l'activité professionnelle du salarié et non à l'activité générale de l'entreprise.

Les salariés dont l'activité correspond précisément à la définition de l'article 5 de l'annexe IV du code précité bénéficient de plein droit de l'abattement. En cas de doute, l'employeur doit être à même de justifier d'une décision explicite de l'administration fiscale.

La circulaire du 4 août 2005 modifiant la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 précise que « le champ des professions concernées est celui qui avait été déterminé, sur la base des interprétations ayant fait l'objet d'une décision spéciale de la direction de la législation fiscale ou de la direction de la sécurité sociale avant le 1er janvier 2001. »

L'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts prévoit une déduction forfaitaire spécifique de 10 % pour les « ouvriers du bâtiment visés au paragraphe 1er et 2 de l'article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier ».

Il résulte de l'article 5 de l'annexe IV précité et de la doctrine fiscale qu'ouvrent également droit à cet abattement, dans la mesure où ils ne travaillent pas en usine ou en atelier et où ils n'ont la qualité ni de fonctionnaires ni d'agents de collectivités publiques, notamment :

- les agents de maîtrise ou cadres travaillant sur les chantiers,

- les agents de maîtrise et cadres du secteur privé travaillant de façon constante sur les chantiers : chefs de chantier, conducteurs de travaux, commis de ville, ingénieurs.

Il peut être admis que peuvent prétendre à la déduction forfaitaire supplémentaire les ouvriers occupés dans l'entreprise que leur service appelle d'une façon régulière sur les chantiers et qui ont à supporter de ce fait des dépenses professionnelles sensiblement aussi élevées que celles des ouvriers travaillant exclusivement au dehors.

S'agissant des conducteurs de travaux, cette catégorie d'emplois figure bien sur la liste ouvrant droit à la déduction forfaitaire spécifique mais à la condition qu'il soit établi qu'ils travaillent de façon constante sur les chantiers.

C'est à l'employeur qui entend bénéficier de cette déduction de rapporter la preuve que les conditions en sont réunies.

Au cas particulier, au cours de ces opérations, l'inspecteur a constaté que la présence effective, permanente et exclusive sur les chantiers des conducteurs de travaux n'ayant pas pu être justifiée par l'employeur il a procédé au redressement.

Force est bien de relever que la pièce annexée à la lettre d'observations versée au dossier concerne le point quatre du redressement (l'assiette minimum conventionnelle) et non le point cinq relatif à la déduction forfaitaire spécifique, en sorte qu'aucune déloyauté dans l'administration de la preuve ne peut être retenue à l'encontre de l'URSSAF ainsi que l'avaient souligné les premiers juges.

Si la société a contesté ce chef de redressement pendant la phase contradictoire (pièce 2 des productions de l'appelante) c'est en affirmant que « les salariés en bénéficiant remplissent l'ensemble des conditions requises, compte tenu de l'exercice de leurs fonctions ».

De la réponse de l'inspecteur du 16 juillet 2015 (pièce trois des productions de l'appelante) il résulte qu'aucun document justificatif n'avait été joint à cette contestation, en sorte que la contestation n'a été soutenue par aucune offre de preuve.

Dès lors que la cotisante n'a pas produit, lors des opérations de contrôle, les éléments nécessaires à la vérification de l'application de l'exclusion de l'assiette de cotisations, c'est à bon droit que l'inspecteur a procédé au redressement s'agissant des conducteurs de travaux. (2e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.035 et n°19-19.395).

Il s'ensuit que la société sera déboutée de sa demande tendant à ce que soit annulé le chef de redressement n°5 afférent à la déduction forfaitaire spécifique pour un montant de 3 577 euros.

Sur la demande de remboursement et l'annulation des majorations de retard

Les deux chefs de redressement querellés n'étant pas annulés, il s'ensuit que la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a annulé la lettre d'observations et ordonné à l'URSSAF de rembourser les sommes réglées par la société.

La société sera en outre déboutée de sa demande tendant à ce que soient annulées les majorations de retard afférentes aux chefs de redressement n°1 (annualisation de la réduction Filon) et n°5 (déduction forfaitaire spécifique).

Les redressements dont s'agit n'étant pas annulés, cette demande est sans objet, étant observé en tout état de cause qu'en cette matière la cour est dépourvue de pouvoir juridictionnel.

Il s'ensuit que de ce chef la décision entreprise sera encore infirmée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La décision entreprise sera également infirmée en ce qu'elle a condamné l'URSSAF à payer à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, il sera alloué à l'URSSAF une indemnité de 1 000 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare l'appel de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales Bretagne recevable ;

Déclare la contestation relative au redressement de la « réduction Fillon » recevable ;

Déboute la société [6] SAS de sa demande d'annulation du chef de redressement n°1 afférent à l'annualisation de la réduction Fillon pour un montant de 5 012 euros ;

Déboute la société [6] SAS de sa demande d'annulation du chef de redressement n°5 afférent à la déduction forfaitaire spécifique pour un montant de 3 577 euros ;

Infirme le jugement du 10 mai 2019 du pôle social du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a :

-annulé la lettre d'observations du 21 mai 2015 et le redressement notifié à la société ;

- ordonné à l'URSSAF de rembourser les sommes réglées par la société ;

- condamné l'URSSAF à payer à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'URSSAF aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la société [6] SAS de sa demande de remboursement des redressements notifiés et contestés ;

Déboute la société [6] SAS de sa demande de remboursement des majorations de retard y afférentes ;

Condamne la société [6] SAS à verser à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [6] SAS aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/04575
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.04575 ?
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